jeudi 18 février 2021

Sur les nuages

 




J'ai voulu me lancer sur les skis mais j'ai un problème de base, les botillons ne semblent pas correspondre, impossible de les bloquer.

Du coup, je suis partie à pied vers le marécage, avec l'impression de marcher sur des nuées scintillantes et sous un ciel d'un bleu profond, tendu de brume. Les roseaux penchaient des têtes poudrées dans l'air froid vibrant de paillettes de glace. Il faisait -15. Mais comme souvent en février, le soleil chauffe déjà les joues du promeneur, c'est là d'ailleurs notre premier signe printanier. 

J'avais Rita dans mon sac à dos, car la princesse déteste la campagne, l'exercice, et le froid aux pattes. Mais rester séparée de moi étant ce qui peut lui arriver de pire... 

Arrivée au lac, j'ai vu s'écarter les roseaux sur une surface sourdement imprégnée d'un insaisissable bleu pastel sous une patine blanche, pareil à une secret reflet interne circulant sous une lumière plus évidente . La berge se perdait dans la vapeur glaciale qu'exhalait ce grand être figé. J'ai fait un dessin, rapide, car mes doigts gelaient.

L'air était absolument immobile et silencieux. Une paix d'un autre monde. J'ai appelé sur la sainte Russie la protection du métropolite Philippe, et lui ai adressé ma prière habituelle: "Emmène-moi jusqu'à Dieu cachée sous ta mante, comme tu le fais de Fédia, dans mon livre!"

Le ciel béait devant moi, et les roseaux tournaient autour de lui en foule, pénétrés de sa lumière, comme des pénitents purifiés dont la tête courbée s'enflamme sans brûler.

Sans doute, ceux qui auront le bonheur d'entrer au Royaume y trouveront-ils ce que l'humanité a fait de mieux, de plus beau et de plus désinterressé. 

Au retour, j'ai trouvé à la porte une espèce de chat squelettique et miteux qui essaie d'entrer chez moi. Que pouvais-je faire? Il s'est jeté sur la bouffe et il a bu aussi d'énormes quantités d'eau. Puis il s'est assis pour me regarder comme une déesse tutélaire de ses yeux malades que j'ai nettoyés avec un colyre.. 

La seule justification que je me trouve, c'est que les gens qui jettent ainsi leurs animaux à la rue auront peut-être une addition moins salée à présenter, si leurs victimes ont trouvé auprès de moi un asile. A ma façon, je répare. Car nous sommes tous solidaires, dans le péché et la sainteté.

Et puis il y a ceux qui meurent, et dont les protégés se retrouvent clochardisés. 

Je n'ai pas fait grand chose pour les autres, sinon écrire, et puis secréter de la beauté, et sauver les animaux qu'ils ont trahis.





 

2 commentaires:

  1. "Je n'ai pas fait grand chose pour les autres, sinon écrire, et puis secréter de la beauté, et sauver les animaux qu'ils ont trahis". C'est déjà BEAUCOUP, Laurence. Merci pour tout et, aujourd'hui, pour les photos. Je me souviens qu'à la fin février/début mars, en Finlande, les paysages de neige, qui sont à peu près les mêmes que les vôtres, s'illuminaient, certains jours, d'un ciel "bleu profond", qui conférait aux paysages une ambiance particulière. Avez-vous, chez vous, Laurence, ce genre de couleur dans votre ciel russe ?

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