Pluie, froidure et
grisaille, on se croirait fin octobre. Couchée à minuit, je suis réveillée à
quatre heures du matin par le chat Rom qui veut bouffer et ne supporte pas
d’attendre et qui n’est surpassé, dans l’emmerdement maximum quotidien causé,
que par Rosie, laquelle, au contraire de mes spitz dort très peu, s’ennuie et
entreprend de tout démonter et trimballer dans la maison ou de m’arracher une poignée de cheveux ou une
oreille pour me tirer du lit. Après quelques hurlements exaspérés, je récupère
mes pantoufles, que je dois poser hors d’atteinte sur le bord de la fenêtre, si
je ne veux pas les chercher pieds nus pendant une heure. Rom miaule sans
relâche et crache sur tous ceux qui l’approchent, tant il a peur de ne pas
avoir toute la bouffe qu’il lui faut, celle qu’il préfère et qui est
obligatoirement dans l’écuelle du voisin. La chienne bondit autour de moi, pour
la même raison. Je les déteste minutieusement et les traite de tous les noms.
La partie civilisée de l’équipe attend gentiment : Chocha, Georgette,
Blackos. Je vais verser des croquettes à la chienne, qui se rue sur l’écuelle
de telle manière que je ne peux y arriver, je répète en français et en russe, « doucement »,
et je finis par lui claquer furieusement le museau, ça elle comprend, cinq
minutes, pas plus. Après, elle est occupée à manger, je m’occupe des civilisés,
qui passent après les sauvages, comme au Goulag, et c’est profondément injuste.
Ils ont droit à ma compassion et à mes excuses, pour avoir hébergé les deux
emmerdeurs qui nous gâchent la vie à tous.
Après, j’essaie de
préparer mon petit déjeuner, après lequel je redeviens normalement un être
humain si on me fout la paix quand je le prends. Mais je suis constamment sur
le qui-vive. En principe, Rosie a plus ou moins intégré d’aller dans son panier
pendant ce moment sacré, mais elle contrevient assez souvent, cherchant à
monter sur mon lit ou partant faire Dieu sait quels méfaits dans le reste de la
maison.
Ensuite, il me faut
déminer le parquet. Je pensais qu’elle commençait à faire ses besoins dehors,
mais la pluie me fait réaliser qu’il n’en est rien. Moi qui ai horreur du
ménage, je suis sans arrêt le balai et la serpillère à la main. En plus des
mines, j’ai la décharge publique dans la maison et autour, car elle me rapporte
tout ce qu’elle peut trouver de vieux chiffons, gants de jardinage, ferrailles,
ossements, canettes vides qu’elle tire à mon avis chez les voisins et
déchiquète dans son antre, c’est-à-dire chez moi.
J’ai aussi les odeurs.
Celles des déjections. En plus d’en faire dans la maison, elle ne manque pas d’entrer
dans les toilettes des chats pour se parfumer le matin. Moi qui adore les
maisons qui sentent bon, lorsqu’enfin elle se calme et se couche à mes pieds,
j’ai des relents de merde, de pisse ou de pets, un vrai bonheur.
Comme j’ai pitié de
l’animal, et qu’il faut la fatiguer et essayer de créer un lien, je joue avec,
à jeter la baballe, ce qui lui plaît c’est de disputer un truc, de le défendre
et de l’arracher à l’adversaire, avec un doigt si possible. Une amie russe me
conseille de couiner pour montrer que j’ai mal. Ca ne marche pas toujours. Et
puis pour la fatiguer, il faudrait jouer la moitié de la journée. A cause de la
pluie, elle ne va plus chez les voisins qui d’ailleurs en ont ras le bol.
L’autre distraction
est de courser les chats. Rom la hait et il a le coup de patte comme elle a le
coup de dent, qui se ressemble ne s’assemble pas forcément. Chocha ne se laisse
pas faire non plus. Blackos et Georgette miaulent à fendre l’âme pour m’appeler
au secours. Le pire est que cette imbécile aime bien Georgette, mais comme elle
manque de lui casser la colonne vertébrale à chaque fois qu’elle veut jouer
avec, le sentiment n’est pas vraiment partagé.
Evidemment, si elle
sort, avec la pluie, elle revient les pattes dégueulasses et la première chose
qu’elle fait est de me sauter dessus, cette horrible manie des chiens cons. Je
vois bien, quand elle m’a conduite au bord du meurtre, à la rage hystérique,
qu’elle se calme un peu et qu’elle en est même peinée, mais jusqu’à ce stade,
j’aurai le cirque complet. Rares sont les moments où je peux la caresser, car
aussitôt, elle me mordille, si l’on peut appeler cela mordiller. Pas moyen non
plus de partager des moments apaisés, complices, c’est la lutte au couteau, les
rapports de force.
Des amies russes à qui
je racontais cela étaient hier soir pliées de rire. L’une d’elle, une charmante
nouvelle connaissance, m’a dit : «Laurence, tout cela, c’est pour vous
habituer à vivre chez nous ! Quand vous serez venue à bout de votre
chienne, vous pourrez affronter n’importe quel fonctionnaire et toutes les
difficultés de notre existence ! Vous serez aguerrie ! »
J’ai passé une
excellente soirée avec ces femmes intelligentes, subtiles, drôles et bonnes, et
quand je suis arrivée chez moi, j’ai trouvé le dépotoir municipal, mes coussins
fraîchement achetés et âprement défendus tous les jours, jetés à travers la
pièce, le sucrier renversé sur la table et vidé de son contenu, un miracle
qu’il soit resté entier. Car elle grimpe sur la table sans problèmes, et plus
elle grandit, plus il me devient difficile de mettre les choses hors de sa
portée.
En fait j’ai
compris : c’est ma punition, pour avoir négligé la santé de mon petit
chien, qui me manque affreusement, et dont je revois sans arrêt l’infinie
tristesse, dans cette cage où il croyait que je l’abandonnais et où il est mort
sans moi. C’est ma croix.
"elle revient les pattes dégueulasses et la première chose qu’elle fait est de me sauter dessus, cette horrible manie des chiens cons" : vu il y a plusieurs années, un reportage sur une personne qui conseillait les gens ayant des problèmes avec leur(s) chien(s) tyrannique(s): leur tourner le dos afain de leur faire perdre l'habitude de sauter après la personne...
RépondreSupprimerMerci, je vais essayer...
SupprimerMa. Chère Laurence je compatis aujourd'hui j'ai passe ma matinée de 9 heure à midi çhez le veto pour opéré satan qui bien qu'il vive àvec tous les autres depuis 10 ans et àvec nous est d'un caractere épouvantable je ne peux ni le caresser ni le soigner alors çela promet apres l'ablation de sa joue 3 semaines de soin çela va etre une sacrée corrida et bien Laika lorsque je suis rentree avait fait son lot de bêtises coussin fauteuil gamelle des çhats mange elle a ete la çhercher sur le congelo programme télé déchiqueté et elle a 18 mois et çela ne s'arrange pas il y a des jours où je mettrai bien tous ces tyrans dehors mais nous les aimons alors après avoir bien crie ranger pour un bref instant balai et serpillère nous reprenons le cours de notre journee je vais boire un the si ils m'octroient une pose àvec toute mon amities
RépondreSupprimerNormalement le dressage devrait corriger une bonne partie des méfaits de ta chienne En ce qui concerne Doggie, ne te punis pas en te rendant quasi responsable de sa mort Tu as fait ce qu il fallait pour lui sauver la vie Ce qui est très cruel et injuste, évidemment, c est sa mort tout seul mais on peut penser qu il sentait et savait que tu reviendrais coûte que coûte ♡
RépondreSupprimerJ'aurais dû le soigner plus tôt et tu ne peux pas savoir comme il me manque, comme si Dieu m'avait envoyé un petit ange que je n'ai pas su garder auprès de moi...
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