dimanche 8 septembre 2019

Portes du ciel

C'était aujourd'hui la fête votive de notre cathédrale consacrée à l'icône de la Mère de Dieu de Vladimir. Liturgie épiscopale, avec chirotonie d'un diacre, devenu prêtre de campagne. J'ai fait prier pour l'archevêque Jean, devenu à mes yeux l'équivalent français du métropolite Onuphre, dans sa résistance courageuse contre les manoeuvres ténébreuses et les détestations irrationnelles et hystériques Les paroissiens sont si gentils avec moi, j'ai l'impression qu'ils en rajoutent parce que je suis Française. La petite dame des cierges m'a spécialement refilé une grosse prosphore. Quand à l'évêque, lorsque j'ai reçu sa bénédiction, en lui désignant Katia et Nadia, parce que j'avais peur qu'il ne les oubliât derrière une rangée de vieilles, il m'a dit avec un sourure entendu: "Nous savons, nous savons; nous connaissons vos amies! Nous savons de tout de vous, comment vous chantez et dansez avec ces jeunes femmes, et comment vous prêchez la Russie aux Français dans votre blog!
Monseigneur Théoctyste et son nouveau prêtre (photo éparchie)
- Oui, monseigneur, mais je crois qu'il faudrait aussi la prêcher aux Russes!"
Il est simple, spontané, naturel et plein d'humour, ce sont des qualités que j'apprécie beaucoup.
Il a commenté dans son sermon l'évangile du jeune homme riche, disant que ce n'était pas tant la richesse qui était en cause que tout ce qui nous détourne de l'essentiel et que nous ne pouvons nous résoudre à abandonner.
J'ai ensuite emmené comme prévu Didier et Martha à Rostov, et nous avons la chance d'avoir un temps absolument merveilleux, un de ces temps bénis russes trop rares qui donnent un avant goût de la béatitude éternelle. Or juste avant cela, prenant le café avec Katia et Nadia, nous avions discuté de ceux qui appréhendaient Dieu à travers la Création, tandis que d'autres s'en détournaient volontairement, des framboises paradisiaques cueillies dans la neige par saint Séraphim de Sarov pour Motovilov, du père Alexandre Schmeman, qui considérait les beautés de la nature comme le reflet des splendeurs inimaginables du Royaume promis.
Donc, j'ai revu le kremlin de Rostov avec Didier et Martha, et en plus des nuages fantastiques, bouclés, énormes et vibrants de lumière, nous avons eu les carillons du Kremlin d'abord, de la cathédrale ensuite, car nous approchions de l'office vespéral. On nous a proposé un tour en bateau sur le lac Nero. Le bonhomme qui nous a racolés pour cela était saoûl comme une vache et sentait fort la vodka Il m'a expliqué en chemin, que c'était dimanche et qu'il avait bu un coup de trop. "Je m'en suis aperçue, mais ne vous en faites pas, j'ai l'habitude!"
Au ponton, il s'est fait engueuler par le pilote de l'embarcation: "Vous comprenez, me dit-il, les gens qui viennent jusqu'à moi avec cet imbécile, pensent que je vais être aussi saoul que lui et ne pourrai conduire le bateau normalement"!
Didier et Martha

Je n'ai vraiment pas regretté l'expérience, comme je le prévoyais, voir Rostov depuis le lac sous de pareils nuages était complètement féérique, et de plus, il faisait si bon, soleil chaud, brise douce et fraîche. Même Rita était en extase. Nous avons traversé un champ de roseaux qui s'écartaient souplement devant nous, à la rencontre de grandes portes célestes bleues aux piliers éblouissants et énormes, il me semblait que cette barque m'emportait vers Dieu, j'ai eu une pensée pour ma mère qui, de retour de l'hôpital, m'avait dit devant de semblables architectures vaporeuses: "On dirait la porte du Paradis..." Quand nous avons longé le monastère saint Jacques, j'ai discerné un carillon au travers du moteur, et le pilote l'a arrêté. Dans le silence brusquement revenu, depuis les coupoles et les dômes, les murs blancs et les tours, les grandes nuées mauves, nous parvenait avec une profonde, une somnolente lenteur le vol de ces sons entrechoqués à diverses hauteurs, et j'en restais le coeur suspendu, entre le ciel et les eaux, à contempler cet ensemble irréel, et les jeux des lumières qui passaient au travers.
Tous les gens auxquels nous avons eu affaire étaient extrêmement aimables, s'efforçaient de nous dire des mots de Français, ce qui m'a fait plaisir, car cela donnait une bonne image de la Russie à Didier et Martha. Pour finir, nous avons acheté de l'hydromel à une jeune femme qui m'a dit: "Oh, vous êtes Française... vous savez donc ce que c'est que le cidre?
- Oui...
- Eh bien voilà, j'ai essayé d'en faire, voulez-vous me dire si cela y ressemble?"
Elle m'a servi un petit verre d'une boisson à la pomme. "C'est à monsieur que vous devriez le proposer, lui dis-je, il est du pays du cidre, et moi, je conduis!."
Didier goûte avec une moue perplexe: "Non, dit-il, ça, ce n'est pas du cidre. Mon grand-père en fabriquait. D'abord, il faut une sorte particulière de pommes et ensuite des fûts de bois."
Nous avons échangé toutes sortes de considérations sur la fabrication du cidre et du cognac, et pour finir, Didier a expliqué que la tradition se perdait. "Ah nous dit la jeune femme, c'est votre Union Européenne, avec toutes ses normes, nous, nous essayons de ressusciter tout ce que vous aviez, et eux, ils sont en train de vous le détruire!"
Elle avait tout compris.












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