Mon ami Henri s’est cassé le plateau du tibia en faisant l'ascension du Bugarach. Il est immobilisé pour au moins deux mois, et je me demande si cela n’est pas providentiel, car cela va le mettre à l’écart de l’hôpital pour un bon moment. J’ai même eu l’intuition que si Dieu avait permis qu’il se cassât la jambe sur sa montagne préférée, c’était pour le mettre à l’abri et que peut-être dans trois mois, les choses auraient changé, et que l'opération Covid avec son vaccin suspect allaient foirer. Car Henri vit une grande aventure spirituelle, il évolue énormément, dans sa solitude, et ce qui lui arrive n’est à mon avis pas un hasard, il est protégé, il est choisi. Le père Basile ne m'a-t-il pas dit que Dieu triait les siens, et les mettait en ce moment sous Sa protection? Henri me donne de l'espoir, et les ailes qui lui ont manqué quand il a fait le vol plané qui l'immobilise à présent.
Cet hiver est vraiment magnifique et se termine bien. Ce matin, le croissant flottait dans une ombre déjà transparente et bleue au dessus des toits enneigés et des arbres cristallisés par le givre. Tout étincelait. Dans la journée, le soleil brillait à travers la neige, tressant et défaisant tour à tour des nuées étincelantes, bouclées, légères, sur un azur profond. Je me reproche de ne pas aller me promener. Et de ne même pas aller à l’église pour les vêpres, mais j'ai lu ce matin l'acathiste aux défunts. J’ai la tête trop pleine de pensées diverses, la situation générale, cet asile de fous planétaire qu'on nous fabrique et où gambadent de plus en plus nombreux les rhinocéros de Ionesco, masqués sous leur corne et leur petit cerveau.
Hier soir, j’ai reçu Benjamin le Suisse, et sa
femme Katia, j’ai invité aussi la mère de Génia, et sa copine du moment, j’avais
fait un gratin de courge et pour cela une béchamel, ce qui ne m’était pas arrivé
depuis un bon moment. Je préparais ce plat, et je me revoyais à Pierrelatte, avec
ma mère ; combien de gratin de courge, d’aubergines ou autres n’ai-je pas
faits à base de béchamel, à l’hôtel du Rocher, quand il y avait ma cousine
Françoise avec Patrick, son mari, qui est mort il y a deux ans, et puis mon
beau-père Pedro, oui, ce n’était pas la madeleine de Proust, mais ça y
ressemblait, à se demander tout à coup ce que je faisais là et où était maman,
et puis aussi tous les autres. Je voyais s'ouvrir un gouffre entre ce moment et mes encore récents déjeuners au Douglas de Pierrelatte, avec le père Gauthier et ce même Patrick, toujours si vivants dans mon esprit. J’ai alors pensé à mon oncle Henri, et à ses
ricounettes qu’il ne me servira plus et j’ai fondu en larmes au dessus de ma
casserole, comme si cela devenait tout à fait vrai ; plus quelque chose
que je redoutais, qui s'est produit et que je n’arrive pas pleinement à
réaliser, mais un fait accablant . Et puis il m’a semblé qu’ils étaient là,
tout proches, ce que je ne ressens pratiquement jamais, même si leur souvenir
ne me quitte pas, ils devenaient très présents, un peu comme la révélation d'une plaque photographique invisible. J’espère que cela ne signifie
pas que je n’en ai moi-même plus pour longtemps, car avec tous les chats que j’ai
sur le dos... Mais je ne crois pas, au fond, je crois que Dieu a encore des
plans à mon égard.
Je pensais que Robert avait disparu, mais non,
il est revenu bien sûr. Il est chassé par un autre chat qui est un matou
dominant et dont j’ai l’impression qu’il a plusieurs maisons. Je l’ai croisé
une fois où j’allais faire mes courses, assez loin de chez moi, il venait à la
rencontre de ma voiture d’un pas tranquille, comme s’il faisait le tour de son
domaine, comme s’il allait relever les compteurs. Robert est famélique et
trouillard, et c’est un petit format qui ne fait pas le poids. Mais il est très
confiant, je peux lui soigner les oreilles, il accepte tout. Pourvu qu’on lui
fasse une place... Et Dieu sait qu’elle est dure à faire cette place et que
personne n’a envie de le voir rester, à commencer par moi.
Les projets de Génia et de Gilles semblent se
concrétiser, et le musée de la balalaïka est à l’horizon. J’ai proposé à
Benjamin de partager de temps en temps mes cours de folklore on line avec
Skountsev. De tous les cosaques, c’est le Suisse vieux-croyant qui est le plus
intéressé par la question !
J’ai demandé dans un fil de discussion où l’on
évoquait la ville d’Orenburg, pourquoi Pierre le Grand donnait des noms
hollandais à des villes russes, alors que cela n’avait jamais été fait dans un
aucun autre pays. Une bonne femme m’a répondu que si, les Etats-Unis étaient
pleines de villes aux noms étrangers, j’ai donc répliqué que les USA étaient un
pays de colons d’origines diverses, ce qui n’était pas le cas de la Russie, ou
bien est-ce que Pierre le Grand avait ouvert la Russie à la colonisation
européenne ? Elle a fini par me déclarer : « Pierre le Grand n’aimait
pas la Russie ancienne qu’il trouvait attardée.
- En effet, alors que c’était une civilisation
unique et très originale, qu’il a totalement méprisée pour construire des imitations
de l’Europe, un faux Versailles à Peterhof, et leur donner des noms hollandais.
Cela ne rappelle-t-il pas les châteaux américains et les cottages en plastique
des nouveaux Russes ? »
Là j’ai commencé à emmerder tout le monde. On
m’a dit que Pierre le Grand se fichait de mon avis, ce qui n’est pas un
argument, car je me fiche bien autant du sien, et du leur,sauf d’un point de
vue scientifique ! Et de leurs réponses j’en ai conclu qu’ils avaient
profondément enfoncé dans la cervelle que jusqu’à leur fichu Pierre, c’était
les ténèbres, alors qu’il a fallu un siècle pour que les Russes retrouvassent leur
originalité et leur personnalité, après la réeducation subie, et nous donnassent
les chefs d’oeuvre du XIX° siècle, avant que d’autres olibrius occidentalistes
ne leur fissent encore subir un lavage de cerveau progressiste. Pas étonnant qu’ils
construisent des merdes et méprisent tout ce qu’il y avait avant 17, et souvent
même après d’ailleurs, cela fait trois cents ans que leurs autorités les
élèvent dans le mépris d’eux-mêmes, à part les derniers tsars, le dernier tout
particulièrement, que l’on a remercié de sa russification enthousiaste en le laissant
massacrer par des démons auxquels je n’aurais confié ni mon porte-monnaie ni
mon chien à garder. Un de ces adorateurs du tsar occidentaliste me parle de sa « propre
conception du beau », selon laquelle il a piétiné tout ce qui était russe
pour édifier des pâtisseries baroques parfaitement déplacées. Mais je suis
absolument persuadée qu’il n’avait aucune conception du beau, justement, sinon
il n’aurait pas fait cela. C’était un être pragmatique et brutal qui ne s’intéressait
qu’à la technique et tout son Saint Pétersbourg est un chant à la gloire de la
puissance, aussi vide que le modèle de Péterhof, Versailles, dont le luxe ne m’a
jamais éblouie. Et seules les
proportions grandioses du paysage russe, le climat du nord et sa lumière particulière
confèrent à cette ville, qui a coûté si cher en vies humaines, une originalité
fortuite et un charme ornirique qui la sauvent. Il y a des moments où je deviendrais vieille-croyante,
quand je vois tout cela, cette pente fatale, et son résultat actuel, et tant de
Russes qui continuent à se renier et à béer d’admiration devant l’occident, au
lieu de s’assumer comme ils sont. Il faut dire qu’à force, ils finissent
parfois par ne plus se ressembler.
Pierre le Grand est un 666, comme Napoléon. Gogol (les Ames) et Tolstoï (Guerre et paix) nous ont mis en garde contre les politiques (ne disons pas monarques) incarnant le progressisme. L'idée de la Russie progressiste unie aux USA (avec la Hollande dans le rôle sinistre et central d'inspirateur prototype) se retrouve dans l'Ada de Nabokov, hymne pédophile. Voyez mon Dostoïevski et la modernité occidentale (Amazon).
RépondreSupprimerAh j'aimerais bien le lire!
SupprimerOuais , mais faut pas l'acheter chez Amazon . Il faut boycotter tout ce qui est yankee !
SupprimerDagobert