dimanche 18 mars 2018

La Mère de Dieu Ostrobramskaïa


A mon arrivée, il faisait un froid terrible. Le ciel est lumineux, printanier, les températures hivernales. Je suis tombée dans les bras de Xioucha, puis dans ceux de Tania, la juriste. Elles sont tellement adorables avec moi, comme si j’avais des filles ou des nièces. Xioucha a proposé de me raccompagner à Pereslavl avec son compagnon Igor. Elle l’a envoyé me chercher chez le père Valentin où je passais la soirée, en lui recommandant de m’aider à grimper dans sa camionnette, à cause de ma patte folle…
Après mon interview de Politvera, un iconographe m’avait contactée, il voulait m’offrir une icône, pour me remercier de ce que j’avais dit sur la Russie. Je n’avais pas pu aller la chercher avant mon départ, je me suis décidée cette fois-ci.  Il vit à l’autre bout de Moscou, dans un endroit tout neuf, avec une station de métro toute neuve, d’ailleurs très esthétique, et au moins, ces stations récentes ne sont pas bâties avec les vestiges des monuments historiques détruits par les communistes.
Il y avait des milliers de sorties et je n’avais pas envie de faire des milliers de pas, or il m’avait plutôt mal expliqué le trajet. J’ai avisé un flic qui cherchait à faire lever un ivrogne effondré sur un banc : «Bonjour, je cherche la sortie côté monument aux automobilistes ? »
Le flic hésitait, mais l’ivrogne perdu a grogné avec un grand geste : « Hon… par là… par là… »
Par là il restait encore trois ou quatre sorties, j’ai demandé à un ouzbek. Et dehors, il me fallait descendre une pente, à travers les congères, je restais immobile sur place avec la conscience aiguë que j’aurais fait cela il y a un an, mais que là, cela m’était devenu complètement impossible, que je risquais de déraper et de me prendre un gadin aux conséquences imprévisibles. Etrange impression. Le corps démissionne. Il faut commencer à envisager la séparation…
Un brave homme d’une cinquantaine d’années a volé à mon secours : « donnez-moi la main, je vais vous aider… » Ah ces Russes qui maternent les vieilles….
De loin, j’ai vu mon iconographe, une sorte d’ours, avec un paquet, qui m’a prise dans ses bras avec effusion. Il m’a énormément plu : drôle, spontané, le voir expliquer quelque chose, avec son regard malin, est un vrai moment de théâtre. L’icône aussi m’a plu. Il l’a choisie parce que je suis une ancienne catholique et que l’icône était un modèle catholique venu en Biélorussie par les Polonais, une icône acclimatée. Elle me rappelle mon enfance, elle a quelque chose de très doux et si j’ose dire, d’un peu magique, au sens enfantin du terme.
Elle a aussi beaucoup plu à mon père Valentin : « Très bonne icône », m’a-t-il dit en me la rendant, après l’avoir bénie.
Je me sentais à nouveau complètement chez moi, dans son église, j’éprouvais un attendrissement soulagé, malgré toute la tristesse de mon départ et mon affection pour les Français que je laisse derrière moi. Je me sens complètement adoptée par la Russie.
Avec le père Valentin, nous avons évoqué nos deux révolutions, et leurs conséquences néfastes incalculables. Et d’abord les fractures infligées à nos peuples, que le système des partis divise forcément en permanence et soumet à des manipulations de plus en plus sophistiquées et à un avilissement presque inévitable. Le pire des monarques me paraît à présent préférable au dictateur moderne qui suit généralement le chaos engendré par les factions et l’exploitation systématique des sentiments humains les plus mauvais, les plus vils.
Les gens vont voter aujourd’hui, et j’ai lu tellement d’idioties dans les commentaires de Facebook que la tête me tourne, mais le starets Elie, père spirituel du patriarche, prie pour Poutine, et en ce qui me concerne, le critère numéro un qui me ferait le choisir si j’étais russe, c’est la détestation hystérique qu’il déclenche chez le personnel politico-médiatique occidental. Un homme que hait à ce point cette bande de psychopathes pervers et de laquais minables ne peut être que providentiel pour son pays.
Dieu le protège. Dieu nous protège.


Métro Tropariovo


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