mercredi 16 juin 2021

80 belles journées.

 


J'ai vu que la maison de Nadia la chevrière avait brûlé. L'incendie est une chose qui me fait très peur, ici. J'ai rencontré Nadia plus tard, avec ses chèvres, elle faisait preuve d'un certain fatalisme. Elle s'est installée avec son mari dans la grange. Les chèvres restaient enjouées comme si de rien n'était. 

Je venais de recevoir des journalistes de la chaîne de télé "Saint-Pétersbourg", très gentils. Ils faisaient une émission sur Pereslavl, ils ont interviewé Nadia dans la foulée: "Pourquoi moi? s'est-elle récriée, je ne vais vous raconter que des choses tristes!"

Ils ont interviewé aussi les voisins d'en face. Ils cherchaient des gens du cru, et non des importés. Bon, moi je suis importée, mais ils m'ont interrogée quand même, puisque je fais partie des curiosités du pays. "On dirait que des natifs du coin, il n'y en a plus, m'ont-ils dit.

- J'en connais quelques uns, mais c'est vrai, il y a beaucoup de moscovites, et aussi d'Arméniens, d'Ukrainiens, et quelques Français ou Européens...

Ils m'ont demandé de chanter mais j'ai été nulle. Un des garçons a protesté qu'il avait une éducation musicale et n'était pas de cet avis, et qu'il couperait les erreurs au montage. Mais j'étais affligée, car je chante et joue beaucoup mieux d'habitude, et c'étaient des chansons que je connaissais bien.

Auparavant, j'étais allée au café français rencontrer les artisans de Gilles. J'y ai vu mon éléctricien Kolia, et l'assistant de Gilles, Sacha, m'a expliqué pourquoi on l'y rencontrait si souvent: sa petite amie y travaille. J'étais contente pour ce jeune homme qu'il ait trouvé sa paire.

Les artisans sont tadjiks ou quelque chose comme ça, pas russes. Ils font justement une véranda à Gilles, dans sa maison de Koupanskoié. Ils proposent de faire la mienne un peu plus grande que je ne le pensais, je redoutais que cela ne soit pas très harmonieux, ils m'assurent le contraire. C'est pour une raison de fournitures, afin de limiter les pertes, en fonction de la longueur des planches fournies à la base de Brembola. D'un autre côté, j'aurai plus de place, et ça cachera mieux la maison du voisin. Ils ont l'air de savoir ce qu'ils font. L'un d'eux m'a dit qu'il avait travaillé chez moi du temps de Kostia, avant mon arrivée.

Il faisait chaud et lourd, je n'ai jamais vu autant de moustiques que cette année. Je pense quelquefois à cette phrase d'une Russe sur facebook: "Nous n'avons que 80 belles journées par an, mais elles sont superbes." 80 belles journées, cela fait presque trois mois, eh bien je ne suis pas sûre qu'on les aie, enfin, à moins de compter les belles journées d'hiver. Aujourd'hui, cependant, miracle, du soleil, du vent, et un ciel d'azur, avec juste quelques allusions de nuages de temps en temps. Je suis restée toute la journée dehors, après la tonte du jardin, j'ai joué des gousli, beaucoup mieux que devant la télé de Saint-Pétersbourg! Et tout était mystérieusement paisible, le ciel semblait se solidifier dans ma clôture bleue pour pénétrer et sertir la verdure phosphorescente, et les iris illuminés me rappelaient les veilleuses translucides des églises. Je pensais aux réflexions du métropolite Antoine de Souroj sur la prière. Ces moments d'émerveillement, et de silence, un silence qui n'est pas une absence de sons, mais l'absence de ces bruits qui nous empêchent de percevoir le chant de la vie, et d'atteindre à cette paix et à cette perméabilité aux émanations bénéfiques du sacré, du cohérent, de l'organique, de l'Existant et de l'Eternel.

Mais vers le soir, c'est devenu cacophonique, tondeuses, motos, gosses, déambulant radios sous le bras... J'ai trouvé sur facebook encore un témoignage du passé sur l'admirable chant populaire russe que tout le monde pratiquait. Un voyageur note que les gens du peuple adorent la musique, que les chants sont élaborés et interprétés par des voix magnifiques. Mais bien souvent, les parents de ces gosses élevés aux bruits mécaniques agressifs et à la musique de merde, sont persuadés par plusieurs décennies de lavage de cerveau que leurs ancêtres vivaient à quatre pattes dans la boue, dormaient dans des huttes, une bouteille de vodka dans une main et une balalaïka dans l'autre, et qu'ils sont beaucoup plus évolués qu'eux.

https://www.facebook.com/laurence.guillon.10/posts/10223145475058966?__cft__[0]=AZXfSA4pJqP8NRBpSWx15ststnUY5nY92-0TfHRBB3JR3dCCfDN8c0MDdWOWk7mycB5amaoopHhbJxEvFYgo9oMQqQT0IpwGi7AhafQ_8zUCikwDutArHqghf5DgLACSlj9HlZrt9Wj_rOTyX_YMVFQk-3JIGyFWUIFftgGHi84Vcg&__tn__=%2CO%2CP-R

Pour être juste, en France, c'est la même chose. On a élévé déjà trois ou quatre générations d'abrutis persuadés que le moyen âge, c'était les ténèbres, et qu'être paysan, c'est bon pour les débiles.

J'ai vu passer un documentaire français sur les destructions du patrimoine à Moscou et en province, et sur le mauvais goût fantasmagorique du richard russe. C'est hélas la vérité. Ce qui m'a profondément affligée, c'est que Nikita Mikhalkov, dont j'aime l'intelligence, l'humour, la culture et les émissions salutaires semble avoir trempé dans de telles affaires immobilières, je comprends pourquoi il n'a jamais donné réponse à ma lettre...

 https://www.facebook.com/effetpapillonofficiel/posts/243515760909407?__cft__[0]=AZUPdOxGPucfe7vjC0giWSbjwuB3jcnoB1hpim3g7gRf1FswDYHLmKxFjm2OkL87I_YdmR-9hFUQrxDR52eT6X8EIo6LzklUI8ZTFSnBp7XNTCBVC_g4x6VjlNjjx7aoU57KPhD5bgKqQs3of64xSdSkU-gj1vJ6N2VfKffJy9pdDQ&__tn__=%2CO%2CP-R

Le succès et la richesse soumettent à bien des tentations...








5 commentaires:

  1. Bonjour Laurence; Le "monde Russe" pour le conserver il faut donner ici en Russie le travail au russe;sinon il disparaitra comme disparait le monde Francais et autre monde occidental.....Les ouzbeks"tadjiks,kirguizs"ne savent pas travailler(ils ne font et ne feront rien pour le monde Russe) ;ils font de tout mais rien de qualite comme le vrai dicton francais"le temps ne respecte pas ce qu'on fait sans lui",les russes savent faire quand ils le veulent;les uns savent les autres "veulent?",c'est bien different,mon experience de conducteur de travaux depuis 1993 en Europe et en Russie me permette une telle analise;mais notre devoir est de faire de notre mieux pour conserver le "monde Russe",et il est logique qu'un russe gagne plus.....La vie sans sacrifice ne sert a rien,c'est facile a comprendre aux orthodoxes!Iakov.

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    1. C'est un aspect des choses mais pas le seul. Il faudrait faciliter la vie en province, le retour à la terre, les traditions, sauver celles qui subsistent,les transmettre. C'est ce que font ceux qui préservent le folklore ou les savoir-faire artisanaux. Il faudrait mettre tout cela en lumière, au lieu de passer de la merde en boucle dans les médias. Mais personne ne le fait, bien contents encore quand ils ne nous gênent pas.

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    2. https://www.youtube.com/watch?v=j3byQAy6UNs a propos de musique....le retour a la terre est un projet titanesque;ceux qui tirent les ficelles ont organise cet exode de la campagne vers la ville pour nous faire devenir dependant du confort,alors que du cote campagne on pouvait ce passer de bien de ces choses...et comme en Europe pour vivre a la campagne faut etre assez aise,car il ne ce trouve ni magasin,ni ecole et autre infirmerie,qu'ils ont bien pris soins de suprimer pendant de longues annees;et donc la campagne devient un lieu pour les retraites qui n'ont pas besoin d'aller a l'ecole ou au boulot tous les jours........Iakov.

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    3. Le choeur d'hommes du Brassus chante depuis 150 ans https://www.youtube.com/watch?v=0Cx141B1zUs ...Iakov

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    4. Pour retourner vivre à la campagne, il faut être prêt à oublier l'école, le médecin etc. Il y a un prêtre qui l'a fait et qui a une petite communauté autour de lui. J'avais vu une belle vidéo, là dessus. Je l'avais même passée sur mon blog. Je serais plus jeune, actuellement, j'essaierais de le faire. Car nous ne serons plus soignés et les écoles deviennent des lieux de perdition. Nous n'aurons plus le choix qu'entre le village perdu, si on nous laisse encore le rejoindre ou l'esclavage dégradant et la folie. Ou le martyr. A moins d'un miracle, d'un événement inattendu.

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