J’ai
Henri et sa femme à la maison, et pratiquement pas un moment de solitude pour
écrire, forcément, nous sommes très occupés, d'autant plus qu'ils ne restent pas longtemps.
A
Moscou, je les ai emmenés chez Iouri et Dany où nous avons passé une soirée
très gaie, car Ioura a beaucoup d’humour et Henri n’en manque pas non plus.
Quand à Dany et moi, nous pouvions donner libre cours au nôtre, car plaisanter
en russe n’est pas toujours à notre portée…
Auparavant,
nous avions visité le monastère Sretenski, qui est à côté de chez eux. Nous
pensions qu’il était trop tard pour y voir un office, mais nous avons quand
même assisté à la fin des matines, et je suis restée pétrifiée de
stupeur : c’était la fête des fondateurs des Solovki, saint Zossime, saint
Sabbat et saint Germain. Ce puissant appel des Solovki me poursuit.
Nous
avons le lendemain pris le chemin du Kremlin, mais impossible de tomber sur la
place des cathédrales, il y avait foule, et si nous avions trouvé le courage de
faire la queue, nous aurions vu tout cela dans la cohue. La place Rouge était
encombrée de toutes sortes de structures éphémères, car c’était le festival de
fanfares venues de tous les coins du monde. Nous nous sommes rabattus sur la
visite de saint Basile le Bienheureux, de ses multiples petites églises
imbriquées, puis nous avons remonté la Varvarka, avec le palais des Anglais,
construit par Ivan le Terrible pour abriter les délégations qui succédèrent aux hardis navigateurs échoués sur la rive de la Dvina septentrionale, à emplacement du futur port d'Arkhangelsk, le palais de son beau-frère Nikita Romanovitch,
si féérique, et les églises qui les entourent. L’affreux hôtel Rossia qui
défigurait tout cela a été remplacé par un vaste parc botanique très réussi, qui met cet
ensemble dans une belle perspective, ouvre tout le panorama de Zamoskvorietche
et de Moscou, et du ciel russe aux nuages colossaux et fantastiques.
Dans
le métro, en face de moi, il y avait un jeune homme avec une cordelette de
prière au poignet, ce que j’ai fait remarquer à Henri et Patricia. Aussitôt, le
jeune homme s’est levé et est venu nous offrir une reproduction d’une icône de
la famille impériale, qui, dans un monastère des environs de Zadonsk, s’est mise à exsuder du myrrhon. « Tu imagines cela en France ? demande Henri à
Patricia. Je crois que je vais déménager en Russie ! »
Un jeune ouzbek, voyant ses cheveux blancs, s'est levé pour lui laisser sa place dans le métro. Un autre jeune homme a laissé la sienne à Patricia. Et moi, c'est quasiment systématique, je suis vieille, je suis assise!
Un jeune ouzbek, voyant ses cheveux blancs, s'est levé pour lui laisser sa place dans le métro. Un autre jeune homme a laissé la sienne à Patricia. Et moi, c'est quasiment systématique, je suis vieille, je suis assise!
Le
lendemain, nous avons un peu discuté avec le père Valentin, puis j’ai récupéré
ma voiture et nous avons pris la route de Pereslavl, avec escale à Serguiev
Possad, pour voir la Laure de la Trinité saint Serge. C’est un endroit aussi
beau qu’emblématique, mais submergé de touristes, je n'imaginais pas qu'il y en eût autant. Près du mur d’enceinte, j’ai
vu Yegor Strelnikov, le joueur de gousli, qui nous a fait profiter de son art,
et nous a offert un disque, que nous avons tenu à payer. Henri s’émerveillait
du ciel russe, de ses nuages fascinants, et c’est vrai que je n’en ai vu nulle
part de pareils, peut-être à cause de l’immensité de cet espace marécageux sans montagnes. Nous avons vénéré les reliques de saint
Serge. Les coupoles d’or flamboyaient sur de monumentales architectures de
vapeurs bleu foncé et fulgurantes.
Henri
est émerveillé par la gentillesse des gens, l’impression de bienveillance, d'égards pour les autres et de
sécurité qu’il ressent, mais le pays lui semble sinistré : « On
dirait qu’ils relèvent d’une véritable catastrophe, ces maisons délabrées, construites n'importe comment, ces
friches industrielles, je touche du doigt l’absurdité de la propagande à leur
égard, car ils ont bien d’autres soucis que de vouloir conquérir le monde ! Les
sanctions à leur égard, c’est un crime, c’est de l’assassinat ! Et quand à
votre démarche, partir en Russie, cela relève d’une véritable vocation… On réalise à quel point la France, que nous livrons à l'invasion, a été préservée jusqu'alors. »
Il
a l’impression d’avoir changé de planète, d’être très très loin du pic de Burgarach…
Сhez Iouri et Dany
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