jeudi 11 juin 2020

Leçons

Il a fait chaud, étouffant et humide, ce qui déchaîne les insectes piqueurs et la pousse de la végétation. Sur le soir, un ciel fantastique nous annonçait un orage. J'ai essayé de le photographier, en regrettant de ne pas être sur le bord du lac, où le spectacle devait être à couper le souffle. Je n'ai plus le courage et l'agilité de bondir sur un vélo, ni même dans ma voiture, et encore moins de courir, à la rencontre de tels miracles, d'autant plus qu'ils sont très brefs. Le gosse d'en face m'a demandé pourquoi je prenais des photos. "Parce que le ciel est très beau". Mais personne ne lui a appris à regarder le ciel, et ainsi grandissent la plupart des gens.
Skountsev a brusquement décidé de me consacrer une heure, mais je n'arrivais à rien, parce que j'étais fatiguée par le jardinage, la chaleur, et je savais qu'allaient venir mes deux petites élèves, Marina et Sonia. Marina a plus de facilités mais elle est moins motivée que Sonia, qui me rédige des choses très complexes en français, mais prononce si mal que je ne comprends rien. Et puis, parfois, je leur demande des choses très simples, et m'aperçois avec surprise qu'elles ne les connaissent pas. Je me demande si je leur serai d'une grande utilité. Pour la prononciation, certainement, mais il y a du travail!
Marina et Sonia ne viennent jamais à la même heure, c'est en fin de journée, mais je ne sais pas exactement quand. Elles m'apportent des meringues qu'elles cuisinent elles-mêmes. Je leur ai dit qu'elles avaient peut-être un avenir tout tracé chez le pâtissier Didier! Mais cela ne semble pas entrer dans leurs projets... Dans le cours des leçons, elles font des contresens parfois si comiques que j'en prends des fous rires, et elles aussi!
Skountsev est aussi assez fantaisiste pour les horaires, c'est quand ça le prend. Cela dit, il est complètement génial, le bon côté du Covid et d'internet, c'est qu'il est disponible, et que nous pouvons travailler par Skype. Il sait très bien expliquer, faire sentir, je suis béate d'admiration. Je me demande combien de temps, une fois que je dominerai le problème, je pourrai chanter et jouer, cinq ans, dix ans? Et dire qu'autrefois, les gens apprenaient tout cela en famille sans s'en apercevoir! Quelle extraordinaire dimension cela conférait à leur vie, aucune technologie numérique ne pourra jamais donner à l'être humain ce que lui apportait ce bain de création musicale et plastique qui était son élément naturel avant que de tristes intellos de broussailles ne momifient la culture dans les musées et les écoles, en écrasant de leur mépris tout ce qui était spontané et vivant chez les peuples...
Mais peu importe le temps dont je dispose, je partirai dans l'autre monde avec ce trésor de mon coeur.
Un de mes iris des marais fleurit pour la première fois, en revanche, les autres ne se décident pas. Les iris classiques s'y mettent aussi, pour l'instant, les bleus. Tout l'hiver, j'ai balancé dans les plates bandes le café, le thé, les épluchures de légumes, et je constate que mes delphiniums s'annoncent somptueux, après être restés trois ans minables, ils deviennent énormes, ils préparent plusieurs hampes de fleurs.
Cela doit faire trois ou quatre mois que je ne suis pas allée à Moscou, ceux que j'y connais me manquent, mais j'hésite à me lancer, d'autant plus qu'avec la chaleur, je n'ai aucune envie de me promener avec un masque sur la figure, j'aurais peur de tomber suffoquée.






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