samedi 14 novembre 2020

Ténèbre lumineuse

 

Un correspondant m'envoie ceci:

Pardonnez-moi de me mêler de ce qui ne me regarde absolument pas. Mais à la lecture de votre avant-dernier message, j’ai eu l’impression que l’ennemi vous a placé des bâtons dans les roues (canalisation, route peu praticable) pour vous empêcher de faire quelque chose qui pourrait vous être favorable, source de plus de paix pour les années qui arrivent.
A la lecture de votre dernier ‘papier’, j’ai eu cru comprendre qu’il avait gagné, trop facilement… J’ai l’impression que là où vous êtes, vous allez vous retrouver à votre corps défendant dans une petite cité de banlieue, comme il y en a tant chez nous. J’ai (encore!) l’impression, fausse peut-être, que la Russie ce n’est pas ça. Ce qui se profile à Pereslavl, c’est la banlieue de Dallas…

Cela m'a plongée dans la perplexité, car à vrai dire, on peut vraiment se poser la question. Je me la pose, surtout par les temps qui courent. Ensuite, Henri m'a dit que les obstacles pouvaient aussi être des avertissements de mon ange gardien. Je suis un peu vieille pour aller me mettre dans un endroit très peu accessible, très désert, si je m'entends avec l'apiculteur, ce sera déjà bien, et il y a des chances, les apiculteurs ont généralement une bonne mentalité, mais il est possible que l'endroit soit sans internet, sans téléphone, et si on a oublié le sel, c'est un exploit de repartir le chercher. 

Pereslavl est complètement défiguré et justement, je suis tombée sur une photo du début du XX° siècle: un tapis d'églises, de coupoles, de clochers, des prairies, de petites maisons, ce devait être tellement beau que si j'y étais brusquement transportée maintenant, je crois que je me mettrais à pleurer. Et puis une maison de bois ravissante, qu'on a écrasée pour faire un garage ou un magasin de pièces automobiles, je ne sais plus... quel genre de pithécantrope a-t-il pu commettre une chose pareille et où était l'architecte conseil de la ville, il paraît qu'il y en a un? Le siècle du transhumanisme et de "l'intelligence artificielle" s'installe, comme celui des idéologies précédentes, sur la destruction obtuse du patrimoine culturel, spirituel, matériel et immatériel, car pour nous faire un univers de monstres et nous persuader qu'il est le meilleur possible, il faut effacer tout ce qui pourrait nous rappeler ce que nous avons bradé aux brigands de grand chemin et aux psychopathes auxquels nous nous sommes tous donnés. Et certains le font avec enthousiasme, il n'y a rien de plus actif qu'un imbécile cupide, ce qu'on appele pudiquement un esprit pragmatique. Comment a-t-on pu en arriver là, où même nos villes se mettent à ressembler aux gigantesques amas d'ordures en plastique dont nous ne parvenons pas à nous débarrasser?




Cependant, il existe ici un précipité positif, les cosaques désireux de s'approprier leurs traditions perdues, un évêque humain et intelligent qui amène de bons prêtres, qui provoque une bonne dynamique, des gens qui ici et là défendent les bonnes causes ou s'intéressent au folklore. Et dans ce mouvement, nous nous inscrivons bien, Katia et moi. Les balalaikers proposent de monter, dans cette ville où la prolifération de petits musées stupides sert d'alibi à la destruction de tout le reste, une succursale du musée de la balalaïka d'Oulianovsk: une partie didactique, avec des collections d'instruments, des photos, des outils, une partie salon de thé, avec une petite scène, des tables, la possibilité de se rencontrer, de jouer, chanter, inviter des intervenants, donner des conférences, organiser des débats, et aussi commercialiser les balalaikas de la firme. J'ai vu le Suisse cosaque, que cela intéresse beaucoup, et une de mes iconographes de Nikitski voudrait apprendre la balalaïka. Ici, il y a la possibilité de nourrir les âmes. Tout cela évidemment, si la caste malfaisante qui a lancé l'opération covid nous en laisse la possibilité... 

Ce Suisse, Benjamin, est venu chez moi pour participer au tournage d'un documentaire d'information sur l'affaire du lac.  Ce qui me rendait nerveuse, c'est que la dame à l'origine de l'initiative n'arrêtait pas de tout diriger et dicter, où nous placer et ce que nous devions dire, et je trouve cela terriblement agaçant.

Benjamin est un ami de mon voisin, mais à la vue du départ de construction, il a soupiré que cela gâchait "un peu" la vue. Benjamin est un amoureux de la Russie, au point qu'il est même devenu vieux-croyant, et il souffre également des ravages opérés sur le patrimoine par les descendants dégénérés de ceux qui l'ont édifié.

En réalité, je pense déjà à ce que je ferai pour récupérer une vue normale, c'est-à-dire des plantations. Et si la situation devient intenable, je vendrai pour aller ailleurs. Enfin si d'ici là on ne nous a pas spoliés de tout, voire même massivement exterminés en douceur, façon docteur Alexandre, en tant que biomasse inutile aux dieux mécaniques de l'Olympe transhumaniste.

Après quelques courses, je suis allée regarder le coucher de soleil sur le lac qui chuchotait doucement à mes pieds, ce beau lac qui est là depuis des millénaires, qui a nourri, abreuvé et baigné des générations de Russes, de vrais Russes, qui avaient d'autres valeurs que ces gnomes prêts à le mettre aujourd'hui en coupe réglée, et le transformer en marécage plein de moustiques, en égoût pour leurs affreux cottages, d'ici la fin du processus, avec un peu de chance, je serai morte, ou le Second Avènement aura eu lieu. Le lac avait la couleur de l'or, comme le fond des icônes, cette ténèbre lumineuse au delà de laquelle Dieu ne se laisse plus entrevoir.









4 commentaires:

  1. "...voire même massivement exterminés en douceur, façon docteur Alexandre, en tant que biomasse inutile aux dieux mécaniques de l'Olympe transhumaniste."

    Ah, je vois que, comme moi, vous venez de lire votre Antipresse ! (p.6, l'article au sujet du film Hold-up). C'est un précédent numéro qui m'a fait découvrir votre blog, il avait les honneurs d'un paragraphe de la rubrique Turbulences.

    "...où même nos villes se mettent à ressembler aux gigantesques amas d'ordures en plastique dont nous ne parvenons pas à nous débarrasser?"

    Ces dernières années, je me faisais la réflexion que s'il fallait choisir un symbole pour caractériser nos sociétés contemporaines, façon emblème sur blason, celui qui s'imposait entre tous était : la poubelle.
    Une civilisation du déchet, une culture du déchet, la religion du déchet, le déchet en guise de cervelle... voilà notre monde.

    Puis-je vous demander justement ce que vous inspire le dernier édito-vidéo en date de Monsieur Antipresse, si vous l'avez visionné ? J'ai vu que vous aviez réagi sur l'avant-dernier. Il y est beaucoup question du miroir désormais inversé Russie/Europe de l'Ouest. Un parallèle est fait notamment entre l'effondrement russe de 1917 et l'instauration du régime soviétique auto-destructeur qui a suivi, avec ce que nous vivons actuellement, la société techno-numérique inhumaine qui se casserait le nez sous nos yeux, etc. Chez moi ça suscite des interrogations, l'envie de creuser, et j'ai laissé un commentaire un peu en ce sens sous la vidéo, mais il n'y a guère d'échange à attendre (j'avoue que je ne suis pas une habituée des réseaux sociaux). La plupart des commentateurs enthousiastes qui félicitent M. Despot pour ses propos, me donnent souvent l'impression d'approuver en bloc sans pour autant bien comprendre ce dont il s'agit... Or de mon côté j'aime toujours m'assurer que j'ai bien compris.

    Tiphaine, depuis la Bretagne.

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    1. Je lis Antipresse, mais je connais depuis longtemps le docteur Alexandre et le transhumanisme. J'avais vu déjà beaucoup de vidéos reprises par le film Hold Up, et aussi celles du père Boboc sur le transhumanisme, qui sont remarquables. Je ne sais plus où j'en suis dans les vidéos de Slobodan Despot, j'ai pu en louper une, et je n'avais pas vu que j'avais les honneurs de cette rubrique. Il faut dire que je n'arrive plus à gérer tout ce que je fais, lis et regarde! Je suis entièrement d'accord avec le parallèle entre l'installation du bolchevisme et ce qui se passe aujourd'hui, un parallèle que j'avais établi de mon côté depuis longtemps, mais cela devient criant, au point que je finis par penser que 17 et aujourd'hui s'inscrivent dans un même processus, je pourrais même dire également 1789, et je remonte même encore plus loin! J'ai eu la naïveté de croire que deux systèmes s'opposaient, le monde libre et le monde communiste, jusque en 90, j'ai compris depuis que ce sont les deux têtes d'un même serpent. Ce qui s'est passé en Russie se déplace en Europe et en Amérique,sous étiquette, cette fois, libérale capitaliste et gauche sociétale. Les Russes ont en quelque sorte russifié et nationalisé leur bolchevisme, ils ne sont donc plus utilisables, le truc est allé nuire ailleurs en laissant un champ de ruines et un peuple partagé entre ce qu'il reste de la sainte Russie et une population post soviétique qui est soit nostalgique du communisme, soit libérale occidentaliste, dans les deux cas, en opposition avec ce qu'était la Russie, bien qu'il y ait des variantes individuelles dans les dosages. Le processus a été le même en France après la révolution, ainsi que le démontre Jean dela Viguerie dans son livre "les Deux Patries". Donc actuellement, le pire danger totalitaire se trouve là où le dernier avatar de l'hydre capitaliste technologique progressiste base la suite de ses actions inlassables contre l'éternel humain, contre le sacré,l'authentique, le profond, le symbolique, le cosmique.
      Slobodan est certainement très sollicité, ce qui complique la tache pour répondre individuellement à tout le monde.

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    2. Merci pour votre retour et ce petit panorama de la société russe contemporaine.
      Quand je parlais d'échange ce n'est pas forcément à "Monsieur Antipresse" comme je l'appelle que je pensais, je me doute qu'il a d'autres chats à fouetter. Ce sont plutôt les mœurs des réseaux sociaux et grandes plateformes de ce genre (que j'ai toujours majoritairement évités jusque-là) qui me laissent sceptiques. Leurs logique, mentalité et réflexes m'échappent, me sont étrangères. En majorité les gens mettent un commentaire (ou des "pouces" !) pour commenter sans avoir rien à dire de particulier ni d'original, je remarque, il n'y a pas de réflexion ni de véritable désir de communication. Ils font du nombre, de la quantité, ils accumulent. Je trouve ça bébête. Je me suis inscrite, j'ai essayé, mais je sens que ne vais pas y faire long feu. Assez puéril en somme. C'est pour ça que je mets en doute la capacité de beaucoup à comprendre réellement ce dont il retourne, de s'intéresser au fond, ça reste superficiel. Sans compter que pas mal semblent simplement abonnés à la chaîne Antipresse mais pas du tout à la Lettre, ils en ignorent complètement le contenu. Entendre causer Slobodan Despot leur suffit, ça ne va pas plus loin.
      Pour ma part j'étais très mal au courant de ce qui se tramait, avant cette année 2020. J'avais débranché les médias/télé/radios/journaux dominants depuis des années, ça me saoulait : du bruit, de l'inutile, de la fausse info. Mais pas plus informée. Cependant je percevais que depuis trente ans en particulier les choses s'accéléraient dans le très mauvais sens.
      À mon avis, l'étude des grands fascismes et totalitarismes du XXe siècle n'a pas servi à éviter que ça se reproduise - la preuve ! Mais bien plutôt contribué à aider ceux (nombreux et influents) qui en partageaient les idées à poursuivre sur la même voie, à les perfectionner après avoir mis en évidence tout leur potentiel exploitable à l'échelle de la planète entière. Et surtout à éviter de commettre les erreurs de leurs prédécesseurs... Leur seul talon d'Achille est l'arrogance et la certitude de leur supériorité, qui peut les entraîner à la négligence et leur être fatal, espérons-le pour nous. Mais que de dégâts irrémédiables...

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    3. Oui, c'est l'ubris de la tragédie grecque, il y a toujours un moment où les salopards vont trop loin, et je l'attends. Les réseaux sociaux permettent au moins à ceux qui ont le même point de vue de se sentir moins seuls; il y a des gens avec lesquels il est inutile de discuter, d'autres qui apportent des éclaircissements et du réconfort. J'ai été très seule, dans ma jeunesse.
      Je me tiens au courant depuis un bon moment, bien que je déteste la politique, parce que me trouvant entre deux pays depuis les années 90, j'avais toujours peur de rester coincée dans l'un ou dans l'autre, ce qui a fini par arriver, car à cause du covid et de la situation en France, je m'abstiens d'y aller.

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