lundi 17 août 2020

D'une dictature l'autre

 Des gens me demandent mon avis sur la Biélorussie, comme si j'étais un expert et je ne sais que dire, je ne suis pas politologue. Je ne peux que réagir de façon personnelle, à l'instinct et à l'expérience. J'ai soutenu le Donbass, et vu à quel point on mentait sur la question, omettant ou déformant les faits, et avec quel résultat aujourd'hui! L'Ukraine est un abcès purulent, où les seules personnes qui m'inspirent un immense respect et une compassion infinie sont les orthodoxes admirables regroupés autour du métropolite Onuphre. Les autres sont tombés dans une telle ignominie que je n'ai pas de mots pour les qualifier. Les opposants sont tués ou maltraités, le Donbass est toujours l'objet de bombardements vicieux dont toute notre presse se fout, avec toujours la même bande de chacals maladivement russophobes qui excite en permanence l'opinion contre les victimes,

Il est certain que Ianoukovitch, comme tous les anciens apparatchiks bombardés roitelets par le démontage de l'URSS, était un pourri, est-ce que Porochenko et sa sinistre équipe étaient mieux, et le pays a-t-il gagné au change? Des Ukrainiens écrivent pour mettre en garde leurs cousins biélorusses contre l'aventure. Elle peut très mal finir.

De tous ces roitelets post-soviétiques, Loukatchenko me paraissait le meilleur, et son pays connaissait une certaine stabilité. Il avait eu l'intelligence, tout en laissant les gens pratiquer leur religion et penser ce qu'ils veulent, de conserver beaucoup de structures sociales soviétiques, ce qui a évité les situations dramatiques dans lesquelles les Russes ont été plongés par les libéraux. Alexandre Panarine, dans son livre "la civilisation orthodoxe", après avoir décrit les méthodes proprement sadiques d'installation du communisme dans les années 20, prétendait que ce truc infernal s'était russifié au fil des années, et qu'au moment de la perestroïka, il n'eût pas fallu y toucher, juste laisser l'Eglise tranquille, autoriser la liberté d'expression, mais ne pas bouleverser les structures étatiques. Or si on avait fait cela, les apparatchiks ne seraient pas devenus roitelets de républiques artificielles, ni oligarques scandaleusement enrichis par tout ce qu'ils avaient pillé. Et c'était là le but de toute cette décommunisation effectuée n'importe comment, pour avantager ce public et satisfaire les occidentaux. 

Or la Biélorussie avait échappé, d'après ce que j'entendais dire, à ce processus, et beaucoup de Russes enviaient leur président à leurs cousins biélorusses. Ils conservaient toutes sortes de garanties sociales, la vendeuse de cierges biélorusse de notre cathédrale, ici, m'expliquait encore récemment que son fils en se mariant avait reçu une maison neuve en bois. Un journaliste français déplorait que la révolte contre le tyran ne prit pas car les salaires étaient payés et divers avantages octroyés. 

Aujourd'hui, je vois les pro Loukatchenko et les anti Loukatchenko revendiquer de part et d'autre des photos de manifestations monstres dans les rues de Minsk. Beaucoup de choses rappellent le cirque manipulé de la révolution de couleur. Y compris l'arrivée des Femen et le soutien de BHL et toutes sortes de créatures des ténèbres, comme l'épouvantable Alexieva.

Loukatchenko a lui-même, dans sa roublardise, joué un double jeu, entre l'OTAN, la Russie et l'Ukraine, et en paie certainement le prix. Il y a sans doute beaucoup de raisons d'être mécontent, comme en Ukraine sous Ianoukovitch. Ici aussi, je peux dire que tout n'est pas parfait, je vois des injustices administratives criantes, de la corruption, des destructions scandaleuses du patrimoine, beaucoup de choses me scandalisent, cependant à la seule idée qu'un pitre comme Navalny ou qu'un oligarque apatride comme Khodorokovski prennent le pouvoir, j'ai le frisson de la mort. Alexandre Douguine, qu'on interdit maintenant partout en occident, ce qui est pour moi le signe infaillible de la justesse de ses points de vue, dit bien d'ailleurs qu'une révolution en Russie, ou ailleurs, est une chose insensée, car elle ne peut réussir si elle n'est manipulée et financée par les ennemis du pays et ne peut conduire qu'à un scénario de trou noir ukrainien bien sanglant sur les bords. Il propose un refus du système et une révolution conservatrice à travers le retour à la terre, ce qui rejoint les propositions de Soljénitsyne. Enlevons Loukatchenko, que va-t-il se passer en Biélorussie et qui va lui succéder? La blogueuse qui s'est carapatée en Lituanie? Entre le vieil apparatchik et le Nouvel Ordre Mondial, si j'étais là bas, mon choix serait vite fait.

Evidemment, cela m'emplit de chagrin et de consternation, car je sais les liens culturels et spirituels qui unissaient les trois Russie, et que l'on s'emploie à faire disparaître. Je plains les orthodoxes biélorusses qui se retrouveront dans la position des orthodoxes ukrainiens. J'attendais l'opinion du père spirituel du monastère sainte Elizabeth de Minsk, le père André, à qui je fais totalement confiance.  Je n'ai pas été surprise de constater que son avis coïncidait avec le mien. Le père André, son monastère, les orthodoxes biélorusses, comme les orthodoxes ukrainiens du métropolite Onuphre et nous tous ici du patriarcat de Moscou, envers et contre tout, et malgré les criailleries des mutants dénaturés, décervelés de la modernité, de ses petites marionnettes, de ses serviteurs ténébreux, des chacals occidentaux et des usuriers transnationaux, nous sommes tous la chair et le sang de la sainte Russie, nous communions dans la même orthodoxie, on ne peut nous désunir, même en traçant des frontières artificielles à l'heure où il est question de toutes les abolir. Aussi je suis résolue à essayer de garder une distance psychologique avec ce qui se produit. L'heure n'est plus à sauver nos pays, quand trop de gens dépourvus de mémoire, de repères culturels et spirituels, sombrent dans la confusion et la folie, où peut être devons-nous les sauver autrement, en opposant au cancer de la modernité mondialiste et transhumaniste le réseau transnational souterrain d'une résistance spirituelle, culturelle et humaine qui ne passe pas par des mouvements de foule soit manipulés et récupérés, soit écrasés. J'en parlais avec Katia hier soir: soutenir ici tout ce qui est sain et réparateur, nos amis les cosaques patriotes, notre évêque, nos monastères, le folklore qui unit les gens entre eux, et les relie à leurs ancêtres communs, notre solidarité, notre entraide matérielle et spirituelle. Et puis, comme me le disait le père Basile, ne pas craindre de parler, de dire non, de refuser ce qui peut nous mener et mener les autres à la perdition totale. Dans tous les pays du monde, il y a maintenant une plus ou moins grande proportion de peuple autochtone qui reste sain et conforme à sa tradition, et des hordes de mutants, d'importation ou non, qui tournent au signal comme des toupies, se jettent d'un côté ou de l'autre, déçus du socialisme dans le libéralisme trotskyste et le neonazisme, déçus du capitalisme dans le communisme et le neostalinisme, et mettent leurs masques en acceptant n'importe quoi, jusqu'aux infanticides, aux enlèvements d'enfants par l'état, à l'euthanasie des vieux, à la délation des réfractaires.

 Je me félicite en tous cas d'avoir choisi le cœur de la Russie médiévale, c'est ce qui restera du pays quand les vautours l'auront ramené aux limites qu'il avait au XVI° siècle, avant la réunion des trois Russie slaves orthodoxes séparées par les aléas de l'histoire. Mais je crains que ses libéraux n'en fassent également une satrapie du pouvoir occulte, sataniste et implacable qui s'installe partout. Nous ne pouvons plus que prier Dieu de nous rendre invisibles. La sainte Russie des derniers temps, ce sera la ville invisible de Kitej.

 

 


Rimsky-Korsakov, la ville invisible de Kitej

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