jeudi 22 septembre 2022

Kitaïski Liotchik

 


La mobilisation représente 1% du potentiel, et ces réservistes ne seront pas envoyés au combat direct, néanmoins, des Russes fuient le pays pour ne pas risquer d’aller se battre. Le fils de Xioucha, alors qu’elle-même soutient activement le Donbass, se laisse monter le bourrichon par les libéraux et cherche à partir en France, « pays de la démocratie et des droits de l’homme », où il est né. Je regardais ce gros bébé et pensais qu’en France il sera un Arabe russe ou un Russe arabe, c’est d’ailleurs ce que lui dit sa mère qui, par son engagement passionné, son humour et ses expressions, me rappelle de plus en plus la sienne, l’inoubliable matouchka communiste du père Valentin. Si je fais abstraction des cas particuliers de neuneus qui font partie de mes connaissances et que par ailleurs je considère de ce fait avec une certaine indulgence découragée, je dirais que la fuite des lâches et des niais qui n’ont toujours pas compris ce qui se passait avec leurs compatriotes du Donbass, et ce qui attendait leur propre pays, entrera dans le cadre de la purification nécessaire dont je parlais dans ma chronique précédente. Pendant ce temps, des européens qualifiés, courageux, font des pieds et des mains pour venir ici, journalistes persécutés par leurs confrères et par le pouvoir, artisans et paysans qui n’arrivent plus à vivre de leur travail, familles traditionnelles qui ne veulent pas élever leurs gosses entre la menace de la piquouse et les intentions ténébreuses de la Secte du transhumanisme mondialiste, du wokisme et de la théorie du genre. J’ai eu encore une lettre d’une dame qui, elle, part en Serbie, car elle préfère vivre tout cela avec un peuple qui en est victime plutôt qu’avec un peuple qui en est complice.

Liéna est aussi patriote que Xioucha, mais dans la mouvance de ceux qui trouvent Poutine trop mou, et le soupçonnent de trahir. Elle parle de tout cela avec colère, mais cela fait partie de son caractère ombrageux. J’ai vu le rédacteur adjoint de la revue orthodoxe Thomas, Vladimir Gourbolikov. Il se dit pessimiste et lucide. Les musulmans ont une religion qui a la force d’une idéologie, ce qui n’est pas le cas des Russes orthodoxes, d’autant plus que la Russie a été très largement sécularisée par sa violente rééducation communiste, et malgré la renaissance de l’Eglise, les chrétiens restent en minorité. Il craint que nous ne puissions connaître de grand élan national, de sursaut salvateur. Le consumérisme, les médias ont fait beaucoup de mal, les jeunes sont ignorants de leur passé, et seulement désireux de profiter de la vie sans problèmes. Cependant, au Donbass même, avant 2014, les gens n’avaient aucune envie de se battre, et n’imaginaient pas qu’ils allaient le faire, jusqu’au moment où ils ont vu les chars ukrainiens entrer chez eux à grande vitesse, des opposants grillés impunément dans la maison des syndicats d’Odessa par des abrutis fanatisés, l’extermination des non conformes commencer à être mise en oeuvre. Et du coup, ils ont pris les armes et formé des milices, je me souviens même du moment où ils avaient descendu du piédestal, où il avait été posé en guise de monument, un tank de la seconde guerre mondiale qu’ils avaient remis en service. Il est vrai qu’au Donbass règne un état d’esprit différent de celui de Moscou ou Saint-Pétersbourg, mais c’est le cas de bien des régions russes. Et puis, et il en convient, si les Russes sont défaits et exterminés, le monde occidental n’y survivra pas lui-même, et la tyrannie mondialiste sera telle que plus personne n’aura envie de vivre, ce sera la fin des temps. Je lui ai dit que j’étais venue rejoindre la sainte Russie, que c’était elle qui m’importait, et que je croyais en le secours de Dieu, car quels que fussent les défauts des fonctionnaires et des libéraux qui ne savent plus d’où ils viennent, en face, les ténèbres étaient désormais totales, c’était la possession et la folie, et que Dieu ne pouvait favoriser les ténèbres, à moins d’avoir décidé d’en terminer avec ce monde. La Russie est notre seule arche, si elle coule, c'est la fin...

Xioucha me parlait d’une gourdiflotte de notre entourage qui attribue à la récupération de la Crimée ce qui s’est passé pendant huit ans ensuite au Donbass. Mais moi, je me souviens parfaitement que les habitants de la Crimée n’avaient jamais admis d’être arbitrairement placés en Ukraine. Et quand certains sont allés contremanifester au Maidan de Kiev, leurs autobus, avec enfants et vétérans de la seconde guerre mondiale, ont été attaqués à coups de barres de fer par les joyeux démocrates à folklore nazi. Il n’a pas fallu beaucoup les forcer pour revenir en Russie. Au Donbass même, on avait organisé un référendum où les gens allaient en courant et en masse, malgré le danger, voter pour la réintégration, et Poutine, pour des raisons que j’ignore, même si j'ai mon idée, ne les avait alors pas récupérés. Le manque de solidarité de ces petits bobos russes avec leurs compatriotes maltraités et les soldats qui les défendent m’afflige et me dégoûte. Ils vont même jusqu’à organiser des collectes pour l’armée ukrainienne. Qu’ils filent maintenant là où est leur place me paraît finalement logique, peut-être même salutaire, quelle que soit l'issue. .

Le dernier soir de mon séjour que j’ai prolongé uniquement pour cela, avait lieu un concert des balalaikers au Kitaïski Liotchik, ou Aviateur Chinois, un bar moscovite branché et sympathique, oùj’allais parfois déjeuner avec une jeune collègue quand je travaillais encore au lycée. Serioja en faisait partie, car il venait d’assister à une foire exposition des instruments de musique populaire, avec sa production, et je voulais le voir. Le contraste entre l’atmosphère générale de catastrophe approchante et la gaité débridée du public était très vif, je pensais aux récit des bringues de Benvenito Cellini à Florence pendant la peste. J’étais largement la plus vieille, personne n’avait plus de quarante ans, là bas dedans, et j’étais frappée par le côté joyeux, spontané et sain de cette soirée, où se mêlaient des succès sud américains, du rock’n roll, de la musique traditionnelle russe. Leur pari de faire vivre la balalaïka et son répertoire semble gagné, car ils ont visiblement leur public, qui s'est intégré tout cela et participe; les gens sont invités à chanter et se produire, et j'ai dû le faire aussi, au grand enthousiasme de Sérioja. Bien sûr, je me sens un peu décalée, parce que je n’ai plus autant d’énergie à dépenser, mais je préfère vraiment être dans ce genre de société qu’avec de vieilles intellectuelles tyranniques. Je les regardais tous s’éclater, Katia était si jolie, Sérioja si déchaîné, drôle et charmant, et tout cela sans rien de moche, de vulgaire ou de sinistre, de la pure jeunesse. Cela me démangeait de danser, c'est un truc tenace que la vie et le goût qu'on en a...

Dès qu’il m’a vue, Sérioja m’a étreinte comme un gros nounours : « Lora, Lora !!! Mais dites-moi, quel âge avez-vous maintenant ?

- Soixante-dix ans, Sérioja...

- Ah oui, oui... »

Il a pris un air lointain : « Ce n’est pas si vieux, ma grand-mère en a 92, et non seulement elle joue toujours de la balalaïka, mais elle s’est mise à piccoler ! »

Sa grand-mère m'avait bien plu, une vieille pleine de dignité, avec beaucoup de personnalité. Nous nous étions bien entendues. C'est avec elle et son grand-père qu'il a appris à jouer dès sa petite enfance. C'est pour cela qu'il est tellement russe.




 cet air traditionnel aurait plus de mille ans




6 commentaires:

  1. C'est très sympa ,ces musiques "folkloriques" . Cela dit , des pièces basées sur deux accords en alternance on, en a plein , nous aussi , dans nos provinces ...Le seul défaut , c'est que c'est un peu monotone .Mais bon , vous avez beaucoup de chnace , cela occupe le terrain et empêche quelque peu celui-ci d'être occupé par la pseudo-musique de merde anglo-saxonne (que Soljénitsyne ne popuvait pas supporter ) .

    Nicodème

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    1. J'aime beaucoup cet air, et il ne me paraît pas monotone, car ils varient la façon de le jouer. C'est le fait qu'il soit basé sur deux accords qui signe son ancienneté. Je dirais que cela regagne le terrain, car ici, la pseudo-musique de merde a aussi tout envahi.

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    2. La musique anglo-saxonne n'est pas plus de merde que n'importe quelle autre, seulement elle est prépondérante. Personnellement j'ai des goûts très éclectiques puisque je peux écouter autant du punk hongrois que du rock colombien (oui, ça existe) que des chants traditionnels maronites, du folk de tous les pays et même des chants de gorge mongoliens (khoomei), mais pas toute la journée, car si je suis curieux et très ouvert en musique, je suis un francophone qui a grandi dans la musique pop et rock anglo-saxonne, si bien qu'elle reste ma base de référence. La balalaïka... Pour un type de ma génération, le nom d'Ivan Rebroff vient à l'esprit. Voici deux ou trois ans, j'ai découvert la jeune Anastasia Tyurina (elle va avoir 12 ans) qui m'a incité, par une interprétation qu'elle fait d'une de ses compostions ("Cinderella"), à m'intéresser à Alexeï Arkhipovski, virtuose de la balalaïka. Ce qui compte en musique, c'est toujours la même chose : une question d'âme que l'artiste a ou non et met dans sa musique, et puis la mélodie, la rythmique, une adéquation entre les deux. À la fin des années 80, un groupe russe de pop rock avait eu un petit succès en France : Центр (Center). C'était frais, du rock en russe. La beauté de la langue m'a incité à faire un peu de russe. Plus tard, j'ai découvert du plus costaud : Ночной Проспект (Notchnoï Prospekt). La merde, c'est ce qui est purement commercial, et ça, il y a dans tous les pays. J'ai déjà entendu des succès russes d'une merdicité avérée, des trucs tatapoumesques odieux.

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    3. Ces succès russes sont des copies de la merde internationale commerciale, on ne peut même pas dire qu'ils sont russes, ils sont chantés en russe, et encore une forme abâtardie de cette langue. Je ne dis pas que tout ce qu'on écoute en Amérique est merdique, j'aime le blues, certains groupes de rock, encore que même le bon rock ne fasse pas appel aux couches supérieures de l'être.

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  2. PAR pitié ! ne recommandez pas vos choix de lectures en citant AMAZON !!!
    je pense que c'est tout ce que VOUS et MOI détestons .

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    1. Ce ne sont pas mes choix de lectures, ce sont mes romans, et je cite l'encart des éditions du Net qui les diffusent elles-mêmes mais aussi par l'intermédiaire de la librairie Chapitre, de la FNAC et d'Amazon. Personne n'est obligé de recourir aux services de ce dernier diffuseur.

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