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samedi 13 juin 2020

Des patriotes

J'éprouve un certain surmenage, c'est la que je me rends compte que je vieillis. J'ai besoin de solitude et de jours où je n'ai rien de spécial à faire ni de gens à voir. Ce qui ne veut pas dire que je ne fais rien. Entre les leçons des filles, celles de Skountsev, la traduction de mon livre et le reste, les servitudes quotidiennes, le jardin, je ressens une certaine tension nerveuse. J'essaie de m'éloigner des réseaux sociaux sur les conseils du père Basile. Il a du s'effrayer d'une réflexion ou j'envisageais de passer chez les vieux-croyants. Je n'y pense pas vraiment, mais je crois qu'ils auraient beaucoup à nous apporter, et que les prélats diplomates qui tournent autour des catholiques feraient mieux de regarder dans cette direction.
Hier Katia est passée me voir, elle a rencontré une fille qui s'occupe de folklore, ici, avec la communauté cosaque, et lui a parlé de nos projets. Il s'agirait de créer un centre où se retrouveraient les gens que la sauvegarde et la pratique de tout cela intéressent pour échanger, pratiquer, inviter des spécialistes comme Skountsev et aussi des personnes locales qui ont conservé des savoir-faire, pour les transmettre.
Par rapport à la maison de fous que devient le monde, à la suite des expériences progressistes, des excès capitalistes et des idéologies matérialistes, nous en sommes venues à la conclusion qu'il fallait organiser une modeste résistance passive et se rendre invisibles, sous la protection de Dieu.
Katia doit passer au tribunal pour être entrée sans masque au café français. Le nombre de clients qui se massaient sur le trottoir a attiré l'attention du chef de la police qui a brusquement décidé de faire du zèle et envoyé un subordonné passablement gêné de le faire, contrôler les contrevenants. Cela alors que tout le monde en a ras le bol, et que le masque à été imposé tardivement par le gouverneur, qui ne voulait sans doute pas être en reste. J'ai donc mis ce truc étouffant et malsain pour faire mes courses au Magnit. Les courses m'arrachent une côte, mais avec le masque encore plus.
Après cette visite et cet exploit, je m'apprêtais à travailler sur le materiel des leçons de Skountsev que j'enregistre. Mais la même Katia m'appelle pour me convier au barbecue de la famille de cosaques, les Rimm, sur leur terrain, en face du monastère Danilov. Je n'avais aucune envie d'y aller, je l'ai fait par affection pour tout le monde. Mes hôtes avaient des complexes, car leur terrain est tout ce qu'il a y a de plus vague, pour l'instant, bien qu'il y ait une partie potager entretenue. Et cela leur paraissait susceptible de choquer une Française, créature raffinée venue d'un autre monde. Ce qui me choque, c'est surtout le massacre qu'on a fait des environs autrefois pittoresques de ce monastère magnifique, comme d'ailleurs de toute la ville, mais cela ne choque pas le cosaque d'adoption Alexandre Rimm, il estime que les gens doivent pouvoir construire n'importe où n'importe quoi. Il m'a cité l'interdiction faite par les autorités de la jolie ville préservée de Souzdal de détenir des chèvres, pour que le spectacle de ces animaux rustiques ne choque pas le touriste, ce qui est le signe chez ces fonctionnaires d'une profonde bêtise, car rien ne touche plus le touriste que de voir des chèvres, et d'autre part, ma visite à Souzdal avec ma soeur m'a permis de constater que si la ville était encore préservée dans sa structure générale, on y construisait bien aussi de véritables horreurs, et cela, les emmerdeurs officiels ne le voient même pas.

Dounia et les chèvres
Natacha à fait un discours très patriote à Denis, le voisin de Katia, lui aussi invité, afin qu'il vote prochainement pour les corrections de la constitution qui rendront à la Russie sa souveraineté. La confiance des Rimm en Poutine est inébranlable. J'ai appris d'ailleurs à cette occasion que l'idée d'un démembrement de la Russie, chère aux occidentaux et aux libéraux russes, était déjà dans la tête des fonctionnaires soviétiques locaux de la région d'Ekatetinbourg, alors renommée Sverdlovsk. Comme quoi, lorsque je vois la même origine à tous ces épiphénomènes, capitalisme, communisme etc., je ne suis pas loin du compte.
Denis ne comrpend pas pourquoi il faut absolument que les filles apprennent le français, l'anglais, fassent de longeus études. "S'occuper d'une famille, c'est un travail à plein temps, pourquoi le français, pourquoi la philosophie? Et celles qui, tellement occupées à tout cela, n'ont pas de famille, elles sont heureuses?" Cependant, j'ai remarqué qu'il était béat d'admiration devant sa femme et ne faisait rien sans la consulter. C'est aussi le cas du folkloriste, très pater familias, Alexandre Joukovski...
Un moine du monastère voisin est venu nous rendre visite, le père Alexis, et comme j'avais dû mal à me lever de mon fauteuil profond sur un terrain instable, s'est écrié:"je vous en prie, ma colombe, ne bougez pas !" Il m'a vanté les vertus des prosternations orthodoxes contre les ravages de l'arthrose du genou et tenu des discours sur la grâce que malheureusement je ne comprenais pas bien, car Alexandre était passé au chant collectif de chansons patriotiques, avec la famille et les invités, chants assez kitsch, je dois dire. Cependant, ces gens sont purs, et leurs enfants normaux, épanouis, avec un vrai père, une vraie mère et des exemples héroïques, la légende épique de la Russie. Et cela malgré une évidente pauvreté qui ne semble pas affecter ces gosses, élevés dans un esprit de dévouement, d'abnégation, d'idéal et de sacrifice. C'est pour moi la démonstration concrète de la dinguerie atroce, criminelle des sociétés qu'on nous fabrique, en opposition avec ce modèle traditionnel constemment tourné en dérision.
Le père Alexis s'est réjoui de l'émergence d'une véritable communauté orthodoxe, avec des reunions de croyants unis. Le voisin, comme c'était la fête de la Russie, a monté le drapeau correspondant au dessus de son toit et du terrain des Rimm, de leurs chants patriotiques, de leurs poules, de leur chèvre et de son chevreau, de leur maison en construction depuis six ans, selon l'absence de plan et de considérations esthétiques habituelle.

Alexandre et Natacha Rimm

deux cosaques...

Sonia et Katia

la femme de Denis, Katia, avec un de leurs fils

le monastère saint Daniel

jeudi 11 juin 2020

Leçons

Il a fait chaud, étouffant et humide, ce qui déchaîne les insectes piqueurs et la pousse de la végétation. Sur le soir, un ciel fantastique nous annonçait un orage. J'ai essayé de le photographier, en regrettant de ne pas être sur le bord du lac, où le spectacle devait être à couper le souffle. Je n'ai plus le courage et l'agilité de bondir sur un vélo, ni même dans ma voiture, et encore moins de courir, à la rencontre de tels miracles, d'autant plus qu'ils sont très brefs. Le gosse d'en face m'a demandé pourquoi je prenais des photos. "Parce que le ciel est très beau". Mais personne ne lui a appris à regarder le ciel, et ainsi grandissent la plupart des gens.
Skountsev a brusquement décidé de me consacrer une heure, mais je n'arrivais à rien, parce que j'étais fatiguée par le jardinage, la chaleur, et je savais qu'allaient venir mes deux petites élèves, Marina et Sonia. Marina a plus de facilités mais elle est moins motivée que Sonia, qui me rédige des choses très complexes en français, mais prononce si mal que je ne comprends rien. Et puis, parfois, je leur demande des choses très simples, et m'aperçois avec surprise qu'elles ne les connaissent pas. Je me demande si je leur serai d'une grande utilité. Pour la prononciation, certainement, mais il y a du travail!
Marina et Sonia ne viennent jamais à la même heure, c'est en fin de journée, mais je ne sais pas exactement quand. Elles m'apportent des meringues qu'elles cuisinent elles-mêmes. Je leur ai dit qu'elles avaient peut-être un avenir tout tracé chez le pâtissier Didier! Mais cela ne semble pas entrer dans leurs projets... Dans le cours des leçons, elles font des contresens parfois si comiques que j'en prends des fous rires, et elles aussi!
Skountsev est aussi assez fantaisiste pour les horaires, c'est quand ça le prend. Cela dit, il est complètement génial, le bon côté du Covid et d'internet, c'est qu'il est disponible, et que nous pouvons travailler par Skype. Il sait très bien expliquer, faire sentir, je suis béate d'admiration. Je me demande combien de temps, une fois que je dominerai le problème, je pourrai chanter et jouer, cinq ans, dix ans? Et dire qu'autrefois, les gens apprenaient tout cela en famille sans s'en apercevoir! Quelle extraordinaire dimension cela conférait à leur vie, aucune technologie numérique ne pourra jamais donner à l'être humain ce que lui apportait ce bain de création musicale et plastique qui était son élément naturel avant que de tristes intellos de broussailles ne momifient la culture dans les musées et les écoles, en écrasant de leur mépris tout ce qui était spontané et vivant chez les peuples...
Mais peu importe le temps dont je dispose, je partirai dans l'autre monde avec ce trésor de mon coeur.
Un de mes iris des marais fleurit pour la première fois, en revanche, les autres ne se décident pas. Les iris classiques s'y mettent aussi, pour l'instant, les bleus. Tout l'hiver, j'ai balancé dans les plates bandes le café, le thé, les épluchures de légumes, et je constate que mes delphiniums s'annoncent somptueux, après être restés trois ans minables, ils deviennent énormes, ils préparent plusieurs hampes de fleurs.
Cela doit faire trois ou quatre mois que je ne suis pas allée à Moscou, ceux que j'y connais me manquent, mais j'hésite à me lancer, d'autant plus qu'avec la chaleur, je n'ai aucune envie de me promener avec un masque sur la figure, j'aurais peur de tomber suffoquée.






vendredi 5 juin 2020

Sauve qui peut.

Katia et Rita
J'ai vite profité du soleil, hier et ce matin, maintenant, c'est l'orage, à nouveau la pluie, il faudrait tondre tous les jours, l'été est ici très court, mais la végétation complètement enragée. Elle sait qu'elle n'en a pas pour longtemps sans doute... Quand le soleil est rare, on en cueille chaque rayon, les herbes de mon marécage comme moi-même, et les animaux couchés à mes pieds.
Ceux-ci sont vraiment très heureux. Curieusement, j'ai l'impression qu'ils en sont conscients. Blackos me regarde d'un air absolument dévôt, c'en est intimidant. A mon avis, avant mon arrivée, il n'avait jamais imaginé que sa vie pourrait prendre ce tour. Car lorsque je regarde la plupart des animaux que je vois chez les uns et les autres, même quand ils ne sont pas absolument maltraités, ils sont quand même plutôt négligés. Nourris quand on y pense, tolérés dans la maison ou enchaînés dehors. Je souhaite donc de tout coeur ne pas les laisser orphelins. Même le petit Monsieur n'en revient pas de son bonheur, après son enfance abandonnée. Il me suit en bondissant dans le jardin, dès qu'il me voit, il se précipite à ma rencontre en miaulant de joie. D'autant plus qu'il est aimant et tendre, cela ne lui allait pas du tout d'être seul, exposé à tous les dangers.
Katia est venue avec une amie pour notre rendez-vous numérique avec Skountsev sur Skype. Je crois qu'il nous fera beaucoup progresser. C'est bien dommage que je n'ai pas bénéficié de ses cours plus tôt, quand je travaillais encore à Moscou. Se débrouiller tout seul a des limites.
J'ai filé mon ancienne vielle à Katia, mais les problèmes qu'elle lui pose me confirment dans le bien fondé de mon achat d'une seconde vielle, celle de Vassia Ievkhimovitch, elle est plus facile à manier, et plus stable. Le son de la première vielle est peut-être plus beau, mais on ne peut pas trop compter sur elle, elle se désaccorde pour un rien.
L'amie de Katia qui s'appelle aussi Katia, a une petite fille qui n'a pas voulu me dire son nom. Je ne lui plaisais visiblement pas! Sans doute parce que je suis vieille... Souvent les enfants préfèrent les gens jeunes et beaux aux vieux débris. Elle a été très sage, à part cela, comme une image.
L'actualité me rend tellement malade, que j'essaie de prendre du champ, mais c'est difficile, car il s'agit bien d'une guerre, une guerre d'un genre nouveau, celle de féodaux mafieux contre les populations mondiales, et leurs gouvernements, quand ils tentent de résister à cette pieuvre extrêmement fourbe et dépourvue de toute espèce de morale. Maintenant, après le coup du Covid, qui a permis d'humilier et de maltraiter, de terroriser et de dresser des milliards de gens, on nous fait le coup de la guerre raciale, en excitant comme des pit-bulls les noirs contre les blancs. J'ai envie de vomir quand je vois des imbéciles agenouillés demander pardon  d'être blancs à des noirs déchaînés et glapissants qui les lynchent et les pillent. Vont-ils demander pardon, eux, pour les filles violées, les adolescents et les vieux tabassés, les sévices quotidiens dont sont victimes les Français, depuis qu'une caste qui ne se mélange, elle, jamais, les a lâchés sur nous? Les Russes n'en reviennent pas, mais il s'en trouve pour se réjouir, c'est bien fait pour nous, nous sommes des colonialistes, en revanche, quand les les pays de l'est leur crachent à la gueule, ils sont tout surpris, car c'était bien sûr pour leur bien que l'URSS les avait annexés après la guerre... Tout le monde ferait bien de s'apercevoir, comme j'en ai de plus en plus l'impression, et même si je n'ai pas la fibre américaine, que dans quasiment tous les pays, la même poignée de salopards et de malades mentaux déploie ses intrigues pour nous jeter les uns contre les autres, et faire disparaître en premier lieu la population blanche, c'est elle qui est en passe de subir un génocide. Et les Russes sont aussi visés que les autres, les choses sont juste moins avancées chez eux.
A Moscou, Sobianine est devenu complètement fou, avec les quelques électeurs inconditionnels qu'il lui reste, et qui considèrent les gens hostiles à ses mesures vexatoires et stupides, autant que suspectes et inquiétantes, comme des criminels. Il a décidé de tenir ainsi les moscovites muselés et en laisse jusqu'à la fin de l'année. Pourquoi la fin de l'année? L'épidémie disparaît en France, qu'est-ce lui permet de prédire combien de temps elle va encore durer ici? J'ai lu à nouveau la fable des dangers épouvantables de la chloroquine dans la chronique d'un prêtre russe, c'est dans le clergé qu'on fait courir ce bruit idiot?J'ai toujours chez moi ce garçon qui veut fuir la dictature numérique dans le grand nord pour se réfugier dans la forêt, afin d'échapper aux drones, mais il ne sait pas changer une bouteille de gaz, et ne supporte pas que son linge ne soit pas lavé à 90°, je me demande si, quand il bouffera des racines de chiendent, des orties et des champignons dans la forêt, il pourra faire sa petite lessive dans ces conditions. Et puis l'hiver, il va chasser? Ou gratter la neige pour trouver du lichen, comme les rennes? Un ami Français me dit que dès qu'il pourra, il viendra ici, car il ne supporte pas le spectacle du naufrage de notre pays. Je dis un ami, mais en fait, j'en ai deux, dans ce cas. Et je les comprends, j'espère seulement que nous n'allons pas tomber ici complètement au pouvoir des milliardaires satanistes, je compte sur la résistance des Russes provinciaux... Parallèlement, un Russe que je connais par Facebook me demande s'il y a des maisons à vendre ici, et combien; un type intelligent et plutôt marrant, avec le côté excentrique du Russe bon teint. Il me dit qu'il ne veut plus vivre à Moscou, que Sobianine est un malade mental, qu'il fait la vie impossible à ses administrés et que jamais il n'acceptera un vaccin bricolé par une équipe de fous furieux. D'après ce que j'entends dire, c'est à une ruée des moscovites hors de la capitale "intelligente" numérisée, que nous allons assister. Les gens ont pris conscience du caractère absolument inhumain et malsain d'une mégapole qui les met à la merci d'apparatchiks retors, ivres de cupidité et d'orgueil, ce qui est le cas de toutes les capitales du monde. Pauvre Moscou qui fut une si belle ville, une sainte ville, et qu'on a transformée en abcès de fixation de toutes les tares du pays... Il me semble que le monde entier devient un asile de fous, tout ce que nous faisons est absurde et atroce, mais il y a encore des neuneus pour croire en les bienfaits du progrès exponentiel à l'infini, c'est un dogme qui ne se discute pas chez ceux qui ne croient pas en Dieu et, consciemment ou non, servent le diable.
Avec tout cela, je ne suis pas près d'aller en France, ni même à Moscou, pour voir le père Valentin et la famille Asmus, ou Skountsev. Quand à Ferapontovo, où j'aurais voulu aller faire un tour, où je regrettais de ne pas m'être installée, c'est là bas les laissez-passer à chaque pas, les quarantaines. En fin de compte, je considère comme une opération très réussie de mon ange gardien mon installation à Pereslavl, le gouverneur de Iaroslavl n'est pas devenu complètement dingue, les gens restent normaux, les églises ouvertes, et nous avons un super évêque. Tout le monde fait semblant de respecter les ukases, et les flics font semblant d'y veiller. C'est la meilleure façon d'avoir la paix quand la société devient un asile d'aliénés.



Skountsev sur l'écran, et Chocha sur le radiateur!




lundi 1 juin 2020

Folklore on line

Hier soir, j'ai commencé, avec Katia, à prendre des cours on line avec Skountsev. Evidemment, cela nous fait chuter dans le schéma futuriste du tout numérique, mais que faire, dans la mesure où Moscou devient inaccessible, avec ses parkings payants qu'on ne peut pas régler sans avoir de smartphone ni être un génie de l'informatique, plus en ce moment les laisser-passer électroniques et toutes ces sortes de tracasseries. A toute mauvaise médaille, un bon revers, par les vertus de Skype, nous avons pu converser et apprendre avec Vladimir Nikolaïevitch, le roi du foklore cosaque. J'ai filé ma vielle Joukovski à Katia, et j'ai pris ma vielle Yekhimovitch. En fait, Katia pensait travailler la balalaïka, mais Skountsev nous a mises toutes les deux sur la vielle, je pense que nous ferons plus tard des séances balalaïka gousli. Katia a une formation musicale, pas moi, il y a des choses qu'elle comprend plus vite. 
Aujourd'hui, Skountsev m'a rappelée pour me proposer aussi des cours particuliers  pour me faire progresser. "Il faut que tu apprennes à accorder ta vielle sans aucun problème, de toutes les manières possibles, cela élargira énormément ton répertoire. Car il y a des tas de façons de le faire, selon les chansons.
- Je ne sais pas si j'ai encore les doigts et la cervelle assez souples...
- Allons, Laura, tu plaisantes? Partie comme tu es, tu chanteras encore à 90 ans..."
Il m'a dit que grâce à la structure de sa vielle cosaque, il avait compris que les chants vieux croyants avaient un isson byzantin dans les temps anciens. Il a ajouté ce bourdon aux chants vieux-croyants, et ça marche, l'isson s'adapte comme s'il avait toujours été là. Des vieux-croyants de Iaroslavl lui ont confirmé que cela avait bien été le cas, mais qu'ils avaient "oublié". Je n'ai malheureusement pas enregistré tous les aspects techniques de ses recherches là dessus, car j'entends assez mal sur les portables, et le mien n'est pas terrible. Mais il ressort de notre entretien, que tout ce qui m'intéresse dans la vie, et dans la Russie, c'est ce que je partage avec Skountsev et ses pareils. Avec tout ce que ce domaine recoupe, évidemment, l'orthodoxie, la nature, la littérature, l'histoire.  La civilisation numérique, comme le capitalisme ou le communisme et le consumérisme, je n'en ai rien à foutre, je ne comprends même pas comment font les gens qui vivent uniquement dans ces dimensions-là pour ne pas se suicider. J'aimerais voir tout cela s'effondrer dans un gouffre de feu, là où est la place de ce genre de choses, qui font tant de victimes et engendrent tant de laideur et de terrifiante, criminelle bêtise. A l'église, au bord du lac, ou avec Skountsev, je suis dans mon élément, je sors de la maison de fous, je raccroche avec la Tradition, avec la prière et la poésie, le conte et l'épopée, tout ce qui est beau et noble et nous fait dépasser le niveau de la merde. Et peu importe que cela passe par Skype. Dans un sens, c'est même un beau pied-de-nez à tous les fous furieux qui nous font la vie sinistre.


la chanson sur laquelle nous travaillons

dimanche 31 mai 2020

Grisaille


Je suis retournée hier dans la cambrousse avec mes voisins, Kolia et Ania, voir l'accordéon, que nous avons acheté. Je m'attendais à trouver une vieille paysanne, mais c'était une femme de la ville qui avait travaillé longtemps à Koroliov, dans un établissement scientifique. Le coin où était sa maison était très joli, bien qu'infesté de moustiques, et j'étais fascinée par un merveilleux mélèze qui dansait avec grâce dans le jardin voisin. La dame s'ennuyait visiblement très ferme et ne voulait pas nous laisser repartir.
Kolia était très content de son acquisition. Au retour, il souffrait pour ma voiture, éprouvée par les nids de poule  invraisemblables, et me racontait qu’il avait été chauffeur de bus sur ce trajet pendant des années. Il en connaissait tous les recoins, il faisait la cueillette des fraises des bois, des framboises, des myrtilles et des champignons, se baignait dans les rivières. J’ai proposé que nous fassions de même mais il trouve la route trop mauvaise et propose des endroits plus proches, avec des chaussées en meilleur état. Je n’arrivais souvent même pas à passer la troisième.
Il m’a dit qu’il était d’origine paysanne, son père avait dirigé un kolkhose, et bien que membre du parti, il connaissait toutes ses prières, reprenait sa femme quand elle se trompait, et avait donné une éducation chrétienne à son fils. « C’était un homme bien, honnête et humain, et tout le monde le respectait ». Sa femme et lui aiment beaucoup la nature, ce sont des gens simples, mais ils ont l’âme fine, et ils élèvent bien leur garçon, dans les traditions. Ils m’ont expliqué que les parents du petit garçon qui venait me voir et se conduisait très mal picolent tous les deux et se tapent dessus. Ils ne nourrissent pas leur chien, que j’entends parfois hurler. Leur chat est en train de s’installer chez Kolia et Ania. Le destin du gosse, du chien et même des parents m’a serré le cœur. Je vais naturellement laisser le gamin venir même s’il m’emmerde, mais je ne sais pas trop par quel bout attraper cette âme en friche.
Kolia était très content de pouvoir reprendre l’accordéon, et moi ravie de l’avoir aidée à en avoir la possibilité, je n’aurai pas vécu pour rien, si la musique revient dans sa maison, si elle résonne à nouveau dans le quartier à la place du boum-boum pour débiles mentaux internationaux qu’un certain voisin nous assène quand il fait beau, et s’il la transmet à Aliocha.
Du coup, ils vont m’aider à nettoyer l’emplacement du futur poulailler, et Ania m’a donné des fleurs, ce sont des corbeilles d’argent, il y en avait chez maman.
Il pleut à nouveau à torrent, j’ai dû rallumer le chauffage. Tout ce que nous plantons pourrit, à part les choux.
Le climat général, les rues de Paris envahie par les illégaux qui affirment leurs prétentions de conquérants, la profonde pourriture des gouvernements, leurs brimades à l’égard de leur propre peuple, mes amis de Moscou que je ne peux pas aller voir, le père Valentin et ses filles, mes proches en France que je ne peux pas aller voir non plus m’inspirent un profond cafard. Ma cousine m’écrit : « Tu es si loin… » et tout d’un coup, j’en ai eu le vertige, de cette distance, je la revoyais petite, nous sommes si différentes, et pourtant, il y a entre nous cet amour fraternel, qui nous jetait dans les bras l’une de l’autre, alors que nous nous battions et nous disputions souvent, la détresse qu’elle a toujours cachée sous son agressivité.
Je suis allée ce matin à la liturgie à l’église du métropolite Pierre. On a mis une iconostase sommaire dans le sanctuaire du bas, il semble que la restauration soit enfin à l’horizon. L’acoustique est sensationnelle, on voit que le tsar Ivan, très amateur de chant liturgique, a dû y veiller. J’entendais tout, très nettement. Et je pleurais comme une Madeleine, en pensant à la France, à la cousine, à mon oncle et ma tante, à ma mère, au gosse et au chien. Le père André, en me confessant, m’a dit que la tristesse était un péché. La communion m’a fait du bien, et la gentillesse des gens.
Le père André a comparé, dans son homélie, l’église du métropolite Pierre à l’Etat russe, complètement ruiné, mais toujours debout, et j’ai trouvé cela très profond, car le fond de la résistance de l’une et de l’autre, c’est la qualité initiale de l’édifice.
Ensuite, on a béni les cloches qu’un bienfaiteur a offertes, dehors, dans une atmosphère sombre et pluvieuse, terriblement humide. Puis avec Katia, qui n’avait pas le moral non plus, nous sommes allées au café français, dans la réserve, au milieu des meubles accumulés, avec nos consommations respectives, et nous avons été rejointes par Gilles et le pâtissier Didier, dont la gouaille nous a changé les idées. Katia voudrait créer une sorte de petit centre folklorique où il y aurait des cours, des stages, et plus simplement des rencontres, de gens qui échangeraient leurs savoir-faire et se retrouveraient pour chanter et danser ensemble. Le voisin Kolia et son accordéon, elle et sa balalaïka, ma vielle et moi et ainsi de suite. Cela me paraîtrait une bonne idée qu’il nous faut mûrir.
Ce soir nous débutons des cours on line avec Skountsev, qui pourrait venir assurer un stage, un de ces jours.


Photos éparchie de Pereslavl