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dimanche 18 décembre 2022

Publication

 



Extrait: 

Lorsqu’elle fêta ses dix ans, son grand-père lui dit: « Tu vois, ma chérie, c’est fini maintenant, il y aura toujours deux chiffres à ton âge, jusqu’à ce que tu deviennes centenaire, si tu as de la chance... »

Lucile en fut si triste et terrorisée que, dans sa belle robe de fête en Liberty à volants de dentelles, elle s’enfuit dans la forêt en abandonnant tous ses cadeaux, le gâteau et les dix bougies. Etait-il possible que bientôt, elle devînt vraiment grande et stupide et laide, comme toutes ces adolescentes qu’elle voyait à la sortie du lycée, avec leurs coiffures ridicules, leur maquillage bariolé et leurs ricanements de chèvres? Qu’elle se mît à fréquenter le café du Commerce et à fumer des cigarettes? Puis à travailler et à faire ses courses, comme les mères de ses camarades d’école, le cheveu permanenté, les traits tirés, l’air morne, pareille à une espèce de poupée en plastique complètement défraîchie?

Perdue dans ses tristes pensées, elle suivait son sentier habituel, celui qui longeait la lisière des bois et ramenait le promeneur vers le village au bout de quelques centaines de mètres. Mais il semblait aujourd’hui n’avoir pas de fin, et la lumière déclinait quand la fillette s’avisa qu’elle se retrouvait, elle ne savait comment, devant la même assemblée de grands sapins où elle avait aperçu le mystérieux manoir.

Son coeur se glaça et elle se hâta en sens inverse. Mais la lune apparaissait déjà dans le ciel mauve qu’inexplicablement, elle n’avait toujours pas identifié son sentier familier et ses pas la ramenaient au même endroit, près du manoir.

Le coeur battant, elle grimpa dans un chêne pour essayer de se situer: la forêt s’étendait à perte de vue, comme si son village n’avait jamais existé ou se trouvait à des kilomètres et des kilomètres. L’étoile du berger, palpitante et vive, accompagnait à présent le croissant, dans les voiles assombris du soir, et une chouette s’éleva, grise et silencieuse.

Effarée, Lucile commençait à comprendre qu’elle n’avait d’autre choix que de passer la nuit sur son arbre ou d’aller se réfugier au manoir et ne savait, de ces deux possibilités, laquelle l’effrayait le plus.

Alors des rires d’enfants lui firent baisser les yeux: ils étaient là, au pied du chêne, le petit garçon et la petite fille, ils lui faisaient signe. « Je me suis perdue, leur dit-elle, au bord des larmes.

- Mais non, tu es chez nous, lui répondirent-ils, viens! »

Lucile se laissa tomber de la plus basse branche dans l’herbe épaisse. Il ne faisait pas noir, encore, mais les choses avaient perdu leurs couleurs, elles étaient toutes d’un bleu cendré, seules les limites du ciel reflétaient encore les feux du soleil disparu. Plus que jamais, les deux inconnus avaient l’air de fantômes. Mais leurs mains étaient douces et tièdes, une brise légère secouait leurs dentelles et, à travers le grave frémissement des frondaisons, s’élevaient les trilles enchantés d’un rossignol.

A la suite des enfants, Lucile s’enfonça dans le bois de sapins. Il y faisait tout à fait nuit, mais le manoir était vivement éclairé: toutes ses fenêtres brillaient d’un éclat doré où scintillaient d’innombrables flammèches, des lueurs dansaient sur sa façade et sur le chemin qui menait à la grille grande ouverte et débarrassée de ses ronces. Lucile entendait de la musique, des cris et des rires et voyait passer, entre les piliers noirs du portail, des tourbillons colorés d’étoffes virevoltantes et de joyeux visages enfantins. Cela ressemblait à un bal masqué.

mardi 13 décembre 2022

Loth


 Un jeune homme de 28 ans, afin d'éviter d'aller se battre pour Zelenski et ses maîtres, a tenté de passer en Moldavie avec son chat et s'est fait prendre. Je lis beaucoup de choses navrantes, mais celle-ci m'a navrée plus que d'autres, sans doute parce que ce garçon ne savait pas que faire de son chat et c'est peut-être pour cela qu'il est parti avec lui. Les deux imbéciles que j'ai bloquées dernièrement me parlaient des "centaines de milliers" de Russes qui partaient en Géorgie ou au Kazakhstan, ils le font sans grand risque, et la mobilisation est bien loin de tous les concerner, mais en Ukraine, on enverra jusqu'aux femmes, aux gosses et aux vieillards, pour libérer la terre convoitée et déjà achetée par ceux qui ont préparé tout cela, et sont prêts à massacrer les deux camps jusqu'au dernier, comme des peaux-rouges. La chair à canon ne coûte pas cher et permet en sus de récolter des organes, c'est tout bénéfice. Si les soldats ukrainiens n'étaient pas tirés comme des lapins quand ils ne veulent pas y aller, peut-être fuiraient-ils comme les petits bobos russes, qui d'ailleurs se gardent bien d'aller prendre leur place et crient "gloire à l'Ukraine, gloire aux héros" depuis Tbilissi. C'est plus sûr.

Je vois pleurer des artisans français obligés de fermer, et menacés de se retrouver à la rue, faute de pouvoir payer leurs factures exorbitantes, alors que cette situation est entièrement artificielle, il n'y avait aucune raison d'en arriver là, si les peuples d'Europe comptaient pour leurs gouvernements; mais ils en font aussi bon marché que Zelenski du peuple ukrainien, et même, ils sont pressés de les faire disparaître, de les remplacer. Pour ces gens sans patrie, sans coeur, sans Dieu et sans culture, nous ne sommes tous qu'un troupeau qu'ils haïssent et méprisent, des sous-hommes.

Ma cousine bien aimée m'écrit qu'il "ne sert à rien de fuir", et que je suis dure avec mes compatriotes, car ils sont loin d'être tous fous dans la nef du même nom, ce qui est exact, mais qui tient la barre? Si je suis partie, c'est plutôt à la façon de Loth quittant Sodome et Gomorrhe, et j'ai du mal à ne pas me retourner et à ne pas finir en statue de sel, en vertu des cousines, parents et amis laissés là bas. Fuir n'était pas mon propos, ni même celui de ceux qui ont fait la même démarche, car il est fort possible que les démons à l'oeuvre finissent par mettre à feu et à sang le monde entier, ce sont ces démons que nous fuyons, ou plutôt leur épicentre. Pour ne pas en être solidaires, pour ne pas les laisser saccager nos enfants quand nous en avons, pour jouir d'encore un peu de liberté et de vie normale sans être assommés de discours ni de reproches idiots, ostracisés et dénoncés par nos voisins. Pour garder la parole. Je sais fort bien que si la Russie succombe, je mourrai avec elle, comme me le prédisait la femme du père Valentin, sa matouchka communiste, avec qui je rejouais don Camillo et Peppone tous les vendredis soir. Qui fuit, en réalité? Nous qui avons prédit tout ce qui arrive depuis des années, nous qui crions dans le désert, ou ceux qui se cramponnent depuis le même temps à l'illusion que les trente glorieuses n'auront pas de fin, alors qu'elles n'auront servi qu'à nous duper, comme le miroir les alouettes, et que la récréation est terminée?

Ici, à Pereslavl, nous sommes encore à l'abri, et s'il nous arrive de faire la fête, nous n'oublions pas ce qui se passe, en Ukraine mais aussi en Europe, et nous ne nous en réjouissons vraiment pas. Nous essayons simplement de tromper notre angoisse, notre tristesse et notre indignation, soulagés d'être néanmoins quelques uns à nous tenir chaud dans cette tourmente, au lieu d'être isolés au milieu des zombies, dans le vacarme des mensonges, des calomnies, des insultes, des imprécations et des sanglots de crocodiles, d'autant plus bruyants qu'ils sont plus faux et plus hypocrites. Dany me dit que nous sommes tous responsables à des degrés divers, et c'est évident, nous sommes tous solidaires dans le péché, au moins n'avons-nous pas fait l'autruche, au moins n'avons-nous pas participé, au moins avons-nous essayé de faire bouger la chape de plomb qui pesait sur la vérité et ne permettait ni de l'entendre ni de la voir. J'écrivais sur Facebook en 2013:

Combien de gens seraient prêts à entrer en guerre avec la Russie pour recevoir dans une Europe au bord du chaos une Ukraine dont seuls les Américains ont besoin? C'est ce qui nous pend au nez. c'est ce que nos maîtres désirent, et leurs laquais se précipitent pour les exaucer. Est-il possible que nous soyons si peu nombreux à le comprendre?

A ce moment-là, je ne rencontrai qu'indifférence et incompréhension, ce qui m'a rendue d'autant plus réceptive au conseil du père Placide, après la mort de ma mère. Non pour me mettre à l'abri, mais pour ne pas rester avec ceux qui approuvent les malfaiteurs internationaux qui nous ont créé cette situation, et avec ceux qui s'en foutent.


Cassandre

 

La bêtise aux cent mille bouches

Le grand tohu-bohu du diable

S’en va remplir ses desseins louches

En rameutant la foule instable

 

Chien noir de cet affreux berger,

Elle crie à tous les échos,

Pousse à cavaler nos troupeaux

Sur les chemins par lui tracés.

 

Et comme il y va volontiers

Le grand troupeau des imbéciles

A l’abattoir sans barguigner

Se pressant pour doubler la file.

 

Hurlant plus fort que tous les loups

Entonnant, joyeux, leur refrain,

Ils feront leur boulot demain,

Sans soupçonner de mauvais coup.

 

Pareil au taureau dans l’arène

Qu’aveugle le chiffon sanglant

Il va là où la mort le mène

Sans voir derrière ni devant.

 

Tous sont d’accord pour aller pendre

Ceux qui clamaient depuis longtemps

Que le chemin n’est pas à prendre

Que l’assassin nous y attend.

 

Et Cassandre sur son rempart

Peut verser des larmes amères,

Les idiots vont de toutes parts

Nous précipiter dans la guerre.

 

Il te faut prier en silence

Les mots trop vite déformés

Volent mal, au ciel éclatés,

Sur ce qui reste de la France.

 

Janvier 2015


lundi 12 décembre 2022

Les pétales du Donbass

 

les deux Maxime

Un repas chez Katia le « coach » a mis en présence Valérie, Lydia et Jason l’Américain. Jason est persuadé que la maison de Valérie ne se trouve pas par hasard dans les parages du tombeau de l’higoumène Boris. Il cite abondemment le père Sérafim Rose et s'émerveille de voir confluer, dans le coeur de la vieille Russie, tant d'étrangers qui fuient le Titanic occidental, la nef des fous. Venus d'horizons très divers, nous avons tous les mêmes prises de conscience. Valérie pense qu’il faut distinguer les Américains de leur gouvernement. Jason a soupiré : « Les Américains, c’est du pain et des jeux. Il y a pourtant une différence essentielle avec l’Europe, c’est le second amendement qui permet au citoyen d’être armé. » Or justement, le gouvernement français tente maintenant de désarmer ceux qui le sont encore. Pourquoi ?

Le dernier concert de l’Art-Bar était celui de l’ensemble Ladoni et du joueur de gousli Maxime Gavrilenko. Il fréquentait les cosaques de Skountsev, quand il était tout jeune et que je travaillais au lycée. Nous avions passé une soirée mémorable dans leur local, avec du cognac et des crêpes que j’avais cuites pour Skountsev,  lequel m’avait fait faux bond; et deux copains à lui. L’un d’eux était dans l’armée, et m’avait montré comment il ouvrait les boîtes de caviar avec ses dents, puis, m’ayant raccompagnée jusque chez moi, m’avait assurée que si j’avais besoin de lui, il viendrait tout de suite à la rescousse, tel un preux chevalier !

Maxime chante du folklore à sa manière, et utilise les gousli pour des compositions contemporaines, avec un batteur, un guitariste, et un joueur de hautbois. Le batteur chante aussi, en s’accompagnant à la guitare, il s’appelle également Maxime, il a une bonne tête, honnête et virile, et vient du Donbass. Les chansons étaient presque toutes composées par Maxime Gavrilenko, et elles reflétaient un patriotisme chrétien paisible et sensible, sans pathos, sans emphase. Le refrain de l’une d’elles était : « les enfants vont à Dieu sur les pétales du Donbass ».

Il faut dire que Maxime, comme Vassia Ekhimovitch, le vielleux, y est allé chanter, au Donbass, et il sait ce qui s’y passe. A la fin du concert, je suis allée me faire reconnaître, et son visage s’est illuminé au souvenir de la soirée dans le local des cosaques, et de son copain aux dents solides. Maxime pense que les derniers temps sont venus, que le conflit est métaphysique, eschatologique, et nous citait les psaumes entre deux récits de son expérience à Donetsk qui l'a visiblement  profondément impressionné. Il connaît mon père Nikita, qui est là bas, sous les bombes. J’étais avec Valérie et Katia, et il nous a soudain étreintes l’une après l’autre : « Que vous êtes belles, toutes les trois ! Que je suis content de vous avoir rencontrées ce soir ! »



Maxime chante Essénine

L'homme et l'océan

 Je me suis fait traiter de facho pour avoir cité Julius Evola par quelqu’un qui s’indigne lorsqu’on parle des croix gammées et des défilés aux flambeaux en Ukraine, il paraît que c’est complètement abusif de s'en formaliser, il s'agit d'un simple excès folklorique. Après tout, si ni BHL ni Glucksmann, ni Enthoven et compagnie ne voient de croix gammées en Ukraine, et si ils justifient ou passent sous silence les pires horreurs, on ne saurait que les approuver, puisque par définition, ils ont toujours raison. 

Lorsque Piotr Tolstoï ou Poutine disent que la guerre sera longue, je comprends pourquoi, et les Russes qui ne le sont pas encore feraient bien de se réveiller. La bande qui manipule l’opinion chez nous n’a absolument aucun scrupule et se fiche éperdument de détruire et l’Ukraine, et la Russie, et l’Europe, c’est même probablement son but. On m’a envoyé un texte de Markowitz le « génial traducteur » et russophobe enragé, dont je me demande comment il peut comprendre les auteurs russes qui sont sa spécialité. Personnellement, je boycotte complètement cet individu, je me fous de ses traductions géniales comme d'une guigne. Car si ceux qui s’y réfèrent sont des abrutis bien dressés, lui sait très bien ce qu’il fait, à l’instar de ses comparses BHL, Galina Ackermann, Glucksmann et autres créatures des ténèbres : mentir, mentir, calomnier avec aplomb, cautionner faux drapeaux et fake news envers et contre toutes preuves ou témoignages du contraire, du moment que suffisemment d’imbéciles colportent leurs thèses, cela leur suffit pour empêcher une réaction de rejet massive, qui affranchirait les populations de leur influence délétère et perfide. La « littérature » de ce Markowitz, alambiquée et contorsionnée, pue la fausseté à plein nez mais elle est colportée par de petites actrices, des intellos de broussaille et des orthodoxes prêts à croire tout ce qu’on peut raconter d’ignoble sur la Russie, qu’ils soient convertis ou émigrés pleins de rancoeur, et même à justifier les persécutions à l’encontre du métropolite Onuphre et de ses fidèles, puisque portée par ces « sources sérieuses », une représentante de cette orthodoxie russophobe compare le patriarcat de Moscou à Daesh, pourtant une création des ses chers américains, comme d’ailleurs les troupes de tortionnaires à croix gammées du régiment Azov. L’inversion accusatoire et la calomnie des victimes fonctionnent à fond. Markowitz attribue impudemment aux Russes des crimes commis par ses Ukrainiens. J'éprouve une aversion violente pour ce système, que je vois à l’oeuvre depuis la Serbie, en passant par l’Irak, la Syrie et le Donbass, et les complices de cette infamie, orthodoxes ou pas, conscients ou pas, je les élimine de mes relations, je ne veux même plus échanger un mot avec eux: les démons qui grouillent sur eux sont comme les puces, les poux ou les tiques, contagieux. 




jeudi 8 décembre 2022

Visite au père Boris

 


J'ai remis en service, après l'avoir rénovée, la table de cuisine de mon grand-père, qui a près de cent ans et dont il aurait été bien surpris d'apprendre qu'elle échouerait à Pereslavl Zalesski. Après quelques journées épuisantes à essayer de remettre la maison en ordre, à l'issue des travaux, j’ai accueilli Valérie et Lydia, qui viennent préparer, l’une son émigration, l’autre son retour en Russie après 30 ans d’expatriation en France. . 

Moi qui trouve les Russes âgées souvent terriblement emmerdantes, je suis séduite par Lydia, sa façon de parler français, qui mêle l’accent russe et celui du sud-ouest, la bonté, la finesse et l’humour de son visage de matriochka.

Nous sommes allées au restaurant Ultracooks, le restau noir que j’appelle la cantine de Katia. C'est un endroit un peu branché, inattendu, au fond d'un couloir où s'alignent diverses boutiques, badigeonné en noir et sans fenêtres, mais paisible, pas cher, avec d'adorables jeunes serveuses, une nourriture fraîche et bonne. 

Pour parler de la France et de ce qui s’y passe, Valérie chuchotait tellement que je l’ai priée de parler plus fort : « Je n’entends rien, que se passe-t-il ? vous avez peur qu’on nous espionne ? »

Elle a éclaté de rire. En effet, entre le Covid et la russophobie, elle a pris l’habitude de se taire, de prendre toutes sortes de précautions, c’est beau, la démocratie ! Une relation à elle est tout de suite devenue agressive quand elle a su qu’elle venait ici : « Quelle idée ? Tu n’y es sans doute jamais allée, tu vas avoir un choc !

- Mais si, j’y suis allée en 2018...

- Eh bien ça a changé, tu vas avoir un choc ! »

La relation en question n’y a jamais mis les pieds, mais ce n’est pas grave, elle est bien renseignée, par des sources sûres et respectables, j’ai aussi ça en magasin, parmi mes lecteurs de facebook. Valérie voit un lien direct entre ce genre d’attitude et la covidomanie du concombre masqué, de sorte que pour la prochaine vague, on pourrait leur imprimer des masques bleus et jaunes à croix gammée en filigrane. En filigrane, parce qu’il faut rester encore un peu discret, le Figaro ne s’est pas encore assez donné de mal pour blanchir le bataillon Azov et faire de ses bons éléments l’élite de notre gendarmerie, prêts à massacrer du gilet jaune avec toute l’expérience de leurs expéditions punitives au Donbass : huit ans, quand même, un bon CV de tortionnaires. 

Une amie prof lui a dit que pour les corrections du bac, les instructions du ministère étaient non seulement de monter les notes des plus nuls mais de baisser celles des plus brillants. Les gosses sont complètement déstructurés par internet et l’absence d’éducation, beaucoup ne savent plus faire une phrase et manquent du vocabulaire le plus élémentaire, ce qui les rend incapables de comprendre toute espèce de littérature, largement accessible à n’importe quelle personne de ma génération. Comme par ailleurs, ils n’ont pas de culture orale populaire, on va fabriquer quelque chose comme les enfants loups. Et encore vaut-il mieux peut-être être élevé par des loups que par les malfaiteurs et les dingues qui nous détruisent.

Toutes les activités sont politisées et orientées, comme dans la fac de Vincennes des années 70. C’est du dressage de singes. Type de sujet d'exercice : « Te sens-tu aujourd’hui fille ou garçon ? » L’adolescente d’une de ses amies veut changer de sexe, et l’équipe pédagogique se fait un devoir de « l’accompagner ». Quatre autres gamines, dans sa classe, ont la même intention, on a créé une mode, on exerce une pression sociale, et ça marche. Ainsi, moi qui m’identifiais à Claude du Club des Cinq, on aurait essayé de me convaincre de prendre des hormones et de me faire couper les seins. A la mutilation culturelle et spirituelle s'ajoute la mutilation physique.Je me demande si les générations élevées de cette manière auront encore quelque chose de récupérable. Et la caste des surhommes qui se prennent pour des génies, autorisés à pratiquer ce genre d’expériences sur leurs semblables pour mieux se gausser d’eux, n’est en faite pas plus intelligente ni moins inculte que ce troupeau, juste plus infâme, plus impudente et plus fourbe.

Nous sommes allées hier visiter la maison que Valérie veut acheter, dans un hameau de datchas soviétiques du côté de Serguiev Possad. La route passait devant la tombe de l’higoumène Boris, et je lui ai fait une visite de reconnaissance pour m’avoir aidée au moment où j’étais malade, l’année dernière. La vieille gardienne était enchantée, et m’a fait inscrire mon témoignage sur un cahier à cet effet. Un pèlerin bosselé et violet de froid a tenu à nous emmener sur la tombe du moine Germain qui a vu la Mère de Dieu et guérissait les possédés.

Le village de datcha m’a séduite, il est bordé d’éminences abruptes et boisées inconstructibles et il a beaucoup de charme, la petite maison aussi. Son prix me paraissait incroyable pour l’emplacement, mais s’il est effectivement bas, il s’explique, en dehors d’autres considérations dues à la situation des propriétaires, par la quasi impossibilité d’agrandir cette demeure pour lutins. Le jardin est charmant mais exiguë, si l’on fait un gros cottage, plus de jardin, et pas de place pour une voiture. C’est un endroit très bien pour une personne seule ou un couple, on peut à la rigueur ajouter un auvent par côté pour la voiture, mais c’est tout. Les maisons alentour sont neuves ou ont été rénovées, de sorte qu’on ne lui implantera pas un OVNI énorme. C’est joli, et c’est une région encore pittoresque, accessible, bien desservie.

Valérie avait les clés, mais à cause du gel, impossible d’ouvrir le portillon. Je l’ai vue escalader et franchir la clôture avec intrépidité, j’en aurais été bien incapable. Nous nous entendons très bien, et j'ai l'étrange impression de voir venir à moi le meilleur de l'esprit français. Le fait que l'higoumène Boris, qui prédisait un afflux d'étrangers et un rayonnement spirituel de sa région, soit mêlé à l'affaire, et situé à quelques kilomètres de la future résidence de mon amie, me confirme dans l'idée que nous nous inscrivons tous dans quelque chose qui nous dépasse. Même la trouvaille de cette datcha a quelque chose d'inattendu et de miraculeux: par relations, et après que les événements aient rendu impossibles d'autres variantes, devenues trop chères.

A Serguiev Possad, nous avons plaisanté ensuite toutes les trois sur l'humour et la serviabilité du père Boris qui avait poussé l'amabilité jusqu'à nous trouver une place idéale à deux pas du restaurant.

J'ai vu, parmi les mésanges et moineaux qui fréquentent mon restau, un oiseau magnifique, de la taille d'un pigeon. Il s'avère que c'est un geai. C'est la première fois que j'en vois un chez moi.



 

 



mardi 6 décembre 2022

saint Alexandre


C'est aujourd'hui la saint Alexandre Nevski et je suis allée à l'église, qui était bourrée. Il y avait tout le lycée orthodoxe, des gamins endimanchés partout, des cosaques, et tout le clergé local autour de l'évêque Théoctyste. J'ai fait prier pour le métropolite Onuphre, son troupeau persécuté, et pour les soldats qui se battent là bas, exposés à des sévices d'un autre monde, du monde à l'envers qu'on nous fait, s'ils ont le malheur d'être faits prisonniers. Une amie qui s'occupe d'humanitaire auprès des réfugiés et des soldats m'a demandé d'écrire des cartes de bonne année, il paraît que cela leur est très précieux, surtout celle des enfants, mais une vieille Française fera l'affaire aussi.

J'attends une amie orthodoxe qui vient se chercher une maison dans les parages.

Je lis dans le dernier Antipresse, celui des sept ans de cet organe, le bébé de Slobodan, dont je suis fière de figurer dans le trousseau:

 "Sans oublier notre extraordinaire communauté de lecteurs, qui est à la fois une alliée, une interlocutrice et une source d’informations et de belles histoires. Le bon docteur Hubert m’accueillant à ma descente de train à Pékin pour aussitôt m’emmener à travers la ville en vélo. Le mythique appartement-théâtre de Dany et Youri à Moscou. L’isba musicale de Laurence Guillon à Pereslavl, d’où elle nous adresse ses superbes chroniques… Et les framboises de Martin Dabilly dans le Yunnan, et la forge de Jocelyn Lapointe dans le Grand Nord canadien. Et l’irréductible petit royaume musical de Diane Tell dans les Alpes, voisinant presque avec le chalet-refuge du docteur Walter, le «médecin intérieur»… L’Antipresse aura été le trait d’union de toutes ces destinées et de tous ces témoignages humains. Avec le recul, j’identifie un fil rouge entre eux, entre nous. Nous n’étions pas du même monde, mais nous étions de la même famille".

C'est drôle, la musique, j'y suis vraiment venue tard, bien que je l'ai toujours aimée, j'étais plutôt graphiste et écrivain, mais Slobodan, et il n'est pas le seul, m'identifie comme une musicienne. 

Il définit le rôle et la vocation de l'Antipresse, outil d'analyse, de communication entre les anarques de diverses origines et nations, et grain de sable dans la Machine qui entend nous broyer tous. C'est drôle comme finalement, j'ai eu conscience de cette Machine et de ses intentions, depuis pratiquement les bancs de l'école, de façon d'abord instinctive, puis de plus en plus consciente. Je ne voulais pas m'inscrire là dedans, et si je ne suis venue à l'Education Nationale que forcée par la nécessité, c'est que je n'entendais pas non plus contribuer à y inscrire les autres...

Slobodan voit dans l'absence de spiritualité l'origine du manque de discernement actuel:"Une des leçons de ces années de transition, à mes yeux, est que les humains sans ancrage métaphysique — si instruits qu’ils soient — sont disposés à accepter et croire n’importe quoi, moyennant un peu de persuasion. Leurs facultés d’entendement s’arrêtent à la surface des phénomènes, sans capter leur dimension symbolique. Cela donne raison à Chesterton qui brocardait la crédulité des athées et des prétendus  rationalistes. Le spectacle des foules — ignares ou éduquées, civiles ou médicales — se trémoussant au son de la «science» pipée et s’appliquant à apprendre les pas de danse les plus désarticulés au nom de leur «santé», aura à cet égard été assez éclairant. Le recyclage des mêmes contorsions au profit de la «lutte pour le climat» ou de la «défense de l’Ukraine» a fait dériver la pièce vers un comique de répétition en fin de compte assez prévisible. L’an 2020 et ses suites, c’est le Ministère des Démarches loufoques de Monty Python reprenant la gestion des affaires globales".

C'est naturellement évident, et pourtant, je m'interroge au vu du nombre d'orthodoxes occidentaux qui ont marché allègrement dans la combine covid et marchent à fond dans la sombre combine ukrainienne, et depuis longtemps. Pourtant, dit Slobodan:"Pourquoi ce feuilleton russe? Dès le moment où la Russie a gravé dans sa Constitution la définition traditionnelle de la famille (un homme, une femme, des enfants), il est devenu évident que la lutte à mort avec le bloc transhumaniste était inscrite à l’agenda. Il est curieux que personne ne se soit sérieusement interrogé sur la portée de ce truisme, ou plutôt de la nécessité de le protéger juridiquement. Nous sommes entrés dans une drôle d’époque où les concepts les plus arbitraires semblent aller de soi, mais où les évidences de nature doivent être prouvées et défendues"

Il est bien clair pour moi que quels que soient les torts réels ou supposés du gouvernement russe et la corruption de ses fonctionnaires, le simple fait que la Russie aille contre le bloc transhumaniste suffit à la placer dans le bon camp, imparfait, mais bon; car celui d'en face est si mauvais, si antagoniste à tout esprit chrétien qu'on ne peut que le fuir en courant et s'en garder comme de la peste.

Combien d'orthodoxes occidentaux ont, par une détestation irrationnelle des Russes, ou par indifférence, ou conformisme, fermé les yeux sur ce qui se passait en Ukraine depuis huit ans, sur les persécutions envers le métropolite Onuphre et ses fidèles, sur le rôle infâme du patriarche de Constantinople dans cette affaire? On parle de déporter les orthodoxes d'Ukraine en Russie pour les protéger, qui restera-t-il sur le territoire autour des sanctuaires profanés? Les uniatoïdes au front bas du pseudo métropolite Epiphane et de l'infernal pseudo-patriarche Philarète?

J'ai trouvé sur facebook ce post qui m'a paru très juste. J'ai traduit l'ouvrage de Panarine, la Civilisation Orthodoxe, je pense l'avoir mal traduit, il était au dessus de mes compétences, et c'est dommage. 


RÉVOLTE CONTRE LE MONOPOLE OCCIDENTAL DE LA MODERNITÉ 


A la fin des années 1990, le philosophe russe Alexandre Panarine exprime une préoccupation grandissante face à la modernisation faustienne qui se propage sans réserve, et à l’objectivation du monde entier par l’Occident qui considère tout l’espace planétaire comme terrain à conquérir, à convertir et à soumettre à ses propres objectifs. Panarine prévient que le monde ne se pliera pas éternellement à une volonté extérieure d’un seul pôle qui se prend pour le sujet de l’histoire, laissant aux autres la place de ses objets, dont la volonté propre ne compte pas. 

Il écrit : 

Le désenchantement de l'histoire constitue, avec la disparition de la foi religieuse, le deuxième pilier du nihilisme occidental. L’Occident a perdu toute capacité de se projeter dans l’avenir. On n’y rêve plus d’un avenir qui serait très différent du présent, il n’y a plus d'espoir d'améliorer notre existence collective, on a perdu toute boussole de l’action historique. L’histoire ce n’est plus que le présent qui dure.

Mais si les sociétés « totalitaires » ont été, à juste titre, blâmées pour avoir sacrifié les individus sur l’autel du Sens de l’Histoire, cela ne veut pas dire que les grands desseins collectifs sont nécessairement une chimère nuisible. La grande perspective historique n'est pas un attribut des sociétés totalitaires prédémocratiques, elle fait partie intégrante de la culture humaine en tant que telle.

En paraphrasant Dostoïevsky, on peut dire que si la foi en l'avenir n'existe pas, tout est permis. L’absence de grande vision du devenir présage une grande instabilité civilisationnelle et met en cause la viabilité même de la civilisation occidentale. 

Incapable de se projeter en avant, l’Occident fukuyamiste ne peut que se projeter dans l’espace en poursuivant, de manière effrénée, sa conquête du monde.

L’état d’esprit « fukuyamiste » n’est pas minoritaire, il reflète la conscience de masse de l’Occident actuel. Le projet planétaire de la « modernisation » évoqué dans des milliers de publications ne s’inscrit plus dans la grille de temporalité classique : passé-présent-avenir. Il utilise plutôt la dichotomie « moderne vs archaïque ». 

Le « moderne » n’est pas simplement assimilé à ce qui vient de l’Occident, il est complètement monopolisé par l’Occident. A ce « moderne », il n’y a point d’alternative. Tout ce qui n’est pas « moderne » est « archaïque », et doit être modernisé bon gré mal gré.

Cette fixation, cette vision figée de la « modernité », est selon Panarine, contraire à l’esprit européen classique qui a toujours été capable de l'auto-critique, donc d’un renouvellement radical. Aujourd’hui, l’Occident semble avoir perdu les fondements de sa culture y compris la capacité de se réinventer. 

D’où l’hypothèse du penseur russe que l’Occident sera incapable de proposer une véritable alternative à la conquête faustienne du monde, à cette folle aventure moderniste qui a mis en péril la planète. Cette indispensable alternative, cette réforme intérieure profonde de l’humanité ne peut être engagée que par l’Orient.

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Dans les années 1990-2000, ces paroles ne trouvent pas un grand écho en Russie. L’heure est à l’occidentalisation à marche forcée; de nombreux pays qui ont fraichement accédé à la « modernité » s’en abreuvent, et s’installent, rapidement, dans une dépendance vis-à-vis de nombreux biens qu’elle apporte. Certes, tout le monde n’y a pas accès dans la même mesure, mais le plus important est de convertir les élites. 

Cependant, depuis quelque temps, et surtout depuis le 24.02.22, la réflexion sur le monopole occidental de la modernité et les moyens d’y mettre fin reçoit une impulsion, et est en plein développement. 

La modernité - qui est, d’un côté, un accès aux biens et services du monde interconnecté et interdépendant comme jamais, et de l’autre, toute une superstructure idéologique - est ainsi perçue comme une arme redoutable que l’Occident utilise dans sa lutte pour l’hégémonie planétaire.


Pour l’un des théoriciens contemporains de l’idée du monopole occidental de la modernité, le philosophe Alexeï Tchadaïev, le 24 février 2022 et tout ce qui a suivi ont mis en évidence la véritable nature de la « modernité ».

Il écrit: 

« L'idée de "grandeur impériale" me laisse indifférent,  c’est le moins que l’on puisse dire. C'est une valeur très douteuse, tout comme le nationalisme ethnique, qu'il soit russe, ukrainien ou autre. Mais si la guerre actuelle a une utilité – c’est qu’elle nous a enfin permis de prendre conscience de ce que nous sommes devenus depuis toutes ces années. En outre, elle a révélé la véritable structure néocoloniale de la modernité, dissimulée derrière la formule de la « société de consommation post-perestroïka ». 

Les sanctions, la saisie des comptes, le gel des réserves de devises, la réquisition des biens, le bannissement total des Russes, la fermeture des frontières, le blocus médiatique, et le hatespeech mondial nous ont fait enfin comprendre quelle était la place de la Russie post-soviétique, telle qu'elle s'est construite depuis 1991, dans le monde global, et quelle était sa finalité supposée. En fait, elle était destinée à devenir tôt ou tard une autre "Ukraine" ou plusieurs "Ukraines", avec le "leader" du même acabit que Zelensky, à savoir Navalny, avec une "démocratie" dont la visée principale serait la lutte contre les "ennemis de la démocratie" ; avec une économie oligarchique et rentière, une élite "mondialisée" (ayant la propriété hors sol), une "classe créative" complétement alignée pour diffuser les consignes, et une participation docile au système de la "division mondiale du travail", la place au sein duquel serait décidée par les chefs politiques de Bruxelles et de Davos. 

J'ai enfin compris ce que le slogan de Fukuyama "La fin de l'histoire" signifiait pour nous : l'histoire n'allait certainement pas se terminer pour tout le monde, mais elle devait se terminer pour les Russes, qui n’en seraient plus les sujets actifs. 

Ainsi, le combat actuel est le combat pour garder notre place de sujets indépendants. Dans ce sens, cette guerre revêt une dimension de libération nationale, c'est-à-dire d'un soulèvement anticolonial. Et bien que le front des opérations militaires se situe en Ukraine, le combat le plus important se déroule en Russie elle-même. »


samedi 3 décembre 2022

Laboratoire

 Il fait froid, des températures de janvier. J'ai même un peu froid dans la maison, malgré Gazprom. Je m'apprête à suspendre une couverture devant la porte d'entrée, en guise de rideau, c'est ce que j'avais avant les travaux, je vais rétablir. Comme la neige avait fondu, nous avons une vraie patinoire, et j'attends avec impatience que des flocons viennent nous constituer une moquette pratiquable.


J’ai eu un grand moment de jouissance en voyant l’interview du vice-président de la Douma Piotr Tolstoï, descendant de Lev Nikolaievitch, par une meute de chacals médiatiques français aux ordres. Il parle magnifiquement notre langue, et il les a écrabouillés. Pris dans le feu de l’action, il n’a pas pensé à faire remarquer aux auditeurs de ces séides de l’OTAN que les prétendues exactions russes contre les civils relèvent de l’inversion accusatoire, et qu’en France, on ne se fie officiellement qu’aux sources ukrainiennes, en qualifiant toute autre info de « propagande du Kremlin ». Mon bonheur a été décuplé par le soutien enthousiaste de la majorité des commentaires français, avec entremis, des commentaires russes ravis de voir que nous n’étions pas tous devenus complètement gniailles. Une horrible blondasse khazaro-ukrope est venue expliquer à ces mêmes médias qu’il fallait s’attaquer aux citoyens russes partout où ils se trouvent, leur faire la chasse, ils sont intrinsèquement dangereux et mauvais, comme les loups, comme les peaux-rouges. Un commentaire suggère : « Et si on mettait juif à la place de russe que penserait-on de ce discours ? » Mais c’est simple : ce mouvement russophobe étant largement organisé et porté par une certaine mafia sioniste depuis des décennies, je pense aux faux dissidents type Ackermann ou Alexieva, aux vrais russophobes, aux BHL, Glucksmann, Soros et autres malfaiteurs mondialistes, il est évident qu’ils font avec les Russes (ou les Palestiniens) ce qu’ils reprochent au monde entier de leur faire, selon la loi de l’inversion accusatoire, et comme cela, on peut leur mettre sur le dos leurs atrocités de la révolution d’octobre, le holodomor ukrainien qui s’inscrivait dans un génocide de paysans russes orthodoxes non seulement dans leur fief actuel, qu’ils sont en train de ruiner et de plonger dans un enfer total, mais dans toutes les régions de Russie où il y avait des paysans libres et prospères. Soljénitsyne l’a bien démontré et ne s’est pas fait des amis, comme on l’a vu. Toute ma jeunesse, j’ai entendu des trotskystes, vibrants de haine, justifier la dékoulakisation. J'ai du mal à encaisser de les voir à présent pleurnicher sur le holodomor en le collant sur le dos des Russes...



Tout ceci est infiniment dégueulasse, il ne faut pas lâcher la rampe de l’orthodoxie pour le supporter, et justement, le bon Zelenski, qui fait si bon marché d’un peuple qui n’est pas le sien, vient d’interdire l’Eglise Ukrainienne Orthodoxe du métropolite Onuphre, la seule la vraie depuis le baptême de la Russie par saint Vladimir, ouvrant la porte aux persécutions accrues de millions de personnes et au pillage ignoble de leurs lieux saints. Hier, Skountsev me disait : «Comment ce Bartholomée a pu se prêter à cette infamie ?

- Mais parce qu'il est à leur service !

- Oui, ils s’infiltrent partout, pour diviser, pourrir et détruire, même dans l’Eglise, et c’est pourquoi nous resterons toujours vieux-croyants. Avec nous, cela ne prend pas ! »

Et en effet. Je ne peux rien répondre à cela. Le père Valentin me dit qu’il y avait effectivement des erreurs à corriger, au moment où le schisme s’est produit, et qu’il aurait fallu le faire avec tact pour éviter cela, d’ailleurs, je crois que même l’archiprêtre Avvakoum le reconnaissait. Mais parfois, au vu des erreurs nouvelles et des influences auxquelles la réforme a ouvert la porte, je me demande si cela valait le coup. Ivan le Terrible, qui avait convoqué le concile des Cent Chapitres, se méfiait des Grecs, de par leur dépendance politique à l'égard de l'occident et des ottomans.

Skountsev et sa femme sont allés chanter pour des enfants malades, et leur montrer comment faire des instruments et des jouets eux-mêmes, comme autrefois au village. Les enfants étaient complètement fascinés, ce qui prouve à quel point leur âme avait besoin de tout cela, et de quoi les privent les conceptions contemporaines mutilantes et abrutissantes de l’éducation. La fabrication des jouets développait l’aptitude des enfants au tissage, au tressage, à la vannerie, à tout ce dont ils auraient besoin dans leur vie quotidienne, et aussi leur goût et leur esprit. Maintenant, ils restent passifs devant des écrans à pianoter, abrutis dès leur plus jeune âge par une musique de merde omniprésente et des spectacles dégradants. On peut dire qu’il leur faudra beaucoup d’énergie, ou de chance, ou de grâce, pour ne pas devenir idiots.

Parallèlement, la France s’enfonce dans la débine et le chaos, quand je disais, il y a huit ans, que l’Ukraine était le laboratoire de ce qui attendait l’Europe... Cela me serre le coeur. La déclaration de Piotr Tolstoi me donne l’espoir que la Russie s’en sortira, mais Skountsev me disait qu’il avait assisté à une pièce de théâtre sur la famille impériale où on couvrait ces martyrs de sarcasmes, applaudis par la jeunesse du parterre, et qu’écoeuré, il s’était levé avec sa femme et était parti. Comment est-ce possible? Car nous le savons, c'est ainsi qu'on a pourri la France jusqu'au degré où elle est arrivée. «Là bas se battent les meilleurs d’entre nous, me dit Marina, et nous devrions tous observer le jeune pendant tout le temps des opérations militaires, tout le pays devrait jeuner au son des cloches, et cette cinquième colonne devrait être expulsée depuis longtemps ! Or les gens font la fête, ils sont loin de ce qui se passe là bas, ils n'en prennent pas assez conscience.»

Et de fait, la blondasse dont je parle plus haut exigeait la fermeture du centre culturel russe à Paris, pourquoi le gouvernement russe ne ferme-t-il pas l’infect centre Eltsine de Ekaterinbourg ? Finalement, prenez vos boucs, récupérons nos brebis, mais il restera encore trop de brebis coincées avec les boucs. 

vendredi 2 décembre 2022

Réédition.

 A la suite de la traduction de Yarilo, qui m'a amenée à le corriger, j'ai fait une réédition au Net. Je l'aurais voulu moins cher, mais étant donné le nombre de pages, j'ai dû rester dans le format précédent. Cependant, je l'ai publié, cette fois, également en version électronique. Je ne m'attends évidemment pas à faire un best-seller dans ces conditions, la plupart des gens en France étant convaincus que si l'on s'autoédite, c'est qu'on écrit de la merde, et en plus, je ne suis plus sur place, et n'ai aucune relation ni chez les éditeurs, ni chez les journalistes, ni chez les libraires. D'ailleurs ceux que je connais quand même, parmi les journalistes et les littérateurs, partent visiblement aussi du principe que l'auto édition est infamante, et ne se donnent pas la peine de le lire, comme les gens qui sont persuadés qu'il n'est d'info crédible que dans les médias accrédités. Or si je m'auto édite, c'est parce que j'ai la flemme d'envoyer des manuscrits à des milliers d'éditeurs, qui très probablement ne les liront pas, qui sont très loin de moi par la mentalité et l'idéologie, même quand ils sont "de droite". Je n'ai pas confiance en eux. Je n'ai pas le temps. Je n'ai pas envie de bloquer les droits de mon livre qui ne sera peut-être pas mieux diffusé. Je n'écris pas de la merde, j'ai eu un prix quand on m'a publié au Mercure de France, mon passage dans cette édition m'a guérie de toutes les autres, j'en garde jusqu'à présent un souvenir épouvantable. Je n'écris pas de la merde et je m'autoédite, pour rendre mes livres disponibles à ceux qui auront la curiosité de les lire. 

A ceux qui auront cette curiosité et à ceux qui l'ont eue, et qui ne l'ont généralement pas regretté, je demande de me faire l'amitié de déposer leur avis sur la fiche du livre à ce lien: 

https://www.leseditionsdunet.com/livre/yarilo-0

Ce qui est fâcheux, c'est qu'il faut prendre une inscription sur le site pour le faire, mais après, je suppose qu'on peut la supprimer. 

Récemment, une dame m'a demandé où se procurer Yarilo, dont j'affiche toutes les données depuis quatre ans sur la colonne gauche de mon blog... Outre Yarilo, j'ai publié sa suite, Parthène le Fou, dont on achève ici la traduction. J'ai aussi publié Epitaphe, sur la France et la Russie actuelles. Aux éditions du Net. Et Lueurs à la dérive aux éditions Rod.


Les Éditions du Net vous présentent Yarilo 

De Laurence Guillon 

Résumé de l’ouvrage 

Deux enfants martyrs se rencontrent, le tsar Ivan le Terrible, veuf inconsolable cruel, fascinant et blessé, et le tout jeune guerrier Fédia Basmanov, dont l’âme instinctive et païenne fut saccagée par son père. Compagnons de débauche nostalgiques de la pureté, ils deviennent les proies d’un égrégore politique fatal, dans lequel l’un s’enfonce sans retour, tandis que l’autre, marié de force à une jeune fille touchante et simple, amorce une difficile et dangereuse rédemption. 

Fiche auteur 

Laurence Guillon est née en 1952. Après des études de russe et d’arts plastiques, elle publie en 1985 une première version de Yarilo sous le nom le tsar Hérode au Mercure de France (prix Félix Fénéon), qu’elle réécrit complètement lors de son déménagement définitif en Russie en 2016, pour l’harmoniser avec sa suite, « Parthène le fou », et en relations avec sa meilleure connaissance de l’histoire et de la tradition russes. Aquarelliste et pastelliste, passionnée de folklore russe ethnographique, elle écrit aussi le roman « Lueurs à la Dérive » publié aux éditions Rod, des nouvelles et des albums pour enfants, des recueils de poésie, et tient un blog, les « chroniques de Pereslavl ». 

Descriptif technique Format : 150 x 230 cm 

Pagination : 546 pages

 ISBN : 978-2-312-12974-7 

Publié le 02-12-2022 par Les Éditions du Net GENCOD : 3019000006902 

Prix de vente public : 30 € TTC 

Pour commander Auprès de l’éditeur : www.leseditionsdunet.com Sur les sites Internet : Amazon.fr, Chapitre.com, Fnac.com, etc. Auprès de votre libraire habituel

Version électronique 6 euros

Je commence ici à rassembler les réactions que j'ai eues et que je n'ai pas encore perdues..

Bonjour Laurence,

J'ai terminé vos deux livres. J'ai pu constater que vous savez aussi bien faire un billet d'actualité pour votre blog qu'un roman historique (même si vos billets d'actualité se rattachent souvent à l'histoire). Yarilo est un très bon roman pagano-chrétien. Il m'a fait penser à un commentaire sur Tarass Boulba qui serait un roman tragique et triste s'il n'y avait cette fureur de vivre qui le traverse et porte les personnages. J'ai trouvé dans les passages sur le "méchant" Ivan des ressemblances avec les portraits de Staline. Je sais que vous n'aimez pas la comparaison mais vous l'avez subie, ça se sent, peut-être au travers du film soviétique, je ne l'ai pas encore vu. Par contre, je ne crois que Staline ait eu des moments de grâce comme le "bon" Ivan. J'ai particulièrement apprécié les scènes de repentir de Fédia. Je ne sais pas si c'est universel ou si les femmes réagissent différemment mais vous avez très bien retranscrit ce qu'un homme pense, englué dans le péché, en face de Dieu miséricordieux. L'angoisse, l'auto-accusation, l'absurdité de penser qu'on mérite le pardon ou qu'on mérite quoique ce soit d'autre que la damnation, ... Ces passages sont vraiment émouvants et ont un écho au moins chez tous les hommes qui vous liront et qui ne sont pas imperméables à la transcendance. 
Alors que Yarilo était un hymne à la vie, Parthène m'a semblé une sorte de bûchers des vanités et m'a laissé une impression étrange. Peut-être l'avez-vous voulu ainsi ? Il est aussi bien écrit mais la tension de la vie entre le péché et le repentir de Yarilo y est remplacée par la fin de toutes choses ou par un poids qui fait chuter toute chose. Une sorte de prologue de l'Ecclésiaste presque. Je suppose que la clef de lecture est la nuit d'agonie du tsar Ivan réunifié parce que c'est la partie lumineuse de cette suite. J'ai particulièrement apprécié la scène où Féodor ramène sa femme dans la chambre du tsar dont elle vient de s'enfuir afin que celui-ci ne refuse pas le pardon de Dieu devant le dernier spectacle de ses péchés.
Mais vous l'avez bien présenté comme un épilogue donc je pense que mes impressions sont cohérentes.

In Christo.
Philip 
dimanche, 03 mars 2019
Yarilo
J’ai eu la chance de lire Yarilo alors qu’il n’était qu’un manuscrit. Je dis la chance, car Laurence Guillon est un grand écrivain dans cette époque maudite, qui en recèle si peu. Un grand écrivain français...
Je ne m’étendrais pas sur l’intrigue, qui nous transporte dans la cour Yvan le Terrible, dans une Russie médiévale au réalisme onirique terriblement efficace. Je ne m’étendrais par non plus sur les personnages du roman, qui se rencontrent, s’aiment et s’affrontent dans un contexte à la fois tyrannique et amoureux, politique et guerrier, historique et religieux. Personnages dont la densité poétique, l’épaisseur dramatique et le pouvoir émotionnel qu’ils manifestent prennent à rebours la culture du narcissisme et le pseudo intellectualisme qui ont décimé la production littéraire française depuis quarante ans, avec ces producteurs d'autofiction ou de romans à thèse sur la société post-moderne commandités par le marketing éditorial hexagonal. Laurence Guillon, exilée bien loin de ces rives, est d’une toute autre trempe.
Car à mon sens, ce n’est ni l’intrigue ni les personnages qui font « le grand roman » – même s’il en faut évidemment ; non, un grand roman, c’est avant tout un rapport fusionnel entre une voix et un univers : Si Yarilo en est un, c’est que la voix qui nous plonge dans l’univers de cette Sainte Russie médiévale et dans l’âme de ces personnages, si éloignés de nous en apparence, est passée par la France et s’est nourrie de sa tradition littéraire. Yarilo est un très grand roman français parce que s’il nous offre à la fois une confrontation avec le péché, une quête spirituelle toujours exigeante et une forme de récit historique, il le fait dans un phrasé à la fois si généreux et si maîtrisé que la lointaine aventure devient aussi accessible qu’un souvenir d’enfance ; dès les premières lignes, nous nous sentons, comme le boïar Féodor Stépanovitch Kolytchov soudain personnellement concernés, et nous le restons jusqu’à la dernière.
Écoutons pour finir ce qu’en dit la romancière elle-même :

"L’itinéraire initiatique d’un « ange déchu » entraîné par les circonstances, un certain opportunisme et une affection éblouie pour un souverain dangereux et fascinant, dans le péché et le crime, et qui cherche peu à peu à se dégager de l’égrégore maléfique auquel il est soumis, grâce à sa famille et au métropolite martyr Philippe, qui pourrait être le saint patron des victimes de répressions politiques. Enfin la Russie, l’âme russe. Cette âme russe si difficile à comprendre qui est peut-être simplement archaïque, mystique et magique comme l’était notre âme à tous, notre âme profonde. Un artiste anglais égaré auprès de la première ambassade qu’ouvrit son pays à Moscou, et pris en affection par le monarque et son favori, en devient l’observateur bienveillant, dérouté, effaré et peu à peu absorbé sans retour. C’est un roman historique atypique, peut-être plutôt un conte. L’itinéraire initiatique du héros est aussi le mien, je l’ai fait pour mon propre compte, mais aussi pour mon lecteur, car un livre est toujours un partage et un don."
Laurence Guillon
http://solko.hautetfort.com/archive/2019/03/03/yarilo-6132922.html