vendredi 15 décembre 2017

Nuit polaire

J’ai tout le temps mal au genou, cela me réveille la nuit et contribue à mon épuisement. Le temps est abominable, moins deux plus deux, gel, dégel, patinoire, pataugeoire. Plus, comme dit le père Valentin "la nuit polaire": nous sommes dans les parages du cercle du même nom. Les hivers doux et nuageux sont particulièrement ténébreux!
A court d'argent, je revends mon studio, que d'ailleurs, je n'arriverais pas à gérer à distance. L'acheteur, c'est la nouvelle mode, exige un certificat médical pour être sûr que je ne suis ni gâteuse, ni folle, ni droguée, ni alcoolique, je trouve cela délirant, car chez nous, soit quelqu’un est officiellement sous tutelle, soit, quelque soit sa vie, sa signature est incontestable. Cela va m’obliger à encore une démarche épuisante. Il va me falloir aussi courir à Moscou remettre tous mes papiers à Sacha, l’agent immobilier, puis à revenir signer, il voulait me faire venir aujourd’hui,  mais s’ils tiennent à leur certificat, c’est râpé jusqu’à lundi.
Dans tout cela, et malgré ma faiblesse et ma flemme, ou ma fatigue, la foi me soutient étonnamment. Je dois en avoir plus que je ne le pensais, car cela me soutient vraiment, avec la perspective de ce que je veux mettre en place pour faire connaître et développer le folklore et les traditions russes. Je pense être là pour dire aux Russes de s'aimer tels qu'ils sont, au lieu de continuer à prendre l'Occident comme référence. Et puis mon livre, le tsar Ivan. Parfois, il me semble que son âme me suit et me porte, elle me tourmente, aussi, mais mon amie Sophie a raison, cette âme a de l’amour pour moi, à sa manière. J’en ressens la sollicitude réelle  et aussi l’exigence vampirique et séductrice à mon égard. De sorte qu’à mon avis, il était assez proche de ce que je décris, et que plus ou moins son ascendant sur Fédia devait correspondre à ce que je montre, même si Fédia était probablement plus sauvage et plus coupable que dans mon livre. Cette communication étrange entre ces âmes et moi me défend tout à la fois de croire en un tsar Ivan saint et irréprochable et en celui de la légende noire instaurée par des racontars ou des exagérations. Je ressens une personne à la fois violente et blessée, dominatrice et fragile, dont le génie politique réel, ou le génie tout court, car le tsar était doué pour bien des choses, était habité par des forces contradictoires: c'était un champ de bataille entre les anges et les démons, ce que nous sommes tous, mais disons que dans son cas, la bataille était plus grandiose, et les enjeux plus sérieux. Les conséquences plus tragiques.
Les libéraux ont organisé la projection d’un film ukrainien à la gloire des bataillons néonazis ukrainiens qui commettent des atrocités au Donbass, et cela à Moscou, l’équivalent serait-il concevable à Kiev ? Parallèlement, le ministère de la Culture a brutalement fermé le Centre de Folklore et confisqué ses archives inestimables, de sorte que je me pose vraiment des questions sur les pouvoirs réels de Poutine ou sur son engagement en faveur des traditions russes et de l’indépendance de son pays. Le funeste centre Eltsine, en revanche, fonctionne très bien, à Ekaterinbourg, et travaille à la division de la Russie, à sa mise en cause permanente, à la calomnie de son histoire, à la destruction de sa mentalité et de son génie propre. Comment ce centre est-il toléré par Poutine ? C’est un foyer d’infection, installé par les Américains. Comment cela a-t-il été possible ? Une correspondante russe installée en France me dit qu’une de ses connaissances russes vomit la Russie, choisit le catholicisme, proclame que rien de bon ne peut sortir de son pays, qu’il faut le mettre sous tutelle internationale, bref, le discours libéral empoisonné du Centre Eltsine. La tradition des occidentalistes qui ont amené autrefois la révolution, et voudraient à présent achever le travail. Des Russes incapables d’apprécier leur propre civilisation, prêts à trahir. Je les ai toujours eu en horreur. Que j'ai choisi la Russie ne me fait pas cracher sur la France, ni décréter que jamais rien de bon n'en est sorti. Mais ces "Russes" là ne connaissent pas leur propre pays, leur propre tradition, ni leur propre foi.
En face, nous sommes divisés entre nostalgiques de Staline et du communisme et nostalgiques de la sainte Russie. Personnellement, j’étais prête à dépasser ce clivage, mais l’agressivité de ces néo communistes qui nient effrontément les répressions et les crimes ou profèrent qu’il n’y en a pas eu assez et qu’il faudrait recommencer m'est insupportable, et je ne peux pas en passer par où ils veulent, c’est-à-dire justifier tout cela.  Installer une sorte de socialisme orthodoxe, pourquoi pas ? Mais justifier les crimes, les massacres, et les destructions inouïes du patrimoine matériel et immatériel, non.
Soljenitsyne avait envisagé des solutions russes assez proches de ce socialisme orthodoxe (et des communautés médiévales) dans « Comment réaménager notre Russie », mais les néocommunistes sont beaucoup trop soucieux de le calomnier, afin de justifier leurs chers massacreurs, pour lire vraiment ce qu’il a écrit.
Je crains que les éléments corrupteurs à l’œuvre ne finissent par pourrir la Russie de l’intérieur. Alors la nuit complète tombera sur le monde. Ce sera la fin.
Et peut-être qu'il doit en être ainsi, avant le second Avènement, mais que notre petit troupeau soit au moins le plus important possible. J'ai lu un post décrivant les atrocités commises envers les croyants au moment de la révolution. Je n'ai pas eu le courage de le traduire et du reste, ce sont surtout les Russes qui ont besoin de le lire. Mais une chose m'a frappée plus particulièrement: des paysans étant venus en foule défendre leur icône de la Mère de Dieu confisquée, on les a mitraillés sans pitié, et ceux qui n'étaient pas encore tombés continuaient à avancer, hommes, femmes et enfants, en invoquant la Mère de Dieu, jusqu'à ce qu'il n'en restât plus un seul en vie. 

.В Шацком уезде крестьяне собрались к зданию ЧК выручать конфискованную Вышенскую икону Божией Матери. Красноармейцы открыли огонь по толпе. Очевидец рассказывал: " Я солдат, был во многих боях с германцами, но такого я не видел. Пулемет косит по рядам, а они идут, ничего не видят, по трупам, по раненым лезут напролом, глаза страшные, матери — детей вперед, кричат: " Матушка Заступница, спаси и помилуй, все за Тебя ляжем!" Страха уже в них не было никакого"."
(Прот Владислав Цыпин, ИСТОРИЯ РУССКИЙ ЦЕРКВИ, 1917-1997)

C'était cela, cette moisson de martyrs que faisait le Seigneur dans la montée des ténèbres, c'était cela, la sainte Russie. C'est avec elle que je veux être au jour du jugement. Pas avec ceux qui l'ont martyrisée, ni avec ceux qui la vendent aux Américains. Ceux-là appartiennent au diable, non seulement par leurs péchés, mais surtout par le culte qu'ils lui vouent: adorateurs déterminés de Belzébuth et de Moloch. Les péchés, nous en sommes tous pourris, qu'y faire, sinon confier à Dieu notre pauvre personne dolente afin qu'il la guérisse... Mais se prosterner devant de noires idoles et sacrifier des vies sur leurs autels, cela est grave, cela exige un repentir profond, pas des fanfaronnades ni de nouveaux appels au meurtre ou à la trahison.




3 commentaires:

  1. Un socialisme orthodoxe avec les néo-communistes ? n'y pensez même pas... Ce serait réhabiliter les réprimés de 1905, dont les défilés étaient ouverts par des popes avec leurs icônes, et qui extirpés de leurs geôles de la Mer blanche, à la révolution bolcheviques ont tout de suite été persécutés... Sans compter les autres courants révolutionnaires qui s'appuyaient sur les campagnes plutôt que les villes, et qui eux aussi ont été anéantis par l'infâme trinité Lénine-Trosky-Staline...au lendemain de l'assassinat de la famille impériale.

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  2. Un socialisme orthodoxe avec les néo-communistes ? n'y pensez même pas... Ce serait réhabiliter les réprimés de 1905, dont les défilés étaient ouverts par des popes avec leurs icônes, et qui extirpés de leurs geôles de la Mer blanche, à la révolution bolcheviques ont tout de suite été persécutés... Sans compter les autres courants révolutionnaires qui s'appuyaient sur les campagnes plutôt que les villes, et qui eux aussi ont été anéantis par l'infâme trinité Lénine-Trosky-Staline...au lendemain de l'assassinat de la famille impériale.

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  3. Le pays a beaucoup changé depuis la révolution bolchevique et depuis la perestroïka, et il ne faut pas toujours se référer à ce qui s'est passé il y a cent ans, bien que fondamentalement, je considère cela comme une catastrophe dont peut-être il ne se relèvera pas vraiment, pas plus que la France de sa propre révolution. Juger de ce qui se passe en Russie comme si nous étions en 17 ou 20 revient à juger de ce qui se passe en France comme si nous étions en 1792. J'ai traduit un livre d'Alexandre Panarine, la Civilisation Orthodoxe, où tout cela est très bien analysé. Profondément opposé à la révolution bolchevique et profondément slavophile, Panarine observe que la Russie phagocyte et russifie ce qu'on lui inocule et que c'est une manière pour elle de survivre. Ainsi le communisme des dernières décennies s'était-il russifié, les gens connaissaient une paix relative dans ce qui était né de toutes ces tourmentes, et à part foutre la paix à l'Eglise, on aurait pu le laisser plus ou moins tel qu'il était, le laisser naturellement évoluer vers autre chose. Mais ce n'était pas dans les plans de certains apparatchiks et des libéraux capitalistes américains et internationaux qui avaient envie de tirer profit de ce bon morceau et d'éliminer définitivement un concurrent économique et aussi un foyer de valeurs attardées résistantes. Car le bon côté de ce communisme russifié aura été de sauver un certain sentiment patriotique, des valeurs familiales et culturelles, et après avoir écrasé le folklore dans les premiers temps de la révolution, d'avoir laissé ce qui subsistait perdurer discrètement à l'abri du rideau de fer. Le libéralisme s'attaque de manière encore beaucoup plus radicale à "l'esprit russe" que flaire Baba Yaga dans les contes. Plus radicale et plus corruptrice. Cela, les vieux ou néo communistes aussi bien que les blancs monarchistes et les orthodoxes sont d'accord pour le constater et parfois pour s'allier, comme lors de l'assaut conte la Maison Blanche sous Eltsine. J'étais scandalisée de voir des drapeaux monarchistes avec des drapeaux rouges, et une amie orthodoxe monarchiste m'avait dit que je ne comprenais rien, et qu'il fallait avant tout sauver la Russie, c'est le même réflexe qui a poussé des millions de Russes qui étaient parfois loin d'être d'accord avec le pouvoir soviétique à se battre contre les Allemands avec un extrême héroïsme. De même quand aujourd'hui on accuse Poutine, qui n'est pas communiste, d'être un ancien du KGB, cela ne veut pas dire grand chose d'affreux, d'abord parce qu'il était dans les renseignements et ensuite parce qu'ainsi que me l'a dit mon père spirituel monarchiste et anticommuniste, "le KGB a au moins le sens de l'Etat". Je n'ai aucune envie, pour leur faire plaisir, de faire semblant de croire aux discours négationnistes des néostaliniens les plus virulents. Cependant, pour moi, tout cela, sous la forme précédente, est quand même Dieu merci du passé, et le danger totalitaire n'est plus ici mais en face, ou plutôt il est ici, mais plus dans les rangs, quand même assez réduits, des communistes purs et durs. Il est dans les rangs des libéraux, des soutiens au Nouvel Ordre Mondial, et il faudra bien que nous nous entendions tous pour le contrer. D'autre part, au vu de ce qui se passe partout, j'ai mis non pas du rouge dans mon brun,mais du rose dans mon beige, et je pense que les secteurs d'intérêt national doivent être nationalisés, les sites naturels protégés également et inacessibles aux requins immobiliers, les fortunes trop importantes contrôlées, les petites gens défendues, les raids de trusts internationaux sur l'économie des pays rendus impossibles, les dettes des gouvernements envers les banques internationales rapaces annulées.

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