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lundi 1 juillet 2019

Rouslan, le retour.

Il m'a fallu un moment pour comprendre que cette chose énorme, puissante et incroyablement belle qui s'avançait sur nos têtes était un orage grondant et traversé d'éclairs. Je n'avais jamais vu de pareilles architectures, et de pareilles nuances, on ne voit cela qu'ici, en Russie, de pareils nuages, à la fois sombres et transparents, avec des passages de formes mauves, si lointaines qu'on ne les discerne pas vraiment, des caravanes célestes dans de fantastiques décombres. A Krasnoïé, j'avais plus d'espace pour les contempler. Il me faudrait reprendre l'habitude d'aller sur l'ancienne berge du lac, le soir, pour regarder le spectacle que Dieu nous prépare tous les jours et qui vaut tout ce que nous pouvons inventer.
Ritoulia va mieux, mais il lui arrive encore de pleurer, et elle est agressive avec les chats,surtout Georgette. J'ai dû décevoir ce soir la voisine Violetta, qui passait avec la voisine Ania, devant ma palissade. J'ai discuté avec elle, dans la rue. Ritoulia en a eu vite assez, elle est allée m'attendre sur le perron, d'où elle aboyait avec autorité pour me dire que ça commençait à bien faire, et qu'il était temps de rentrer.
La petite cuisine est presque installée. Le plombier Rouslan est venu faire les raccordements. Comme d'habitude, nous avons refait le monde: "Ne vous en faites pas, ils n'ont pas encore la peau de la Russie, les Russes ne fonctionnent pas comme les Européens, l'argent, ce n'est pas une motivation, pour nous, nous pouvons vivre sans, nous ne nous sentons pas déshonorés, et nous nous débrouillons toujours. Laurence, mais voyons, nous sommes un peuple théophore, gardien de la foi chrétienne, Dieu sauvera la Russie, la catastrophe est imminente, mais la Russie résistera.
- Dieu vous entende, Rouslan, je suis contente d'être venue ici.
- Ici, mais ici, c'est le paradis, vous ne pouviez pas mieux faire. Oui, Pereslavl, c'est le paradis, c'est une sainte terre, et voyez, nos églises et notre lac...
- Oui, c'est dommage que l'on ait détruit tant de belles choses pour construire tant d'horreurs...
- Ah les Russes sont influençables, vous savez, faites une belle maison, avec des encadrements de fenêtre sculptés, et vous verrez qu'ils vous copieront!"

Le festival de nuages









mercredi 26 juin 2019

Une triste déception


A ma grande déception, Ritoulia a accouché d'un petit chien mort, qu'elle appelle en pleurant. Je suis allée aujourd'hui chez le vétérinaire: elle est en pleine forme, mais il n'y a pas d'autre petit chien à venir. C'était le seul, et il est mort. On m'a prescrit de l'antistress et un truc pour arrêter la lactation. J'ai passé trois jours difficiles dont une nuit presque sans sommeil. Elle aussi, et tout cela en vain, alors que j'avais une grande demande pour les chiots, et c'étaient des gens normaux que je connais, ma voisine Violetta par exemple...
Je devais rapporter mon ancien compteur électrique que l'on m'a changé et déclarer le nouveau, mais je n'osais pas laisser Rita. J'y étais allée une première fois tout de suite après le changement. Il y avait la queue et quelqu'un m'avait envoyé à l'autre bout de la ville, où l'on m'a réexpédiée d'où je venais. Puis le WE, puis un jour de flemme, puis l'affaire Rita. J'ai fait une tentative mardi, car on m'avait dit que j'avais le temps avant que la mise-bas ne se produisît. J'arrive devant la porte du bureau ad hoc: fermé ce jour pour "raisons techniques". Bon, me dis-je naïvement, je reviendrai plus tard. J'y suis passée aujourd'hui: fermé ce jour, pour raisons techniques. Les raisons techniques, c'est généralement très mauvais signe. Quand c'est un magasin, on peut être quasiment sûr qu'il ne rouvrira jamais.
Je suis allée au café français me remonter le moral avec un "rubis" (la tuerie à la mousse au chocolat avec gelée de framboises et écailles de chocolat craquant), alors que normalement, je ne mange plus du tout de sucre, à part sous forme de fruits, et je constate que si je n'ai pas maigri de façon spectaculaire, j'ai retrouvé une énergie que je croyais définitivement perdue. J'y ai vu Gilles et le pâtissier Didier qui voudrait faire du tourisme avec moi à travers les monastères orthodoxes, et d'abord la Trinité Saint Serge. Je sens que les commentaires ne seront pas tristes! Je pense l'emmener à Rostov, avec Martha, c'est vraiment à voir. Et à Souzdal, ce qui me permettra de renouveler mes stocks d'hydromel pétillant incomparable.
Je suis tellement pleine d'énergie que j'ai tondu moi-même une partie de mon terrain, calmement et sans tout ravager. Car le voisin, lui, c'est la tonte Monsanto... Il ne comprend pas mon amour des plants de consoude, par exemple, que j'essaie d'implanter sur ma butte, car il semble que cela éloigne les orties, et j'ai là mes framboisiers. Et puis en plus c'est joli, ça fait de petites fleurs bleues. Cet après-midi, en allant acheter les médicaments de Ritoulia, j'ai vu de merveilleux ensembles de roses-trémières; c'est exactement ce que je voudrais obtenir chez moi: des roses-trémières multicolores qui prolifèrent. La butte aux framboises et aux consoudes s'y prêterait bien, et aussi le grillage qui me sépare de la voisine Violetta, mais c'est le coin le plus marécageux. Cependant, les deux roses-trémières que j'y ai mises semblent partir au quart de tour. Je voudrais mélanger roses-trémières, topinambours, asters et roseaux le long de ce grillage, et s'il y a des "mauvaises herbes" au milieu, cela ne se verra du coup pas tellement.
J'ai vu que j'aurais mes premières airelles, cette année. Le fruit de cet arbrisseau russe ou peut-être khirghize qu'on appelle "irga" est délicieux, mais je n'en ai pas encore beaucoup.
Je croyais morte la clématite que j'avais plantée l'an dernier, mais elle s'avère très vivace et très florifère. J'avais peur d'avoir du mal à en faire pousser, eh bien pas de problèmes, et j'en ai mis une violette devant la palissade.
Il a fait très chaud et trop sec, et là tout d'un coup, on dirait que l'automne vient d'arriver en avance: temps frais et pluvieux. Les plantes ont souffert du manque d'eau, même dans mon marécage.
Ce matin, je suis allée à l'église, me confesser et communier, et ensuite prendre un café avec le père Constantin. Nous allons toujours au café Montpensier, derrière la cathédrale. De la terrasse, on peut voir l'église du XII° siècle où a été baptisé saint Alexandre Nevski. Les serveuses adorent ma chienne et la gâtent toujours beaucoup, mais elle n'était vraiment pas dans son assiette.
C'est finalement la femme du père Constantin, qui va m'aider à traduire mon livre.

Un commentaire vient de m'apprendre que irga, c'est l'amélanchier...

une large population de roses-trémières

une de mes roses-trémières commence à fleurir, cette année, elle est
énorme


Les delphiniums manquent d'eau
La clématite

dimanche 23 juin 2019

le lion miniature du père Gérasime


J’ai fait connaissance avec la mère de Katia, Lioudmila, qui est un peu plus âgée que moi mais reste belle.  Nous sommes allées nous baigner à la Vioska, mais à la « plage moscovite », cette fois.  Ce n’est pas mal non plus, mais un peu près de la route, en revanche, il y a de grands et beaux pins, une odeur de résine, et  de l’ombre. Ritoulia n’a pas souffert de la chaleur. Il y avait de l’air, elle pouvait éviter le soleil. Nager me fait du bien, assouplit et détend mes membres, et j’aime regarder les reflets sur l’eau, les fleurs aquatiques, les libellules, les canards, le ciel…
Des porcs avaient fait un chachlik sur la berge, et laissé leur dépotoir d’emballages et de bouteilles en plastique. Je ne comprends pas comment il faut être fait pour souiller ainsi la beauté dont on profite, à vrai dire, des gens pareils ne la voient pas, cette beauté, ils pourraient aussi bien se baigner dans un bassin de béton au milieu d’une décharge, je ne vois vraiment pas pourquoi il leur faut faire des kilomètres pour venir à la rivière.
Katia et moi avons répété la chanson que nous sommes censées savoir par cœur, ce n’est pas gagné… C’est une belle chanson de noces, une déploration, car la veille, la fiancée et ses amies pleuraient ensemble sa liberté bientôt perdue.
Le soir, Katia nous avait préparé à dîner, elle avait choyé ses deux vieilles avec une sollicitude attendrissante ! Je me suis très bien entendue avec  Lioudmila, c’est une femme sensible, naturelle et simple, pas du tout la comédienne cabotine. Comme Dany. Et comme Dany, elle pense maintenant plus à l’église qu’au théâtre.  J’ai revu ensuite Katia  le lendemain, nous avons visité le musée d’art populaire, ou de « design paysan » dit « le Cheval en pardessus ». Il est petit, ce sont des moscovites passionnés par la question qui l’ont ouvert chez eux, dans leur maison inspirée des palais russes du XVII siècle qui s’inscrirait bien dans le paysage, si le paysage n’était pas devenu ce qu’il est, un amoncellement de baraques hétéroclites sans style où ce qui est russe, ou d’inspiration russe,  paraît maintenant presque incongru… J’ai acheté deux livres sur le costume national russe qui est si incroyablement beau et original, et tout y a un sens, les motifs des broderies, différentes formes de croix solaires, chevaux, remontent certainement à la plus grande antiquité, sinon à l’âge de la pierre, du moins à celui du bronze, et tout cela se transmettait de génération en génération, jusqu’à la catastrophe.  « Une de mes amies françaises m’avait dit un jour que si nous pouvions voir notre pays il y a seulement cent ans, nous pleurerions de tristesse et de honte, dis-je à Katia, à l’issue de la visite.
- C’est exactement ce que je ressens devant ce que nous venons de voir…
- Milan Kundera écrivait dans l’un de ses livres que notre regard était obscurci par l’habitude et la vision utilitaire sélective mais que si nous pouvions voir notre monde dans toute l’intensité de sa laideur, nous prendrions peur, et voyez-vous, je suis un être dont le regard ne connaît pas l’habitude, ni la vision sélective, et cette laideur, je la vois, et je prends peur ! »                        
Le soir, près de la rivière, nous sommes restées assises, à regarder les canards et les mouettes,  et à nourrir les moustiques, en échangeant des confidences et des considérations sur les hommes et les femmes et sur la virginité. Katia considère que la femme est le vase qui reçoit la vie et que pour cette raison, elle doit se garder de coucher avec n’importe qui.  C’était aussi mon avis de départ.  Elle a décidé de ne plus se tourmenter avec cela, et semble y parvenir, alors que j’ai souffert  toute ma vie de la solitude et de l’abstinence, et en même temps, j’avais une trop haute idée de l’amour, une conception trop totale et trop sacrée, et en même temps trop simple et trop naturelle, pour me livrer aux profanations sinistres  de la « liberté sexuelle » dont j’ai connu quelques exemples peu engageants. Mais dans le contexte post-moderne où nous sommes, j’en suis venue à considérer que je portais une croix, la croix collective de tous les êtres intérieurement mutilés par une folie sur laquelle nous n’avons aucun contrôle. C’est ce que pense également Katia, nous ne sommes plus dans un monde normal, et peut-être Dieu nous évite-t-il de la sorte un destin encore pire.
J’ai  passé un moment au café Montpensier, avec le père Constantin, après la liturgie dominicale, et il m’a emmenée au monastère saint Daniel, où il réside à présent. J’y ai vu notre cher évêque, il est clair que les gens l’adorent, ils se précipitent avec des sourires et des yeux brillants pour recevoir sa bénédiction, et les enfants encore plus que tous les autres. Me voyant il s’est simplement exclamé : « Ah Laurence ! » avant de me bénir, et ma journée en a été illuminée.
Le monastère est très beau, très ancien, très paisible, et la laideur extérieure n’y pénètre pas. Tous les moines ont quelque chose de magnifique, de noble, de médiéval, de vrais guerriers du Christ, et des princes de la foi. C’est en de tels lieux que subsiste tout ce que recouvrent pour moi les concepts de peuple russe et de sainte Russie. A l’horizon, au travers des arbres, brillaient les coupoles dorées du monastère saint Nicolas, une grappe d’étoiles diurnes.
Nous sommes arrivés au réfectoire en fin de repas, j’avais déjà mangé, et un inconnu voulait absolument me gaver, parce qu’il est impossible de laisser quelqu’un s’asseoir à une table sans le nourrir comme il convient : « Tu ne veux pas de la soupe, petite mère ? » Devant ma résistance, il s’est résigné à me donner du thé et des bonbons russes pleins de sucre.
J’ai vu les fresques de l’église la plus ancienne, des fresques du XVI ou XVII siècle, très belles, j’ai été particulièrement subjuguée par le Christ de la coupole. Et je me suis inclinée sur les reliques de saint Daniel.
Le père Constantin voulait me présenter un moine qu’il aime particulièrement, le père Gérasime. Saint Gérasime était accompagné d’un lion et le père Gérasime est suivi d’un chat, un chat roux, tout à fait sauvage, mais il s’est pris d’affection pour le moine, qui a donc la version miniature du lion de son saint patron. Quand nous l’avons trouvé, j’ai senti qu’il était très intimidé, et moi je ne l’étais pas moins, bien qu’il eût l’air très bon, ou peut-être à cause de cela.
Après une pluie intense mais trop courte, le temps était léger, transparent, avec un vent ensoleillé et doux, et cela me rappelait les journées de fin d’été chez nous, dans le midi de la France. A part le père Gérasime, le père Constantin tenait beaucoup à me montrer des roses dans le jardin du monastère, car les roses ne sont pas fréquentes, dans le nord de la Russie, je n’imagine même pas d’en avoir chez moi. Mes ambitions s’arrêtent à l’églantier.
Près de la sortie, j’ai trouvé la tsigane Rosa qui faisait la manche et qui semblait ravie de me voir : « Tu vas toujours chez eux, là, chez les Français ?
- Je vais y manger de temps en temps de délicieuses pâtisseries » !


la plage des Moscovites

lundi 17 juin 2019

un petit miracle

Hier, je suis retournée à Borissoglebsk, rencontrer des gens avec qui j'ai des amis communs et des connaissances facebook. L'une d'elles, du plus loin qu'elle m'aperçoit, pour la première fois de sa vie, m'ouvre les bras: "Mon Dieu que vous êtes belle, mais vous êtes belle! les photos de Facebook sont nulles, vous êtes beaucoup mieux en vrai!"
J'étais contente mais un peu étonnée, car le moins qu'on puisse dire est qu'il a plu sur la marchandise, et puis à vrai dire, pour ce que cela m'a servi, je ne m'en rendais même pas compte...
Elle était avec une copine qui vit en Finlande et tient un blog de réinformation sur la Russie. Mais rien à faire, les Finlandais sont scandalisés par ce qui met à mal leurs idées reçues.
J'ai voulu faire des photos de l'intérieur de la cathédrale, où il n'y avait pas encore de service, de sa belle iconostase ancienne, couverte de branches de bouleaux pour la Pentecôte, et le sol était jonché de foin odorant. Mais je me suis fait engueuler par un moine. Cela m'a fait un choc, après l'amabilité que m'avait témoignée l'higoumène la dernière fois.
Aujourd'hui, je devais refaire une tentative immigration, bien que la bonne femme au courant de mon dossier ait pris brusquement sa retraite dans la foulée de ses vacances. Je suis d'abord allée solliciter un certificat de la banque pour la sixième fois. Puis je me suis rendue chez la juriste pour rédiger l'enquête. Mais celle-ci n'a pas voulu s'en occuper: "A quoi bon? C'est le vrai bordel, là bas, il paraît qu'ils ne transmettent plus rien! Regardez d'abord si votre dossier y est toujours, allez voir le chef!"
Je vais donc à l'immigration. Le chef me répond qu'il s'occupera de cela après la pause déjeuner, qui durait jusqu'à deux heures, j'avais deux heures et demie à tuer, je suis allée au café français.
Puis retour à l'immigration. Là, je vois passer le chef tel l'éclair dans un sens, puis dans l'autre, et disparaître je ne sais où pour encore presque une heure. J'ai adressé des prières ardentes à Dieu et à mes saints préférés, et tout à coup le téléphone sonne: Ilya, le jeune homme qui m'aidait l'année dernière: "Ne bougez pas me dit-il, j'arrive!"
Si ce n'est pas un petit miracle... Je pensais juste au même moment que son aide m'eût été précieuse.
Arrive Ilya, tel le chevalier blanc, passablement bourré, car il avait endommagé sa voiture, et il avait eu besoin d'un remontant pour encaisser le choc. Bourré, mais néanmoins efficace. Le chef a réapparu et nous a reçus obligeamment. Il a retrouvé le dossier. Mais mon certificat de la banque sera de toute façon à refaire, car il est valable une semaine et le dossier ne pourra être complété et envoyé que le 11 juillet en raison du bordel dont il était question plus haut. Ca ne fera jamais que la septième fois...
Si Ilya m'a tout à coup miraculeusement contactée, c'est que sa collaboratrice et lui-même auraient besoin de cours de français pour leurs gosses. Sur le trottoir il a fait de moi des compliments exagérés à cette jeune femme, et il est même allé jusqu'à lui dire: "Si je l'avais connue dans sa jeunesse, je crois bien que je lui aurais fait l'amour!"
Vraiment bourré! C'est la première fois que je vois ce jeune homme sérieux et compétent dans cet état. Il est vrai que plier sa voiture un mois avant de partir en vacances, c'est contrariant. Enfin, bon, ça fait toujours plaisir d'entendre cela à mon âge, bien que cela ne change plus grand chose à mon destin! Et puis, je suis si contente qu'il reprenne l'affaire en main... Il connait tout le monde, et il a une longue expérience de toutes les administrations locales. Je ne m'étais pas adressée à lui parce que je ne voulais pas le déranger et croyais naïvement qu'avec l'obtention du "RVP", le plus dur était fait... Je serais passée par lui que tout serait déjà terminé.
Donc, les tourments de l'immigration sont remis à plus tard, mais voici que se profile à l'horizon l'installation de la petite cuisine des hôtes, dans l'autre partie de la maison, qui deviendra vraiment indépendante de la mienne, et au lieu de me reposer de mes démarches, j'ai foncé acheter du matériel électrique, on va changer le compteur, ce qui m'oblige à aller faire une déclaration demain matin à l'administration qui gère l'électricité...
J'espère pouvoir vivre quelques années de tranquillité relative entre la fin de toutes ces tracasseries et mon départ pour l'autre monde.




les photos de mes nouvelles amies de Koupanskoïe



samedi 15 juin 2019

Chant des signes

Le père Pantaleimon, du monastère saint Daniel, cherche à promouvoir sur Pereslavl le chant dit "znamenoïe" iu des signes, qui  était pratiqué en Russie avant le schisme des vieux-croyants et l'occidentalisation extrêmement regrettable de la musique religieuse, et bien entendu des icônes et de l'architecture, puisque tous ces aspects sont liés dans l'orthodoxie. C'est-à-dire que ce qui a éloigné le catholicisme de ses sources a été implanté quasiment de force, en Russie, par le tsar Alexis puis par son fils Pierre, et ses successeurs, mais pas avec le même succès, car le chant znamenoïe a survécu dans les monastères et chez les vieux-croyants.
Il a invité Gleb Petchenkine  qui dirige un choeur et forme des chanteurs dans une église de Moscou. Celle-ci,  tout en étant sous la juridiction du patriarcat de Moscou, suit les rites antérieurs au schisme. Et sachant que je m'intéressais à ce genre de choses, il m'a demandé de venir à la liturgie au monastère saint Nicolas, et d'assister à la conférence qui devait suivre.
J'y suis donc allée. Les chants sont très austères, mais ne font pas écran à la prière, et alors que je regardais les icônes de facture traditionnelle, sur l'iconostase, en observant que, comme d'habitude, elles copiaient de trop près les modèles anciens, je commençais à les voir autrement, car, malgré ce défaut, elles s'accordaient au chant que j'entendais, par leur transparence, leur structure rigoureuse, leur pureté, et une sorte de profondeur qui ne tenait pas, dans le cas des icônes, à la perspective, et dans le cas des chants, à la polyphonie. Les icônes m'apparaissaient comme un chant silencieux et les chants comme des icônes sonores. J'avais envie de pleurer, ce qui m'arrive de plus en plus dans les églises. C'était le samedi des défunts, et la  liturgie a été suivie d'une pannychide. Je descendais profondément à l'intérieur de moi-même, comme si ce chant m'y avait porté de son mouvement naturel, une sorte de dérive ronde et continue, de nimbe sonore plein d'envols légers et discrets.
La conférence était très intéressante et naturellement, je ne me souviens pas de tout, c'est dommage, mais je vais creuser la question. Quand j'ai découvert le chant byzantin, à Solan, puis avec Andréa Atlanti, j'avais été frappée par ses parentés avec le chant traditionnel: son ancienneté, et ses lois internes organiques et cosmiques. Et je retrouvais la même chose dans le chant znamenie. Gleb expliquait que les crochets, qui correspondent en Russie à la notation byzantine, sont de petites briques sonores qui représentent non une note mais une modulation. Quand on les lit, on voit la modulation complète, et pas une décomposition du son en petites unités. Et pour les lire, il faut connaître ces modulations, lesquelles, comme dans le chant populaire, se transmettent de génération en génération. comme dans le chant byzantin, et comme dans le chant populaire, de sorte qu'on peut anticiper les modulations suivantes et que l'on conserve également un espace pour les improvisations, de même que dans le dessin codifié des icônes, l'artiste trouve à mettre sa couleur personnelle et il me semble d'ailleurs regrettable qu'il ne le fasse pas plus souvent.
Les chants de l'antiphonaire sont d'ailleurs connus par coeur et ne nécessitent même pas la consultation des crochets, ce qui est aussi le cas dans le chant populaire, et même, si je me souviens bien, dans le chant byzantin, quand les gens ont grandi avec.
Comme dans la tradition byzantine, le chant est au service du texte dont il doit faciliter la compréhension et l'assimilation par l'auditeur, et même sa participation au chant, ce qui en revanche, d'après Andréa, ne se pratiquait pas chez les Grecs.
Le chant de l'ancienne Russie est avant tout ascétique et destiné à rendre la prière plus accessible, sans distraction. Alors que le chant d'église importé d'occident obscurcit le texte, détourne de la prière par toutes sortes de fioritures et suscite non une absorption dans la contemplation et la grâce mais des émotions esthétiques ou des émotions tout court, ce qui est tout à fait exact. De même que les icônes académiques, au dessin réaliste, charnel, nous offrent des anecdotes religieuses et non une prise directe avec l'autre monde qui est le prolongement et la source du nôtre. Tout ce qu'on met pour faire joli, tout ce qui traduit les "idées personnelles" du peintre ou du musicien, qui n'a pas reçu l'eau vive ancestrale mais des techniques et des théories, fait obstacle.
Or cette eau vive ancestrale, que je vais chercher dans le folklore, je la sentais se déverser dans mon âme avec le chant znamenie. C'est quelque chose que ne peut donner aucun concert classique, la plus belle musique inventée par le plus grand génie. C'est simple, clair, vital et profond comme l'univers. Ce qui ne veut pas dire que la musique classique soit à proscrire. Mais que le chant d'église est un langage en soi, qu'un certain type de chant est un certain type de langage et de communication, soit entre nous, soit avec l'Invisible, soit les deux, d'ailleurs, que nous avons perdu dès que nous avons commencé à nous écouter chanter plutôt que d'écouter chanter Dieu en nous et de laisser s'envoler les anges par notre bouche.
A ma grande surprise, pas d'isson byzantin dans le chant zanmenie. "L'isson est arrivé plus tard, me répond Gleb Petchenkine.
- Ah bon? mais je le croyais très archaïque!
- Non, c'est déjà un pas vers la polyphonie"...
Il me revenait à l'esprit la réflexion de Micha écoutant une brillante interprétation académique de chants du XVI° siècle: "C'est admirablement chanté, mais quelque chose me gêne... Ah ça y est, j'ai compris: ils déchiffrent une partition. Il n'y a plus aucune fluidité".

Mon âme, bénis le Seigneur


 la conférence

vendredi 14 juin 2019

Projets...


Pour la suite du feuilleton de l’immigration, un gentil petit rebondissement : la bonne femme qui s’occupait de mon dossier, et devait revenir de vacances le 11, a pris sa retraite, et il me faudra aller trouver le chef car elle n’est pas remplacée. Il me faudra faire le papier de la banque lundi, il n’est valable que 7 jours, pas 7 jours ouvrables, 7 jours. Et tout faire dans la journée, en espérant qu’à Yaroslavl quelque chose n’aura pas encore changé.
Gilles m’a dit : « Le problème est qu’on ne comprend rien à leurs lois, eux-mêmes n’y comprennent rien et t’envoient promener jusqu’au moment où il faut bien faire quelque chose, et alors ça se dénoue, mais en attendant tu as couru de tous les côtés pour faire et refaire des papiers et les remettre ».
Mon problème supplémentaire, c’est que je suis de plus en plus paralysée par ces démarches, et que je vais lentement…
La femme du pâtissier Didier, Martha, ouvre un restaurant au même étage. J’ai l’impression que maintenant, ça va, ils s'installent, et que nous ne perdrons pas notre artiste, ce qui me rappelle Anatole, le cuisinier français de tante Dahlia que tout le monde craint de voir partir, dans les livres de Wodehouse.
Je me replonge périodiquement dans l’univers de Wodehouse, comme dans celui de Tintin ou de Gaston Lagaffe, mais la science-fiction effarante dans laquelle nous sommes précipités de plus en plus me rend ces mondes perdus presque surréalistes. Quand je lisais Wodehouse dans les années 70, il me semblait que je n’avais qu’à passer la Manche pour retrouver le petit monde de Bertie Wooster  et de son maître d’hôtel Jeeves. Mais si je passais la Manche aujourd’hui, je trouverais l’Afrique et le Pakistan.
Katia s’implique beaucoup dans nos activités de chant. Et je la crois vraiment envoyée par Dieu, et du coup cela me motive, en me prouvant que c’est précisément ce qu’Il attend de nous : que nous chantions, que nous témoignions du chant russe. Je l’ai branchée sur Balalaiker, la boîte fondée par mon copain Sérioja, qui m’a laissée tomber comme une vieille chaussette. Son propos était de fournir, comme au temps de l’URSS, de bonnes balalaïkas à un prix abordable, et c’est ce qu’il fait à Oulianovsk, ce qui lui a permis d’échapper à la banque où il bossait avec la plus grande répugnance. Il  est quasiment né avec une balalaïka dans les mains, il a appris sur le tas avec son grand-père et sa grand-mère. Son propos est même de sortir la balalaïka du ghetto folklorique. De la rendre présente et vivante dans le monde d'aujourd'hui, d’offrir à n’importe qui la joie d’en jouer quelles que soient les aliénations de la vie moderne, ce qui est d’ailleurs, en réalité, dans la droit fil de l’esprit du folklore.
Katia joue de l'ukulélé, elle devrait passer facilement à la balalaïka, et notre futur ensemble disposerait de deux vielles, une balalaïka, de gousli, des sifflets globulaires de Zadonsk et même d’un accordéon diatonique que le grand-père de ma sœur avait gagné dans une loterie au Vietnam dans les années 50. Nous n’avons pas d’accordéoniste, mais ça peut venir.
J’ai fait l’autre soir le tour du monastère Goritski, avec mes jeunes amies, un endroit où j’ai beaucoup dessiné, et qui est à présent complètement défiguré par un chaos de maisons mal foutues, banales et lourdingues absolument affreuses. Mais le coucher du soleil mettait le lac en valeur et les divers cottages et châteaux dans l’ombre.
Rita nous a fait un caprice. Elle est si mondaine qu’elle ne voulait pas repartir de chez elles. Quand je lui ai dit de monter dans la voiture, elle a filé vers leur porte et s’est assise devant en me regardant d’un air significatif. Je suis restée une demi-heure de plus…
J’ai eu le lendemain la visite de Sacha Joukovski, de sa femme Ira et de deux de leurs adorables enfants, Timocha et Tonia, en route pour leur datcha, à 40 km d’ici. Ils sont folkloristes, Sacha fabrique des instruments populaires, il a fait mes gousli et une de mes vielles. Je vais leur présenter Katia et Liéna. Ira me recommande une couturière qui pourrait nous confectionner des costumes stylisés pouvant servir pour les concerts mais passer inaperçus dans le train ou le métro et même être portés pour aller à l’église.





Avec Nadia et Ritoulia


mercredi 12 juin 2019

au lac Nero


Encore une journée passée avec Katia, hier. Nous sommes allées à Rostov, où nous devions rejoindre Liéna pour la reprise de nos répétitions de folklore. Nous voulions nous baigner dans le lac Nero avant de dessiner, mais nous nous sommes contentées du dessin, la baignade est interdite dans ce beau lac, pollué par les égoûts…

Je pensais aux générations de Russes qui avaient dû s’y baigner et pêcher, nous vivons vraiment une époque formidable.
Le long du chemin qui borde le lac, il y a encore beaucoup de jolies maisons traditionnelles, qui épousent les courbes du terrain et accompagnent les fantastiques architectures du kremlin, ses tours et ses coupoles. Mais déjà, une affreuse baraque prétentieuse est tombée  là au milieu avec arrogance, comme un OVNI. Je ressens une vraie souffrance morale au spectacle de cette laideur contemporaine, de cette disgrâce vulgaire qui écrase tout, qu’elle soit visuelle ou sonore, d’ailleurs.  Je dois dire que si Rostov est assez délabrée, elle est moins ravagée par la modernité que mon pauvre Pereslavl.
Les gens y sont très gentils, spontanés, communicatifs et serviables, comme presque toujours en Russie, à part dans els administrations, mais c’est souvent aussi un rituel que de faire la gueule pour avoir l’air sérieux, et après, on se montre parfois tout à fait compréhensif.
Nous avons passé Rita en contrebande dans la maison des Pionniers, et elle s’est tue au fond de son sac comme un vrai partisan. Liéna avait convié deux autres apprenties folkloristes, et un homme aussi, qui n’est pas venu. Avant, j’étais toujours avec un ensemble d’hommes, avec mes cosaques bien aimés,  et maintenant, je suis entourée de nanas. Mais d’un autre côté, les hommes et les femmes, dans la tradition russe, ne chantent généralement pas les mêmes chansons, parce qu’ils n’avaient pas le même genre de vie. Il y a des chansons mixtes, et ils chantaient ensemble aux champs, certainement, et pour les fêtes, mais quand même, une grande partie du répertoire est « regrettablement genré », comme on dirait chez nous aujourd’hui : les femmes chantaient en filant, tissant, brodant, il y avait les déplorations de noces, les déplorations funéraires, les hommes chantaient à cheval, à la guerre, et tout cela imprimait aux chants une marque particulière. Donc, je me trouve avec  des bonnes femmes en train d’apprendre un répertoire de bonnes femmes. Et puis, à vrai dire, elles sont extrêmement bonnes. Liéna est la douceur même, et Katia a tant de points communs avec moi que j’en suis sidérée. Elle trouve l’amour purement physique décevant et pas seulement sur le plan affectif. Un prêtre lui avait dit : «On sait d’instinct ce qu’il faut faire, quand on aime, et on n’a pas besoin de toute cette pornographie, ces kama soutra et autres », et c’est bien aussi mon avis, même dans l’amour les gens ne savent plus être vrais et simples, et abandonnés. Ils ont théoriquement « le choix » et ne choisissent presque jamais, se mariant peut-être  encore plus mal que du temps des mariages arrangés,  par lassitude, conformisme, faiblesse ou intérêt.
Donc Katia et moi avons la même croix, et nous en sommes venues à la conclusion que nous étions victimes de l’époque qui a complètement bouleversé et anéanti les rapports entre les sexes.
Nous avons parlé aussi de l’éducation, des écoles confessionnelles qui semblent, d’après ce qu’elle dit, offrir le même risque de dégouter à jamais les gosses de la religion que les écoles  catholiques. Nous avons évoqué le cas d’un lycée orthodoxe où les enfants sont élevés loin de tout comme au XIX° siècle, avec la perspective d’affronter à la sortie le monde post-moderne dans toute sa démence et sa perversité. Cependant, les écoles non confessionnelles deviennent de plus en plus le théâtre de toutes sortes d’expériences  déconstructrices et de pressions perverses, et ne préparent plus des êtres humains, mais des individus atomisés en compétition les uns avec les autres pour la meilleure place possible dans une société aliénante, déshumanisée que toute personne normale ne peut avoir qu’en abomination.  Et moi qui étais contre l’école à la maison, essentiellement pour des raisons de socialisation, j’en viens à considérer maintenant que c’est une mesure salutaire dans le contexte, quand on peut s’en charger, ce qui est loin d’être toujours le cas. «Pour te dire le fond de ma pensée, Katia, je crois que l’école n’est pas quelque chose de naturel, et je l’ai ressenti dès mon enfance. J’étais en révolte complète contre l’école, et comme je ne suis pas quelqu’un de violent, cela se traduisait par une sorte de résistance passive, d’émigration intérieure. A part les conformistes et les malléables que sont les premiers de classe, quel sens peut avoir l’école, pour un enfant ? On l’arrache à sa famille et on le colle dans un établissement où des gens qui ne lui sont rien le soumettent à un formatage social décrété par un ministre dans son bureau, c’est-à-dire par un individu nuisible et dénaturé. J’ai ressenti cela très tôt, et si je faisais un léger effort pour passer d’une classe dans l’autre, c’était uniquement pour plaire à ma mère, et parfois à certains professeurs, car c’est comme cela qu’un enfant fonctionne, par amour, par respect. L’éducation normale, pour moi, c’estl’éducation traditionnelle. Selon les hasards de la vie, un enfant naissait chez les paysans, les nobles ou les artisans, et sa destinée était, sauf exceptions, tracée : remplir sa fonction là où il avait été placé, de la meilleure manière possible. Naturellement, il arrivait toujours qu’un artiste ou un guerrier, ou un mystique naquît à une place qui n’était pas forcément la meilleure pour lui, mais cela se corrigeait généralement de soi-même, car quelqu’un le remarquait, où il fichait le camp lui-même pour s’enrôler, ou se faire embaucher ou étudier, ou entrer au couvent.  Autrement, l’enfant apprenait au fur et à mesure qu’il grandissait ce dont il avait besoin pour survivre et s’inscrire dans son milieu et communiquer avec les autres, y compris le répertoire de contes, chants et danses transmis de génération en génération. Il participait, il était responsabilisé, et il apprenait très tôt toutes les ficelles de son métier.  Il en était récompensé par l’estime et l’affection de sa communauté familiale ou élargie, et même s’il n’était pas bon à grand-chose, on lui trouvait quelque chose à faire, il ne finissait pas SDF sous les ponts, à moins d’une guerre, de la peste ou autre cataclysme.  A « l’âge ingrat », il était capable de fonctionner, d’assumer et même de se marier. Il ne passait pas son temps à geindre et à fumer des joints en écoutant une musique d’abrutis, ou en regardant des films pornos, pétrifié d’horreur devant l’existence absolument insensée  dans laquelle on lui demande de s’insérer coûte que coûte.  L’être humain n’est pas fait pour fonctionner dans des structures anonymes dont il n’est qu’un rouage. Je me souviens que l’école de la république se vantait des « petits paysans qui deviennent ministres », ce qui à mes yeux n’est pas du tout une promotion, un paysan valant beaucoup mieux qu’un ministre, mais si cela se produisait, c’était grâce à tout cet héritage que la république s’est employée à déconsidérer et à supprimer.  Mon beau-père n’avait jamais pu entrer dans ce système, bien qu’il eût étudié et obtenu son bac latin grec, mais il avait besoin de la liberté de la terre, et de sa vérité. Il ne pouvait partir, dans un sens, avec les animaux et tous les impératifs de son métier, mais à l’intérieur de son royaume qu’était la ferme, il était son propre maître. Maintenant, il n’y a plus de possibilités de vivre de cette manière, c’est pour tous un esclavage qui ne dit pas son nom, et ce qu’il reste de paysan a appris le métier auprès d’abrutis déconnectés dans des lycées agricoles, au lieu de le recevoir de leur père qui l’avait reçu de son propre père. Je ne parle pas de toute la culture qui allait avec, remplacée par ce qu’on appelle maintenant « la culture populaire » soit la culture de masse fabriquée en série, comme tout le reste, pour remplir les poches de quelques uns en décervelant tous les autres. »
Je remercie Dieu de m’avoir fait rencontrer toutes ces jeunes femmes. Elles sont de bonne qualité humaine, et nous avons en plus, avec Katia et Liéna, la possibilité de monter quelque chose ensemble, un groupe de chant traditionnel qui nous unit et peut faire boule de neige. Le fils des voisins, Aliocha, a dit à sa mère : « J’ai entendu Laurence chanter avec une amie, c’était si beau, mais je n’ai pas osé aller écouter… »
Rita adore Katia. Quand elle arrive, elle se met à moduler des sons extatiques jusqu'à ce qu'elle la prenne dans ses bras.
C'est un détail, mais virez l'isba du premier plan pour mettre un château américain, un cottage pseudo normand ou un hangard en plastique, et cette harmonie russe à la fois poétique, modeste et fantastique sera perdue à jamais.