samedi 7 juillet 2018

Une rencontre

Yelena Afanassieva la rivière Troubej
J'ai rencontré hier sur Facebook et aujourd'hui au café français une artiste-peintre, Yelena Afanassieva, avec laquelle je me suis bien entendue.
Elle connaît Pereslavl depuis 1949, c'est dire si elle l'a vu changer et si elle est encore plus désolée que moi par ce qu'on en a fait.
Le patron du café dit que le maire actuel n'y est pour rien et qu'il n'est pour rien dans le projet épouvantable de constructions autour du monastère saint Nicétas...
Personne ne fait rien pour empêcher les destructions, ni pour entretenir les monuments existants. La merveilleuse église saint Pierre, consacrée au premier métropolite russe, et construite par Ivan le Terrible, est très délabrée, tout le monde s'en fout. En face d'elle, des Arméniens ont construit en catimini un hôtel restaurant de dimensions monumentales et d'un mauvais goût absolu sans que personne ne les en empêche. Et même, au début, ce qui se passait derrière la palissade des travaux était censé être des fouilles archéologiques!
Yelena occupe l'été une maison que lui prête un ami peintre vieux-croyant. Il fut le premier peintre moscovite à acquérir une maison sur place. Elle date du XIX° siècle et elle est magnifique, elle a cette patine et cette authenticité que la mienne ne peut avoir, même si elle est gaie et jolie..
Il a adjoint à l'isba initiale une véranda parfaite, en bois, qui s'intègre complètement. contrairement à ce que prétendent les amateurs de cottages en plastique et de châteaux américains, le peintre vieux-croyant a fait la preuve qu'on pouvait agrandir et rendre parfaitement habitable une vieille maison sans la massacrer ni la détruire. Le jardin, très poétique, a juste la bonne dimension, il est à l'abri des regards et garde des échappées sur le ciel, il est constitué essentiellement de buissons, qui facilitent l'entretien.
La maison est pleine de vieux objets, miroirs paysans, quenouille et panneaux peints. On s'y sent bien, dans une capsule spatio-temporelle à l'abri des horreurs de la modernité. Cela m'a brusquement rappelé la maison de mon oncle et de ma tante à Marseille: on passe la porte et on change d'époque.
Yelena m'a expliqué que la population originale de Pereslavl, qui a presque disparu, était chaleureuse et simple, et conservait beaucoup de qualités d'autrefois. Elle bénéficiait en outre du grand enrichissement culturel que représentait toute une intelligentsia de brillants intellectuels réprimés par le pouvoir, qui, sortis du goulag, n'avaient pas le droit de revenir à Moscou et étaient assignés là à résidence.
Elle a connu une époque, où l'on trouvait sur le marché tout un artisanat local qui a été interdit par le pouvoir. Je me demandais pourquoi l'on ne voyait que des "souvenirs" hideux soi-disant artisanaux et fabriqués en série dans un style soi-disant russe. La voilà l'explication.
On trouvait des céramiques, des poteries, des objets en bois et en écorce, et aussi des textiles, des patchworks paysans, enfin tout ce que produit un peuple normal de terriens quand de stupides et méchants fonctionnaires ne l'empêchent pas de vivre sa vie.
Partant de là, le mauvais goût s'explique déjà mieux: ceux qui faisaient tout cela et ceux qui grandissaient au milieu de ces productions n'étaient pas les mêmes que ceux qui ont été élevés  dans une boîte en béton, avec les "souvenirs" pseudo-rustiques et les meubles en contreplaqué verni...
J'ai beaucoup aimé les aquarelles et les pastels de Yelena. Elle connaît les Soutiaguine, comme quoi le monde moscovite est petit.
Elle m'a parlé d'un bandit richissime qui avait fait construire une espèce de ville de contes de fées avec tous les personnages russes du genre, du côté du Tatarstan. Et nous avons évoqué les particularités du caractère russe et ses aspects irréductiblement enfantins. "C'est ce qui me plaît, lui dis-je.
- J'ai réfléchi à cela, me répondit-elle. Je ne crois pas que cela nous passera, quoiqu'on fasse de nous.
- Grâce à Dieu! En effet, vous avez certainement raison. Je crois que chez vous, ces particularités sont génétiques!"
Avant de la rencontrer, j'ai vu au café un monsieur dont j'ai pensé: "Voilà un Français typique, un Français bourgeois, la classe... La coupe de cheveux, l'allure, la chemise Lacoste bleu marine... Perdu. Il est Russe de chez russe, bien qu'il parle parfaitement français.
Il s'arrêtait avec sa famille sur le chemin de sa datcha de la jolie petite ville de Plios où vivent quelques Français.
la maison a gardé ses encadrements de
fenêtre sculptés

la fenêtre du haut et ses colonnes

La maison et le jardin

Yelena

Depuis le jardin, on voit les coupoles des églises

le jardin depuis la véranda

aquarelle de Yelena

1 commentaire:

  1. Une évolution qui rappelle malheureusement la France (les souvenirs hideux, les constructions clinquantes...), seule différence : le peuple russe qui semble bien plus résistant. Il faut dire qu'ils en ont vu de toutes les couleurs au XXe siècle en particulier. Respect à eux. Merci pour tous ces petits portraits de la Russie qui échappent au cliché.

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