Translate

lundi 28 août 2017

Retour à Saint Théodore

Je suis revenue ce matin au monastère saint Théodore, après avoir échangé la veille avecune fille spirituelle du père Séraphin de Valaam. Elle semble être une moniale selon mon cœur, avec le type de spiritualité que je recherche, dans le style de mon amie mère Geneviève, une autre excentrique de Dieu. Elle m’a demandé pourquoi je m’étais exilée en Russie alors qu’on pouvait prier partout et que partout les gens avaient besoin de secours spirituel. En effet, et c’est pourquoi j’ai longtemps hésité à partir, malgré mon amour de la Russie. Qu’en reste-t-il, de la Russie, me demande-t-elle, le père Séraphin lui-même dit que la société russe est profondément malade. Oui, elle est malade, moins que la nôtre, mais elle est malade, quelle est la société, aujourd’hui qui ne l’est pas ? D’affreux processus de décomposition sont à l’oeuvre partout, les démons se déchaînent de tous les côtés à la fois, et la Russie est prise entre les libéraux qui veulent la vendre, et les staliniens, qui la confondent avec l’Union Soviétique, crachent sur les tombes des victimes des répressions et des martyrs, se déchaînent sur les orthodoxes et le tsar Nicolas. J’ai l’impression que je suis ici pour faire le lien entre la France et la Russie, pour dire aux uns qu’ici, ce n’est pas ce qu’ils croient, et aux autres que là bas, ce n’est pas ce qu’ils imaginent.  Pour montrer aux Russes qu’on peut faire la démarche d’aimer la sainte Russie jusqu’à partir pour en rejoindre les derniers vestiges, car en son idéal survit celui de la vieille France, celle qui s’est égarée jusqu’à donner aux nations d’Europe l’exemple du régicide, suivi du génocide, du reniement et de l’apostasie, déplorable exemple si largement suivi.
Sœur Larissa m’a reçue avec beaucoup de chaleur, et j’ai déjeuné, comme d’habitude, au réfectoire, avec tout un tas de grand-mères. Puis je suis allée rejoindre mon amie monastique dans le petit café où elle vend le dimanche des produits du monastère.  Elle me montre sur son téléphone une vidéo : quatre avions de chasse russes se séparent dans le ciel, et la vapeur de leur sillage dessine peu à peu un ange immense, dans l’azur. Des lettres s’affichent : Dieu est avec nous. Elle me fait l’apologie du monachisme : nous allons au monastère non parce que nous sommes déçus par la vie, mais parce que nous aimons Dieu et que le monde nous disperse, nous vole à nous-mêmes, le monachisme, c’est le diamant de la chrétienté, regarde ces moines, regarde ces visages… » Et elle fait défiler des portraits sur son téléphone. Entre l’adorable petite novice Yefrossinia qui vient s’enquérir de quelque chose et repart aussitôt. «Elle est toute jeune, dis-je
- Elle a dix-neuf ans.
- A Solan aussi, il y a une toute jeune novice qui voulait devenir moniale depuis son enfance, et elle a le même air de pureté…
- C’est la volonté de Dieu. Un saint starets a vu Yefrossinia dans son enfance, et il a dit : elle sera moniale.
- Et elle, qu’est-ce qu’elle en pensait ?
- Que veux-tu qu’elle en pense, quand c’est la volonté de Dieu ? Tu as vu quelle pureté est la sienne ? »
En effet, la pureté de Yefrossinia est évidente, comme celle de la jeune Raphaëlle,  à Solan, dont la mère Hypandia dit justement que c’est « une belle petite âme ». Il y a semble-t-il des êtres prédestinés en lesquels Dieu se mire comme dans une source.  Saint Porphyre était parti en secret à douze ans au mont Athos…
En rentrant, j’ai trouvé sur Facebook, et traduit, un post du père Vladimir Viguilianski, à l’occasion de la Dormition que nous fêtions aujourd’hui. Il s’agit de témoignages, dont l’un est direct, sur l’apparence de la Mère de Dieu :

L’IMAGE DE LA MERE DE DIEU
Le saint prêtre martyr et évêque d’Athènes Denys l’Aéropagite (+ en 96 dans les Gaules) dans une lettre à l’apôtre Paul :
« Je témoigne par Dieu qu’à part Dieu lui-même, il n’y a rien dans tout l’univers qui soit empli à ce point de force divine et de grâce. Aucun homme ne peut concevoir par l’esprit ce que j’ai vu. Je le confesse devant Dieu : quand que je fus amené par Jean, qui rayonne parmi les apôtres comme le soleil dans le ciel, devant la personne de la Très Sainte Vierge, j’ai éprouvé un sentiment indicible. Devant moi brillait une sorte de rayonnement divin. Il illuminait mon esprit. Je sentais le parfum d’aromates indescriptibles et j’étais empli d’un tel enthousiasme que ni mon faible corps ni mon esprit ne pouvaient supporter ces signes et ces prémices de la béatitude éternelle et de la gloire Céleste. Mon cœur défaillait sous l’effet de sa grâce, mon esprit aussi. Si je n’avais pas eu en mémoire tes préceptes, je l’aurais considérée comme le vrai Dieu. On ne peut pas se représenter de plus grande béatitude que celle que j’ai ressentie alors. »
Le saint prêtre martyr Ignace le Théophore, évêque d’Antioche (+ 107 à Rome) :

« Tout le monde sait chez nous que la Mère de Dieu toujours vierge est emplie de grâce et de toutes les vertus. On raconte que pendant les persécutions et les malheurs, elle était toujours gaie ; dans le besoin et la pauvreté, elle ne s’affligeait pas ; non seulement elle ne s’irritait pas contre ceux qui l’offensaient, mais les comblait de bienfaits ; elle était humble dans la prospérité ; elle faisait la charité aux pauvres et les aidait comme elle pouvait ; dans la vertu, elle était un exemple et incitait à toute bonne action. Elle aimait particulièrement les humbles, car elle était elle-même pleine d’humilité. Ceux qui l’ont vue ne tarissent pas d’éloges. Ceux qui nous ont parlé d’elle sont des gens parfaitement dignes de foi qui nous ont dit que dans sa sainteté, la nature des anges et celle des hommes s’unissaient visiblement. »



ОБЛИК ПРЕСВЯТОЙ БОГОРОДИЦЫ
Два года назад я опубликовал известные два свидетельства современников Матери Божией, и одно – церковного историка 14 века, который собирал народные предания об облике Пресвятой Богородицы. Оказалось, что многие читатели впервые от меня узнали эти свидетельства. Повторяю эту публикацию.
Священномученик, епископ Афинский, Дионисий Ареопагит († ок. 96 г., Галлия) в письме к апостолу Павлу:
«Свидетельствуюсь Богом, что, кроме Самого Бога, нет ничего во вселенной, в такой мере исполненного Божественной силы и благодати. Никто из людей не может постигнуть своим умом то, что я видел. Исповедую пред Богом: когда я Иоанном, сияющим среди апостолов, как солнце на небе, был приведен пред лицо Пресвятой Девы, я пережил невыразимое чувство. Предо мною заблистало какое-то Божественное сияние. Оно озарило мой дух. Я чувствовал благоухание неописуемых ароматов и был полон такого восторга, что ни тело мое немощное, ни дух не могли перенести этих знамений и начатков вечного блаженства и Небесной славы. От Ее благодати изнемогло мое сердце, изнемог мой дух. Если бы у меня не были в памяти твои наставления, я бы счел Ее истинным Богом. Нельзя себе и представить большего блаженства, чем то, которое я тогда ощутил».
Священномученик Игнатий Богоносец, епископ Антиохийский († 107 г., Рим):
«У нас все знают, что Приснодевственная Матерь Божия исполнена благодати и всех добродетелей. Рассказывают, что Она в гонениях и бедах всегда бывала весела; в нуждах и нищете не огорчалась; на оскорбляющих Ее не только не гневалась, но даже благодетельствовала им; в благополучии кротка; к бедным милостива и помогала им, как и чем могла; в благочестии — учительница и на всякое доброе дело наставница. Она особенно любила смиренных, потому что Сама исполнена была смирения. Много похвал воздают ей видевшие Ее. О ней рассказывали нам люди, достойные всякого вероятия, что, по Ее святости, видимо в ней соединились естество ангельское с человеческим».
Никифор Каллист Ксанфопул († ок. 1350 г.), церковный историк, монах Софийского монастыря в Константинополе собирал свидетельства об облике Пресвятой Богородицы:
«Она была роста среднего, или, как иные говорят, несколько более среднего; волосы златовидные; глаза быстрые, с зрачками, как бы цвета маслины; брови дугообразные и умеренно черные, нос продолговатый; губы цветущие, исполненные сладких речей; лицо не круглое и не острое, но несколько продолговатое; руки и пальцы длинные... Она в беседе с другими сохраняла благоприличие, не смеялась, не возмущалась, особенно же не гневалась; совершенно безыскусственная, простая, Она нимало о Себе не думала, и далекая от изнеженности, отличалась полным смирением. Относительно одежд, которые носила, Она довольствовалась естественным цветом их, что еще и теперь доказывает священный головной покров Ее. Коротко сказать: во всех Ее действиях обнаруживалась особенная благодать»
Поздравляю всех вас с Богородичной Пасхой – Успением Пресвятой Богородицы!

samedi 26 août 2017

Retour au café la Forêt

Menu du café la Forêt
Depuis que je suis arrivée, je n'avais pas remis les pieds dans mon café préféré, car j'évite le sucre (le sucre ou les neurones, il faut choisir). Mais aujourd'hui, j'ai décidé qu'il était temps d'y retourner.
J'ai été accueillie à bras ouverts par Gilles et Lika, j'en suis même touchée. Ils m'ont demandé de leur venir provisoirement en aide. Il s'agit de faire l'interprète pour le nouveau pâtissier, Didier, qui ne parle pas le russe, et de faciliter l'acquisition pour ses employés du vocabulaire français minimum lié à leur travail et pour lui-même du vocabulaire russe minimum. Je vais devenir une spécialiste dans le domaine des petits gâteaux.
J'ai émis l'idée que pour faire des fromages, les caves d'Ivan le Terrible à Alexandrov seraient un excellent endroit d'affinage, elles sont spacieuses, voûtées et on ne rencontre pas ici des caves pareilles à tous les coins de rue, mais il faudrait alors au fromager (éventuellement français) s'installer près d'Alexandrov. J'aime assez l'idée de faire des fromages dans les caves du tsar et même éventuellement d'y entreposer du pinard! Je suis sûre qu'il n'aurait pas été contre.
La café français est pourvu maintenant d'une pièce supplémentaire spacieuse et très agréable à l'étage et devient une sorte de club où les gens se retrouvent. Au dessus, ce sont les ateliers divers que dirige Macha, et j'ai été conviée à participer à un cours de français pour deux jeunes femmes de Pereslavl, Yekaterina et Anastasia, qui rêvent de parler notre langue et sont incollables sur les chansons et les films français.
Dans l'après-midi, un monsieur âgé et décoré est venu proposer un projet intéressant, en relation avec la commémoration à Moscou, sur le mont de la victoire, des aviateurs héroïques de la dernière guerre, parmi lesquels ceux de Normandie-Niémen. Il voudrait installer au café français une sorte d'autel à leur gloire, avec la photo de ceux qui ont été déclarés héros de l'Union Soviétique. Ils étaient quatre, et le premier à l'être à titre posthume était Marcel Lefèvre qui a brûlé dans son avion. Il aimerait ainsi porter le souvenir de ces gens en province, créer un événement touristique, faire venir des Français et contribuer de la sorte à améliorer les relations entre nos deux pays, dont la détérioration le désole. Il espère que les quatre aviateurs héros de l'Union Soviétique seront déclarés par notre gouvernement héros de la France, pour équilibrer les choses.
Écoutant tout cela, je pensais à notre gouvernement et à nos médias qui font tout pour effacer le souvenir de la participation de la Russie à la dernière guerre, et ne trouveront pas forcément la commémoration des héros de Normandie-Niémen d'actualité. Reste que la francophilie reste vive, ici, et que faire venir des Français motive beaucoup tout le monde.
Macha a de son côté décidé de faire travailler les enfants sur ce thème, avec une visite au parc de la victoire, près de l'église saint Georges le victorieux: des avions de l'époque y sont exposés, et aussi des chars d'assaut. Les enfants pourront ensuite confectionner de petits avions, dessiner, et je suis chargée de trouver quelque hymne français propre aux aviateurs, s'il y en a dans la salle, qu'ils se manifestent.
Pour finir, j'ai goûté la dernière création de Didier, un gâteau dénommé Equateur-Passion, aux fruits de la Passion, un délice. Lika m'a raccompagnée, ses deux Jack Russel ont piqué dans mon sac les jouets achetés pour Rosie.
La nouvelle salle.

mercredi 23 août 2017

Des voisins et une visite

Le glaïeul de la voisine Alla près de l'icône d'Alexandre
Nevsky peinte et offerte par une Française, Michèle.
La bouteille provient du tas qui grouille dans mon sous-sol.
En allant faire mes courses, j'ai rencontré mes voisins, qui m'ont invitée à prendre le thé. Avec Rosie, que la grand-mère est allée attacher dehors, car elle la trouvait trop mal élevée par une maîtresse trop permissive... Ces gens sont de Mourmansk, c'est-à-dire que Pereslavl, pour eux, c'est déjà l'Afrique. Ils repartent pour leurs ténèbres polaires dans deux jours, après avoir fait connaissance et m'avoir fait goûter des baies jaunes qu'on ne rencontre qu'en Carélie. Des gens sympathiques, ouverts, accueillants et sains.
La grand-mère reste un peu plus longtemps, elle m'a emmenée visiter son lopin, et m'a donné des tomates, une courgette, de l'aneth et du persil, et aussi une tige de glaïeul. Elle avait toutes sortes de fleurs bien rangées, un petit âne factice, que Rosie avait pris pour un vrai, et un élevage de nains de jardin. C'était sûrement une beauté, elle reste encore pas mal. Elle s'entend très bien avec ma voisine Violetta, cela ne m'étonne pas qu'elles aient des affinités.
Le soir, surprise, quelqu'un m'appelle en français, un correspondant Facebook qui passait par Pereslavl et voulait me rencontrer. Un homme charmant, avec sa charmante maman. C'est un comédien, qui vit en Russie depuis 2002 avec une femme russe et a travaillé au consulat, comme moi je travaillais au lycée français, nos avis concordent sur l'épicentre de ces deux établissements. Ils concordent sur beaucoup d'autres sujets, l'Ukraine, la Russie, et la France. La France sur le devenir de laquelle nous ne sommes guère optimistes, sa maman non plus. "Les Russes, me dit-il, sont profonds et attachants, et plus on les découvre, plus on s'y attache et plus on trouve encore de choses à découvrir." Nous en sommes venus à l'idée que les Français ont dû être comme eux, mais il y a longtemps. La maman de Patrick évoque la paysannerie française, pratiquement disparue, sa sagesse, son sens de la communauté. Nous constatons qu'en un temps record, on fait disparaître  tout ce que nous aimions sur cette terre, et que la bataille est partout, dans tous les pays, de façon plus ou moins prononcée, entre ceux qui se rendent ou se donnent au Meilleur des Mondes, et les résistants, plus ou moins nombreux selon les endroits. Je lui parle de mon souci de voir en Russie, parallèlement aux libéraux dont la nuisance n'est plus à démontrer, émerger des néocommunistes agressifs qui crachent sur les tombes de tant de martyrs et de petites gens pour justifier leur idéologie, en dépeignant des "paysans riches qui ne voulaient pas donner leurs denrées aux populations des villes". "Cependant, lui dis-je, actuellement, si je dois choisir entre les libéraux ou les communistes, je préfère encore les communistes, car Dieu merci, ils ne restaureront pas le truc sous sa forme précédente et Staline est heureusement mort.
- Oui, me dit Patrick. Et d'autre part, si le communisme a laissé subsister et renaître quelque chose, après ce que nous concoctent les libéraux, il ne restera absolument rien."
Oui, c'est exactement comme cela que se présentent les choses, et nous ne sommes pas assez nombreux à le voir. Patrick et sa maman sont comme moi-même les Cassandre de service. Position fort inconfortable, mais que faire? Comme disait Céline, "la plupart des gens meurent au dernier moment, certains s'y prennent vingt ans à l'avance, ce sont les malheureux de la terre."
Pourtant, mourir passe encore, mais si possible, ne pas mourir idiots...

Les légumes d'Alla, présentés par Chocha


mardi 22 août 2017

La soeur de Rosie


Ce matin, notre promenade nous a amenées à rencontrer la soeur de Rosie. Comme elle libre comme l'air, elles ont eu de la chance, un autre a été mis à la chaîne. Les deux commères ont joué comme des folles. Elles sont identiques, Rosie est peut-être un peu plus grande. Un gros chien s'est joint aux réjouissances, un chien du coin, avec un collier, il avait envie de jouer, mais les deux chipies s'entendaient trop bien pour y faire tellement attention.
En passant j'ai vu une rare merveille: des coquelicots en lisière d'un jardin. Jamais rencontré de coquelicots dans ma contrée nordique. Il m'est aussitôt revenu les champs méridionaux jaunes et vibrants de lumière.  Ils ne pousseraient pas dans mon marécage et y seraient incongrus..
Au marché, plusieurs bonnes femmes m'ont demandé où j'étais passée. J'ai acheté des fleurs, flox violet, astilbe bleue, et deux spirées.Un seau des dernières myrtilles, dont je n'aurai pas profité, et c'est mon fruit préféré, avec les framboises et les cerises.





lundi 21 août 2017

Une autre tranche de 3 mois?

Retour à Pereslavl. La dame qui devait vivre avec mes animaux chez moi ne l'a pas fait, mais elle a quand même fini par récupérer Rosie, pour épargner les chats, et mes affaires, qu'elle détruisait pour s'occuper. Les pauvres chats étaient complètement traumatisés par mon absence et les courses-poursuites de Rosie. Olga, la dresseuse de chiens, venue voir ce qui se passait chez moi, m'a dit qu'elle avait vu Georgette pleurer, et je ne le croyais pas, mais les animaux pleurent, quand ils sont dans une grande détresse. Georgette ne supporte pas la vue de ma valise, quand je pars, je suis obligée de la faire en cachette.
Grande joie des chats, Rosie m'a semblé moins traumatisée qu'eux. Elle a couché dans son panier, dans la petite entrée où je garde les outils de jardin, et cela n'a pas l'air de lui poser de problèmes. Un répit pour mes chats qui étaient tous sur mon lit, collés à moi et ronronnants.
Ce matin, j'ai emmené Rosie se promener. Il fait très chaud, mais d'après les prévisions météo, pas pour longtemps. Très chaud, mais sans moustiques. Les moustiques, il n'y en a pas au mois d'août. Les chemins sont bordés de fleurs, en juillet, il faisait si froid qu'il n'y en avait pas beaucoup. En Russie, on se baigne jusqu'à la saint Elie, début août. Mais cette année, c'est plutôt à partir de la saint Elie que la chose est devenue possible.
Il me faut toujours un moment pour retrouver mes marques, et la solitude. C'est pourquoi ces voyages fréquents me perturbent autant que mes animaux. Encore une tranche de trois mois à l'horizon, j'espère la dernière avant de pouvoir choisir le moment et la durée de mes absences...








lundi 14 août 2017

Pèlerinage sur les tombes: Stoliaroff et Skliaroff

Ce n'est pas la Toussaint, mais l'anniversaire de maman, et n'étant pas sûre de revenir au mois de novembre (bien qu'il y ait des chances), je suis montée à Annonay, faire un tour au cimetière et voir mes cousins qui gardent pieusement nos tombes, les leurs, les nôtres, celles que nous avons en commun.
Petite, j'allais sur celle de mon père avec maman, cette pierre tombale faisait une grande ombre sur mon enfance. Je me retrouvais devant elle une fois par an, avec un pot de chrysanthèmes: elle était bien fermée, une porte qui ne s'ouvrirait jamais plus, et mon père, le beau jeune homme des photos de famille, y était couché pour toujours.
Quand maman est morte, j'ai essayé de faire transférer mon père auprès d'elle, car le caveau où il repose était un endroit provisoire, on ne savait pas où le mettre, dans l'urgence, on l'avait déposé là, avec des gens qui lui étaient étrangers, des cousins de ma grand-mère. Mais il n'était plus possible d'identifier les siens dans le chaos d'ossements qu'avaient trouvé là les pompes funèbres. Et donc, me voici à nouveau devant cette pierre grise, où le jeune homme est resté seul, tandis que sa femme gît plus haut, avec mon grand-père, ma grand-mère, ma tante Jackie et ma tante Baby, toutes des personnes qui ont tellement compté pour moi, et qu'on a rangé là, jusqu'au Jugement Dernier, dans leur boîte bien étanche et parfaitement muette.
Chaque fois que je vais voir Henry et Mano, nos conversations portent sur ces gens qui emplissaient leur vie, et la mienne. Henry me raconte que Jackie, à 18 ans, lui avait donné le conseil de faire rire les filles, pour les séduire. Il était très ami avec mon père, ils avaient fondé le club des laveuses où l'on s'amusait des ragots locaux entre copains. Mano évoque sa maladie, sa mort, sa détresse de laisser seules sa jeune femme et sa petite fille. J'ai 65  ans, et je pleure encore de compassion à cette pensée, et je reste devant la tombe: "papa, tu m'as manqué..."
Quand je m'y rendais avec maman, je n'avais qu'une peur, c'était de la voir disparaître à son tour derrière la porte de pierre, eh bien voilà, c'est fait...
Sur le chemin de nos tombes familiales, voici à nouveau celle où reposent ces deux Russes, et cette fois, je fais des photos.
C'est la famille Chenet, que ma cousine Dany ne semble pas connaître, dans cette famille Chenet, deux Russes qui n'étaient pas parents. Marcelle Chenet, morte en 1931, avait épousé un certain Stoliaroff, qui ne semble pas reposer avec elle, et sa soeur Germaine avait épousé Ivan Skliaroff, qui est mort en 70 et que j'aurais pu connaître, il est enterré avec les Chenet. 
Cela fait quatre ans que j'ai repéré cette tombe et que je me pose des questions sur le destin de ces deux soeurs annonéennes et de leurs époux russes qui ne sont, eux, pas apparentés. Deux amis? L'un s'est marié avec Marcelle et du coup l'autre a épousé Germaine? Mais le plus étonnant, c'est qu'une plaque est apparue, cette année, qui n'y était pas auparavant, en l'honneur de Basile (Vassili) Stoliaroff 1895 1947. D'où sort-elle? Stoliaroff n'est pas parmi les occupants du tombeau, en tous cas, il n'est pas sur la liste. Est-il retourné mourir en Russie? Qui est venu déposer pieusement cette plaque en souvenir? Comment les époux des filles Chenet sont-ils arrivés à Annonay? Rien de plus éloigné de la mentalité russe que la mentalité annonéenne... Annonay, c'est Balzac!
Germaine est morte 3 ans après son mari Ivan, en 1973.
Ma cousine Dany m'a donné un paquet de vieilles photos. Le mariage de mes grands-parents. Parmi toute l'imposante tribu de gens qui posent et me sont sans doute tous plus ou moins apparentés, je n'en reconnais que quatre ou cinq. 
Dany a passé sa vie à se sacrifier pour les uns et pour les autres. Et voilà que je découvre les merveilleuses photos d'art qu'elle accumule dans son ordinateur: paysages, nuages, animaux... quel regard sensible et contemplatif posé sur toute la beauté de la vie... Je la supplie de les regrouper dans un blog, et de les montrer. Quelle âme...










lundi 7 août 2017

La blanquette, le Christ cosmique et le canard.



Le pic de Burgarach
Henri Barthas est un homme que j'ai connu par Facebook, et qui habite Limoux, "le pays des fous", de la blanquette, du canard et du Christ cosmique. A Limoux, on boit de la blanquette, inventée par Dom Pérignon, le père du champagne. "C'était une ébauche, la blanquette?
- Mais non, malheureuse, c'était son premier chef d'oeuvre!"
Le pays se caractérise m'a-t-il expliqué, par ses nombreux chasseurs anticléricaux et socialistes, l'amour de la population pour la fricassée, la viande et le canard, sans lesquels un repas ne saurait porter ce nom. Et par un maire qui a défrayé la chronique...
Henri m’a emmenée visiter un peu la région qui est magnifique et préservée, encore plus que le Gard. Les villages sont restés comme dans les années 50. Sauf que naturellement, on a commencé à y répartir des migrants. 
Le paysage a quelque chose de sauvage et de magique. On n’est pas loin de la mer, les pins parasols et les cyprès poussent à travers les collines accidentées, rocheuses, mais on n’est pas loin de la montagne non plus, et l'on y voit des pins sylvestres. Les essences méridionales prennent plus de développement que de notre côté, et forment des forêts hautes et profondes, mystérieuses. Je suis descendue avec lui jusqu’à une rivière salée et son pont romain, par un sentier à travers des bois ténébreux. Nous nous étions arrêtés près du pic de Burgarach, une montagne à la forme étrange et impressionnante qui a une réputation magique ou paranormale, piste d’atterrissage pour les OVNI ou autres légendes sensationnelles. Dans le coin habite le « Christ cosmique », un bonhomme qui se présente ainsi, « je suis le Christ cosmique, le grand monarque, le Messie », et que nous avons croisé deux fois, en short et chemise baba cool, les cheveux hirsutes autour d’une figure parfaitement ordinaire, qu'on ne croirait pas sortie, les apparences sont trompeuses, de l'usine à surhommes d'Aldébaran...
Henri m’a emmenée au monastère orthodoxe de Cantauques qui a conquis mon cœur. Le lieu est à la fois paisible, lumineux et désert, avec un cèdre et un cyprès majestueux. L’église simple et belle, les chants liturgiques dépouillés et harmonieux, une spiritualité palpable en toutes choses, et puis quels moines… Le père Samuel, affable et chaleureux, le père Syméon, si délicieusement malicieux et plein d’humour, le magnifique père Moïse, si beau, si noble, avec une barbe digne du nom qu’il porte, un visage de roi légendaire. J’écoutais l’épître de Pierre qui témoignait de la Transfiguration : un témoignage direct attesté par une vie de proscrit et une mort de martyr. Comment en douter ? Le Christ de la fresque, derrière l’autel, semblait me dire : « Tu vois ? »
Nous avons pris un petit verre du quina du père Syméon, dans le cloître fleuri où tout le monde se retrouve après la liturgie, dans l’odeur des lavandes.
En fin d’après-midi, nous avons visité le village de Rennes le Château, dont le curé, au début du XX° siècle, avait embelli l’église dans un style plus naïf que sulpicien, à mes yeux infiniment préférable aux squelettes d’églises hantées par quelques affiches avec des slogans religieux ou par des photos, qui ont suivi Vatican II. Personne ne sachant comment le curé avait trouvé les fonds, plein de gens soupçonnent qu’il ait pu découvrir le trésor des templiers. Cette église, le petit jardin attenant, le presbytère et sa véranda colorée m’évoquaient fortement la France disparue que je voyais à Annonay dans mon enfance. Hélas, deux choses me ramenaient au temps présent : l’omniprésence des touristes et surtout les déprédations apportées par une « déséquilibrée » au chef-d’œuvre de l’abbé : le diable écrasé sous le bénitier a perdu sa tête, et aussi Marie-Madeleine, sur l’autel.
Les paysages des Corbières sont gâchés par des éoliennes « écologiques » gigantesques en grand nombre. Il conviendrait naturellement de promouvoir à grande échelle la production d’énergie autonome individuelle, chacun sa petite éolienne, ses panneaux solaires, sa maison construite dans cette perspective, et le paysage n’en serait pas gâché, mais l’énergie et ses profits ne seraient plus un monopole. A ce problème, beaucoup de gens du pays ont la réponse: "Faren tout pétar"...
En traversant ces villages, ces forêts si belles dans leur variété, ces étendues sauvages, pleines de rochers grandioses sous les nuages orageux, de ruines médiévales perchées, je sentais mon lien atavique avec tout cela, en dépit de celui que j’ai avec la Russie, et j’éprouvais une souffrance profonde à l’idée que nous étions en train de perdre notre pays...
Henri est un produit local, né ici, de parents eux-mêmes originaires du coin, il a le physique du lieu, les expressions et l’humour du sud ouest. Il est le résultat de générations de Français des Corbières. C’est ce que veut détruire la caste au pouvoir, pour créer artificiellement une société de métis déracinés qui n’aura plus aucun lien avec ces paysages, ces maisons, ces églises et ces châteaux.
Avec Henri, j’ai des discussions que je n’ai pas avec beaucoup de Français, mais c’est que beaucoup de Français ne l’ont déjà plus, ce lien, cinquante ans d’américanisation médiatique ont fait leur œuvre, et aussi la destruction programmée de la paysannerie et la démission de l’Eglise catholique, sa compromission avec la modernité.
Henri, sa femme et moi, nous nous sommes entendus comme larrons en foire, et nous avons beaucoup ri. J’espère qu’ils viendront me voir en Russie, ces vrais Français comme on n’en fait plus.
Henri m’a raconté, ce que j’ignorais, que la liturgie gallicane avait beaucoup plus de points communs avec la liturgie byzantine, elle comportait notamment le trisagion, mais elle avait développé sa forme originale, à partir des successeurs de saint Irénée de Lyon. Elle a été extirpée par Rome, après bien des résistances locales. De sorte qu’Henri et moi-même retrouvons dans la liturgie orthodoxe quelque chose qui nous enracine aussi dans cette lointaine France pré-schismatique avec laquelle le lien est quasiment perdu.

Henri sur le pont romain
La rivière salée (la Sals)



Type anthropologique de Français du sud-ouest (orthodoxe)

Henri, Patou et le chat Ouinou
Dans l'église de Rennes le Château





Tour en dessous du village
Au monastère de saint Martin et de la Mère de Dieu à Cantauques