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samedi 11 juillet 2020

La cabane au fond du jardin



Mes locataires sont arrivées, mais je ne sais pas pourquoi je m'impose cela, finalement, pour rentabiliser ma grande maison, pour en prendre l'habitude, au cas où cela deviendrait indispensable? Je planifiais de transporter la cuisine que j'ai installée dans une seule petite pièce avec le coin douche dans la pièce à côté, ce qui ferait une cuisine-salle à manger décente, séparée du reste, et me permettrait de faire une entrée complètement indépendante, mais à ce moment-là, je perdrai une chambre, je n'aurais plus qu'un grand studio. J'avais enlevé le lit pour arranger les deux poètes, qui voulaient installer le leur, orthopédique. Il est maintenant démonté dans un coin. Or voilà que mes deux arrivantes veulent deux chambres séparées. Et en plus, cela ne va pas que ce qu'il me reste de lit dans la grande pièce, un lit superposé double, soit trop près de la porte de l'autre chambre, il faut le transporter à un autre endroit, dont je devrai enlever tous les tableaux. Et puis le drap housse cela ne va pas non plus, il faut un vrai drap, une taie d'oreiller en vrai coton, et enfin, on n'arrive pas à installer la Wifi, j'ai dû faire appel à un spécialiste d'urgence, il n'arrive toujours pas, toute ma journée est passée dans ce genre de détails. Le spécialiste va me bloquer l'ordi pendant une heure. Hier, c'était le plombier qui me faisait un cours de physique-chimie, quand je lui demandais simplement de faire en sorte que l'eau ne passe pas dans la douche de l'état bouillant à l'état glacial de façon inopinée et incontrôlable...
Après quelques locataires, et leurs diverses exigences, cela ne ressemble plus à rien, là bas. Mais quand j'aurai terminé ces aménagements, ce sera en l'état ou rien, et qu'on me rende l'endroit tel qu'il était à l'arrivée.
Jusqu'à présent, j'en avais qui du moins n'étaient pas difficiles, celles-ci vont je crois bien m'emmerder. Je vais réserver cela à des copains ou pour les réfugiés français qu'attend l'higoumène Dmitri!
J'ai dit à Skountsev que je ne pourrais pas travailler avec lui aujourd'hui. Il est venu hier, mais comme il était soumis aux desiderata de l'équipe de tournage, il était difficile de planifier quelque chose. Marina et lui ont passé chez moi deux heures, le temps de bouffer et de répéter un peu, car il voulait voir mes instruments, et me montrer sur pièce comment m'en servir pour des gestes que je ne peux saisir à distance.
Sa femme m'a confié avoir trouvé une lettre enflammée de sa bru dans de vieilles partitions de son fils qu'elle allait jeter à la poubelle: "Elle lui mettait toute son âme dans cette lettre, et lui l'a laissée n'importe où.
- Oui, mais cela ne l'a pas laissé indifférent, il l'a quand même épousée...
- D'accord, mais c'est pour dire qu'ils ne sont vraiment pas comme nous, ils ne peuvent pas nous comprendre, et réciproquement, et s'ils nous comprennent, ce ne sont pas des hommes, et d'après le prêtre, ils ne nous servent alors à rien. Si nous voulons être comprises, il nous faut aller trouver des femmes."
Cela m'a plongé dans des abimes de réflexions. Je ne pense pas que ce soit absolument vrai, j'ai entendu une fois une interview du père Vladimir Viguilianski, qui a une grande complicité avec Olessia, et il disait que la condition d'un bon mariage était un sentiment d'amitié entre époux qui survit à l'engouement sensuel et unit dans les circonstances diverses de la vie. Ce sentiment d'amitié existait entre ma mère et mon beau-père. Je pense que dans un certaine mesure, il existait aussi entre le père Valentin et sa matouchka. Je pense qu'il existe entre le père Antoni et sa femme Myriam. Personnellement, c'est ce que j'ai vainement cherché, car les hommes qui avaient des points communs avec moi ne me considéraient plus comme une femme, mais comme un copain, tandis que des "vraies femmes", ils se plaignaient abondemment, avec toutes sortes de sarcasmes. L'amitié implique le respect et exclut le mépris, l'exaspération et la rancoeur. Je n'ai pas le réflexe d'aller chercher de la compréhension chez les femmes, à l'exception de ma mère autrefois, ou de mes tantes, et de celles qui n'ont pas ce qu'en russe on appelle "babstvo", ce côté femelle, possessif, hystérique, tyrannique, cette tendance à être dans la rivalité permanente, tout cela assorti d'un prosaïsme profondément emmerdant, à des degrés plus ou moins marqués. En l'occurrence, je m'entends malgré tout mieux avec Skountsev qu'avec sa femme, je me sentais beaucoup plus à l'aise aux répétitions où j'étais seule avec dix cosaques que dans une compagnie de nanas, si j'aime Xioucha et Dany, c'est que ni l'une ni l'autre ne sont dans le registre "babstvo". Et bien que je sois traditionnaliste, et que je conçoive très bien que les hommes aient besoin d'être entre eux par moments, me trouver tout le temps dans une compagnie féminine me déprimerait plutôt. Au point que je n'entrerais pas au monastère, je préfère les monastères d'hommes!
J'ai vu une série de photos sur des vieux-croyants de Sibérie, en république bouriate, et ce qui me saute aux yeux, c'est que leurs petites maisons sont solides et très bien entretenues, certaines ont des toits de tuile métallique, car de nos jours, il est difficile de l'éviter, mais ils ne jurent pas du tout avec les façades ni les autres maisons, ce qu'on voit de décoration intérieure est très joli; les costumes sont très colorés, sans doute même trop, le costume russe traditionnel tel que j'ai pu le voir dans les musées, les livres et les ensembles folkloriques qui récupèrent des vêtements authentiques, a des teintes riches mais moins criardes, plutôt dans les rouges, blanc et noir. Cependant, il règne dans ce village une harmonie qui a complètement disparu de Pereslavl, par exemple, et de quartiers entiers de villes russes autrefois pittoresques. Le respect de la tradition empêche naturellement de faire n'importe quoi, autant avec ses vêtements qu'avec ses maisons, mais au delà de cela, je pense qu'il donne une harmonie intérieure qui se reflète dans une harmonie extérieure et si notre civilisation est si laide, c'est qu'elle fait les âmes tordues, et des âmes tordues ne produisent que de la contrefaçon, du mauvais goût, voire de la monstruosité. Le mauvais goût qui atteint à présent une dimension fantasmagorique, métaphysique, est la marque de la chute, de la dégénerescence de la société moderne antitraditionnelle. Qui plus est, alors qu'on nous parle sans arrêt de la misère des campagnes, ces vieux-croyants semblent bien vivre, sans tous les excès de la société de consommation, simplement et dignement.
Parallèlement, j'ai vu la photo d'un tableau de Polenov que j'aime beaucoup, "une cour de Moscou", mise en regard du même endroit de nos jours, avec la même église, et autour un décor urbain banal. La plupart des commentaires déplorent la transformation. Le tableau est idyllique, paisible, féérique. On y sent l'atmosphère que j'avais trouvée à Pereslavl la première fois que j'y étais venue; une sorte de nonchalance, de simplicité détendue dans un décor organique, naturel et pittoresque. Quelque chose d'assez proche de ce village de vieux-croyants, mais en plus délabré, car les vieux-croyants ont gardé toute la vertu des anciens, ils sont travailleurs, honnêtes, cela se sent dans leur maintien, dans la propreté de leurs maisons.
C'est alors qu'intervient une bonne femme qui n'échangerait pas le paysage urbain contre celui de Polenov, car on faisait alors la lessive à la rivière et on avait les cabinets au fond du jardin. Donc vive les cages en béton, et quand j'ai protesté, elle m'a répondu que je ne ferais pas ma lessive dans la rivière et mes besoins au fond du jardin. Elle rejoint en cela tous ceux qui se scandalisent qu'on répare une église ancienne plutôt que de "construire un hôpital ou un jardin d'enfants", c'est-à-dire la mentalité communiste ou capitaliste utilitaire qui vend son âme pour un plat de lentilles.
Il est évident que vivant seule, ayant grandi à notre époque et ayant un certain âge et des rhumatismes, je n'irai pas laver à la rivière ni recourir à la cabane au fond du jardin, encore que de ce côté-là, on trouve des arrangements. Mais ce raisonnement me paraît profondément faux, et du reste, même si, dans une certaine mesure il est vrai, si la vie était plus inconfortable, plus dure, cela ne veut pas dire que nous ayons gagné à nous la simplifier, ou que nous n'ayons pas compliqué d'un côté ce que nous avons simplifié de l'autre, et surtout humainement et spirituellement terriblement appauvri notre existence. Mais il y a des gens, produits de la modernité, qui, voyant le tableau de Polenov, et tout ce qu'il nous dit sur ce que nous avons perdu, restent au niveau des chiottes et du linge sale, c'est comme cela. Ce qui est triste, c'est que cette mentalité n'était pas du tout russe, elle était petite-bourgeoise et occidentale. Mais c'est celle qu'ont imposée les révolutions politiques et industrielles, en éliminant et rééduquant tous ceux qui y étaient réfractaires.
Le raisonnement est faux, parce que ce que ne faisaient pas les robots ménagers, les gens le faisaient en commun ou à tour de rôle, et souvent en se racontant des histoires, ou en chantant, la fonction créative de l'être humain, qui est en réalité communicative, qui ne devrait pas être individuelle, je dirais même qu'elle ne peut pas être limitée à l'individu sous peine de le faire sombrer dans la folie, faisait partie intégrante de la plupart des activités. Le sacré et le symbolique également. De sorte que la vie était probablement physiquement plus dure, mais psychologiquement plus simple, et humainement, spirituellement plus enrichissante et plus digne. De plus, d'accord, la machine à laver, l'aspirateur, mais la plupart des gens passent leur vie à accomplir des tâches qui ne les concernent pas, ne les enrichissent pas mais au contraire les aliènent, pour ensuite perdre quatre heures dans les transports afin de rallier leur cage en béton et s'écrouler devant les conneries de la télévision, sans plus rien supporter, ni leur moitié, ni les gosses ni le chien, mais ils sont persuadés qu'en les arrachant à cette vie campagnarde communautaire et transfigurée par une humble, ancestrale et quotidienne création collective, et par le sens sacré de l'appartenance au cosmos et à Celui qui l'inspire, on les a libérés et qu'ils sont considérablement plus intelligents que leurs ancêtres ploucs pour lesquels ils ont un mépris apitoyé. Moi, dépendante de la machine à laver et des commodités, après avoir passé ma vie seule, sans mari et sans enfants, j'ai conscience d'être une erreur de la nature, un peu comme un lion ou un ours qui a passé la sienne dans une cage au zoo. Les talents que j'ai ne m'ont pas donné de chaleur et ne m'ont pas délivrée de mon égoïsme. Dans le chagrin de ne pouvoir vivre en famille, et la profonde aversion du système de vie où j'étais née, l'obligation d'aller travailler pour remplir un compte en banque et ne pas me retrouver sous les ponts, qui m'emplissait de stress et d'angoisse, je n'arrivais pas à créer spontanément, je n'avais ni les bonheurs de la femme épanouie, ni ceux du créateur absorbé. Et j'étais obligée de vivre dans ce milieu artificiel immonde qu'on appelle une ville, ou plutôt une agglomération, une ville, c'est encore trop organique, et qui nous coupe de la terre et du ciel, des forêts, des fleuves, des nuages, des étoiles, des autres créatures que nous ne savons plus comment offenser et persécuter au lieu de les admirer avec ravissement. Oui, j'ai poussé comme un arbre tordu, comme un bonzaï dans son pot. Mais j'ai poussé quand même et je ne me suis pas désséchée; alors que tant d'autres, comme la femme du commentaire, préfèrent le béton soviétique avec un chiotte et une machine à laver au quartier organique et vivant de Polenov, plein de ciel, de soleil, et de coupoles dorées qui se dressent avec une douceur recueillie, prière séculaire reconnaissante et centrale. De cela je peux rendre grâce à Dieu qui ne me laisse pas tomber...








photos Alexeï Romanov
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mardi 7 juillet 2020

Un déferlement de ténèbres

Il fait très chaud, enfin pour la Russie, car par rapport au Gard ou à la Drôme, c'est très supportable, mais il y a les insectes piqueurs, que cela met en forme. Heureusement, les souffles bienfaisants du lac les dispersent.
Je crois que depuis que je suis revenue en Russie, je n'avais pas vu un été comme cela. J'ai pris mon vélo ce matin, et je suis allée me baigner à l'embouchure. Il n'y avait pas beaucoup de monde. Des pêcheurs placides qui me demandaient depuis leurs canots si l'eau était bonne. Un contingent de jeunes militaires qui prenaient des bains de soleil à la station de secours, et les bateaux de cette même station qui appareillaient. Les mouettes, avec leurs petits corps immaculés, couleur de nuages, leur tête brune, les canards qui glissaient affairés, par familles entières. Ces fleurs jaunes apelées koubychka, de la famille des nymphéas, qui s'épanouissaient sur la rivière. L'eau d'un vert sombre reflétait un ciel lisse azuréen, où flottaient de gros nuages, qui parfois dérobaient le soleil. Tout me paraissait si paisible et si suranné, un endroit chrétien, tranquille, modeste, européen, malgré son mélange d'orient et de Scandinavie, très loin de ce qui agite le monde, et des desseins ténébreux de ceux qui en disposent à leur gré sans consulter les sous-hommes.
Mon locataire est parti, bien arrivé, il paraît que la maison est correcte et le village très joli. Il me faut préparer la maison pour les locataires suivants, deux dames, et je ne sais pas où je vais en trouver l'énergie. Demain soir, Skountsev débarque avec sa femme, ils sont à l'hôtel mais ils viendront dîner.
Il me fait apprendre une byline du cycle de Sadko, une épopée dont le héros est un marchand aventureux du moyen âge qui jouait des gousli. En fait, Skountsev n'est pas du tout sûr qu'on accompagnait alors les bylines ou les vers spirituels aux gousli, car les plus anciens enregistrements concernent des airs à danser. Les gousli sont un instrument pourtant très méditatif. Ce chant de Sadko a l'air tout bête, mais il est très difficile, car qu'on le veuille ou non, notre oreille est formée par le solfège, or il faut produire des sons qui n'entrent pas dans cette catégorie. C'est là d'ailleurs une des principales caractéristiques du folklore russe, ces sons qui n'entrent pas dans les grilles, ou sur les portées. Le solfège est réducteur.
Je me suis entraînée dehors, protégée des moustiques par un vent tiède, avec d'un côté Rita, de l'autre Georgette. Puis le vent est tombé, et il m'a fallu battre en retraite. Tout d'un coup, quelques temps plus tard, de profondes ténèbres ont recouvert le quartier, une tempête s'est levée, des nuages effrayants déferlaient pleins d'éclairs. Aussi bien demain il fait dix degrés jusqu'au mois de novembre, j'ai bien fait d'aller me baigner...
J'espère que mes delphiniums ne vont pas être cassés.
Un prêtre est malade du Covid, un de ses fidèles, médecin à Moscou, l'avait été avant lui. C'est celui chez qui j'avais fêté Pâques, et il ne prenait aucune précaution. L'évêque ne ferme pas les églises, mais il en prend, des précautions, il donne sa bénédiction en nous posant la main ou la croix sur la tête. Dans cette histoire, le plus angoissant, c'est l'impression d'avoir affaire à des autorités  mondialement pourries auxquelles on ne peut pas se fier. Tout est manipulé, exploité, et l'on nous mène là où nous ne voulons pas aller, là où beaucoup ne savent pas, et ne veulent pas savoir qu'ils vont. Mais nous y allons, et vite.
On nous prédit une deuxième vague, ou un autre covid bien pire que le premier, ou la peste bubonique, et je sens que la caste et ses médias en rêvent positivement, peut-être même l'organisent. Parallèlement, les noirs chauffés à blanc deviennent de plus en plus agressifs et impudents, l'Algérie nous fait du chantage, et notre président nous met un garde des sceaux qui sera encore plus infâme que les deux précédents, dans la continuité d'une partialité idéologique criminelle d'ores et déjà annoncée et confirmée. De sorte que je ne suis pas près d'aller en France, car la situation est très instable, et j'ai le coeur lourd, les miens me manquent. L'exil commence quand il n'y a plus de retour en arrière.
Il faudrait arrêter ces gens, mais comment et qui? Je vois plein de neuneus qui ne comprennent absolument pas ce qui se passe, et traitent de racistes ceux qui ne veulent pas s'agenouiller devant la racaille, au grand scandale des noirs normaux, d'ailleurs.
Il y a des choses contre lesquelles on développe une sorte d'auto anesthésie d'urgence, on sait, on voit, mais on essaie de ne pas y penser. Ce n'est pas l'attitude de l'autruche, mais une sorte de concentration des forces, pour les économiser, pour se protéger, quand on sait qu'il faudra tenir ou devenir fou. J'ai connu cela au moment des deuils familiaux.
Il faudrait prier davantage, en ce moment j'ai du mal à le faire, car j'ai beaucoup d'activités; mais ces activités ne sont pas coupées de ma vie spirituelle. Enfin je ne sais pas, quand je vais à l'église, je pleure souvent. J'éprouve de la détresse et aussi peut-être du repentir, celui de ne pas être assez assidue, orientée, évoluée, les gens qui me sont les plus chers, vivants et morts, ont besoin des prières que je néglige de dire.
J'ai enfin écrit à ma mère Hypandia une vraie lettre à la main que je vais envoyer par la poste. Je revoyais Solan, la si belle église de pierre, toutes les adorables moniales, et les paroissiens, et le village de Cavillargues, ses roses et ses glycines, et les coquelicots dans le mistral.





samedi 4 juillet 2020

réfugiés français

Temps lourd et pénible, et je ne vais pas me baigner en dépit de la chaleur, car c'est le temps idéal pour les moustiques et les taons. Je n'arrive même pas à jardiner. J'ai tondu à grand peine, après m'être aspergée de produit malodorant. Une russe a écrit: "chez nous, il y a peut-etre 80 beaux jours par an, mais ils sont vraiment merveilleux". Oui, c'est assez vrai. Comme disait saint Silouane, tiens ton âme en enfer et espère!
Je voudrais pouvoir jouer des gousli dehors, je commence à mieux me débrouiller, et cet instrument cristallin et hypnotique m'apaise et me met en harmonie avec tout ce qui m'entoure. Skountsev est content de moi: "Tu as fait d'énormes progrès, il y a longtemps que je voulais te prendre en mains, en voilà l'occasion, et ce n'est pas du temps perdu".
Je me dis que si la vielllesse me rend aveugle, il me restera la musique, à moins que je ne devienne sourde!
Une jeune femme m'a téléphoné, Tatiana, elle est iconographe et travaille pour le monastère saint Nicétas. Elle fait partie des enfants spirituels de l'higoumène Dmitri. Elle voulait faire ma connaissance, et me présenter une autre pieuse personne, Ioulia. Je les ai donc reçues. Ioulia était partie en France dans les années 80 et y avait vécu 20 ans, jusqu'à ce que son père spirituel lui dît de revenir dans la mère patrie, car il prévoyait de grands malheurs en Europe. Maintenant, elle vit dans une espèce d'embryon de communauté orthodoxe, dans un village abandonné, avec deux ou trois femmes et un cheval. Le père Dmitri pense que d'autres viendront les rejoindre, et Ioulia, qui lit mon blog, m'a demandé où en était mon ami Nicolas! L'higoumène l'engage à traduire des textes orthodoxes français, et elle traduit aussi des textes hésychastes russes pour un ami orthodoxe français resté là bas, ces textes sont l'oeuvre d'un certain Novikov, qui rend la prière de Jésus accessible point par point. Je lui ai dit que  si elle le faisait pour son ami, elle pourrait aussi le publier à l'usage d'autres orthodoxes français. Elle s'intéressait au père Placide, et à ce qu'il avait écrit, je lui ai prêté son livre sur la spiritualité orthodoxe. Le fait est que le père Dmitri, prévoyant un afflux de réfugiés européens, se prépare à les accueillir. Il voudrait donc constituer une bibliothèque orthodoxe en français, à l'usage de ceux-ci  et il charge Ioulia de s'en occuper. La future communauté orthodoxe est prête, elle aussi, à s'enrichir de Français en perdition. J'ai été très impressionnée d'apprendre tout cela. D'autant plus que le matin même, la vétérinaire m'avait dit: "Laurence, vous avez quand même eu du nez de venir vous installer ici, qu'est-ce qui se passe, chez vous?"
Ioulia me rappelle mon amie Liouba, car elle est à moitié coréenne, comme Liouba est à moitié yakoute, et elles ont un type mongoloïde. Je vois une troublante similitude entre le message de son père spirituel et ce que m'avait dit le père Placide.
Le père Dmitri prône l'hésychasme pour tout le monde, et mes deux visiteuses brûlaient de me mettre sous sa direction spirituelle, mais je ne suis pas tellement prête à ça, je suis de la mauvaise herbe du bord des chemins, un coquelicot... Le père Dmitri fait restaurer beaucoup d'églises de campagne, où ses moines vont servir une fois par mois à tour de rôle. Ses moines ont tous l'air de fous en Christ ou de clochards, mais ceux auxquels je me suis confessée m'ont surprise par leur bonté et leur ferveur. Ils recueillent asociaux et sans abri. Maintenant, ils s'apprêtent à recueillir les Français!
J'étais allée chez le vétérinaire pour savoir si Ritoulia ne serait quand même pas enceinte des oeuvres de Steve, mais c'est trop tôt pour voir sans échographie, et l'échographie est dans un autre endroit. La vétérinaire m'a dit que, contrairement à ce qu'il me semble, ce pourrait très bien être le cas. J'avais un autre problème, tous mes chats ont les oreilles farcies de cette saloperie, la gale des oreilles, et à l'exception de Monsieur, il est très difficile de les soigner, Rom, c'est quasiment impossible, ce chat est complètement dingue et d'une méfiance incroyable. J'avais une très bonne pommade, oridermyl, mais il faut pouvoir trois ou quatre jours de suite traiter ces maniaques. La vétérinaire m'a sorti un produit à administrer une fois, contre tous les parasites, y compris celui-là et ça dure six mois. J'ai réussi à coincer Georgette et Chocha. Restent Monsieur, ça c'est pas dur, Blackos, c'est plus difficile, et Rom, c'est l'exploit. Mais il faut absolument le faire, car il me réinfeste tous les autres.
Au petit marché, j'ai acheté fraises des bois et framboises, et de magnifiques delphiniums pour compléter ma collection, l'année prochaine, ce sera somptueux. Je pense souvent à maman qui les adorait, mais n'avait jamais pu les faire pousser dans le midi de la France...

le truc devant est un églantier, mais il est proche de la rose


doucement le matin, pas trop vite l'après-midi...



dimanche 28 juin 2020

Sur les falaises de marbre

Le père Andreï, comme je lui disais: "Bon, eh bien, c'est les péchés habituels, mais il faut bien faire le ménage", m'a répondu: "Réjouissez-vous qu'il n'y en ait pas de nouveaux!"
Il faisait beau, mais des engins venaient creuser du côté de l'échappée sur les roseaux et les saules du marais, et je crains que bientôt, cette partie sauvage ne soit colonisée par les baraques mal fichues et prétentieuses de la Russie post-moderne. J'ai bien fait de planter des arbres, en prévision d'un tel désastre, mais ils ne sont pas bien grands.
La veille, je suis allée me baigner à l'embouchure de la rivière Troubej, le matin, avant l'arrivée des vacanciers. Il y avait beaucoup de vent et le lac avait une couleur verte, glacée de bleu. Des nuages en émanaient, comme des pensées confuses, qui dérivaient et dérobaient parfois le soleil, et l'eau s'assombrissait, puis le tumulte des vagues redevenait doré sous les filaments azuréens de leurs milles reflets. Des mouettes scintillaient autour de l'église, où les nourrissaient des touristes. J'avais un peu l'impression d'être à la mer, avec le large, les bateaux, ces vols d'oiseaux blancs criards, et cette surface mouvementée. Mais l'église donnait à tout cela quelque chose d'étrange, de surnaturel, où mes souvenirs de France se télescopaient avec les visions de la Russie. Je pensais au poème spirituel des cosaques Nekrassovtsi:

Sur la mer océane,
Sur l'écume blanche plane
Une longue roche grise
Où se dresse une belle église  

La page Facebook de l'administration de Pereslavl  nous incite à publier des photos de la ville, mais je vois surtout s'accumuler celles du lac, ou parfois du bord de la rivière, tant il devient difficile de photographier quelque chose de joli dans cette ville qui fut si féerique. Le soir, voyant de mon atelier des nuages pareils à de formidables pivoines épanouies, je suis partie en vélo sur la plage municipale, où les gens s'attardaient. Mais les nuages fantastiques ne s'étaient pas accumulés de ce côté. J'ai vu le coucher de soleil. Et Ritoulia a fait la vedette sur la jetée, elle s'est même fait photographier par un ouzbek avec une impressionnante rangée de dents en or. Puis elle s'est tapé un morceau de poulet oublié par des pique-niqueurs, et je lui ai arraché les os de la gueule. 
La paix qui règne ici rend surréaliste les événements mondiaux que me rapporte l'actualité, et notemment l'actualité française. J'ai parfois l'impression de me trouver, comme dans le roman de Junger du même titre, "sur les falaises de marbre". Dans ma maison arrangée à mon goût, avec tout ce qu'il me reste de ma vie, de mes souvenirs, de ma culture, de mes travaux, après que j'ai perdu tant de choses... Et au dehors, les fleurs, les arbres et les oiseaux qui y chantent, dans ce quartier ravagé, comme tout le reste de Pereslavl, et de plus en plus, le monde entier, par l'effrayante laideur qu'engendre le triomphe du diable. Je reste à vivre des années presque surnuméraires, puisque le psalmiste nous accorde jusqu'à 70 ans, le reste n'étant que "peines et douleurs". Après les iris fleurissent les delphiniums, et pendant trois ans, j'ai cru qu'ils ne se plaisaient pas ici, mais les voilà bien installés, et magnifiques, avec leurs exquises corolles qui semblent une concrétion du ciel au dessus d'eux, de souples cristaux aux couleurs paradisiaques, quelque chose qu'on verrait des anges préraphaélites porter d'un air grave dans les champs de l'autre monde.
Un ami a publié une reconstitution du Christ d'après le suaire de Turin, ce qui provoque l'ironie des athées. Mais tout ce que j'ai lu sur la question est très convaincant, et le plus extraordinaire est que le suaire porte en lui un code permettant de reconstituer cette image, ce qui a été fait. L'empreinte du suaire, retravaillé façon bondieuserie en ajoutant un regard niais aux yeux qu'avaient fermé la mort, est une abomination, mais la reconstitution scientifique est impressionnante: un Christ iconographique et viril, dont la douceur s'accompagne d'une grande force.


Je suis persuadée que le suaire a été laissé en héritage pour qu'au moment voulu, on fît toutes ces découvertes à son sujet, et que les faibles personnes dans mon genre y trouvassent un encouragement. Un prêtre orthodoxe russe a dit qu'on ne saurait jamais à 100% s'il était authentique, bien qu'il y crût lui-même, parce que s'il n'y avait plus de doutes, il n'y aurait plus de libre choix de la foi.
Dans le même temps, les Black Pampers lui reprochent de ne pas être noir, et s'indignent des effigies de saint Michel terrassant un démon noir, pardon, sombre...
Je m'attends à voir anéanti au XXI° siècle tout le patrimoine humain qu'aura encore épargné le XX°, et je ne sais comment je le supporterai. 
Comme je le pourrai, avec l'aide du Christ, sur les falaises de marbre, avec les mouettes, face au lac et à ses rêves nébuleux...








vendredi 26 juin 2020

Des fleurs

Mon locataire devrait s'en aller bientôt, mais je n'arrive pas à savoir quand, et j'en ai deux potentiels qui piaffent d'impatience, après le confinement à Moscou. Cet être discret et étrange a voulu prendre le thé avec moi. Je crois qu'il a le trac devant la concrétisation de son projet survivaliste, pour lequel il me semble peu armé. Sa famille espérait qu'il resterait chez moi, mais je n'ai pas envie d'avoir un locataire ici en permanence, si je prends quelqu'un en permanence, ce sera quelqu'un de proche, et puis rester chez moi n'était pas son projet. Je sens que certaines personnes trouvent qu'une vieille comme moi a besoin de quelqu'un chez elle, et oui, en principe; toute ma vie, j'ai eu besoin de quelqu'un chez moi, et maintenant, je ne suis pas sûre que je le supporterais à long terme, je supporterais un mari ou un fils, que je n'ai pas, ou à la limite une très bonne copine. En tous cas, le calcul de la vieille qui a besoin de compagnie, ce n'est vraiment pas adapté à mon cas. Comme disait Flaubert à propos de sa solitude: "Au moins, personne ne m'emmerde". En fait, on m'emmerde quand même, avoir la paix est la chose la plus difficile à obtenir. Mais disons que j'ai du répit. 
N'empêche que je me fais du souci pour le Pierrot lunaire. Je comprends sa famille de s'en faire également. Je crois qu'il aurait des problèmes à régler avant de fuir l'antéchrist au fin fond du grand nord.
J'ai reçu les filles, hier, pour leur leçon, et quand je les ai raccompagnées au portillon, j'ai entendu le père d'Aliocha jouer sur son accordéon, en dépit des imperfections qu'il semble avoir. Dans cette rue où l'on n'entendait plus que les débroussailleuses et l'affreuse musique en conserve du décérébré universel, voici que résonnait à nouveau un air russe à l'accordéon. Tout à coup, j'ai eu l'impression de ne pas être venue pour rien.
De plus, Skountsev m'a annoncé qu'il allait tourner dans un film à Pereslavl Zalesski, et viendrait y passer une semaine. Il regardera l'accordéon des voisins pour éventuellement le réparer. Je projette de faire une réunion dans mon jardin avec chachlik et pizzas, les voisins, l'accordéon, les gousli, la vielle, Katia et sa balalaïka, la famille Rimm, et deux ou trois personnes intéressées par tout cela.
Il faut que je me mette au niveau, avec la vielle et les gousli, pour pouvoir jouer et chanter avec plaisir.
Skountsev est content de moi, il me dit que je progresse vite. Certains jours, cela va tout seul, et d'autres, c'est laborieux. Mais jouer dans le fil du vent en regardant le ciel, les arbres et les fleurs est extrêmement apaisant, et me met dans un état étrange, profondément contemplatif, où toutes choses prennent un éclat particulier. Il a fait beau, aujourd'hui, je suis allée me baigner en vitesse avant de faire les courses, pour le bonheur de me sentir vivre. Au retour, je suis restée sur le perron, au soleil, bercée par la brise. Les delphiniums vont fleurir, leur fête se prépare, celle des iris se termine, bien que les iris des marais bleus soient en pleine exultation. Mais ce sont de petits sauvages...


Je suis tombée sur une brève vidéo montrant un pèlerin russe. Un errant. J'en avais vu un au café français, Gilles lui avait offert croissants et boisson. Celui de la vidéo est parti de Krasnodar il y a deux ans pour gagner Arkhangelsk à pied avec une icône du tsar Nicolas II et une épée. Il a eu la révélation que le tsar Nicolas allait apparaître à Arkhangelsk et sauver la Russie. Je regardais son visage lumineux en me disant: et s'il avait raison? Pour moi, la Russie est sauvée, elle existe toujours, tant qu'un homme est capable de partir à pied, avec une icône et une épée, à la rencontre de l'apparition d'un tsar martyr.

la pivoine

la clématite jette ses derniers feux

L'endroit où je me suis baignée

mercredi 24 juin 2020

Plus à l'est

Je travaille intensément avec Skountsev. Entre Skountsev, le jardin, la maison, l'écriture, la traduction et les leçons des filles, je n'ai plus de forces pour grand chose d'autre. Il fait beau, et je m'entraîne à jouer des gousli dans le jardin, en contemplant les jeux de lumière à travers les iris qui s'éclairent comme de petites lampes, et aussi dans le fouillis impressionniste des "mauvaises herbes" que je tolère ça et là. Parfois, je m'arrête de désherber, parce que tout à coup, des graminées fragiles font bel effet avec les fleurs qu'elles entourent... ces moments de musique, bien qu'ils soient laborieux, me mettent en profonde harmonie avec tout ce qui m'entoure, les sons, quand les voisins m'épargnent la débroussailleuse, et les visions. Je comprends d'ailleurs à quel point nos ancêtres qui la pratiquaient étaient intérieurement plus riches, plus attentifs à la beauté, et aussi plus attentifs aux autres, auxquels l'exercice leur imposait de s'adapter, qu'il leur fallait écouter et ressentir, afin de pouvoir s'accorder.
Skountsev va venir pour tourner ici dans un film, il apportera un accordéon à Aliocha. Cela pourrait être le début de notre projet folklore à Pereslavl Zalesski, folklore cosaque, pour la communauté qui revendique les valeurs cosaques, folklore local, et même folklore français, ce qui pourrait être utile aux  élèves des classes de français, comme les petites Rimm.
Je pense à la France et aux miens, qu'avec les Covid à répétition et les émeutes, je crains parfois  de ne pas revoir de sitôt. Il y a beaucoup de choses que je n'exprime pas ici, bien qu'on puisse avoir l'impression que je râle tout le temps. J'ai toujours râlé avec énergie, c'est mon côté bien français. Mais parfois, je reste muette, et vais jouer de la musique ou bien prier, ou jardiner pour ne pas penser. Un ami a semble-t-il mal pris ce que mes visiteurs russes ont dit de la France, et le conseil d'un dissident juif russe: "Partez à l'est". Nous assistons à une bolchevisation libérale de l'Occident, où de richissimes marionnettistes organisent une lutte des races pour remplacer la lutte des classes, dans leur délire mondialiste et transhumaniste. Ils s'attèlent, en utilisant les pires éléments de la société, ceux qu'ils ont importés et ceux qu'ils ont subjugués sur place, à détruire absolument tout ce que nous avons fait, ce que nous sommes, les moindres traces de notre culture, et les fils de commentaires que je lis parfois en dehors de la sphère de ceux qui pensent comme moi, me démontrent que pas grand monde ne s'opposera à ce projet. Beaucoup de gens ne voient pas de problème à noircir notre civilisation, et introduire des Africains là où ils n'ont que faire, dans notre culture, notre histoire ancienne, notre héritage, pas plus que Max von Sydow ne conviendrait pour jouer le rôle de Nelson Mandela. La seule façon que ceux-ci auraient de le faire, c'est celle de Jessye Norman ou de Léopold Senghor. Mais ce n'est pas le projet. Le projet, c'est l'Afrique du sud ou le Kosovo. Ou encore l'Ukraine. Hélas, tout ce que dit ce dissident russe me paraît tristement vrai. On peut choisir de partir ou de rester, et souvent, on n'a pas le choix. Quand on part, comme moi, et j'ai un amour de la Russie qui m'a rendu la chose plus facile, on est blessé par l'exil et l'angoisse, on reste comme Cassandre sur son rempart à regarder avec impuissance. La pauvre Cassandre avait fini captive, ce qui me sera sans doute évité. Je n'irai pas lécher les pompes des orques de Sauron, pardon, Soros. Et j'ai la conscience tranquille à ce sujet devant Dieu, puisque je suis partie sur le conseil insistant du père Placide. Mais ma tristesse est infinie. Ne riez pas de voir des noirs interpréter des personnages historiques ou littéraires typiquement grecs, celtes ou slaves, ne riez pas de les voir revendiquer la négritude de Beethoven ou autres imbécilités du même genre, car ces stupidités impudentes seront érigées en dogmes par des gens qui sont rarement noirs et estiment qu'ils sont les seuls à pouvoir rester blancs, qu'ils sont les surhommes de demain. Hier Notre Dame, aujourd'hui les statues de figures nationales, demain, les oeuvres d'art suspectes, c'est-à-dire, en gros, toutes les oeuvres d'art, j'ai vu que saint Michel terrassant un sombre démon est une effigie raciste, le Christ lui-même est trop blanc. Nous aurons des gardes rouges noirs pour ravager notre culture, faire sauter nos cloitres romans, nos châteaux et nos villages ou les transformer en bordels.
Sur ce fond, je suis moins paniquée par l'éventualité d'une dictature numérique en Russie, ou plutôt je me focalise sur les corrections apportées à la constitution. Comme elles vont dans le sens de la souveraineté nationale et de la protection des gens contre les innovations sociétales corruptrices imposées de l'extérieur, c'est-à-dire par Sauron et autres Sarroumane, je soutiens le truc à fond, je voterais pour, si je le pouvais, même si peut-être cela cache quelque chose, je ne veux plus le savoir: cela reflète mes idées, cela ressemble à des mesures de salut public, cela peut colmater quelques brèches dans notre dernière arche.
J'ai décidé de publier, en qualité d'acte subversif et de chant du cygne, une oeuvre de musique classique par jour sur facebook pendant une semaine, avant que cela ne nous vale une condamnation... Le jour où je verrai Alexandre Nevski interprété par un noir, si je ne suis pas morte, je prends le maquis.



Prise d'assaut par les animaux....



mercredi 17 juin 2020

Au fil de l'eau

Il fait chaud et lourd, et après avoir constaté la floraison de ma clématite (au bout de trois ans), je suis allée remettre mon vélo en service, afin d'aller me baigner. J'avais mis Rita dans mon sac à dos, mais la voisine Ania a proposé de la garder, pour me délivrer du souci de l'avoir à l'oeil pendant que je nage.
Elle m'a dit que la bonne femme si aimable qui nous a vendu l'accordéon nous a refilé une ruine. J'en étais très contrariée, car je ne pense pas qu'elle nous rendra l'argent, à moins de lui dépêcher un gorille convainquant, ce que nous n'avons pas dans nos relations!  J'aurais dû passer par Skountsev, mais à cause du confinement, je n'avais pas la possibilité d'aller à Moscou, et le voisin avait en revanche du temps libre pour jouer et enseigner son fils.
Sans Rita, j'ai décidé d'aller à l'embouchure de la rivière Troubej, et j'en ai suivi la berge ombragée de saules, où fleurissent et embaument églantiers et seringats. J'aime particulièrement l'odeur citronnée du seringat. J'en ai planté un chez moi, mais il a du mal, je l'ai déplacé, d'ailleurs. J'ai vu au passage de grosses pivoines épanouies, alors que les miennes sont toujours en boutons. Arrivée en face de l'église des Quarante Martyrs, je me suis glissée dans l'eau, que les Russes trouvent encore un peu fraîche, et qui m'a paru délicieuse. Je me suis dirigée vers le large du lac, l'eau y est plus propre et plus profonde, et quelle merveille de nager au pied d'une église! Je ne m'en approchais pas trop, pour ne pas déranger les pêcheurs. Je regardais évoluer les mouettes, dans le ciel lisse et bleu, et glisser les canards, j'écoutais les cris des uns et des autres, le moteur d'un canot, des voix qui s'interpellaient. Nager fait du bien à mon corps rouillé et contempler apaise mon âme inquiète. Tout est calme à Pereslavl. Pour ce qui est de la France, c'est une autre histoire, il semble que les cocopitalistes, comme les appelle mon amie Isabelle, les milliardaires trotskystes délirants, aient substitué la lutte des races à la lutte des classes dans la réalisation de leur rêve internationaliste génocidaire. J'ai vu une vidéo d'un dissident juif russe depuis longtemps passé à l'ouest qui analyse très bien le phénomène, comme le fit Boukovsky, et quand j'y pense, cela me rend malade, mais justement, aller se baigner au lac permet d'y penser un peu moins, faire de la musique aussi, bien que Skountsev me crève! Quelle énergie a ce sacré Skountsev au sortir de trois semaines de Covid!
L'évêque, notre cher monseigneur Théoctyste, a annoncé l'attribution par le gouvernement, sur intervention du patriarche, de sommes d'argent, qui sont d'ailleurs loin d'être colossales, pour la restauration de trois chefs d'oeuvre locaux, l'église du métropolite Pierre, construite par Ivan le Terrible au XVI° siècle, le monastère de saint Boris et saint Gleb près de Rostov, construit essentiellement par le même et ses parents, et un monastère à Ouglitch. C'est toujours ça... il y a des dégénérés que ça choque, qui préfèreraient la réféction des routes ou autres travaux utilitaires, mais sur les cartes touristiques de Pereslavl, ce ne sont pas les routes que l'on dessine pour attirer les visteurs, ni les cottages en plastique, ni les hôtels arméniens, ce sont les églises et les monastères au bord de l'écroulement, uniques beautés encore debout d'une ville qui fut féerique.
Au retour, alors que je dépassais la ravissante église de la Protection, rouge et blanche, avec son dôme bleu, elle m'a jeté, comme un prêtre en chasuble de Pâques des giclées d'eau bénite scintillante, les notes cristallines de son carillon. Rita n'avait pas mal vécu cette heure de séparation, un peu pleuré au début, mais ensuite, Ania l'avait emmenée prendre le café chez la voisine Violetta, et comme j'ai un chienne très mondaine, et qu'on l'a naturellement beaucoup fêtée... Cela me fait bien plaisir, car me baigner avec elle qui a peur de l'eau n'est pas simple.