dimanche 20 mai 2018

Ascèse


Finalement, j’aime bien l’hiver, parce que je n’ai pas de travail dehors, et la température dans la maison est constante.
J’aime beaucoup jardiner, mais la tâche devient au dessus de mes forces, d’autant plus qu’il faut aussi bricoler dans la maison, ce que je remets à plus tard, et peindre la nouvelle clôture, ce qu’il faut faire avant la fin de l’été.
Les « adventices » sont exubérantes et coriaces, dans mon marécage, et je laisserais certaines parties du jardin à l’état sauvage si je n’avais l’invasion de la berce du Caucase, qu’il faut empêcher de se développer et de grainer , qu’il faudrait exterminer, je ne sais comment, car elle a colonisé toute la partie nord.
Je n’arriverai pas à avoir de potager, même modeste, cette année, je me contente de mettre en place ce qui me permettra peut-être de le commencer l’année prochaine.
J’ai lu un des journaux que Nina m’a donnés, c’est la permaculture à la russe, et c’est bien, car cela tient compte de nos conditions locales, forcément. Un article conseille ce que j’ai fait : planter des arbres, pas forcément fruitiers. Pour l’équilibre naturel du lopin, pour les oiseaux, les insectes et les champignons. J’en ai planté au premier chef pour des raisons esthétiques : cacher la maison moche du voisin et le bordel dans sa cour, avec tous ses engins. Et aussi pour les oiseaux, j’ai planté justement un sorbier des oiseaux. Ici, d’ailleurs, on en consomme les baies, cela fleurit au printemps et c’est ravissant à l’automne. J’ai planté un merisier, même chose.
rakita
J’ai un saule qui a poussé tout seul à la limite sud de mon lopin, à l’endroit le plus marécageux, et j’ai envie de lui adjoindre un saule local du nord appelé rakita qui a une forme ronde, très esthétique, et ne vient pas trop énorme, mais il me faut en trouver un. Cela supprimera la possibilité de cultiver à cet endroit là, mais d’un autre côté, si jamais les voisins construisaient, cela me cacherait leur maison, et cela pompera une partie de l’eau excédentaire.
Pour les arbres fruitiers, je m’oriente vers les nains en forme de colonne. Je vois que pas mal de Russes adoptent cette solution, et dans mon marécage, cela vaut le coup d’essayer. Ils ont moins de développement, un système racinaire plus réduit, le conseil donné est, dans les marécages, de ne pas creuser de trou pour planter, mais au contraire de ménager une « colline », d’importer de la terre et de planter au dessus du niveau du sol.
Ces arbres fuitiers ont une durée de vie réduite, mais je peux désormais dire que moi aussi.
Pour le reste,  dans l’avenir, je pense que j’aurai des légumes sans trop de problèmes, étant entendu que certains légumes ne mûrissent qu’en serre.
Une fois exterminée la berce, je pourrais laisser des zones sauvages, d’autant plus que les plantes sauvages ont toutes sortes de vertus. Nina m’a montré qu’on pouvait jeter une branche d’ortie dans une carafe d’eau pendant quelques heures, cela donne une excellente boisson revigorante et fraîche, délicieuse avec un peu de citron.
Toujours est-il que je suis un peu dépassée par la situation, je suis crevée.  Hier, je n’ai pas eu le courage d’aller à l’église. Je pensais à la vidéo du père Costa de Beauregard. Je suis tout aussi convaincue que lui que les temps sont courts, et qu’est-ce que je fais ? Je vis comme si j’avais tout le temps. Il est vrai que j’ai vu une autre vidéo de lui sur l’ascèse, que je ne pratique vraiment pas, ou par la force des choses (la santé qui m’impose un certain régime alimentaire peu gras, mais j’abuse du sucre. L’abstinence qui m’a pourri la vie, mais j’avais du mal à me livrer à des coucheries décevantes ou à l’abus de confiance qui consiste à mettre dans son lit quelqu’un qu’on ne supportera pas à long terme, le sexe, pour moi, ça va avec l’amour, c’est comme ça…). L’ascèse m’emmerde au plus haut point, les textes ascétiques m’emmerdent. Une assertion comme celle du père Serge, que pourtant je vénérais : « Si tu as envie d’une femme, imagine-la dans son cercueil » me révolte profondément. Car il me semble que c’est Dieu qui a fait cette femme belle et désirable et qui l’a équipée pour faire l’amour et des enfants, et quand on aime cette femme, on aime le tout que forment ce corps et cette âme indissociables sur terre, ce qui pourrit dans le cercueil, ce n’est plus la femme qu’on aime, c’est ce qui en reste, après que l’âme soit partie. Une telle pensée me paraît atroce et étrangement impure.
Le père Costa de Beauregard ne semble pas un fan de l’ascèse rigoureuse non plus, ou plutôt il en a une autre idée qui rejoint un peu ce que disait le père Elisée à Solan. Il recommande une ascèse qui ne soit pas unqiuement centrée sur la nourriture et le sexe, une ascèse de l’amour. Prier pour les autres, prier pour ceux qu’on déteste, par exemple, pour des gens qu’on pourrait juger indignes de cela. Eh bien ça, c’est quelque chose que je fais, et par rapport à ma jeunesse, je suis devenue beaucoup plus indulgente, et j’arrive à ne pas me laisser aveugler par un seul aspect du comportement d’une personne pour la juger en bloc, mais à considérer l’ensemble de sa vie, l’ensemble de ses attitudes, et donc à relativiser et à pardonner.
La mère Hypandia, qui a éclaté de rire à juste titre le jour où je lui ai dit que mon filleul Antoine me considérait comme son lien avec Dieu, m’avait présentée à une higoumène russe en lui disant : «C'est Laurence, elle a un cœur d’enfant ».
Eh bien oui, c’est un peu tout ce que j’aurai à rendre au Seigneur, un cœur d’enfant, et même d’enfant gâté, un peu capricieux, mais comme je le disais au père Placide qui avait semblé surpris et songeur, le Christ nous dit de ressembler à des enfants, est-ce que les enfants vont spontanément vers la souffrance ? Ils vont vers la joie de vivre, l’extase de la vie, j’ai toujours cherché Dieu dans l’extase de la vie qui ne me paraissait jamais suffisante, qui allait croissante jusqu’à je nesais quel absolu, et non à travers une horreur de la vie qui me semble assez malsaine.
C’est pourquoi j’aime saint Porphyre, qui pourtant pratiquait l’ascèse, mais d’une façon si lumineuse et si miséricordieuse, je me répète souvent sa phrase si profonde : « Pour être chrétien, il faut être un peu poète… »
Je suis une chrétienne enfantine et poète. Et quand je m’impose des choses à contre-cœur, parce que « je le dois », je pense que je ne suis pas dans le vrai, d’après le père Costa deBeauregard, et d’après le père Elisée et même le père Krestiankine qui disait : « Ne vous laissez pas enfermer dans les règles de prière, mais entretenez-vous avec Dieu aussi souvent que vous le pouvez ». Je compte sur l'indulgence de Dieu, comme tous les enfants gâtés.


le père Costa de Beauregard: l'ascèse...




2 commentaires:

  1. Ca alors , vous connaissez Marc Antoine (Costa de Beauregard) . Je l'ai connu au collège (de jésuites) qui m'a formé (ou déformé ?) , au début des années 60. On trouve de bonnes choses sur son site . Le malheureux a perdu sa femme il y a un an ou deux , ch'ais p'us . J'aime beaucoup lire votre blog . Sans doute que si j'avais 40 ans (et que ma femme eût été d'accord) , j'aurais fait ce qu'il faut pour émigrer en Russie . Mais bon , il faut faire face . L'Eglise romaine a pris le parti de l'islam , les politiques ont décidé de se coucher , et ils nous persécutent sournoisement de plus en plus . Oui , dissuadez vos connaissances d'aller en France , qu'il faudrait appeler plutôt francarabia . Nous sommes occupés et le gvnt est collabo . Gardez votre courage .Notamment celui de vous occuper jusqu'au bout de votre "pèlerinage terrestre" .Entretenez votre musique , votre chant , ne vous attristez pas de perdre 1 ton ou un peu plus ds les aigus . C'est la nature des choses . L'essentiel est que vous entreteniez bien ce merveilleux instrument qu'est la voix .. Le chant , surtout polyphonique , est divin , sauf quand c'est du rap , évidemment ...C'est grande misère que les paroissiennes chantent faux . Mais bon , ici , c'est pareil . Le "purin de l'occident" , comme disait Soljénytsyne , a pénétré partout , et , hélas , jusqu'en Russie . Cela se traduit par exemple par la perte du sens du chant . Encore que j'ai vu sur votre blog de chouettes videos de réunions entre amis et familles où tout le monde chantait fort joliment et de bon cœur .Chez nous , quand ça chante , ça beugle , et c'est immédiatement faux . C'est insupportable . Que le Seigneur vous garde !

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    1. Merci pour ce gentil commentaire! Je ne connais pas personnellement ce merveilleux père Costa de Beauregard, et je le regrette beaucoup. C'est une amie orthodoxe qui m'a récemment envoyé une vidéo de lui, et je suis devenue fan. Je trouve consolant pour ceux qui sont en France l'existence de tels phares spirituels comme lui, comme le père Placide tout juste parti au Ciel, et ses monastères. C'est le signe que Dieu n'abandonne pas ce qui reste de la France. Le même phénomène se produit en Ukraine, au fin fond de l'abomination et de la ruine, avec son extraordinaire et lumineux métropolite Onuphre, et des évêques tels que Longin ou Luc de Donetsk... Je crois que si l'on ne peut, ne veut ou ne doit pas partir, il faut s'accrocher à ces phares, rester dans leur lumière, car les temps à venir sont durs.
      Les Russes chantent encore, enfin il y a une bonne communauté de folkloristes, et j'espère qu'elle va augmenter, malgré les manoeuvres sournoises de fonctionnaires et de journalistes russophobes. Pour bien chanter, il faut chanter, naturellement et sans crainte. Si on chante juste la marseillaise dans les manifs, on beugle.

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