mardi 12 avril 2022

Bouvreuil


L'icône brisée que le père Nikita Panassiouk avait retrouvée dans l'église bombardée d'une église de son doyennat a été restaurée. J'y vois un message d'espérance, le père Nikita est un roc d'espérance. 

Je disais dans ma dernière chronique que l'une des options qui se présentait aux orthodoxes de France était l'ermitage dans la montagne, j'en connais un qui met en pratique, à sa façon, depuis bien longtemps et que j'ai vu ressurgir, avec un beau texte et une belle photo, sur les réseaux sociaux, dont il avait complètement disparu. Je pensais qu'il faisait retraite et que peut-être il ne reviendrait jamais dans ce creuset des passions mondaines...

 Se retirer du jeu n'est pas la plus mauvaise des portes de sortie, et je suis souvent tentée de le faire, comme je l'ai d'ailleurs souvent dit, pareille en cela à Ivan le Terrible, soupirant qu'il détestait le pouvoir et aspirait à prendre l'habit au monastère de Saint-Cyrille-du-Lac-Blanc. Mais non, je ne suis pas prête à cela. Je ne suis vraiment pas un exemple de sérénité pleine de grâce, et pourtant, je pense que je suis à ma place, que c'est celle que je dois occuper actuellement. Je le reconnais à une sorte de consentement intérieur, de certitude. Au sein de mes faiblesses, de mes trahisons, de mes défaillances, je reconnais ce rassemblement, cette mobilisation,  cette concentration qui nous sont donnés quand on se trouve dans le droit fil de sa vie et qu'on se met à grandir, à prendre de l'élan. J'ai lu chez une Russe qui commentait la situation: "Il nous faut en ce moment devenir comme un poing fermé de prière".

Néanmoins, je ne suis pas fière de mon carême, qui avait bien débuté, et part en eau de boudin. Enfin comme me l'a dit le père Andreï, la semaine Sainte est à l'horizon, c'est le moment de prendre un second souffle.

Une jeune femme russe m'a contactée sur VK. Elle est en France depuis une dizaine d'années, son mari avait été invité à enseigner la musique dans un conservatoire de province. Au moment de leur arrivée, ils étaient euphoriques, les petites rues anciennes, les bistrots, les restaurants, les boutiques, et ils s'étaient vite et bien intégrés. Maintenant, ils envisagent de rentrer, leur paroisse est soumise aux intimidations bleues et jaunes dont j'ai parlé, un prêtre a reçu des menaces de mort, et ils sont les seuls "moscovites" des environs. On verra si remplacer les Russes intégrés par leurs cousins bleus et jaunes sera pour la France une bonne opération. Mais nous avons eu maintes fois l'occasion de constater que le gouvernement se fout éperdument de l'intérêt de la France et de celui des Français. Qui pourtant, semble-t-il, en redemandent, pas rancuniers; mais ces élections sont une telle farce, avec l'éternelle comédie des "extrêmes" qui n'en sont pas, et du choix entre la "démocratie" et le "fascisme"... Le fascisme, il faut être aveugle pour ne pas voir où il est, et encore, le mot même est si dévoyé, disons le totalitarisme faux derche et protéiforme.

J'ai vu se déchaîner dans les commentaires d'un site orthodoxe une haine hallucinante. Des injures hystériques contre le patriarche. On dirait que l'occident entier se mue en sabbat de sorcières. Ils sont prêts à tous nous brûler. Sous une vidéo où un chanteur d'opéra français, installé à Donetsk, porte secours à une fillette locale, un bon franchouillard écrit: "Barre-toi d'Ukraine avec ta gamine russe".

Mais la "gamine russe" est chez elle, là où elle est... qu'elle soit russe ou ukrainienne est un point qui peut se débattre, reste que la population du Donbass est chez elle, ses ancêtres sont là depuis des siècles, quel que soit l'endroit où des policiens font passer le frontière tous les cinquante ans, ou les intérêts que la famille Biden a sur place.

On sent que bon nombre de minables sont si contents de haïr sans chercher plus loin quand on leur en donne l'occasion. Du reste, du plus loin que je me souvienne, cela a toujours été le moteur de la gauche qui aime en théorie, mais déteste pour de bon, avec une hargne de piranha. 

Tout fond et se transforme en boue jaunasse. Je suis allée faire un tour juste avant, quand le vent est devenu doux, et je me suis laissée enivrer par son souffle, sur l'escarpement, face au lac, avec une impression d'épuisement bienheureux. Il y avait encore de grandes plaques de neige partout, et quelques crocus pressés dans le jardin, comment font-ils pour fleurir si vite? 

Moustachon m'a ramené un bouvreuil ce matin, j'étais consternée. Le bouvreuil est vivant, mais son aile est abimée, elle n'est pas cassée, mais il lui manque des rémiges, et il ne peut voler, ce qui le condamne à mort, si je le relâche. J'ai appelé des spécialistes des oiseaux, mais il faut le confier à un centre qui est à Moscou, dans un coin impossible. Je nourris le bouvreuil dans un panier en plastique pour le transport des chats et une pièce fermée. Et je suis chargée de lui donner des antibiotiques, ce qui n'est pas une mince affaire. Je dois aller à Moscou, après demain, et je vais essayer de le porter là où il le faut mais cela va énormément me compliquer la vie, alors que j'ai accepté de faire le soir même un concert de vers spirituels au monastère Donskoï.. 

En allant acheter les antibiotiques, j'ai fait un saut au café. J'y ai trouvé Gilles et Lika, à la grande joie de Rita. J'ai raconté l'histoire du bouvreuil et ajouté que j'en avais ras le bol des chats, que je n'en pouvais plus. Lika a abondé dans mon sens, ils en ont à peu près autant que moi, leur plus ancien vient de mourir, mais il en reste encore assez pour leur pourrir la vie. Les descriptions qu'elle m'a faites de ses misères correspondent en tous points aux miennes: les déjections dans des endroits aberrants, les coupes de fruits, par exemple, les draps et les vêtements tapissés de poils, les objets cassés, lacérés, les pisses sournoises jusque sur l'écran de l'ordinateur, les odeurs, le nettoyage incessant pour éviter de laisser la maison tourner au vrai taudis puant, un vrai bonheur. Comme moi, ils sont envahis par les chats des autres, ceux qui sont maltraités ou abandonnés par des pignoufs sans coeur.











4 commentaires:

  1. Toujours un régal de vous lire, merci.
    Pour les chats. Il faut leur accorder que l'hiver Russe ne facilite pas la vie en extérieur qui est essentielle pour un chat.... surtout en ce qui concerne la propreté....

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  2. Merci pour cette page, toujours une joie de vous lire.
    Pour les chats, il ne faut pas trop leur en vouloir quand même, les hivers Russes ne leur permettent pas de vivre à l'extérieur comme de vrais chats, en particulier pour la propreté ;)
    Y.

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  3. Les chats ... Il fuat demander conseil à marine ...:-))) . Blague à aprt , j'ai un matou , que nous avons fait castrer à 4/5 mois . Cela a certes modifié son comportement , mais il est tout doux , obéissant etc... Très propre . Il ne pense qu'à bouffer (là 'faut serrer la vis) et à dormir (la galéjade , 'y peut pas y penser , car il n'a jamais pratiqué ...:-)). Aucun pb , ni de pisse , ni d'odeur .

    Nicodème

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  4. Au sujet des déferlements de "mots" sur le net, ne regardez pas trop dans cette direction: ils ne sont pas prêts à grand chose en vérité! Le monde virtuel leur donne des ailes, mais situez-les dans la matière, et là... pshuit! plus rien! On remplit du vide avec de la laideur ces temps. Mais il y a les autres, ceux qui justement prennent conscience de ce vide et qu'il y a de la lumière en eux, en cherchant bien.

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