Suite du feuilleton, le voisin a déversé tellement de terre que son lopin doit être maintenant de 80 cm plus haut que le mien. Quand ces lopins ne faisaient qu'un seul terrain, les gens avaient pratiqué des canaux, qui de chez moi, se prolongeaient chez eux. Maintenant que tout est écrasé par ces tonnes de terre, l'eau commence à sourdre chez moi, et à la place du potager, je vais avoir un sol détrempé. Le voisin éperdu me propose son aide et monts et merveilles, mais cela me fait une belle jambe. Mon amie Lisa, venue me voir avec une copine, la céramiste Natacha, a essayé de lui suggérer des modifications dans ses plans. Car bien entendu, son monstre de deux étages, il va le couvrir de siding, le plastifier du haut en bas.
Lisa adore ma maison, et elle trouve que ce serait très dommage de la laisser, nonobstant le futur monstre du voisin. Un peu plus tard, à la réunion concernant le lac, j'ai rencontré toutes sortes de gens sympas, dont une architecte qui a proposé de venir s'entretenir avec le voisin pour lui proposer des systèmes d'évacuation des eaux, étant entendu qu'on ne peut inonder le terrain d'à côté pour construire sa baraque. "C'est que, me dit le voisin, à qui j'avais déjà fait la remarque, comment puis-je construire dans un marécage si je ne mets pas de terre?" Bonne question. Les conséquences, il n'y a pas du tout pensé, c'est un pur produit de la civilisation contemporaine. Ma maison, par exemple, construite dans les années 30, repose sur un socle de remblais et une fondation de briques, ces remblais ne recouvrent pas tout le terrain, à l'époque, on réfléchissait encore...
Je dois oublier le potager, si je reste, il faudra me protéger des monstres, et apparemment, ils poussent partout où il y a un minimum d'infrastructures. Je suis donc allée voir sur internet, pour m'installer des arbres de taille déjà respectable. On peut en acheter qui ont déjà quatre ou cinq mètres, j'aurais bien mis un sapin pour me cacher son cube de lego géant en toutes saisons, un sapin poussera-t-il dans le marécage? Il y en a deux à dix mètres de chez moi, ca devrait pousser. Sinon, il y a l'option du peuplier, mais l'hiver, il laissera apparaître l'horrible chose. J'ai le choix entre vivre à l'ombre, ou contempler un mur de plastique.
Le voisin propose de donner un coup de pelleteuse pour ouvrir la mare que je projetais de creuser pour concentrer les eaux, je vais déjà essayer ça.
A la réunion, je n'ai vraiment pas compris tous les détails, car Génia, combattant numéro 1 de la cause du lac, est un adepte du masque, entre la mauvaise acoustique de la salle et le bâillon censé le défendre contre les miasmes, je ne saisissais pas grand chose. J'ai compris deux points qui ne m'ont pas trop rassurée. D'une, nous avons affaire à de vrais bandits qui n'ont aucune conscience, de deux, tout le monde se fout des ukases de Poutine. Un peu plus tard, un poutiniste présent m'a dit que les gens se le figuraient comme un dictateur, alors qu'il avait le plus grand mal à agir tant on lui mettait de bâtons dans les roues, ce qui confirme l'impression que j'ai moi-même depuis un moment.
Pour ma part, ma mésaventure avec les projets du voisin me laisse facilement entrevoir les conséquences écologiques de constructions pratiquées n'importe comment autour du lac par une bande de mafieux qui se fichent encore plus largement des conséquences sur le milieu et sur les gens qui l'habitent...
Les personnes présentes pensaient néanmoins que cela vaut la peine de résister et envisagent différentes actions.
En réalité, il n'est pas étonnant que notre monde devienne si moche, dans la mesure où il est gouverné essentiellement par des bandits de grands chemins, des fonctionnaires véreux, et des imbéciles bornés, complètement mutilés du bulbe. Ils le font à leur image: bancal, disgracieux, agressif, vulgaire, horrible.
Après la liturgie, je suis allée porter mes oeuvres à la galerie, il y a finalement pas mal de place, je pourrai en accrocher plus que prévu, mais c'est vraiment pour l'amour de l'art, car ici, on ne vend pas grand chose.
Voici les photos publiées par Lisa, sous le titre: la maison magique de Laurence Guillon
Chocha |
Elle m'avait apporté un lion en céramique confectionné pour moi dans l'esprit populaire.
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