Je devais aller chanter avec les cosaques pour le jour de la victoire, mais je suis malade, j'ai une sorte de grippe, toux et température, voix, selon l'expression de Valérie, de "vieille maquerelle en peignoir". Dans un sens, c'est peut-être pour m'obliger à mettre la pédale douce. Aujourd'hui, un léger mieux, je suis sortie sur la terrasse. La noria de camions reprend, quand vont-ils s'arrêter de déverser des tonnes de terre dans ce malheureux marécage? Sans compter qu'ils nous empoisonnent et font un bruit d'enfer. D'enfer est le mot... Ma voisine Ania m'a dit qu'elle n'en pouvait plus, qu'elle ne pouvait pas se reposer quand elle rentrait du travail. Lorsque les camions se calment, le voisin bricole, avec la radio à fond, et une musique horrible, obsédante, qui me ferait avouer n'importe quoi si on me la passait en boucle sans possibilité de la fuir à l'intérieur.
L'autre soir, j'ai entendu d'affreux cris de chien terrifié, et j'ai vu, dans les ténèbres de mon jardin, le pauvre géant Alba poursuivi par un diable griffu et cornu: c'était Moustachon, dressé sur les pattes arrières, qui agressait cet animal débonnaire dix fois plus gros que lui.
Valérie et Lioudmila sont reparties en France, je les ai accompagnées à la gare routière. Elles ont 20 heures de bus depuis Moscou jusqu'à Riga, et après, l'avion...
Une correspondante facebook est venue me voir il y a deux jours, Olga. Comme Lioudmila, elle a passé trente ans en France, elle y a un fils. Elle me dit avoir adoré ce pays mais ne plus le reconnaître. Comme on l'a virée de son travail, elle a décidé de passer six mois dans son pays d'origine pour faire le point et décider si elle y revient ou non. Nous nous sommes très bien entendues et auparavant, elle a fait aussi connaissance de Dany. Elle m'a parlé de sa nostalgie de la France quand elle est en Russie et de la Russie quand elle est en France, c'est le problème de tous les gens qui ont vécu sur deux pays. Je lui ai parlé de mon impression que l'atmosphère était là bas devenue délétère et que beaucoup de gens tournaient neuneus. "C'est exact", m'a-t-elle confirmé.
J'ai fait, à cette occasion, des infidélités au café la Forêt, il y avait tellement de monde que nous avons dû nous rabattre sur le concurrent et parent du dessus, Vysoko, qui est d'ailleurs très bien.
Un jeune homme m'écrit qu'il vient de découvrir avec horreur ce qui s'était passé dans le Donbass depuis huit ans. Il n'en savait rien, ce qui n'est pas étonnant, puisque la presse occultait complètement l'histoire. S'il a eu l'idée d'aller se renseigner, c'est qu'il était choqué par la russophobie délirante de sa paroisse et les bêtises qu'il y entendait raconter. Comme quoi, quand on a une conscience et une cervelle, on se pose les questions nécessaires. J'en connais d'autres qui savaient et préfèrent oublier, sous prétexte d'impartialité, ou pour d'autres raisons plus inavouables, ce qu'il est gênant de connaître, sur la planète des rhinocéros, si l'on ne veut pas remettre fondamentalement son existence en question.
Une voisine est venue me demander un rejet de prunier, et m'a donné en échange une bouteille de sa gnôle personnelle, ornée d'un ruban de saint Georges!
Au café français, une dame assise à côté de nous, tandis que je bavardais avec mes copines, me dédiait des sourires radieux. Se levant pour partir, elle m'a remerciée d'avoir mis un Z sur mon sac-à-main!
Mais c'est tout ce que j'ai vu, à cause de ma grippe, des célébrations de la victoire. A vrai dire, depuis toujours mes réactions sont partagées. Cette victoire a couté très cher aux Russes et je respecte leur héroïsme. De plus, je trouve extrêmement déplaisant et vil de leur contester le rôle joué par leur résistance dans l'issue de la guerre, mais j'ai tellement l'impression que nous avons tous été dupes et perdants, en fin de compte, les idéologies d'un côté, les calculs fourbes et cyniques de l'autre, et ça continue...
Un ami belge m'écrit qu'il a été horrifié par la tentative d'assassinat sur Prilepine, et qu'il entendait se promener avec un ruban de saint Georges dans son village du midi, par solidarité. Je ne sais pas si, à sa place, j'oserais le faire!
J'observe à ce propos, que Nemtsov et Politkovskaïa:
1) c'est forcément Poutine le coupable.
2) c'est affreux et impardonnable.
Oles Bouzina, et tous les journalistes assassinés ou emprisonnés en Ukraine, c'est normal, c'étaient des "prorusses" ou carrément des Russes.
Daria Douguine, c'est normal aussi, c'était la fille de Douguine, et elle pensait mal, comme son père.
Vladlen Tatarski, c'est normal, un séparatiste qui se battait au Donbass, tressons des couronnes à l'idiote qui l'a assassiné en blessant cinquante personnes.
Zakhar Prilepine pense mal et il avait le culot d'aller, en plus, se battre pour les siens au lieu de faire semblant, comme BHL.
Il n'est pas mort, mais son chauffeur de 27 ans, si: c'est normal, c'était un séparatiste, de toute façon.
Conclusion, il y a des gens qui sont des vaches sacrées intouchables et d'autres, qui sont des sous-hommes dont on peut faire ce qu'on veut. Ce qui ne signifie pas qu'au besoin les vaches sacrées ne soient pas quelquefois sacrifiées par ceux-là même qui poussent des cris d'orfraie. Pour Nemtsov, par exemple, je me suis toujours posé la question.
Très bonne idée que d’arborer le ruban de Saint Georges ! C’est ce que j’ai fait en me rendant, le 8 mai, au Monument aux morts de mon village du sud de la Drôme. Et que je continue à faire quand je sors . J’attends : ou de rencontrer quelqu’un de sympathique qui connaît sa signification ( où vit ce monsieur ? 😉 ) ou quelqu’un qui osera me demander ce que ce ruban signifie : j’aurai alors grand plaisir à le lui expliquer !
RépondreSupprimerOui, c'est vrai que peu de gens savent la signification de ce ruban, en France!
SupprimerMerci pour ce partage. Bon rétablissement.
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