vendredi 7 mai 2021

Concert pour les brins d'herbe

 

Je dois aller demain à l'enterrement de Marie Gestkoff à Pouchkino. J’en profiterai pour me rendre à Moscou, et mardi, j’ai rendez-vous avec l’éditeur de Iouri Iourtchenko, pour lui présenter Yarilo. Il a été très aimable au téléphone; j'espère que je pourrai publier chez lui.

Ma voisine Ania me supplie de ne pas déménager ; mais elle m’a avoué que les choses ne changeaient pas en bien, que jusque là, on avait été tranquille, mais que notre tour était venu. Son lopin est aussi spongieux que le mien, ils ont déversé des quantités invraisemblables de terre dans le marais, et fait une route, pour construire n’importe quoi selon le principe "prends le fric et tire-toi". Comme le voisin , qui s’est précipité pour construire sa grosse maison affreuse, en bétonnant tout sous la glaise, dans l’espoir de gagner 70 000 roubles par mois pendant l’été, mais quel est le touriste qui va payer ça pour se retrouver dans un coin sinistre avec vue sur la bagnole depuis la terrasse ? D’après Ania, il ne fait rien pour améliorer ma situation, parce qu’il a des problèmes d’argent, sa maison n’est pas du tout rentabilisée. Quand même, réfléchir, cela peut-être utile, même sur un plan bassement pragmatique.

Donc, j’ai bien des moments d’angoisse, mais je pense que la petite maison de Pâques est arrivée juste à temps. 

Je voudrais bien aller en France voir ma famille, qui me manque, mais je ne veux pas me faire vacciner, ni même subir le test douteux; me faire ramoner les fosses nasales avec ma sinusite chronique, pas question. Je suis sûre qu’après ma grippe de 17, suivie d’une autre un peu moins grave en 19, je suis bourrée de coronavirus stras, je l’ai, mon immunité, et leur vaccin pourri qui ne m’inspire aucune confiance risque de me rendre malade, alors que je me porte comme un charme. Il me paraît évident que les pressions exercées sur les gouvernements, assorties de ces chantages et propagande hypnotique sur les peuples, cachent des intentions ténébreuses et complètement démentes. Le problème est que ma famille n’y croit pas, à part une cousine éveillée sur le problème. 

Cet après-midi, je me suis mise dans le jardin pour jouer des gousli, bien que je sois maintenant à la vue de tous, de l'autre côté de la vague de glaise où même les mauvaises herbes ne parviennent pas à pousser, le rêve de parfaite stérilité de l'homme contemporain. L’autre jour, Facebook a sorti une vidéo où je chantais une chanson que j’avais composée à Cavillargues, « cathédrale passagère » ; en l’écoutant, je pleurais comme un veau, et en la jouant aussi. C’était pour moi la petite musique de la France qui s’éteint dans un néant glacial, une France primesautière, solaire, joyeuse et hardie, et j’en avais le coeur brisé. Tout me revenait, l’Armençon, Pierrelatte, l’hôtel de maman, tous les nôtres déjà partis, et notre pays qui meurt avec nous, je ne suis même pas sûre que la Russie survive. Que Dieu nous vienne en aide. 

 Cathédrale passagère

 

Les platanes du bord des routes

Avec leurs piliers et leurs voûtes,

Leurs démons et leurs angelots,

Leurs gargouilles et leurs vitraux

 

Sous le vent guident ma voiture

Vers l’horizon de lumière pure

Où le soleil dans ses draps blancs

S’est étendu comme un gisant.

 

Les nuées passent éplorées

En agitant leurs encensoirs

Sur l’autel des forêts couchées

Qui s’assombrissent dans le soir.

 

A travers mes larmes priant

Sur les chemins bleus du midi,

Je pense encore à toi, maman,

A ceux qui sont déjà partis.

 

Partis, je le crois, juste à temps

Avec le pays rayonnant

Où je cueillais des coquelicots

Et qui ne sera plus bientôt

 

Qu’un champ de ruines sous le vent,

Soumis à ces démons errants

Qui nous guettaient depuis longtemps

Et nous ont trouvés consentants.


Jouer dans le jardin a un effet magique : cela me réunit avec tout ce qui m’entoure, avec le ciel qui me paraît deux fois plus beau, plus vif, plus lumineux, avec les fleurs translucides et l’herbe verte, avec le vent qui passe, ses moindres frémissements, et les mouvements des roseaux et des branchages. Je pense que si l’homme n’avait pas perdu ses chants, il se conduirait autrement avec la nature qui l’entoure, il ne la profanerait pas de la même manière, et je sens qu'elle écoute, quand on joue, elle est attentive, alors que tout le vacarme que font nos radios et nos diverses machines l’assourdissent et lui nuisent. Elle nous écoute et chante avec nous; elle se régénère avec nous. Je serai profondément heureuse et apaisée de pouvoir le faire là haut, à Pertsevo, sur ce terrain dégagé, face aux nuages. Je regrette juste de ne pas l'avoir fait toute ma vie, car normalement, c'est de cela qu'une vie devrait être remplie, je le sais depuis ma petite enfance, et non seulement on nous la vole, mais on la vole à tous les êtres vivants dont l'existence est compromise et gâchée par la nôtre.



J'ai essayé!



 

 

5 commentaires:

  1. Bonsoir Laurence,
    Il semble que le village de Pertsevo aurait été donné vers 1420 au Monastère de la Dormition de Goritsi par Vassili Ier Dimitrievitch, fils de Dimitri Donskoï et arrière-arrière grand-père d'Ivan IV. Vous resterez donc dans la famille...

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    1. Ici, la famille est partout présente ! Dimitri Donskoi avait caché sa femme et ses enfants à Pereslavl, et les tatars l'ayant su, voulaient les prendre en otages, ils ont trouvé refuge en barque au milieu du lac, dans le brouillard, une procession annuelle sur le lac commémore l'événement. Ivan le Terrible à beaucoup construit ici, et son opritchnik Alexei Basmanov à construit une église au village de Elezarovo, un peu plus loin sur la route de Iouriev Polski.

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  2. Votre nouvelle maison est tellement charmante, félicitations, quelle joie pour vous et Gloire à Dieu !
    Yann.

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  3. Sous le vent guident ma monture

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    1. voiture, je voyage en voiture, je ne voyage pas à cheval. C'est dommage, d'ailleurs.

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