J’ai déplanté un de mes thuyas qui
était déjà assez grand, et je l’ai traîné jusqu’à la parcelle qui longe le
voisin, car j’étais incapable de le charger dans la brouette. Je l’ai mis
devant mes fenêtres, près d’un autre plus petit, et d’un noisetier déjà développé que j’avais trouvé au Dendropark l’année dernière. Le noisetier, ça
pousse très bien et semble-t-il partout, c’est touffu. Le problème a été de
bien calculer pour que tout cela puisse harmonieusement pousser ensemble sans
se gêner. Ce jardin est très difficile à aménager, il est mal fait, bordé de
bâtisses horribles, survolé par des fils électriques, et la nappe phréatique
est toute proche. Il me faut remplacer le thuya par quelque chose qui n’étouffe
pas le pommier...
Après le noisetier, j’ai planté un saule pleureur nain que m’a conseillé la vieille du Dendropark. Il ne dépasse pas quatre mètres. Et ensuite un saule crevette qui fait aussi dans les trois quatre mètres. De toute façon, quand la véranda sera faite et le perron déplacé, je n’irai plus trop de ce côté. Mais c’est là que donnent les fenêtres de mon atelier, donc j’essaie de me ménager une vue normale, sans m’enlever toute la lumière. Je pense avoir pas mal joué, justement. Les deux thuyas restent toujours verts, et sont face à l’horrible façade en plastique façon fausses briques. Ils poussent vite, ne prennent pas trop de place, il suffit pour moi qu’ils fassent écran devant la fenêtre où je travaille. L’un d’eux cachera partiellement la terrasse. Après viennent les feuilles caduques de taille raisonnable, quatre cinq mètres maximum, j’ai planté tout cela en quinconce, pour faire plus naturel et pour ménager à chaque arbre plus d’espace. Je laisserai se répandre parmi eux les roseaux et autres espèces adaptées. Il me faut recréer un système de drainage. Mais je crains le pire pour l’avenir. Un voisin m’a dit qu’ils avaient construit une route, vers le lac, et coupé tous les canaux qui permettaient aux gens d’évacuer les eaux de leur jardin. Le type qui m’a livré aujourd’hui de la terre, de la terre normale, légère, en quantité raisonnable, m’a raconté que le voisin d’un client avait déversé cent camions de glaise dans sa propriété, déclenchant au malheureux toutes sortes de problèmes.
A Moscou, Sobianine, le libéral mondialiste à l’oeil torve, commence à attaquer les derniers jolis quartiers encore homogènes, Zamoskvorietché, Ivanskaïa Gora... La chose est maintenant complètement officielle, les barbares s’en vantent, ils ont même un architecte pour diriger les ultimes profanations exercées sur la troisième Rome.
C’est
tellement horrible, je ne peux même plus réagir, parce que c’est de tous les
côtés qu’on détruit pour construire des bâtisses arrogantes et glaciales, des mausolées gigantesques, des cathédrales du diable, on nous fait un monde
affreux, irrespirable. Certains me demandent si les gens ne peuvent pas protester, mais ils protestent. Ils protestent en vain, personne n'en a rien à foutre, même les ukases de Poutine ne sont pas respectés. Je renvoie mes lecteurs aux propos du médecin que j'ai publiés récemment. Les matelots ivres qui tirent aux intellectuels des coups de revolver dans la bouche. C'est la mentalité de la mafia. Quand Bernanos définissait le monde moderne comme une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure, était-il complotiste?
Un prêtre, le père Evgueni, qui vit dans le nord de la Russie, fait un constat spirituel assez sombre, et en appelle au réveil de "nos Césars". S'ils sont orthodoxes, comme certains prétendent l'être, qu'ils agissent en orthodoxes; qu'ils prient officiellement, comme Chaïgou se signant avant la parade militaire du 9 mai, qu'ils essaient de suivre la volonté de Dieu au lieu de leur volonté propre ou pire, celle d'obscurs commanditaires sans patrie. Le tsar, dit-il, c'était autrefois, en fin de compte, un évêque civil. Il cite un proverbe russe: "Si le peuple pèche, le tsar priera pour lui, mais si le tsar pèche, personne ne le fera".
Ce proverbe très profond pourrait être mis en exergue de mon roman Parthène le fou. Il pourrait symboliser toute l'histoire russe, depuis saint Vladimir jusqu'à Nicolas II, immolé avec toute sa famille au Moloch des temps modernes.
J’ai vu la photo d’un projet d’aménagement de
la rivière Troubej, c’est précisément de cela que rêvent les dégénérés contemporains. Plus rien de naturel. Comment transformer une rivière
vivante en canal Disneyland, il ne manque que les nains de jardin. Rives
maçonnées, gazon bien tondu, petits massifs, petites allées, le rêve
sous-bourgeois des descendants de komsomols élevés dans le béton et les meubles
en contreplaqué poli bourrés de « souvenirs » nunuches. Ces gens-là avaient pour ancêtres des Russes normaux, ceux qui construisaient et décoraient les jolies
isbas que j’ai connues ici, qui portaient de magnifiques vêtements, chantaient,
jouaient et dansaient de magnifiques chansons ; comment est-on arrivé à produire ces infirmes de l'âme ? En tous lieux, finalement, on a
fabriqué des individus qui répondent à la définition des enfants-loups, privés de la transmission nécessaire à leur développement normal. Bien
sûr, ils ont reçu quand même des stimulations qui leur ont permis de vivre en
société, dans cette société hideuse, mais ils n'ont pas reçu ce qui
faisait des gens d’autrefois de vrais êtres humains. On voit cela en France, et
on voit cela ici, ce sont les citoyens du monde nouveau, les orques du Mordor.
Simplement, en Russie, les résistants (passifs) restent plus nombreux et plus
décidés, peut-être parce qu'ils ont été moins "gâtés". La théorie de mon plombier, c'est que sans la période communiste, les Russes seraient tous devenus comme les occidentaux, raison pour laquelle Dieu a permis cela. Ils ont longtemps échappé à la perversité subtile du consumérisme.
ils avaient cela |
ils rêvent de cela. |
A l'église, j'oublie tout cela, je vois mon merveilleux évêque Théoctyste, et je me retrouve en Russie. A la liturgie de la Cène, je me sentais pleine de grâce, et je me disais que j'avais choisi d'aimer la Russie pour ce qu'elle avait été, ce qu'elle est partiellement encore, que j'avais choisi la sainte Russie jusqu'à la mort. Monseigneur Théoctyste se soucie beaucoup de mon oeil blessé, comme tous les Russes, il plaint particulièrement les étrangers de subir les aléas de la vie quotidienne russe, bien qu'à vrai dire, la vieillesse soit, tout autant que l'état des trottoirs, la cause de ma chute. L'ancienne directrice d'école m'a grondée de ne pas être allée voir un médecin, et m'en a recommandé un. Pendant que je discutais avec elle, une femme arrive, en larmes et souriante. "Que t'arrive-t-il, Galia? demande l'impérieuse directrice, appuyée sur sa canne.
- Tu te rends compte? Je viens de communier, je n'avais pas communié ici depuis dix ans, gloire à Dieu!"
Une veille babouchka m'a prise par le bras: "J'ai vu votre émission, vous êtes une femme forte. Tout laisser là bas pour venir chez nous, c'est un exploit! Dieu vous aidera".
Pour ce qui est de la résistance, spirituelle et physique, l'Ukraine du métropolite Onuphre et le Donbass nous en montrent l'exemple, et je suggère à tout le monde de regarder le magnifique documentaire que je propose ici, avec dans les paramètres des sous-titres français, que j'avais corrigés à la demande de la réalisatrice. C'est le combat de gens dignes et lumineux contre les ilotes de la mafia.