lundi 22 août 2022

Retour à Kourmych

 


L'héroïque Sacha Viguilianskaïa, la belle Alexandrina, qui fait des miracles dans le village où ses ancêtres exerçaient leur ministère, fête l'inauguration du musée local, où elle a rassemblé des objets d'autrefois trouvés en restaurant l'église, ou donnés par des gens du cru. Objet d'une certaine hostilité sournoise, au début, et de potins invraisemblables, elle a gagné le coeur de nombreux habitants de cette bourgade qui maintenant la soutiennent et lui offrent son aide, mais elle subit aussi beaucoup de vexations et de trahisons. On fête le 650° anniversaire de la ville, appelons cela une ville, puisque c'est ce que c'était avant la révolution, une petite ville de marchands, avec un lycée. Il y avait cinq églises, il n'en reste plus que trois, dont celle de Sacha, qui était devenu un club, avec dancing et cinéma, et l'église saint Tikhon, en très mauvais état, mais on y célèbre à nouveau des liturgies. Le prêtre, le père Dmitri, au type tatar prononcé, fait des kilomètres quotidiennement pour remplir son office à différents endroits de la région.

Sacha, en l'honneur de cette fête, avait organisé pour la seconde fois depuis la révolution, une procession à travers la ville, d'une église à l'autre, et invité pour cela des représentants de la corporation des porte-bannières de Nijni-Novgorod. Cette confrérie avait son costume, un caftan bleu marine avec des franges et des pompons argentés ou dorés, et un intellectuel du coin a décidé de la restaurer, avec son apparat et ses coutumes, il espère que toute la Russie suivra son exemple. Il est fascinant de constater que si, en occident, les églises font tout pour se mettre à la page, l'Eglise orthodoxe ici fait de grands efforts pour retrouver les usages anciens. Il y a évidemment des modernistes, mais enfin dans l'ensemble, pour l'instant, le croyant cherche à retrouver son terreau d'origine.

La liturgie m'a semblé extrêmement fervente. Puis nous sommes partis, précédés de nos porte-bannières, par la rue lumineuse de cette bourgade délabrée, où subsistent de très jolies maisons, en plus ou moins mauvais état. La rue centrale porte le nom d'un bourreau bolchevique qui avait tellement exaspéré la population par ses exactions qu'on avait fini par l'assassiner, ce qui avait valu à la ville une répression sauvage, et une telle rééducation, que les grands-mères de mon âge vont encore porter des fleurs sur la tombe de cet individu, à quelques pas de la croix qui commémore ses victimes. Il faisait chaud mais de façon supportable, avec un vent violent et doux, la journée avait ce caractère de paix surnaturelle et radieuse que prend le temps à l'approche de l'automne. Il y avait très peu de monde dans les rues, nous marchions avec nos chants, nos icônes et nos bannières dans un pays fantôme, où tout prenait une captivante et étrange beauté; je ressentais l'arrachement puissant et calme de cette nef orthodoxe qui appareillait dans les décombres de ce qui fut, et le plus important actuellement me semblait de rester à bord. 

L'église de la Protection est très modeste, avec de charmantes iconostases et des icônes médiocres, mais celle de l'arrière grand oncle de Sacha, saint Alexis de Bortsourmani, offerte par un ami, m'a paru très belle, très lumineuse. Un artisan local a sculpté les Christ en croix que j'avais pris pour des exemplaires anciens naïfs et qui sont tellement plus touchants et vrais que le mauvais académisme ou le style Sofrimo.



      









Nous étions accompagnées par Artiom, baryton moscovite venu pour l'occasion, un grand type avenant et chaleureux qui a chanté pour l'ouverture du musée, et joué de l'accordéon. J'ai lâché l'affaire pour aller me reposer: le soir, Artiom et moi devions participer aux festivités de la ville. Se sont produits toutes sortes d'ensembles et de groupes, ce que j'ai vu était comme d'habitude du faux folklore insupportable, mais il paraît qu'il y avait des formations intéressantes. Quand notre tour est venu, après un repas pantagruélique avec les huiles locales, il y avait moins de monde, et c'était plutôt mieux pour moi, et puis le cognac bu auparavant m'avait bien décontractée. Nous avons eu un accueil enthousiaste. Une dame me faisait frénétiquement des coeurs avec ses doigts et m'envoyait des baisers!

Artiom

la manifestation vue par la télé locale:  https://rutube.ru/video/e95b328f5933f73925fd3177d87d0a10/?ysclid=l74r9wu75g542094640

Les invités de Sacha sont tous très sympathiques, son amie Maroussia vient d'adopter une chatonne perdue qui comprend bien son coup de chance et se blottit dans le cou de cette longue dame élégante et bouclée au sourire ironique et aux yeux blasés. Maroussia se fait un souci terrible pour l'orpheline, et craint que ne l'emportent les oiseaux de proie qui nichent dans le secteur, et que j'ai vu me couper la route sans complexes, des faucons ou des éperviers.Je suis retournée me baigner dans la merveilleuse rivière déserte, domaine des rapaces et des hérons.



Les parents de Sacha, le père Vladimir Viguilianski et son épouse, la célèbre poétesse et romancière Olessia Nikolaïeva, nous ont rejoints le lendemain, avec leur chauffeur Sergueï. Le père Vladimir a évoqué son grand-père français, Gustave Landau, fusillé à Katyn, comme nuisible et "espion polonais", parce qu'il correspondait avec ses parents réfugiés à Varsovie, et parce qu'en construisant la route de Minsk, il avait fait un petit détour pour des raisons techniques. A la question des enquêteurs: "Vous êtes polonais, ou français?" Il a répondu: "Je suis russe." Le père Vladimir est allé à Katyn pour apprendre tout cela, et m'a affirmé que c'étaient bien les soviétiques qui avaient fusillé les officiers polonais, et aussi des prisonniers politiques, comme son grand-père.

Artiom étant malade, j'ai assuré seule le concert au nouveau musée de Sacha, devant la population locale. Elle a entendu une vieille dire à l'autre: "Elle est plus russe que nous!" Les gens étaient très contents, car ils n'ont jamais l'occasion de voir ce genre de manifestations à Kourmych. Ils m'ont posé des tas de questions, évidemment, et quand j'ai évoqué le Donbass, et ma certitude, dès 2014, que l'attitude occidentale nous mènerait à la guerre, une connaissance libérale de Sacha s'est levée et elle est partie. Pourtant, c'est un fait, je le savais dès 2014 et dès 2014, j'avais vu combien délibérément et cyniquement on mentait sur la question et la dissimulait purement et simplement. Mais je me fiche maintenant complètement des humeurs des suppôts de satan, conscients ou inconscients.

le père Vladimir et Olessia au musée




le concert au musée https://vk.com/wall551636728_4131

J'ai appris l'horrible assassinat de Daria Douguina sous les yeux de son père. Sacha la connaissait personnellement. La presse française pourrie déverse sur son père des seaux d'eau sale, comme d'habitude. A cela, je répondrai en citant ce post d'un adversaire de Douguine: 

Je n'aime pas les idées politiques de Douguine et encore moins celle de son éditeur français, le sataniste Christian Bouchet. Mais il faut reconnaître qu'assassiner sa fille de trente ans est une belle saloperie. Une honte absolue. Comme les djihadistes soutenues par les mêmes commanditaires, le régime de Kiev prend un virage terroriste inquiétant. On ne tue pas un intellectuel et encore moins ses enfants, ont le combat sur le terrain des idées.

Une pensée pour lui et sa fille.

Pour moi, cet attentat jette un jour nouveau sur tous les autres, les prétendus attentats islamistes et tous les assassinats de lanceurs d'alertes, y compris ceux qu'on attribue généreusement aux chefs d'état qui gênent. C'est juste la caste qui gouverne l'occident qui est terroriste et fait marcher les Charlies et les concombres masqués en nous racontant des histoires de croquemitaine et en maniant avec perfidie l'inversion accusatoire. Cette caste est une vérole que l'humanité a attrapée. Notre survie dépend du sursaut vital de notre organisme dans son ensemble. Le jour où ces gens n'auront plus une place où se réfugier sur la planète tant le rejet sera massif et unanime, nous pourrons espérer que l'apocalypse n'est pas encore tout à fait pour demain.

Cet affreux événement m'a poursuivie pendant tout mon voyage de retour, qui fut pénible, cela commence à ne plus être de mon âge. Je conduis sans problème, mais je suis très fatiguée. Il faut dire que j'ai vu des vaches s'engager sur une route à quatre voies, et un malade mental me doubler par la droite pendant que je dépassais une file de camions... Et alors que j'étais enfin sur la route tranquille de Iouriev Polski, un écureuil s'est jeté sous mes roues, je n'ai pas pu l'éviter, et cela m'a poursuivie tout le reste de la journée.  


3 commentaires:

  1. Il n'y a pas que la presse française qui se vautre dans le dénigrement. Un universitaire descendant d'une illustre famille de l'immigration russe en France, s'autorise a qualifier Daria " d'aussi détraquée que son père" C'est un peu court pour juger une intellectuelle auteur d'une thèse sur Platon. Quant à la "délicatesse" du propos vis à vis d'une personne assassinée il doit sans doute traduire , de la part d'une certaine intelligentsia, la conviction inébranlable de sa supériorité morale, en toutes circonstances.

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    1. Cela ne m'étonne pas vraiment, c'est répugnant, bien sûr. En admettant qu'elle ait été détraquée, c;est une raison pour minimiser son assassinat? Et en quoi les Douguine sont-ils détraqués? Leur traditionnalisme, leur amour de la Russie, leur foi en sa destinée spirituelle et civilisationnelle spécifique? Ont-ils appelé au meurtre, à la destruction de pays entiers, la bouche écumante de haine, comme BHL et sa secte? Dissimulé comme eux, ou justifié, des massacres de civils et des actes terroristes? Ces descendants d'émigrés complètement dégénérés me font penser à ceux qui ont laissé arriver et favorisé la révolution par leur complaisance aux idées libérales. Chez eux, la trahison semble une sorte de tradition familiale, et du reste, par leur attitude actuelle, ils ne trahissent pas seulement le pays de leurs ancêtres, mais la France qui leur a donné asile, et pour laquelle Douguine a plus de respect qu'ils n'en ont.

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