mercredi 28 décembre 2016

L'année 17

Voulant envoyer mes vœux à mes amis, je me suis surprise à écrire : bonne année 1917. J’ai naturellement corrigé et ajouté : qu’elle nous apporte le contraire de ce que je redoute.
1917… Le naufrage de la sainte Russie, séduite et violée par les gnomes lénino-trotskystes. Un abîme de malheur, de destructions, de cruauté bestiale et vile, de méchanceté bureaucratique méticuleuse et acharnée, de persécutions inlassables de tout ce qui était beau, spontané, naturel, épique, poétique, traditionnel, enraciné, spirituel, la perversion de toutes les valeurs, l’humiliation et l’éradication de toute noblesse. Après avoir lancé la destruction de la France en 1789, le diable lançait celle de la Russie, la troisième Rome. Mais c’était là un plus gros morceau. La troisième Rome a avalé et russifié le communisme et ressuscité son orthodoxie martyrisée. « La troisième Rome, Moscou, est debout, et il n’y en aura pas de quatrième » dit le jeune tsar Ivan dans le film d'Eisenstein. Il n’y en aura pas de quatrième, parce que l’Orthodoxie, et plus particulièrement l’Orthodoxie russe, est la dernière arche, le dernier rempart du christianisme des origines, et qu’elle s’apprête à jouer le rôle eschatologique qu’elle s’est préparée au long de son histoire chaotique, excentrique, parfois violente et presque toujours fervente et absolue.
2017. Depuis plusieurs années, les forces qui ont présidé à cette attaque inouïe contre la sainte Russie sont de nouveau à l’œuvre, pour l’entraîner dans une guerre totale dont elle ne veut pas et détruire fondamentalement l’Europe dans son essence et son identité, dans sa culture, ses paysages, son héritage, son histoire, sans doute même dans l’intégrité physique de ses habitants, presque tous aveugles, profondément égarés, spirituellement mutilés et devenus incapables de discernement. Il se peut que la Russie soit entraînée dans la catastrophe à son corps défendant, je veux me trouver avec elle, et non pas au pouvoir de satanistes, de traîtres et de malfaisants comme ceux dont nous dépendons malheureusement ici. Je veux vivre tout cela au côté de la sainte Russie orthodoxe, de ce qu’il en reste de vivace et de fervent.
Mais au sein même de la sainte Russie, subsiste l’Union Soviétique, parfois russifiée à un point acceptable, parfois bornée et amnésique, et s’infiltre le libéralisme du fric éhonté et de la haine trotskiste inlassable pour « ce pays », comme l’appellent les sectateurs de ce mouvement, prêts à la livrer à ses pires ennemis. Les cicatrices de la chute, du travail du diable, sont partout : villes défigurées, constructions hideuses, musique abrutissante, comme partout ailleurs, la hideur bigarrée, criarde des démons triomphants, de Mammon et de Moloch.
Il y a seulement plus de résistance, et je crois qu’elle tient à une certaine simplicité, à un besoin inextinguible de ferveur et d’absolu, et au fait, souligné par mon plombier de Pereslavl, que les Russes ne sont pas formatables.
Et en effet, ils ne le sont pas, sinon, comment auraient-ils résisté à ce qu’ils ont subi ? Car malgré tout, ils ont résisté, et mieux que nous, en Europe. Peut-être leur foi est-elle la bonne ? C'est ma conclusion depuis longtemps.
Ce qu’ils représentent est ma dernière patrie en ce monde, où je ne m’attarderai de toute façon que deux ou trois décennies au maximum. La Russie est de toutes parts calomniée, provoquée et attaquée, c’est là le sort des chrétiens depuis le Christ lui-même, c’est une preuve de plus, à mes yeux, qu’il faut monter dans cette arche, dans l’arche de la troisième Rome dont je devinais le rayonnement dès les années 70, quand elle nous semblait bétonnée sous l’Union Soviétique. J’ai aimé la sainte Russie, je l’ai crue morte et je l’ai vue ressusciter.
Je me trouve en ce moment entre deux pays, à attendre une invitation pour faire mon visa et repartir, dans l’angoisse que les choses ne tournent tout à fait mal et que je ne puisse pas le faire.
Que cette année 17 ne soit pas notre perte, que résiste la sainte Russie, et que puissent rejoindre cette arche tous ceux qui en discernent la direction. Qu'ils le fassent physiquement, comme moi, qui rejoint la troisième Rome mue par une certitude intérieure, ou spirituellement, au sein des quelques lieuх saints qui subsistent encore en Europe. Et qu'ils s'accrochent fermement: ça va tanguer.




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