vendredi 2 juin 2023

Orage

 


La situation générale et le tour que prennent les chose en Europe sont si abominables que j’ éprouve en permanence  une sorte d’angoisse latente, et je me demande si je reverrai jamais ma famille. Hier, j’ai eu la visite d’Ania Ossipova, ravie de sortir de son tête-à-tête avec ses parents, qu’elle aime beaucoup, mais enfin, elle est un peu seule, dans son village. Son mari fait le chauffeur pour le monastère saint Nicolas de la Solba et c’est assez absorbant.

Elle est hypersensible et paisible à la fois, très profonde, et c’est une des personnes que je préfère, ici. Je lui ai présentée Katia, nous sommes allées toutes les trois au restaurant, cela m’a bien changé les idées. Elles se sont plues, bien que très différentes.

Je me trouvais dans le jardin avec Ania, elle aime tout comme moi jardiner, et elle a remarqué mes touffes de colchiques, qui ne sont bien sûr pas encore fleuries, en fait, elles disparaissent, et à l’automne, les fleurs roses s’allument au milieu des feuilles mortes, comme des lampes art nouveau. Je lui ai dit ; « Chez nous, ce sont les fleurs emblématiques de l’automne, et d’ailleurs, nous avons une chanson, sur ce thème, que j’adorais dans mon enfance, et que je chantais tout le temps. » J’ai entonné le premier couplet :

Colchiques dans les prés

Fleurissent, fleurissent,

Colchiques dans les prés,

C’est la fin de l’été...

La feuille d’automne,

Emportée par le vent,

En ronde monotone,

Tombe en tourbillonnant.

 

Elle m’écoutait avec une grande intensité et elle me dit soudain : « Comment peut-on croire que l’âme n’existe pas ? Je vous entends chanter, et je vois votre âme... »

Ania est la sainte Russie à elle toute seule, et son mari pareil. Pour la fille de communistes purs et durs, c’est un vrai miracle. Mais, me dit-elle, c’est sa mère qui l’a fait baptiser, car « on ne sait jamais », et quand elle était malade, elle lui donnait de l’eau bénite... Ania comprend très bien que la famille Skountsev s’asperge d’eau bénite en rentrant de concert, pour éviter les effets du mauvais oeil. «Il y a des gens qui l’ont, me dit-elle, il émane d’eux quelque chose de très mauvais. J’avais un professeur comme cela. J’en avais une peur bleue, un jour elle m’attrape par le bras avec un air étrange et profère : « Quelle jolie petite fille ! » En rentrant de l’école, j’ai fait comme Skountsev, je me suis aspergée d’eau bénite !

En fait, au vu de ce qui se passe maintenant en Europe, je comprends. Beaucoup de gens chez nous justifieraient qu’on s’aspergeât d’eau bénite, qu’on fît brûler de l’encens, et même, qu’on exhibât une croix et des gousses d’ail à leur vue.

Au restaurant, Katia parlait de sa cousine qui, après des années passées en Finlande où elle était complètement intégrée, songe à rentrer en Russie. Ses gosses sont ostracisés à l’école, elle se sent rejetée, la société ambiante prend un tour incompréhensible. Une famille de Finlandais est venue s’installer à Pereslavl. Ils ont peur pour leurs enfants, la théorie du genre, les changements de sexe encouragés, les enlèvements officiels de leur progéniture aux parents récalcitrants. J’ai vu moi-même une vidéo très choquante où un enfant musulman hurlant, en Allemagne, est arraché par des policiers péteux, mais inflexibles, à sa famille qui n’admet pas qu’on lui prêche l’idéologie LGBT et la théorie du genre à l’école (https://youtu.be/wFGv3w_svqs.) Elle trouve cela incompatible avec sa foi, ce qui est son droit, et cela devrait être respecté si les démocratures permettaient encore la liberté de conscience. D’autant plus que les enfants, une fois enlevés, Dieu sait ce qu’ils vont en faire. Je comprends que d’un tel asile d’aliénés, les gens s’enfuient à tire d’ailes.


Cette année, beaucoup de plantes qui avaient longtemps végété se développent avec vigueur. Ma clématite de Sibérie est couverte de clochettes blanches qui me ravissent. Le lilas de Hongrie va me faire plusieurs fleurs et pousse de grandes branches. Les spirées lancent des bras souples de tous les côtés, les fougères se déchaînent, leurs rondes enchantées tournent à l’ombre du poirier dans la lumière du couchant, tout exulte autour de moi, et les chats s’alignent sur la terrasse, et sur la bordure de ciment censée consolider la maison. En face, la maison d'oncle Kolia est encore intacte, malgré son jeune bouleau saccagé par le voisin. Pour combien de temps? Je plante désormais pour faire écran aux horreurs éventuelles qui peuvent gâcher mon espace. Mais j'aurai moins de ciel et moins de lumière. L'orage menace, pour l'instant, il nous tombe de la pluie, espérons que cela ne sera pas bientôt des bombes.

Un correspondant belge vient d'arriver, pour possiblement émigrer s'il trouve un travail. Une amie russe m'écrit: "Des Russes prennent peur et s'en vont, des Belges débarquent alors que nous commençons à être sous le feu des drones". Eh oui, on peut dire que deux parties de l'humanité n'ont vraiment pas les mêmes valeurs, et la ligne de démarcation ne suit pas toujours les frontières.





 

1 commentaire:

  1. Un endroit si paisible et votre écriture juste très vraie dans sa simplicité. Je pense souvent à vous avec cette impression de vous connaître. Merci, vous me faites du bien. Doris Bayle

    RépondreSupprimer