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jeudi 6 mai 2021

Passage aux aveux.


 Il est temps de passer aux aveux, je vais quitter Pereslavl pour le village de Pertsevo, à dix kilomètres de là, dans la direction de Iouriev Polski.

Je me résignais à aménager comme je le pouvais mon terrain en fonction de ce qu'avait fait le voisin, et j'avais invité le cosaque Romane à faire une clôture et à changer mon perron de place. Regardant l'étendue des dégâts, il me dit: "Eh bien il ne vous a pas ratée. Et c'est comme cela partout, cela devient invivable et d'ailleurs, nous avons tous décidé de fonder une communauté cosaque, car c'est seulement en communauté que nous pourrons résister à ce qui se passe.

- Une communauté? Où ça? 

- Au village de Pertsevo. Benjamin le Suisse a acheté cinq hectares, et moi cinq hectares. Et un autre encore s'est construit une maison. Nous voulons nous regrouper entre orthodoxes pour que personne ne vienne nous gâcher la vie.

- Mais attendez, Romane, moi aussi je suis partante!"

Après son départ, je regarde: le village n'est pas loin, vingt minutes du centre de Pereslavl,  il a une belle église blanche qui fonctionne. Et il s'y vend une maison, une seule. Ce n'est pas une jolie maison paysanne, plutôt une datcha soviétique, ce qu'on appelle les datchas finlandaises, mais elle n'est pas affreuse non plus, elle a des proportions normales, un toit en zinc qui se confond avec les nuages et qui semble solide, un beau terrain, des arbres, un horizon dégagé. Je regarde l'intérieur, tout semble en bon état, facile à aménager. Et le prix très abordable. tout cela se passait la veille de Pâques. Et j'ai eu l'impression d'un événement providentiel.

Le surlendemain, je partais la visiter. La route pour y aller, magnifique, l'église blanche plantée sur la colline, très beau point de vue. Evidemment, ils ont déjà abîmé pas mal d'isbas, mais ce n'est pas trop catastrophique. Et la maison est effectivement en bon état, quasiment habitable. Elle a une pièce et une cuisine en bas autour d'un gros poele en briques, une véranda incluse dans la maison, et deux grandes chambres au premier. Il faut mettre une chaudière électrique et des radiateurs, isoler et doubler les murs, doubler ou changer les fenêtres du haut, changer de place la petite salle de bains qui ne servait que l'été.

Au courant de mes intentions, Benjamin m'a dit qu'il serait ravi de passer me voir quand il irait s'occuper de ses ruches.

Acheter cette maison me permet, outre de retrouver le ciel, les nuages, la beauté des horizons vierges, les balades en vélo ou à ski de fond, de dégager l'argent que j'avais englouti dans ma maison actuelle, et de garder une marge. Une amie m'a dépannée pour me permettre d'acquérir le bien sans vendre le mien dans la précipitation. Bien sûr, la perspective d'un déménagement m'intimide, mais il se fera progressivement, et j'éprouve un sentiment de libération, j'ai besoin de la nature, et comme me l'avait écrit un correspondant, le père Placide ne m'a pas renvoyée en Russie pour que je vive dans une banlieue américaine. Une communauté cosaque, c'est quand même nettement mieux.

A l'agence immobilière, une jeune femme me dit: "J'étais au café, et tout à coup j'entends une guide dire à une petite fille: c'est ici, dans cette ville, qu'habite Laurence, ah si nous pouvions la rencontrer!"

Je suis ébahie par cette soudaine popularité. Heureusement que je suis trop vieille pour prendre la grosse tête!






dimanche 2 mai 2021

Christ est ressuscité!

Aux matines de pâques, il y avait énormément de monde. J'ai rencontré Katia qui s'est réjouie: "Ah quand même, quelqu'un que je connais!" Nous avons évoqué la Pâques covidée de l'année dernière, son ambiance clandestine, avec une poignée de résistants qui se répartissaient dans les églises de la ville pour ne pas exaspérer les autorités, et là, l'église était bondée, avec quelques concombres masqués qui s'obstinaient à prolonger le carnaval d'Ensor. Il paraît qu'à Moscou circulaient encore les consignes de mascarade. Evidemment, beaucoup de ces gens étaient là en touristes, et ils faisaient du bruit. Pâques met toujours en présence les Russes de la sainte Russie et les post-soviétiques du mondialisme qui visitent les offices comme des musées. Mais cela ne me touchait pas, j'avais l'impression de ne pas être dans le même espace-temps, ce qui en réalité est le cas. Je suis partie sans assister à la liturgie, j'ai reporté cela au lendemain matin, et j'ai bien fait. Car je me serais entêtée sur mes jambes douloureuses au milieu de la foule que je n'en aurais pas retiré beaucoup de joie spirituelle, et l'office que j'ai eu ce matin était si beau, et si touchant. Il avait lieu dans l'église voisine qui n'est qu'à moitié en service, avec des vieilles impotentes dans mon genre, et des familles, mais des familles qui s'occupent de leurs gosses, au lieu de les laisser courir et brailler. Un seul prêtre, le père Vassili, qui vient d'Ukraine, un petit bonhomme très fervent et très bon. Le choeur chantait avec sobriété. Les gens se conduisaient comme s'ils étaient tous apparentés, échangeant des sourires et des embrassades. Une maman m'a offert un petit koulitch qu'elle avait confectionné elle-même. Les grands-mères me faisaient place sur leur banc avec des sourires. 
J'ai revu sur place les gens qui ont acheté ma datcha de Krasnoié, avec leurs nombreux enfants. Ils vont rajouter un étage à ma pauvre isba, dont j'avais respecté le style et fait un îlot de beauté... Mais que dire? D'un autre côté, d'après ce qu'ils m'avaient confié à l'époque, sans moi, ils n'auraient pas pu se loger. Ils sont orthodoxes, moralement d'aplomb, et ils font des tas de gosses élevés dans le même esprit.
Malgré les destructions opérées à Pereslavl, et la consternante bêtise de certaines réactions, je me sens chez moi parmi ces gens, je me sens même aimée. Les Russes sont extrêmement attachants en ce sens que l'amour qu'on leur porte nous revient décuplé. A l'issue de ce carême difficile, à l'ombre de manoeuvres mondiales ténébreuses qui nous menacent tous, cette Pâque me semblait encourageante, réconfortante celle de la fraternité, de la nécessaire communion avec ceux qui ici, partagent ma foi, mais pas seulement. J'avais beaucoup d'images de Solan dans la tête, et la beauté des offices byzantins auxquels je participais là bas. Quand je suis rentrée chez moi, la nuit, le ciel était, pour une fois, plein d'étoiles, comme à Solan, justement. Il est rare qu'il soit ici suffisemment dégagé pour que je les vois, et en plus, la bâtisse du voisin me cache désormais une bonne partie des spectacles célestes. 
Pendant la procession, au pied de la belle église de la Transfiguration où Alexandre Nevski a été baptisé, Katia a filmé une petite vidéo. J'avais oublié mon téléphone, et nous nous étions arrêtées, car je traînais la patte et les trottoirs de Pereslavl la nuit, c'est traître, je n'avais pas envie de me retrouver encore avec un oeil au beurre noir, et je ne sais pas pourquoi, les processions se font toujours au pas de course... 


Je rajoute une vidéo de mon père Valentin à Moscou, dans son église, et du père Basile à Tcheboksary. 




La veille de Pâques est morte dans son sommeil mon amie Marie Gestkoff, avec qui j'étais allée voir ce même père Basile, il y a six ou sept ans. Marie était partie pour la Russie de ses ancêtres à 62 ans, avec sa voiture et les souvenirs et affaires qu'elle avait pu y faire rentrer, dans l'intention d'y finir ses jours. La frontière franchie, elle conduisait en évoquant ses parents: "Papa, maman! Je suis en Russie!" Elle a vécu à Moscou des années de façon illégale, avant qu'un prêtre ne lui obtienne un passeport russe. 

Nous voici ensemble à Tcheboksary, avec le père Basile:





J'ai fait prier pour cette adorable femme à la liturgie de Pâques. Elle reposera dans la terre russe qu'elle avait rejointe avec tant de décision, et d'audace.

samedi 1 mai 2021

Veille de Pâques

 


Je devais aujourd'hui participer à une émission de la chaîne SPAS, mais il a été impossible de me trouver un taxi et on a renoncé à me faire venir. J'en étais soulagée. Cet aller et retour entre deux longs offices m'épuisait d'avance. Je m'apprête maintenant à me rendre à celui de Pâques, je ne sais pas encore si je resterai à la liturgie dans la foulée. 

Jeudi soir, c'était la lecture des douze évangiles de la Passion. Il y a des détails dans les Evangiles qui ont quelque chose d'un peu mythique. Je disais un jour au père Placide: "Il paraît qu'on ne trouve pas trace dans les témoignages historiques du massacre des Saints Innocents." Il me répondit: "Vous savez, en orient, on estime que pour être pris au sérieux, il faut toujours en rajouter. Ainsi on m'a présenté un jour comme l'higoumène d'un monastère de 72 moines, alors que c'était loin d'être le cas. J'ai demandé pourquoi raconter une chose pareille et on m'a répondu que c'était plus imposant comme cela!"

Mais les récits de la Passion, ce n'est pas du tout de la mythologie, et même, cela tranche par son réalisme, et son actualité éternelle, avec tout ce qu'on pouvait voir jusqu'alors d'antique, de légendaire. Du reste, le Suaire de Turin apporte une confirmation de tout cela qui relève de la médecine légale.

Et je pensais à tout ce que j'ai entendu, vu et lu sur les nouveaux martyrs de Russie, depuis le tsar et sa famille jusqu'aux plus humbles prêtres et paysans, ces calomnies déchaînées, cette hideuse vilenie, ces lynchages sadiques. Tous ces gens qui ont bu la coupe jusqu'à la lie, et qui ont été trahis par les leurs. 

J'ai rencontré Nadia et Katia à l'église. Notre évêque me voyant au côté de cette dernière, au moment de nous donner sa bénédiction, a dit en souriant: "Ce soir, toutes nos étoiles sont rassemblées!" 

Le lendemain, c'était l'office de l'ensevelissement du Christ, suivi des matines du samedi saint, je suis restée à l'église plus de quatre heures. Je suivais sur un livre, en slavon. Quand je lis, je comprends beaucoup mieux, mais parfois je me perds, parce que je m'endors. Cependant, cette plongée dans une sorte de demi conscience, s'éclaircit peu à peu, j'ai été frappée par la façon dont les offices, au début si tragiques, avec les prêtres vêtus de noirs et d'argent, mêlent le pressentiment du triomphe à la déploration, et l'on entend déjà, sur un mode triste et funèbre, ce qui sera repris avec joie et éclat pendant l'office de Pâques, c'est comme un soleil levant qui s'annonce d'abord par la vivacité accrue des étoiles, puis une pénombre grise, puis l'illumination progressive de l'horizon. Je voyais l'unité organique de ces trois jours, qui ne forment qu'une seule fête. Et aussi l'unité mystérieuse de tous ceux qui y participent depuis la nuit des temps jusqu'à ce qui pourrait en être déjà la fin. . 

Dommage qu'à ce receuillement fassent généralement suite des débordements harmoniques et des débauches d'électricité qui font de la joie un sentiment tonitruant qu'il n'est pas, en tous cas pas cette sorte de joie.                                                                                                                                                                                                               

vendredi 30 avril 2021

Les barbares

 

  J’ai déplanté un de mes thuyas qui était déjà assez grand, et je l’ai traîné jusqu’à la parcelle qui longe le voisin, car j’étais incapable de le charger dans la brouette. Je l’ai mis devant mes fenêtres, près d’un autre plus petit, et d’un noisetier déjà développé que j’avais trouvé au Dendropark l’année dernière. Le noisetier, ça pousse très bien et semble-t-il partout, c’est touffu. Le problème a été de bien calculer pour que tout cela puisse harmonieusement pousser ensemble sans se gêner. Ce jardin est très difficile à aménager, il est mal fait, bordé de bâtisses horribles, survolé par des fils électriques, et la nappe phréatique est toute proche. Il me faut remplacer le thuya par quelque chose qui n’étouffe pas le pommier...

Après le noisetier, j’ai planté un saule pleureur nain que m’a conseillé la vieille du Dendropark. Il ne dépasse pas quatre mètres. Et ensuite un saule crevette qui fait aussi dans les trois quatre mètres. De toute façon, quand la véranda sera faite et le perron déplacé, je n’irai plus trop de ce côté. Mais c’est là que donnent les fenêtres de mon atelier, donc j’essaie de me ménager une vue normale, sans m’enlever toute la lumière. Je pense avoir pas mal joué, justement. Les deux thuyas restent toujours verts, et sont face à l’horrible façade en plastique façon fausses briques. Ils poussent vite, ne prennent pas trop de place, il suffit pour moi qu’ils fassent écran devant la fenêtre où je travaille. L’un d’eux cachera partiellement la terrasse. Après viennent les feuilles caduques de taille raisonnable, quatre cinq mètres maximum, j’ai planté tout cela en quinconce, pour faire plus naturel et pour ménager à chaque arbre plus d’espace. Je laisserai se répandre parmi eux les roseaux et autres espèces adaptées. Il me faut recréer un système de drainage. Mais je crains le pire pour l’avenir. Un voisin m’a dit qu’ils avaient construit une route, vers le lac, et coupé tous les canaux qui permettaient aux gens d’évacuer les eaux de leur jardin. Le type qui m’a livré aujourd’hui de la terre, de la terre normale, légère, en quantité raisonnable, m’a raconté que le voisin d’un client avait déversé cent camions de glaise dans sa propriété, déclenchant au malheureux toutes sortes de problèmes.

A Moscou, Sobianine, le libéral mondialiste à l’oeil torve, commence à attaquer les derniers jolis quartiers encore homogènes, Zamoskvorietché, Ivanskaïa Gora... La chose est maintenant complètement officielle, les barbares s’en vantent, ils ont même un architecte pour diriger les ultimes profanations exercées sur la troisième Rome. 

https://yaroslavl.cian.ru/stati-moskvu-zhdut-grandioznye-izmenenija-sravnimye-s-1930-mi-317632/?fbclid=IwAR35wI6_mRsCGFZkQeO3Ph730MjzZ9KlXyvdNEhtp_FSmLnvFwI1rhVryUY

https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=1176242316145975&id=100012806534609&__cft__[0]=AZVW3_JbhYS4FzOSebzcE_ePJi-kqqq-uXbAjFAicIXdEDSYSCAF028xfZTf1Bisxo61Tde_XygAeXjv9hYJYJhwCuefi4GHViGqX0L6KA67xbAKQESxh4h0IMyGoS0MUei0O7T61sst7LyaEMEdevE4LQG10X3QcTni8NL9ZaaulRcpL5Al4dW4SPkSAi8ZEPQ&__tn__=%2CO%2CP-R

C’est tellement horrible, je ne peux même plus réagir, parce que c’est de tous les côtés qu’on détruit pour construire des bâtisses arrogantes et glaciales, des mausolées gigantesques, des cathédrales du diable, on nous fait un monde affreux, irrespirable. Certains me demandent si les gens ne peuvent pas protester, mais ils protestent. Ils protestent en vain, personne n'en a  rien à foutre, même les ukases de Poutine ne sont pas respectés. Je renvoie mes lecteurs aux propos du médecin que j'ai publiés récemment. Les matelots ivres qui tirent aux intellectuels des coups de revolver dans la bouche. C'est la mentalité de la mafia. Quand Bernanos définissait le monde moderne comme une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure, était-il complotiste?

Un prêtre, le père Evgueni, qui vit dans le nord de la Russie, fait un constat spirituel assez sombre, et en appelle au réveil de "nos Césars". S'ils sont orthodoxes, comme certains prétendent l'être, qu'ils agissent en orthodoxes; qu'ils prient officiellement, comme Chaïgou se signant avant la parade militaire du 9 mai, qu'ils essaient de suivre la volonté de Dieu au lieu de leur volonté propre ou pire, celle d'obscurs commanditaires sans patrie. Le tsar, dit-il, c'était autrefois, en fin de compte, un évêque civil. Il cite un proverbe russe: "Si le peuple pèche, le tsar priera pour lui, mais si le tsar pèche, personne ne le fera".

Ce proverbe très profond pourrait être mis en exergue de mon roman Parthène le fou. Il pourrait symboliser toute l'histoire russe, depuis saint Vladimir jusqu'à Nicolas II, immolé avec toute sa famille au Moloch des temps modernes. 

J’ai vu la photo d’un projet d’aménagement de la rivière Troubej, c’est précisément de cela que rêvent les dégénérés contemporains. Plus rien de naturel. Comment transformer une rivière vivante en canal Disneyland, il ne manque que les nains de jardin. Rives maçonnées, gazon bien tondu, petits massifs, petites allées, le rêve sous-bourgeois des descendants de komsomols élevés dans le béton et les meubles en contreplaqué poli bourrés de « souvenirs » nunuches. Ces gens-là avaient pour ancêtres des Russes normaux, ceux qui construisaient et décoraient les jolies isbas que j’ai connues ici, qui portaient de magnifiques vêtements, chantaient, jouaient et dansaient de magnifiques chansons ; comment est-on arrivé à produire ces infirmes de l'âme ? En tous lieux, finalement, on a fabriqué des individus qui répondent à la définition des enfants-loups, privés de la transmission nécessaire à leur développement normal. Bien sûr, ils ont reçu quand même des stimulations qui leur ont permis de vivre en société, dans cette société hideuse, mais ils n'ont pas reçu ce qui faisait des gens d’autrefois de vrais êtres humains. On voit cela en France, et on voit cela ici, ce sont les citoyens du monde nouveau, les orques du Mordor. Simplement, en Russie, les résistants (passifs) restent plus nombreux et plus décidés, peut-être parce qu'ils ont été moins "gâtés". La théorie de mon plombier, c'est que sans la période communiste, les Russes seraient tous devenus comme les occidentaux, raison pour laquelle Dieu a permis cela. Ils ont longtemps échappé à la perversité subtile du consumérisme. 

ils avaient cela



ils rêvent de cela.


A l'église, j'oublie tout cela, je vois mon merveilleux évêque Théoctyste, et je me retrouve en Russie. A la liturgie de la Cène, je me sentais pleine de grâce, et je me disais que j'avais choisi d'aimer la Russie pour ce qu'elle avait été, ce qu'elle est partiellement encore, que j'avais choisi la sainte Russie jusqu'à la mort. Monseigneur Théoctyste se soucie beaucoup de mon oeil blessé, comme tous les Russes, il plaint particulièrement les étrangers de subir les aléas de la vie quotidienne russe, bien qu'à vrai dire, la vieillesse soit, tout autant que l'état des trottoirs, la cause de ma chute. L'ancienne directrice d'école m'a grondée de ne pas être allée voir un médecin, et m'en a recommandé un. Pendant que je discutais avec elle, une femme arrive, en larmes et souriante. "Que t'arrive-t-il, Galia? demande l'impérieuse directrice, appuyée sur sa canne.

- Tu te rends compte? Je viens de communier, je n'avais pas communié ici depuis dix ans, gloire à Dieu!"

Une veille babouchka m'a prise par le bras: "J'ai vu votre émission, vous êtes une femme forte. Tout laisser là bas pour venir chez nous, c'est un exploit! Dieu vous aidera". 

Pour ce qui est de la résistance, spirituelle et physique, l'Ukraine du métropolite Onuphre et le Donbass nous en montrent l'exemple, et je suggère à tout le monde de regarder le magnifique documentaire que je propose ici, avec dans les paramètres des sous-titres français, que j'avais corrigés à la demande de la réalisatrice. C'est le combat de gens dignes et lumineux contre les ilotes de la mafia.




lundi 26 avril 2021

Le temps de prier

 



Je trouve d’une grande importance de rendre accessible le contenu de cette vidéo que j’ai vue sur facebook et dont je donne le lien.  C’est un médecin qui parle, ses interrogations, ses constats correspondent aux miens, en ce qui concerne la Russie, mais aussi, comme il le dit, le reste du monde. Et les Français qui pensent doivent savoir ce que pensent les Russes, et réciproquement, car dans la substitution de réalité, un grand rôle est joué, comme le souligne Slobodan Despot, par l’ignorance où nous sommes tenus de ce qui se passe chez les autres, par un enfermement physique et mental. Il faut écouter cela et comprendre la gravité de ce qui se passe, arrêter de gober tout ce qu’on nous raconte. Et établir des correspondances entre ce qui se produit chez les autres et ce qui se produit chez nous, pour arriver à une perception d’ensemble, entre ce que dit le recteur de l’école d’économie et les déclarations de personnages comme le docteur Alexandre ou Attali, par exemple. Le processus infernal est mondial.

 

Je dois commencer par dire que l’avis des experts, maintenant, personne n’en a rien à faire. Voilà que nous rassemble déjà notre deuxième table ronde, je vous salue tous bien bas. Mais ce dont nous discutons à un niveau si élevé, nous parlons d’éthique, nous parlons de bon sens, nous parlons de données scientifiques, personne n’en a rien à faire. Si, il y a un an, nous pouvions encore penser que ceux à qui nous nous adressons n’avaient pas bien compris, nous voyons maintenant qu’ils comprennent très bien.  Ils n’en ont simplement rien à foutre de ce que nous pouvons leur dire. Pardonnez-moi, je donnerai une courte citation du recteur principal de notre école d’économie: “70% de la population n’est pas nécessaire au gouvernement la modernisation les gêne, ils ne possèdent pas la langue anglaise, ni le comportement occidental, ils sont privés de la possibilité de participer au processus d'innovation ...” C’est-à-dire de quoi s’agit-il? Cela veut dire que la majorité de notre population, et sans doute celle du monde en général, est condamnée à mort, et que la sentence est déjà en cours d’éxécution. Et nous autres, nous parlons d’éthique et de bon sens, nous présentons des statistiques, je peux produire les miennes, elles sont aussi terribles. Mais il m’est peut-être plus facile de parler de la sorte, car je suis complètement hors système, je suis un médecin privé. Mais je sais ce qui se passe avec mes patients et la société, je le vois. Et en tant que médecin, j’ai envie de passer à une terminologie militaire. Nous voyons bien que nous sommes en guerre, une guerre cruelle, dénuée de principes, où l’éthique est supprimée, la morale est supprimée. Elle est supprimée. Le bon sens est supprimé. Et nous n’avons pas affaire à des personnages cupides fortuits, mais à des maniaques qui ont complètement perdu la raison, auxquels on ne peut tenir un langage d’intellectuels, on ne le peut déjà plus. Et vous discutez pour savoir comment notre société peut résister, mais elle ne le peut en aucune façon. En aucune façon. S’il ne se produit pas maintenant quelque chose d’imprévu, alors nous aurons un très mauvais scénario.

- Je vous demande pardon, mais vous avez donné une bonne recette, je l’ai entendue lors de votre intervention, comment nous devons arrêter tout cela...

- Oui, je terminerai là dessus, si vous le voulez bien. Mais en effet, si tout reste en l’état, que nous continuions de la sorte, nos discussions intellectuelles avec des matelots ivres qui ont pris le pouvoir et tirent aux intellectuels un coup de revolver dans la bouche, alors bien sûr, tout va très mal aller chez nous. Nous devons nous adresser non au gouvernement, qui, de gré ou de force, joue du côté de l’ennemi, ni même, c’est triste à dire, à l’administration de l’Eglise Orthodoxe, mais au chef suprême du pouvoir. Nous devons songer à un autre style de conversation. Ca suffit. Nous avons déjà produit tous les chiffres, exprimé tous les avis d’experts, ils sont complètement ignorés, tout le monde s’en fout. De sorte que nous devons nous adresser à notre président, en tant que chef de l’état, et lui demander de se rappeler qui il est, et de s’occuper de sauver notre pays, comme le disait Alexandre Issaïevitch (Soljénitsyne). Autrement, nous sommes perdus. Nous voyons où tout cela nous mène, nous ne sommes pas des idiots, nous ne sommes pas seulement des experts de notre domaine, nous pouvons communiquer, et nous élever un peu au dessus de notre profession. Et nous voyons que maintenant, tout se dirrige très vite vers de grands bouleversements dans le monde, et si la Russie ne prend pas ses distances, elle peut disparaître du cours de l’histoire. Nous sommes sans doute à la veille de bouleversements comparables à ceux qui ont marqué le début du siècle dernier, un changement des structures économiques, avec toutes les conséquences qui en découlent... Maintenant, comme vous le savez, si au début de la pièce, il y a un fusil sur la scène, on s’en servira forcément au deuxième acte. Nous avons beaucoup d’armes, et il n’est pas exclus que nous devions nous en servir. Et comment défendre le pays ? De quelle manière ? Il y a un poète remarquable, Nikolaï Zinoviev, qui a écrit le petit poème suivant :

Il y eut la victoire sur l’ennemi,

à laquelle mon grand-père a péri

Et je dis regardant alentour

Qu’il nous faut encore une victoire.

Je sais de qui je suscite la colère

De ce côté-ci et de l’autre,

Je n’appelle pas à la guerre

Mais au salut du pays.

En tant que croyant, je ne devrais pas me laisser aller au pessimisme, car je sais que tous ceux qui ont médité tout cela n’ont pas pris en compte le facteur principal. L’acteur principal du processus historique, c’est Dieu.Et en tant que société, nous devons tous nous retrouver face à Lui, nous y sommes déjà, nous ne pouvons déjà plus compter sur personne d’autre. Et prier... Alors il règlera facilement ce problème. Nous ne savons comment. Mais il règle toujours ce genre de problèmes quand une masse critique de la société commence à le Lui demander. Peut-être est-il temps pour nous aussi, spécialistes, de nous mettre à prier!

Viatcheslav Borovskikh


 https://www.facebook.com/100003447500481/videos/2734535353338021/?__cft__[0]=AZXTGnmC6yyIcxCYk7pZJRLlnXEKBfD-19uXA8KyUYtmgMwz8sOqQWPsaH3OoMcYne_ObXguz7I3lEJbZYJDvotmDnsngSM25PlrGh5oN6n_2juvtIdDRoXhHD-k3539cuUOPB3hykVd-xiZrVpADNidGo15Z_xoRQwZ8FcJgywMJA&__tn__=%2CO-R

 

dimanche 25 avril 2021

Les réalités parallèles

Macha Soutiaguina

Mon gentil plombier m'a apporté un bouquet de branches de saule, pour les Rameaux. Dans un pays comme la Russie, c'est tout ce qu'on a sous la main, les saules sont les premiers à se couvrir de chatons duveteux et argentés. Le père Antoni me disait qu'à Cannes, où on trouve profusion de palmes authentiques, les Russes sont tellement attachés à leurs chatons de saules qu'ils font des prodiges pour en trouver alors qu'en France, au moment de Pâques, ils en sont au stade de la feuille verte.
Avant Pierre le Grand, pour les Rameaux, le tsar conduisait le patriarche juché sur un cheval, à défaut d'un ânon, car les ânes, comme les palmes, ne pullulaient pas, en Russie.
Quand monseigneur Théoctyste m'a vue avec mon cocard, il a pris un air consterné, puis il m'a dit que voilà, on venait vivre en Russie et l'on souffrait comme les Russes. Plus tard, en confession, le père Andreï m'a demandé ce qu'il m'était arrivé en se tordant de rire. "Personne ne m'a battue! J'ai trébuché sur un trottoir inégal...
- Vous pouvez porter fièrement votre oeil au beurre noir, quel est le Russe qui n'a pas un jour exhibé le sien? C'est un peu comme le permis de séjour, un signe de naturalisation!"

le tsar Alexis conduisant le patriarche

En sortant de l'église, j'ai vu qu'il neigeait à gros flocons. Et ça tenait presque. Je dois dire que cela m'a sapé le moral. 
Une correspondante russe m'a écrit que sa fille de cinq ans avait une passion pour ce même film Ivan le Terrible d'Eisenstein qui m'avait subjuguée à quinze ans, quand je l'avais vue au cinéclub du lycée de Pierrelatte.  En opposition complète avec le gouvernement français déconstructeur, je pense que les enfants peuvent aborder des choses qui paraissent difficiles, mais qui sont dans le registre de l'enfance, et répondent à ses besoins, parce qu'elles sont archétypiques. Quand j'étais moi-même enfant, on m'avait défendu de regarder la Belle et la Bête de Jean Cocteau, mes grands parents redoutaient que cela m'impressionnât, et je pense que j'aurais pu parfaitement le voir, je l'ai d'ailleurs vu un peu plus tard et adoré. De même ma tante m'a parlé d'un enfant que ses parents, parce qu'ils ne pouvaient pas le faire garder, avaient emmené avec eux voir la Tétralogie de Wagner, et il avait été complètement subjugué, il connaissait les quatre opéras par coeur. La même chose m'est arrivée quand ma mère, pour mes neuf ans, afin d'encourager mon intérêt pour la mythologie grecque abordée brièvement à l'école, m'avait offert l'Iliade et l'Odyssée dans la Pléïade, et j'avais lu ces épopées avec passion, je les connaissais également par coeur, c'est du reste ce qui se passait autrefois, quand ces épopées étaient chantées. Même quand les gens ne savaient pas lire. de sorte que même quand ils ne savaient pas lire, ils étaient plus cultivés que le beauf moderne qui lit sa tablette et regarde la télé.
L'histoire de la fillette de cinq ans subjuguée par Ivan le Terrible m'a conduite à me poser certaines questions. Comment j'aurais réagi, si je l'avais vu au même âge. Sans doute de façon identique, mais c'est qu'il y a dans cette oeuvre des aspects épiques et magiques qui parlent à l'enfant et à la partie archaïque de notre être, la partie reliée à l'immémorial, à l'inconscient collectif. Le réduire à un film de propagande sur Staline est ne rien y comprendre, bien que naturellement, ces mécanismes psychologiques puissent avoir été sollicités pour lui donner la légitimité qu'il n'avait pas, en l'assimilant au tsar, puisque il le faisait déjà lui-même. C'est certainement d'ailleurs ce qu'il attendait de ce film, être assimilé à la figure paternelle sacrée du tsar terrible consacré par l'Eglise, aux yeux d'une population de mentalité encore archaïque et normale. Comme le remarquait un blogueur, les Russes ont besoin d'admirer leur chef, les enfants aussi, il n'y a pas pire tour de cochon à leur faire que de les priver d'images paternelles positives et héroïques, ils ont besoin de grandeur et de ferveur, ils ont besoin de poésie. Adolescente, c'est ce que j'ai vu, un conte de fées, une épopée grandiose, captivante, avec un tsar profondément pénétré de la grandeur de sa mission, qui adore sa femme, douce dévouée et béate d'admiration devant lui, et qu'à part les traîtres et les méchants, tous ses subordonnés vénèrent. Je voyais un monde beau, noble et cohérent, à l'opposé de celui où j'étais née, prosaïque, vulgaire et infecté d'idéologies sinistres qui voulaient tous nous embrigader dans des usines et des casernes, et nous parquer dans des clapiers.
La dernière vidéo de Slobodan Despot fait allusion à l'illusion qui nous était présentée comme une réalité, comme une réalité indiscutable, si évidemment absurde qu'elle soit, ce qu'il appelle une réalité de substitution. C'était ce que je ressentais dans mon jeune âge. Ce qu'on me présentait comme la réalité me semblait absurde et affreux, alors que le monde antique d'Homère ou le monde médiéval d'Ivan le Terrible me paraissait cohérent et noble, bien que souvent terrifiant, mais je soupçonnais déjà que la façade de bien-être optimiste devant laquelle nous vivions tous alors n'était justement qu'une façade, ce que me rappelaient les récits familiaux sur la guerre et la libération, les événements d'Algérie, le retour des pieds-noirs, les atrocités qu'ils avaient vues. De sorte qu'en partant pour la Russie, j'ai eu l'impression de choisir la vérité qui dérange plutôt que le mensonge qui rassure. Les conséquences de la réalité de substitution y étaient beaucoup plus évidentes que chez nous, mais c'est en train de changer.
Dans tous les cas, quelle que soit l'étiquette officielle du totalitarisme, il faut aux marchands d'illusions nous isoler du reste du monde pour éviter les comparaisons éclairantes, et dans le même souci, nous couper de notre passé et de notre histoire.
Chaque épiphénomène de l'illusion progressiste matérialiste, qui nous fait passer à côté de nous-mêmes et nous exile de la réalité du cosmos, a sa propagande et ses incantations et crée une société absurde qui prétend être la seule possible et n'offre aucune alternative. Cependant, quand l'aspect soviétique de cette illusion s'est effondré, j'ai pu observer que la réalité des Russes n'était pas la nôtre, et que c'était peu à peu la nôtre qui trouvait dans la chute de son apparente antithèse, la justification de ses certitudes. Dans les décombres de l'URSS, je voyais surgir, avec ce qu'il restait de l'Eglise orthodoxe, ce qu'il restait aussi de superstitions païennes, ce qu'un ami appelait un "moyen âge déboussolé". Car contrairement à nous et malgré Pierre le Grand, la Russie avait conservé son moyen âge. Les romans de Dostoievski sont profondément médiévaux, sous le vernis pétersbourgeois, et c'est je crois pourquoi je les ai tellement aimés, avec leurs personnages à la fois si charnels et si spirituels, si fervents, si passionnés. Alors qu'en Europe, nous en étions déjà, quand j'étais enfant et adolescente, extrêmement loin. C'est bien en effet notre dérive qui a fini par happer les Russes dans son maelström maudit.
Les démons qui se sont déchaînés en Russie, si leur arrière-garde y sévit encore, sont massivement retournés d'où ils étaient venus, vers l'Europe progressiste et matérialiste dont on "déconstruit" les derniers restes de culture, mais les ravages sont grands, à l'est comme à l'ouest. On peut dire, comme l'observe Slobodan, qu'il y a deux réalités, celle de l'ouest et celle de l'est, même si nous sommes tous victimes du même mal. Mais à l'intérieur de la Russie, il y a plusieurs réalités également. Il y a même plusieurs époques. Il y a des gens qui vivent au XIX° siècle, il y a des gens qui vivent au moyen âge, il y en a d'autres qui mentalement ne quitteront jamais l'URSS. Il y en a qui vivent dans la réalité libérale mondialiste. Ces réalités, quelquefois se recoupent, se confondent sur certains plans, puis se séparent. Les réalités sont paradoxalement plus diverses en Russie qu'en France, de sorte qu'on peut choisir sa population et son époque. On y trouve suffisemment d'âmes soeurs pour s'inscrire dans une vraie communauté, d'autant plus que les autres populations et les autres époques en présence se rencontrent sur certains terrains. 
Regardez le briefing de Slobodan, la réflexion est éclairante. J'ai mis longtemps à comprendre que la "réalité" que je détestais instinctivement dans mon enfance était relative et fictive, que c'était une citadelle idéologique destinée à nous empêcher de vivre pleinement dans toutes les dimensions de la vie. Je la fuyais chez Ivan le Terrible, d'autres dans la drogue, il y a beaucoup de raisons objectives de la fuir, car elle est l'antithèse de la vie et de la véritable vocation de l'homme.
 
















vendredi 23 avril 2021

L'ombre de l'église




J'ai lu ce post qui m'inquiète beaucoup:

Qu'est-ce qu'il est maintentant interdit de faire sur son terrain?

Garer sa voiture chez soi ou sur le territoire adjacent (beaucoup de limitations)

couper un arbre sans permission

laisser des mauvaises herbes (liste de celles-ci?)

creuser la terre trop profond

faire un puits artésien sans permission

construire quelque chose près de la limite

avoir des animaux domestiques (beaucoup de limitations)

épandre, conserver, transporter du fumier

élever des abeilles (beaucoup de limitations, pratiquement interdit)

avoir des toilettes traditionnelles la cabane au fond du jardin

utiliser ses propres semences si on vend le produit

faire du feu, des barbecues, brûler des ordures.

Venir en voiture en l'absence de route asphaltée

des constructions sans permission

encombrer le terrain de divers objets

Faire du bruit

Conclusion. Nous suivons la tendance mondiale à l'interdiction de faire pousser notre nourriture sur notre propre terre et de créer une économie personnelle indépendante.

https://www.facebook.com/maxim.obukhov/posts/10218735800696224?__cft__[0]=AZUW1uP2zhKWCZDQcv4KL_Zts0UqQ_mFCIrcpLXjnI3G4epIPGQ74_KOVn28KsMVt_a83LVOqAYeSP-JfnZKa1-uFsSl7l8yleFHg2Xrr0uNGc5IpnabtUkFWLASM2VOYGmm13d4G_UyBurJL0_2WHt1Pv90IjA4AfTlReJYcu9lZw&__tn__=%2CO%2CP-y-R

Je suis la première à déplorer qu'on construise n'importe quoi n'importe où; mais je partage là entièrement la conclusion de l'auteur du post. La caste mondialiste, qui a ici ses soutiens actifs, cherche à pousser tout le monde dans des fourmillières à la chinoise ou à la Sobianine; et les tentatives de communautés, de retour à la terre, de permaculture, agroécologie, autarcie etc. n'auront plus le droit ni la possibilité d'exister. Je ne vois pas très bien comment appliquer ces instructions dans un pays comme la Russie sans recourir à la terreur rouge. Mais c'est en tous cas le programme universel, que les députés s'emploient à mettre en place, sur ce plan-là et aussi sur le plan sociétal, avec des tentatives sournoises pour imposer ici des lois visant à anéantir l'autorité des parents.

C'est-à-dire que comme d'habitude, on a les discours de Poutine affirmant une chose, et ses députés qui vont dans le sens diamétralement opposé.

Si tout cela est appliqué, cela nous fera la vie parfaitement impossible. D'ailleurs faire au sens littéral la vie impossible aux sous-hommes semble le but de l'aristocratie mafieuse transhumaniste partout où elle est agissante. Il faut que tout devienne laid, vulgaire, sinistre, étouffant, oppressant, indigne, insipide, désespérant, inhumain, invivable, pour nous, pour la faune et pour la flore.

J'ai vu aussi des photos de l'ancien Pereslavl. Il y avait deux églises à l'embouchure de la rivière Troubej, on a détruit la plus ancienne, comme toujours, et laissé les Quarante Martyrs, devant lesquels on prévoit maintenant la piste cyclable sur passerelle. Les photos montrent la fête de la bénédiction des eaux du lac, à laquelle j'ai assistée, en mémoire de la princesse Eudoxie, femme de Dmitri Donskoï, qui avait trouvé asile sur le lac par temps de brouillard, alors que les Tatars cherchaient à s'emparer d'elle et de ses enfants. Qui nous protègera des Tatars d'aujourd'hui, qui sont partout infiltrés, actifs, néfastes et vils au delà de tout ce que nous avions connu jusque là? 

Il y a beaucoup de monde, sur ces photos, à la fête, des gens de toutes sortes, et cette foule est homogène, harmonieuse, le paysage aussi. Il est à la fois naturel et propre, il y a beaucoup plus d'eau dans la rivière et le lac que maintenant. Il devait y avoir aussi beaucoup plus de poissons. Et beaucoup plus de relations entre les gens. Même à Pereslavl, les choses ont changé depuis la première fois que je suis venue, sans parler du saccage de l'architecture. Il y a des voitures partout, une circulation incessante, alors que j'ai connu une petite ville paisible, nonchalante, avec des chèvres, des poules, des grands-mères assises devant leurs isbas, des pique-niques de militaires, des gosses qui jouaient dans les champs ou se baignaient dans la rivière, empreinte de ce désordre russe plein de vie que haissent tous les oppresseurs. Un correspondant m'écrit que lorsque Pereslavl était encore féérique, il rêvait de quitter le désespoir soviétique, qu'ensuite il avait espéré en un changement et que maintenant, il se consolait avec ce qu'il restait du passé. Il m'a envoyé une photo des années 70 qui montre exactement ce que j'ai connu en 99 et qui est maintenant absolument saccagé et méconnaissable. J'avais même fait des aquarelles des isbas représentées sur la gauche. Il y avait dans ce coin, près du musée, près du monastère Goritski, des vues merveilleuses sur la ville et le lac, on les chercherait en vain aujourd'hui.


Me promenant dans le marais, je songeais à tout cela, et priais avec douleur. Les baraques affreuses pullulent, et aussi les ordures. Etrangement d'ailleurs, c'est à une décharge que me font penser ces accumulations de bâtisses disparates et sans style jetées dans la nature comme des packs de lait et des bouteilles en plastique dans les herbes folles et les roseaux. Un ami russe me disait que les lotissements de cottages faisaient penser à des alignements de mausolées. Quand on arrive près du lac et que l'on tourne le dos à tout cela, on parvient encore à l'oublier. Les saules verdoient, des chatons gonflent comme des bulles, le lac au loin, derrière les roseaux jaunes, est d'un bleu vif presque marin, un bouleau solitaire projette dans l'espace une verticale svelte et blanche, et l'on peut ressentir la réponse de tous ces êtres végétaux à l'admiration qu'ils nous inspirent, un lien se crée entre moi qui les regarde et eux qui sont regardés, entre mon coeur et le balancement altier de leurs branches dans le ciel, le mouvement si lisible de l'écriture de la vie tracée par leurs ramures enchevêtrées et bourgeonnantes. C'était vraiment un dialogue muet, un dialogue infiniment bénéfique et nécessaire, dont tout nous prive de plus en plus. Je pensais aux hordes de brutes et d'imbéciles qui nous font ce monde infernal, dont aucun de nous n'est pourtant vraiment innocent non plus. A leur enfance totalement dénuée de ce qui faisait de leurs ancêtres des gens dignes et profonds, à leurs âmes contrefaites et atrophiées, ne sont-ils pas semblables, au fond, aux enfants loups qui n'ont pas reçu à temps ce qui fait de nous des hommes? Semblables et pires, car je me demande s'il ne vaut pas mieux être élevé par des loups que par les sociétés que nous avons laissé créer et qui ne fabriquent pas seulement des idiots attardés persuadés d'être des dieux, mais des monstres qu'on ne peut même pas appeler barbares. Les barbares avaient des poésies, des chansons et des savoir-faire dont ce que l'on fabrique et formate, dans nos termitières à écrans hypnotiques, n'ont plus la moindre idée.  

La Russie offre toujours des surprises: pendant que je faisais mes courses avec mon oeil au beurre noir, je tombe sur une bonne femme à laquelle j'avais prêté 20 000 roubles à contre-coeur, il y a deux ans. A chaque fois que je la rencontrais, elle proclamait, alors que d'ailleurs je  ne lui demandais rien, parce que je soupçonnais que je ne les reverrais jamais, qu'elle me les rendrait avant l'aôut foi d'animal. Et là, tout à coup, bien que la rencontre fût complètement fortuite, la voilà qui tire les 20 000 roubles de son sac. Je ne me promène pas tous les jours avec 20 000 roubles dans le mien!

Un jeune couple est venu me voir, des routards russes lecteurs de mon blog, ils voulaient passer la nuit chez moi, mais j'ai refusé. Hier, j'ai longuement parlé avec la journaliste de Spoutnik, aujourd'hui, j'ai eu ces visiteurs chez moi une grande partie de la journée. J'ai besoin de paix et de solitude. Je sens que je perds le contrôle de mon temps et de ma vie, je suis trop sollicitée. De plus, où les aurais-je mis, quand j'ai déjà la mère de Génia à côté? Ils sont allés dormir dans l'atelier, avant de repartir, du coup je suis allée dormir dans ma chambre, parce que je ne pouvais rien faire d'autre. 

 






Les ruines de l'église dynamitée, en face des 40 martyrs....



Mon évêque nous a fait un jour remarquer que ce qui était détruit prioritairement par le pouvoir soviétique, c'était le plus ancien, le plus typiquement russe. Chez nous aussi, on fera flamber Notre Dame plutôt que Versailles, évidemment.