Le temps s'est réchauffé d'un seul coup, et la végétation s'éveille de la même manière, à toute vitesse. Partout de vaporeuses ramures d'un vert lumineux et translucide, partout des fleurs de merisiers et de pommiers, les jonquilles, les narcisses, les tulipes... Mais un orage de grêle a endommagé ce matin, ces corolles fragiles qui embaumaient tout mon jardin.
Hier, je me suis installée dehors pour jouer des gousli. Ces sons cristallins et hypnotiques me mettent dans état contemplatif bienheureux et profond. Ils réunissent autour de moi tout ce qui m'entoure, le vent qui m'effleure et froisse les feuilles naissantes, emportant des nuages argentés et fripés, pleins de lumière; les fleurs du poirier, les petites lampes des narcisses dans l'herbe verte; les chats répartis autour de moi, Georgette sur la table, Blackos sur la chaise, Robert à mes pieds. Le tonnerrre gronde au loin, des gouttes s'écrasent autour de nous, le ciel bascule dans une ombre énorme et pourtant la pluie brille comme une chute de minuscule diamants, imprégnée de soleil. Tout cela entre en moi avec le chant des gouslis. Je pense quelquefois que si par malheur je finissais ma vie aveugle, eh bien d'avoir appris à en jouer me permettrait de continuer à créer.
Comme je ne peux plus fermer mon portillon depuis les travaux du voisin, j'ai eu la surprise de voir tout à coup dans mon entrée une bonne femme hagarde au front tuméfié. Elle sentait la vodka à plein nez et me demandait de l'argent, que je n'avais pas, en me racontant des histoires à dormir debout. Je lui ai donné une série de pièces grattées dans mon porte-monnaie, elle est repartie vers les voisins pour leur en extorquer aussi. La jeune Nadia venue m'aider m'a dit que je n'aurais pas dû lui donner quelque chose. C'était la femme qui avait adopté la soeur de ma chienne Rosie, et celle-ci d'ailleurs la suivait, inquiète, sans doute pour la protéger, ce qui m'a emplie d'une profonde tristesse.
Aujourd'hui, se répétait l'opération Tom Sawyer qui consiste à repeindre une vieille maison typique pour embellir la ville et attirer l'attention des habitants sur leur héritage culturel. Cette fois, j'ai participé. Et tout le monde était ravi que la curiosité locale se soit jointe à l'affaire. J'ai même du poser pour la photo et discuter avec une délégation de jeunes touristes.
En ce qui concerne mes propres histoires de maisons, je passe par toutes sortes de stades. Il ne m'est naturellement pas facile de laisser celle-ci, bien que, dès le départ, elle ne m'ait pas semblé répondre à ce que j'attendais, mais j'ai déployé beaucoup d'efforts pour lui donner du charme et organiser son jardin, je n'imaginais pas encore partir. Ma voisine Ania est venue discuter avec moi, elle ne voudrait pas perdre le contact. La famille d'Ania est la meilleure du quartier, et leur fils est un vrai jeune garçon russe. Il est obligé d'aller à l'école après le déjeuner, de sorte qu'il n'a plus de temps pour rien d'autre. Dans l'esprit contemporain, l'école doit primer sur tout, et nous ne sommes pas censés, au cours de notre vie, avoir du temps pour quoi que ce soit d'autre que l'école, puis le boulot; avoir du temps, cela permet de penser et de réaliser qu'on n'est quand même pas né seulement pour "travailler de toutes ses forces pour son patron", comme disait monsieur de Mesmaeker en regardant Gaston Lagaffe jouer dans les feuilles tourbillonnantes, chassées par le vent d'automne.
Ania pense qu'on nous prépare un monde horrible, où il n'y aura pas de place pour les faibles, les vieux, les petits, un monde où règneront la prédation et l'indifférence, et elle est heureuse d'avoir eu le temps d'élever ses enfants dans un endroit encore normal. Elle pense que Poutine ne marche pas là dedans, mais qu'il n'a pas les pouvoirs qu'on lui prête, et c'est certain qu'il ne les a pas.
Une personne m'a contactée sur facebook, pour me dire qu'elle habitait Pertsevo, me donner son numéro de téléphone et m'offrir son aide et son amitié...
Dans la nuit, je suis sortie, et j'ai vu un chaos de nuées blêmes dans un ciel déjà pâlissant, grisâtre. Des gouttes tombaient. Les rossignols chantaient de toutes parts.
Pour nous remonter le moral, Rita:
Très beau texte Laurence. Vous passez toujours aussi froidement du sacré à la triste réalité. On adore les gousli aussi, qui permettent de s'échapper des prisons : voyez Maria Iskounitza d'Alexandre Rou. Un exemple : https://www.youtube.com/watch?v=M5ot7ET2CPk
RépondreSupprimerC'est lui P et ses informaticiens mishustin et liksutov qui construisent rapidement un camp de concentration électronique total dans notre pays. Que l'Éternel les rétribue selon leurs oeuvres!Ils veulent etre les premiers au monde avec le face-paye......
RépondreSupprimerLa méthode de paiement du voyage avec l'aide du visage, ou Face Pay prévoit de lancer dans toutes les stations de métro de Moscou d'ici la fin de l'année, a déclaré dans une interview à RIA Novosti le maire adjoint de la capitale pour les questions de transport Maxim liksutov. "Avant la fin de l'année, nous voulons lancer Face Pay sur toutes les stations sans exception", a déclaré liksutov.https://www.youtube.com/watch?v=FO3sOaQZu7A
Quelle horreur....
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