lundi 30 octobre 2023

Sur Mars

 

Chocha, il y a trois ans...

Chocha est, je crois, bien près de mourir. Elle a des crises d’étouffement, elle dort tout le temps, mange à peine. Je pourrais l’emmener chez le vétérinaire pour abréger son agonie, et en même temps, elle est si accrochée à moi, elle ne demande qu’à rester près de moi, à être caressée et aimée, et je lui donne tout cela, avant qu’elle ne glisse dans cet autre part dont on ne revient pas, je prends congé. Je préfèrerais qu’elle mourût ici, sans le stress du panier, de la voiture, du froid, de l’inconnu. Elle a au moins dix-huit ans, car il y a dix-sept ans, quand je l’ai adoptée, c’était une jeune adulte, elle avait eu au moins une portée de chatons. Elle avait peut-être même deux ans. Elle a eu une longue vie, en sécurité, la plupart du temps dans des maisons avec jardin. J’ai rempli mon contrat, et je sais qu’il ne lui arrivera jamais le malheur d’être abandonnée. Je devrais le prendre avec philosophie, avec résignation, et même reconnaissance, et je pleure tout le temps. C’était une si jolie chatte, et dans un sens, si elle a eu la chance d’être adoptée, elle a toujours été jalousée, d’abord par Picasso, ensuite par Georgette, elle n’a jamais eu ce qu’elle désirait le plus, mon attention exclusive. Et maintenant, elle l’a. Alors je n’abrège rien.

Valérie, venue s’occuper de sa maison, me dit que les jeunes gens d’aujourd’hui, généralement, n’ont plus aucun réferents culturels. Que même les imbéciles de boomers n’étaient pas dans ce cas, même s’ils ont épousé des idéologies douteuses, ils ont tous bénéficié d’une instruction normale, et savent qui sont Racine, Molière, Flaubert, Rimbaud, Baudelaire, mais pas leurs descendants. Leurs idéologies appliquées ont produit en série des enfants-loups privés des acquis nécessaires en temps approprié. De sorte qu’ils n’ont aucun recul sur ce qui nous arrive et gobent n’importe quoi. J’ai déjà observé sur des quadragénaires intelligents, des lacunes culturelles énormes qui les gênent pour comprendre le monde et avoir une vie intérieure, une philosophie, une spiritualité cohérentes. Mais ce sont des quadragénaires. Les jeunes générations sont probablement déjà des fétus à vau-l’eau dont on fait ce qu’on veut en changeant la direction du courant. Enfin naturellement, il y a des exceptions, mais elles doivent se sentir parfois bien seules.

Elle m’a parlé d’un prêtre ukrainien envoyé dans sa paroisse russe, il est ukrainien de nationalité mais russe d’origine, un Russe qui se renie. Intelligent par certains côtés, il est fat, content de lui, méprise la paysannerie, la simplicité, la tradition, ne parle que de réformes, d’oecuménisme, d’orthodoxie « intelligente et éclairée », il méprise aussi les Russes, bien entendu, et les traite comme des gens de seconde sorte, à l’intérieur de la paroisse. J’ai eu comme cela une assistante maternelle, une vieille soviétique dont le mari avait travaillé au KGB ; elle considérait les enfants français comme des princes du sang, leur servait les biscuits du goûter sur un plateau avec des manières de dame de compagnie de l’impératrice, mais elle était brusque et grossière avec les élèves russes, et j’avais fini par l’engueuler en lui disant : «Je suis monarchiste, mais dans ma classe, c’est la démocratie, et la seule personne à qui vous pourriez faire ce cirque, c’est moi, et je n’en ai pas besoin ».

Je soupçonne que l’on trouve de tels émissaires dans beaucoup de paroisses orthodoxes en France. Ce ne sont pas à proprement parler des agents conscients, mais ils sont choisis sur des critères particuliers, comme on choisit partout, en France, dans les milieux culturels, depuis des décennies un certain type d’étudiants, de journalistes, d’artistes en excluant les autres, j’ai même entendu une prof de l’IUFM s’en vanter... Et partout, ils répandent le mépris et la détestation des Russes, du reste des Russes pourraient aussi le faire, si on choisissait d’envoyer en Europe ce genre d’individus. Et ceux qui y vont spontanément pour y trouver le paradis démocratique ne doivent pas s'en priver.

En réponse à ma chronique précédente, un lecteur d’Annonay m’a confirmé le massacre de cette ville où je ne retrouverais pas grand chose de ce que j’ai connu dans mon enfance. Je n’arrive pas à achever mes souvenirs de cette époque, parce que d’une part, je fais le représentant de commerce pour mes autres livres, entre deux traductions, corrections et chroniques, et d’autre part, j’ai peur de m’abîmer dans un océan de tristesse ; je pense à la femme de Lot, qui, se retournant sur Sodome, fut changée en statue de sel.

Il me semble parfois observer le naufrage du Titanic depuis une chaloupe, mais la musique qui s'en échappe n'a rien de digne, le capitaine et l'équipage ne s'abîmeront pas avec le bâtiment, ils partiront en hélicoptère s'installer en Nouvelle-Zélande pour jouir des fruits de leur sale travail, en tous cas, c'est ce qu'ils croient. Moi, je n'en suis pas sûre. Je pense qu'il leur sera même difficile, après ce qu'ils ont déclenché, de trouver un endroit de la Terre qui les supporte encore. Peut-être leur faudra-t-il aller faire les transhumanistes sur la planète Mars. Cela leur irait bien, et ici, on aurait peut-être enfin la paix.

dimanche 29 octobre 2023

Rétroviseur

 

C'est parti...

D'après ma soeur, les quatre grands chênes, derrière chez elle, qui avaient été plantés sous Louis XIV, ont été sciés par l’Arabe qui a racheté la moitié du terrain voisin, et qui, avec la sûre détestation du barbare pour tout ce qui est beau, vivant, vénérable s’est jeté sur ces monuments de notre histoire, sur ces microcosmes splendides, n’en pouvant supporter la vue à proximité du pavillon de merde qu’il va faire construire. Dany a raison de dire que la Cerisaie de Tchekhov est une pièce prophétique. Le crétin moderne, quelle que soit son origine et sa nationalité, déteste la vie, la poésie, la noblesse, la vérité, la beauté et tout ce qui lui rappelle, par sa seule existence, qu'il est un crétin, avec de l'os à la place du cerveau, et une pierre à la place du coeur.

D’après ma soeur, Pierrelatte est envahi au delà du possible, les gens ne s’y sentent plus chez eux, à juste titre, mais je devine qu’ils se solidarisent avec Israël,  par haine commune des musulmans, bien que ce soit précisément l’empire judéo-protestant qui nous ait livrés pieds et poings liés, et bouche cousue, à l’invasion et à la destruction qui s’annoncent. L’Europe a chopé une maladie qui s’appelle le judéo-protestantisme avec son culte vétérotestamentaire sanglant et impitoyable aux faibles, aux pauvres et aux hérétiques, considérés comme des sous-hommes. Le catholicisme s’est judéo-protestantisé, avec Vatican II, et nous n’avons aucun refuge sur place, là bas, car je dirais que même les orthodoxes sont infiltrés, j’en vois de consternants signaux dans le soutien déshonorant de beaucoup de ceux-ci à la cause ukrainienne manipulée.

Ma soeur me dit que tout le monde autour d'elle évite d’en parler, pour garder le moral, et de toute façon, où aller ?

Elle est montée à Annonay, poser des chrysanthèmes sur nos tombes, elle a vu nos cousins. Le petit village de Davezieux dont je garde l’image bucolique, est devenu une énorme zone commerciale.  En revanche, le centre est complètement désert, les boutiques toutes fermées, et dans cette ville déjà si saccagée, ils ont décidé de détruire une partie de la rue principale pour faire je ne sais quoi, un parc.

Ce genre de nouvelles me tire des larmes. Le père Basile dit que notre patrie se trouve là où est notre Eglise. Mon Eglise est en Russie. Mais ma langue est française, et je doute d’arriver à parler ou écrire le russe comme ma langue maternelle, je suis à l’âge où en est heureux de sauver encore ce qu’on a acquis.

J’ai vu hier une vidéo qui explique de façon brillante ce qui nous arrive, et avec humour, courage, pénétration, je ne m’y attendais pas, car le titre est austère et je ne pige rien à l’économie. Mais là, j’ai pigé, j’ai bien pigé, grâce à une langue précise, simple, si française dans sa concision efficace. J’ai pigé comment l’escroquerie hypocrite régnante a transformé les élites européennes en mafia, et leurs peuples en clochards dégénérés.  Il s’agit de l’intelligent et viril Pierre-Yves Rougeron et du non moins intelligent Pierre Joanovic. Mais le propos dépasse de beaucoup l’économie, et démontre comment tout cela vient de loin, et justement de l’Europe réformée, anglo-saxonne, germanique, et de ses affinités, par la prédilection protestante pour l’ancien testament, avec le judaïsme. C’est un véritable tableau clinique. L’Ancien Testament est une chose absolument insupportable à lire sans la lumière de l’Evangile, et l’on se demande même par quel mystère celui-ci a pu germer sur un tel terreau. Entendre les sangloteurs hargneux de la Shoah justifier et encourager, l’écume aux lèvres, l’épuration ethnique de la bande de Gaza serait un plaisir de fin gourmet, s’il n’y avait autant de morts à la clé, de morts actuels et de morts futurs, parmi nous et parmi eux. Ces amis de l’humanité et ces champions de la démocratie ont fait de l’Europe une poudrière. Nous sommes victimes de notre expansion morbide amorcée à la Renaissance, de cette tumeur maligne américaine et de sa métastase israélienne, le tout à la sauce franc-maçonne, et dire que c’est à cela que Pierre le Grand a ouvert sa « fenêtre sur l’Europe » !



Parallèlement, un chroniqueur du Donbass bloque une amie, sur les réseaux sociaux, sans qu’elle comprenne pourquoi. Il m’a bloquée il y a longtemps car je défendais le christianisme contre son néopaganisme en toc, tout néopaganisme étant en toc par définition, une espèce de reconstruction d’intellos, il n’y a qu’à voir ce que le retour au paganisme antique a donné à la Renaissance... Comme il vient de bloquer un type qui avait pour pseudonyme « Psaume 23 », et pour cette raison même, il m’est venu à l’esprit que cette amie était simplement victime de son nom de famille à consonnance hébraïque, bien qu’elle soit patriote, monarchiste et orthodoxe fervente. Mais enfin ce dernier détail ne fait rien pour adoucir le tableau, naturellement. Les gens deviennent complètement fous, complètement absurdes, et j’ai une pensée émue pour Stefan Zweig, juif germanophile contraint à l’exil par l’Allemagne hitlérienne. Quoique peu portée sur l’islam et les musulmans, je trouve chez Idriss Aberkane et Youssef Hindi peut-être les meilleures analyses de ce qui nous arrive, et dans un français remarquable de correction et de précision. Mais il y a des imbéciles droitards pour les traiter de bougnoules...

https://www.youtube.com/live/OOpB8KteYUU?si=d0AMb4DWAoxE7C5E

Slobodan Despot dit que les pays extra européens créent un cordon sanitaire autour d'un occident devenu fou, et que Poutine prend pour s'adresser à ses dirigeants le ton d'un commissaire de police s'efforçant de calmer un forcené qui s'est enfermé chez lui et menace de se faire exploser avec toute sa famille...

Mais pourquoi l'Europe est-elle devenue folle? Que s'est-il passé? Ce n'est plus d'une boule de cristal dont nous avons besoin, mais d'un rétroviseur géant.

jeudi 26 octobre 2023

Kitej

 


Ce matin, tout était gelé, la terrasse craquait sous mes pas, le ciel était jonché d’étoiles ; il y en avait suffisemment pour que je pusse les voir, malgré la pollution lumineuse de l’éclairage urbain, de celui des voisins, aussi. Je ne sais pas ce qui se passe, je suis depuis bientôt quinze jours, complètement asthénique, et somnolente. La semaine qui a précédé mon expédition au séminaire de Iaroslavl, j’ai beaucoup travaillé dans le jardin, peut-être n’ai-je pas tenu compte de mon âge. Et puis le climat d’ici, le changement de temps, de pression atmosphérique, les "tempêtes magnétiques", les ténèbres, tout ça...

Chocha décline et le spectacle de sa décrépitude, au sein de laquelle son attachement à moi est le seul intérêt qu’elle trouve encore à la vie, me déprime probablement plus que je ne pourrais le penser. Elle dort tout le temps, et quand je me vois faire pareil, le moral ne remonte pas vraiment. Elle est aveugle, et si ma vue baisse, je n’en suis pas encore là. Elle pisse partout, pour l’instant, moi pas.

En revanche, je pleure souvent, je me sens coupable de tout, je revois mon existence comme une succession d’actes qui me causent soit du regret, soit du remords, et quand on dit que les remords valent mieux que les regrets, je n’en suis pas sûre. Je demande à Dieu non pas seulement de pardonner mais de réparer, c’est réparer, que je voudrais; pardonner, mais tout le monde l’a fait. D’ailleurs, je me sens coupable même de ce que font les autres, des chiens à la chaîne, des chiens et des chats abandonnés ou maltraités que je ne peux pas tous prendre, des gens à que je n'ai pas donné, des emmerdeurs que j'ai engueulés, des arbres coupés, des sites pollués, des enfants pervertis, des soldats tués, des métropolites arrêtés, de la maison de fous générale.

Je pense souvent à la réponse du métropolite Antoine de Souroj : « L’enfer peut se définir en deux mots : trop tard... »

Heureusement que j’ai confiance en Dieu.

Après les étoiles du matin, j’ai eu du soleil, enfin de la lumière, une lumière pâle, une espèce de regard qui s’allumme entre deux lourdes paupières de ténèbres, et dans cet iris doré, la voltige permanente des mésanges qui me lorgnent avec curiosité, quand je suis à mon bureau, elles se maintiennent au niveau de la vitre, se posent sur le rebord de la fenêtre qu’elles cognent du bec, et ce n’est pas pour avoir de la bouffe, car elles en ont: je n’arrête pas de déverser des graines de tournesol dans leur mangeoire. A mon avis, elles sont envoyées par les anges, c’est le KGB céleste.

Entre deux coups de culpabilité, je me fais le café français, ou la vatrouchka de la voisine, ou un dîner pantagruélique chez Ania Ossipova et ses adorables parents, dans leur maison chaleureuse et leur village encore plus ou moins intact, ou un restau avec Katia... Je pleure ou je bouffe, et entremie, je prie, ou j’écris, ou je fais de la musique, ou du dessin, pas assez, et la traduction. Finalement, peut-être que je me surmène, elle n’a plus vingt ans, mémère..

.L’autre nuit, après avoir raccompagné Katia, venue dîner, je ne trouvais plus Chocha. J’ai dû en venir à la conclusion que cette vieille peau de chat avait trouvé le moyen, elle qui ne sort jamais plus, de se glisser dehors quand j’étais sur la terrasse à regarder Katia prendre son taxi. J’étais effondrée : comment la retrouver, dans les ténèbres, elle allait mourir seule sous la pluie glaciale, j’appelais d’un côté et de l’autre, je me préparais à faire le tour de la maison avec mon téléphone allumé, quand j’ai entendu un miaulement enroué. Elle était derrière la porte, elle devait être sous la terrasse, car elle n’était pas tellement mouillée, mais elle tremblait de peur et de détresse, et quand je l’ai ramenée sur son coussin, qu’elle ne quitte presque plus, elle s’y est blottie avec un soulagement évident. Pauvre vieille Chocha, qu’est-ce qui lui a pris de sortir à 11 heures du soir, par un temps pareil ?

Mon éditeur de Moscou a fermé boutique sans me prévenir. Katia pense que je dois trouver un éditeur ayant pignon sur rue, le samizdat coûte trop cher, mais ici comme en France, les gros éditeurs sont entre les mains des libéraux qui ne laissent pas arriver les gens qui ne partagent pas leurs orientations politiques. Donc les chroniques, ou même Yarilo, Parthène et Epitaphe... Katia a contacté un ami qui édite dans une maison plutôt orthodoxe. Il paraît que le directeur était très intéressé par Epitaphe. Mais quand je lui ai dit que je ne l’avais qu’en version française, j’ai compris qu’il n’avait pas de lecteur approprié dans son comité. J’avais traduit le premier chapitre mais je sens que ce sera un peu mince. Pourtant, c’est un livre qui, ici, s’il bénéficiait d’une certaine diffusion, serait certainement très apprécié. Katia est enthousiasmée par le premier chapitre et n’en doute pas une minute, mais voilà... Dommage qu’elle ait appris l’italien et pas le français.

Ania m'a envoyé un merveilleux documentaire sur le lac Svetloyar et la légende de la ville invisible de Kitej. Légende n'est pas le mot approprié, peut etre mythe, ou parabole. Pour se mettre à l'abri des invasions tatares, toute une ville disparaît dans le lac Svetloyar, mais on peut entendre ses cloches ou les chants de ses moines, elle continue à vivre, dans une autre dimension, une autre vie que la nôtre, une vie sainte. Même le prêtre du coin a l'air d'y croire, et d'une certaine façon, je le comprends, car cette autre dimension existe, et c'est notre dernier refuge, l'ailleurs dont parlait Slobodan dans son dernier article. Le village où se réfugient les héros d'Epitaphe connaît le destin de Kitej. Il me semble parfois que même ma maison, ici, avec ses chats, ses oiseaux et ses fleurs, est une sorte de Kitej, prête à appareiller.

samedi 21 octobre 2023

Derniers feux


Alors que la grisaille et le froid s'installent, et les ténèbres, voilà qu'aujourd'hui, le soleil prend congé, et je me rejoue Poucette, se préparant à hiberner dans le terrier de la souris et disant adieu à la nature. J'ai cueilli un bouquet d'orpin, mon orpin est énorme, somptueux, mais le gel va venir, et ces fleurs se conserveront encore quelques temps chez moi, prolongeant l'écho de la fête automnale de leurs grosses ombelles de velours pourpre, distinguées, surannées, comme un chapeau des années 1900. Les asters géants qui bordent ma palissade croulent en cascades violettes, parmi les ultimes feux des feuillages déteints. J'ai jardiné sans doute pour la dernière fois de l'année, malgré la fatigue, puis je me suis installée sur la terrasse, au soleil qui chauffe encore, mais le vent me gelait les doigts. J'ai fait un rapide dessin, pour le continuer plus tard. J'ai joué des gousli, au milieu des animaux, qui saisissaient l'occasion de lézarder, même la vieille Chocha aveugle est sortie un peu. Avec quelle splendeur chatoyaient devant mes yeux tous les détails de mon jardin! Et je ne savais plus si ce qui volait, plongeait, se posait autour de moi, traversant les cages ajourées des frondaisons et les rayons bleus dont elles étaient infusées, étaient des feuilles mortes ou des mésanges jaunes. Cela frémissait, fulgurait et tournoyait dans tous les sens. J'ai vu parmi elles un geai des chênes, ce n'est pas la première fois. Il était là cet hiver. Il paraît que cela mange des glands et des noix et noisettes, c'est peut-être pour cela que je n'en ai pas eu eu une seule, cette année, elles ont toutes disparu. Il faut dire que mon noisetier n'est pas encore très vieux, ni très fourni. 
Vers le soir, alors que le couchant miroitait comme une feuille d'or froissée, une énorme demie lune est apparue au sud. La lune, ici, je ne sais pourquoi, est beaucoup plus grosse que chez nous. 
Slobodan évoquait la nécessité de se garder un "ailleurs" pour ne pas succomber à la folie ambiante. Ici, tout reste plutôt calme, pour l'instant, mais je suis inquiète, bien sûr, qui ne le serait pas? Mon ailleurs, hormis la foi et la création, c'est précisément ce jardin, ces oiseaux, le ciel, les nuages, le vent. Je pense assez souvent, depuis que je les ai vus, et entendus, aux cèdres du monastère de Tolga, à ces créatures austères, majestueuses et bénéfiques, dont la voix m'a fait vibrer comme une corde d'une note recueillie, au diapason du cosmos. De tels cèdres ne pousseraient pas dans mon marécage, et mon terrain est trop petit pour ces géants, mais j'ai un gardien des mystères en la personne d'un genevrier qui m'a séduite par son feuillage ébouriffé et bleuâtre, sa grâce. Je l'ai acheté trop cher et presque mort, et je n'étais pas du tout sûre qu'il prendrait ici. Or, planté entre l'ouest et l'est, il prend, il fait de nouvelles branches, sa tête s'effile, pousse des antennes dans la lumière oblique, et je suis sûre qu'il chantera bien. 
 






vendredi 20 octobre 2023

Vrais pasteurs

Il y a des moments où il est difficile de garder son calme. Que penser de ce que je trouve ce matin dans ma boîte mail? Est-ce que cela ne passe pas toutes les bornes du supportable? Que peut-il se passer dans l'âme d'un patriarche qui agit de cette manière?

Juste au moment où vous pensez que cela ne peut pas être pire dans l'Orthodoxie, c'est le cas.  Non content d'avoir aidé et encouragé le martyre au ralenti du Métropolite Onuphre, le patriarche Bartholomée rend maintenant la situation de l'Église orthodoxe ukrainienne canonique infiniment pire.

Le monde va mal en ce moment - vraiment mal.  Il n'est pas nécessaire d'être un scientifique pour s'en rendre compte.  Ce dont il n'a pas besoin, c'est que les chefs religieux jettent de l'huile sur le feu.  Or, c'est exactement ce qu'a fait Bartholomée. 

Selon Orthodox Times, Bartholomée a déclaré qu'il pensait que plusieurs évêques ukrainiens devraient être emprisonnés. [https://spzh.news/en/news/76512 -patriarch-bartholomew-approves-criminal-cases-against-uoc-hierarchs]

Bigre, c'est un coup de pied dans la fourmilière.  Que diriez-vous d'un coup de pied dans la tête ?  Avec des patriarches comme celui-ci, qui a besoin de Néron ?  Quelle est la prochaine étape ?  L'incarcération des chrétiens ukrainiens ? 

Depuis des années, j'essaie d'être aussi charitable que possible envers cet homme.  Après tout, je me suis rendu à Istanbul et j'ai vu les contraintes auxquelles il a dû se soumettre.  À vrai dire, les chrétiens d'Istanbul ont eu la vie dure pendant plus de 500 ans et ils ont essayé d'en tirer le meilleur parti.

Bartholomée, lui, ne fait qu'empirer les choses, quelles qu'elles soient.  Sur le plan géopolitique, il a franchi une ligne rouge après l'autre. 

Mais ce dernier coup d'éclat va trop loin.

Que reste-t-il ?  L'apostasie ?  L'acceptation ouverte du mariage homosexuel, de l'avortement sur demande, ou des prêtresses ?

Je ne suis qu'un laïc, mais je n'hésite pas à demander à nos évêques de prendre les devants et de convoquer immédiatement un concile.  S'ils ne le font pas, les fissures qui existent actuellement au sein de l'Orthodoxie se durciront et deviendront des gouffres permanents.  Pire encore, des schismes éclateront au sein des Églises locales, en particulier les Églises de Grèce, de Chypre et même de Constantinople.  

Messieurs, la balle est dans votre camp.  Vous devrez répondre au verdict de l'histoire.  Mais il y a aussi un verdict final auquel vous devrez répondre*.  C'est celui-là qui m'inquiète le plus.


Version française Claude Lopez-Ginisdty

d'après

MONOMAKHOS


Et dans la foulée, voici ce que je trouve: https://orthochristian.com/156751.html?fbclid=IwAR0o9v6GmqY808hD_Olk5XB6Exa9RDOdbW-AE0V1KUt27kX1cLUK5rdZxJI

C'est-à-dire que le but est d'éradiquer l'Eglise, une Eglise particulièrement digne, et je le sais, parce que je suis les événements depuis des années. Pour acculer les gens soit à apostasier complètement, soit à se tourner vers un bouffon mitré, adoubé par l'instrument d'une mafia maléfique, vers une parodie de christianisme, une parodie grotesque, comme au temps de la révolution française et de la révolution russe, et pour les mêmes raisons. Mon amour, mon respect et ma compassion vont tout entiers au métropolite Onuphre, au métropolite Longin, au métropolite Paul, au métropolite Luc, au métropolite Bessarion, au métropolite Théodose, au métropolite Arséni, dont la Laure abrite des réfugiés, bombardés récemment dans cet asile, qui sera sans doute fermé et profané, comme la laure de Kiev, où se trémoussent à présent des donzelles avec des diadèmes jaunes et bleus, au rythme d'une musique stupide. Après cela, me dit une amie, on ne peut plus éspérer que le retour du Christ, pour mettre fin à ces abominations.

Un autre asile est bombardé de la même manière, ailleurs. Un autre métropolite choisit son troupeau et parle en son nom. Il y a des hiérarques qui sont de vrais pasteurs, et d'autres qui s'allient aux chacals et aux hyènes : https://orthochristian.com/156751.html?fbclid=IwAR0n0bYNCABfuHTfxlsoSRPGZpSzYWJ96vcJ3RCKrMkxUeBF4LESNVoOG4Q

Qu'il y ait un lien entre ces différents événements et que tous soient motivés par la haine du Christ, des chrétiens, en premier lieu, et plus généralement le mépris de l'humanité, j'en suis de plus en plus persuadée. Mais il y a des hiérarques qui sont de vrais pasteurs: https://orthodoxe-ordinaire.blogspot.com/2023/10/alleluia-goire-dieu-un-vrai-eveque.html

Et voici une vidéo bien instructive:

Telegram: Contact @donbassinsider



jeudi 19 octobre 2023

Folie

 L'hiver arrive avec une rapide brutalité. Hier, un peu de soleil transfigurait les derniers feuillages, et je me suis assise sur la terrasse, il est vrai avec ma doudoune, car j'avais la visite de Boris le cosaque, venu me parler de mon livre 'l'Autre Planète" année 17, et lui aussi aime à prendre l'air et la lumière. Je regardais le ciel, traversé de rayons, les asters, le sedum, tout ce qui va bientôt constituer une bouillie brune sous des couches de neige, et puis le ballet des mésanges autour de leur mangeoire, parmi les feuilles jaunes tourbillonnantes. On ne pouvait pas dire qu'il faisait chaud, quelque chose comme une journée venteuse de décembre dans la basse Drôme. La femme de Boris et Boris lui-même ont adoré le récit que j'ai fait de ma rencontre avec leur famille, la trouvant très justement décrite.

Boris reste perplexe devant les tentatives répétées de blanchiment de rouges, qui font pendant aux blanchiment de bruns, en même temps que de fric, dans l'Ukaine infestée, comme quoi, de chaque côté, on aime bien conserver son ennemi sous la caricature admise, c'est plus confortable pour faire marcher les couillons. Je lui ai dit: "Vous savez, je ne pense pas que le truc puisse revenir sous sa forme précédente, on cherche à justifier tout cela parce que la plupart de ceux qui sont au pouvoir sont issus de la nomenklatura, dont tous les parents avaient trempé là dedans." C'est la thèse de Nazarov, et elle est sans doute juste.

Un de mes correspondants sur VK ne cesse de me casser les pieds avec son révisionnisme, il me chante les louanges de Béria, et j'ai encore à la mémoire le témoignage d'une vieille actrice qu'il avait violée quand elle était jeune et expédiée illico au goulag, et qui en pleurait encore; j'avais utilisé cette histoire dans mon roman "Lueurs à la dérive". Demain, il me dira que Staline avait restauré l'Eglise dans ses droits, parce qu'il avait permis l'ouverture de quelques sanctuaires, pour mieux mobiliser les chrétiens obstinés, mais on continuait à arrêter et fusiller prêtres et croyants et à déporter et affamer les paysans. Dieu que je déteste les idéologies politiques et les idéologues! Je les vomis positivement, depuis la révolution française, jusqu'à nos jours, et j'inclus là dedans les brillants intellectuels du XVIII° siècle et leurs lecteurs frémissants qui ont rendu tous ces cauchemars possibles. Je n'ai même jamais compris l'engouement de mes pareils pour les mensonges politiques, et dire que ce sont ceux-là même qui critiquent la foi religieuse! Ils ne croient pas au caractère sacré et mystérieux du monde, mais ils écoutent avec vénération n'importe quel dictateur braillard et retors, n'importe quel satrape de la ploutocratie.

Depuis au moins deux cents ans que cela dure, enfin depuis qu'on a détruit les gardes-fous qu'étaient les monarchies, on en arrive maintenant au délire absolu, surtout en occident. Du reste, ici, en dépit des dérives néostaliniennes, le personnel politique ne perd, de nos jours et pour l'instant, ni la boule ni la mesure, quoiqu'on puisse lui reprocher par ailleurs; ainsi que le disait Slobodan Despot, "au moins, ils ne sont pas dingues", et je ne crois même pas qu'ils détestent leur peuple. Dans les pire des cas, ils se foutent des gens tant qu'ils ne les gênent pas. Mais en occident... j'ai l'impression que tout le monde devient fou. On entend tout et le contraire de tout. Des gens affirmer avec impudence des contre-vérités, des mensonges énormes, et cela passe, tout le monde gobe. Ceux-là même qui exigeaient qu'on ne fît pas d'amalgames quand les attentats et les incivilités frappaient des franchouillards, crient haro sur le palestinien, comme ils criaient haro sur l'Irak et la Syrie, ou sur le Russe, considèrent toute tentative de conciliation, de prise de recul, de réflexion, comme de la trahison pure et simple, et nous traitent de soumis quand nous refusons de nous faire manipuler et de pousser des clameurs à la commande.  

Je travaillais encore à Moscou quand je remarquais que les traqueurs de fachos chez nous, les pourfendeurs de patriotes, d'identitaires et de cathos tradis, étaient totalement aveugles aux monuments qu'érigeaient les pays baltes à la Waffen SS ou aux discours banderistes qui se faisaient jour en Ukraine. Ce qui me devint encore plus évident après le Maïdan, avec les voyages extatiques de BHL au pays 404, lui qui traquait chez nous le drapeau français, les vielles-à-roue et les cornemuses, il ne trouvait rien à redire aux défilés avec croix gammées, aux drapeaux bleu et jaune, aux chemises brodées, pourvu que tout cela servît le chaos projeté et les intérêts obscurs de sa mafia propre sur elle. Silence radio de toutes ces grandes consciences sur les massacres au Donbass, sur les appels au meurtre délirants de la classe politico-médiatique ukrainienne, dont la nôtre était complice. J'avais d'ores et déjà bien compris qu'il y avait les bons et les mauvais morts, et récemment Enthoven me l'a confirmé, en affirmant qu'il y avait d'un côté des victimes, sur lesquels nous devions pleurer à juste titre, et les "dégâts collatéraux". Admirable. Mais le dernier symbole que j'ai vu, et qu'il faudrait encadrer, c'est la projection, à Lvov, du drapeau israélien sur une statue de Bandera. On peut dire là, que la boucle est bouclée. 

Je tire mon chapeau à Sébastien Recchia, à son dernier "Restez couchés", où il démasque et pourfend tous ces guignols sinistres, contre lesquels notre population n'a pas encore, ou déjà plus, les anticorps nécessaires pour survivre à leurs miasmes. Il est vrai que les anticorps d'un peuple, c'est sa culture, son histoire et sa spiritualité, nous n'avons plus ni les uns ni les autres, qu'est-ce qui pourrait encore nous unir et nous sauver? 

Je dis cela pour la France, mais cela menace le monde entier. Nous sommes la proie d'une maladie mentale planétaire qui nous atteint à des degrés divers. On peut sentir ça et là des signes annonciateurs de prise de conscience et de guérison. Dommage que les barrissements de rhinocéros, les ricanements de hyènes et les hurlements de possédés en étoufffent trop souvent l'écho.



Lvov







mardi 17 octobre 2023

Au séminaire de Iaroslavl

 

le monastère de Tolga

Le lendemain de la présentation de mes chroniques au café, il m'a fallu aller au séminaire de Iaroslavl, qui m'avait invitée à raconter ma vie et à chanter, sur la suggestion du père Mikhaïl, chez qui j'ai mis des tableaux. Le matin même m'appelle un monsieur français que je connais et qui a décidé de partir en Russie. "Il nous faut apporter aux Russes notre témoignage de Français", me dit-il.  C'était bien de cela qu'il s'agissait au séminaire, mais j'avais autant envie d'y aller que de me pendre.  Je me sentais faible, somnolente, à bout de nerfs, et ne savais même comment j'allais conduire pendant deux heures, à travers la pluie, sur cette route fatigante et dangereuse. Mais ce qui est dit est dit...

Le séminaire se trouve dans les vieux quartiers de Iaroslavl, qui sont rééllement féériques, avec ce mélnage d'églises médiévales fantastiques et de maisons baroques ou art nouveau. C'est l'ancienne mairie d'avant la révolution, et elle a été très bien restaurée, par l'Eglise. J'ai été accueillie par Andreï Grigorievitch, qui enseigne là bas, un homme charmant, et un prêtre tout aussi charmant, le père Artemi, qui a garé ma voiture dans la cour de l'établissement. Je ne savais pas trop ce que j'étais censée faire. Plus ou moins, parler de moi, de mon itinéraire,"apporter mon témoignage de Française". Ce que j'ai fait, et j'ai chanté une complainte bretonne sur la Vierge Marie et saint Jean Baptiste, la déploration d'Adam, des vers spirituels, je ne sais pas comment j'y suis arrivée, mais j'y suis arrivée. J'avais l'impression d'être au XIX° siècle, comme si le bâtiment avait la propriété de nous emporter à l'époque de sa construction. Une rangée de jeunes filles en uniforme nous a chanté des chants d'église, très bien, d'ailleurs, avec des voix pures et bien accordées. Une fillette naturelle et convaincue nous a récité un poème d'Essénine d'une façon vibrante. Le joueur de gousli Alexeï a interprété lui aussi des vers spirituels, et je regrette qu'il ne soit pas plus près, sa femme et lui ont l'air de prendre tout cela au sérieux, elle est musicologue. L'assistance était bienveillante, enthousiaste. A la fin, un prêtre est venu me demander mon prénom afin de prier pour moi, car je l'avais profondément touché. Une jeune femme m'a remerciée d'être venue: "Si vous saviez ce que cela représente pour nous et pour nos étudiants, ils se souviendront toute leur vie de ce que vous leur avez dit ce soir:" J'étais si émue que j'avais peine à retenir mes larmes. 

Andreï Grigorevich n'arrêtait pas non plus de me remercier, et brûlait de m'emmener chez Pavel et Anna, des enfants spirituels du père Basile, chez qui je devais passer la nuit, parce que leur repas menaçait lui aussi de brûler ou de refroidir. Le père Artémi nous a emmenés chez eux en voiture, et en chemin, devisait avec moi sur Pereslavl, dont il est originaire, sur les transformations malheureuses qu'a subi la ville, les pollutions répétées du lac, dont l'eau était autrefois cristalline. 

Pavel et Anna ont acheté une grande maison dans un quartier de datchas, près du célèbre monastère de Tolga, qui est très ancien et très beau. J'ai admiré la façon dont elle a été construite, bien mieux que la mienne. Mon infecte chienne, qui n'avait pas été acceptée avec un enthousiasme sans mélange, parce que le couple a deux magnifiques chattes écossaises aux oreilles pendantes, s'est dépêchée de me couvrir de honte en pissant sur le tapis, malgré une promenade préalable dans le jardin. 

En dépit de cela, le repas excellent a été très chaleureux, nous avons appelé le père Basile, tout surpris de me voir là. Andreï Grigorievitch m'a demandé si je reviendrais, et le père Mikhaïl, entrevu au séminaire, aimerait aussi me voir, je trouve que Iaroslavl est un peu loin, surtout en hiver, mais ils sont si touchants, avec leurs visages inspirés, bons et sincères, et me témoignent une telle affection que je ne vais pas pouvoir faire autrement... C'est une très belle ville, j'imagine combien elle devait être ravissante il y a plus d'un siècle, lorsqu'elle n'avait pas subi de destructions ni de ruine...

Le lendemain matin, avant de me ramener au séminaire et à ma voiture, Anna m'a fait visiter le monastère de Tolga. Je l'avais vu il y a très longtemps, dans les années 90. Il a été complètement restauré, les fresques, les carreaux de céramique, tout a été refait, les jardins sont devenus un but de promenade, même pour les simples touristes, sur l'étang nagent des canards et des cygnes, il y a un peu trop de petits massifs à mon goût, mais c'est un très bel endroit. Les moniales ont constitué un parc de cèdres de Sibérie, et cultivent des plants, elles en ont donné quatre au père Basile. Leurs cèdres sont encore jeunes, mais j'imagine ce que ces arbres splendides doivent donner avec le temps, et de me trouver en leur puissante compagnie m'a fait un bien extraordinaire, alors que j'étais fatiguée et gelée. L'air, autour d'eux, est plus pur, il sent bon, et leur murmure si grave ressemble à une prière, je ne doute d'ailleurs pas que c'en soit une, "que tout souffle loue le Seigneur".

Ensuite, elle m'a emmenée dans une église vénérer les reliques de saint Ignace Brianchaninov. Il y avait une magnifique icône médiévale de la Vierge du Signe, que j'ai priée pour la France et la Russie, et tous les gens que j'avais vus au séminaire, ainsi que Pavel, Anna, et la mère d'Anna, une adorable vieille dame, qui aime comme moi les fleurs et les orchidées. Les fresques qui couvraient les voûtes étaient à mon avis contemporaines, mais elles s'inscrivaient très bien dans l'architecture, il régnait dans les lieux une paix mystérieuse où l'iconostase s'ouvrait comme un livre enluminé. En revanche, j'ai été sidérée par la mine renfrognée de la jeune moniale qui tenait la boutique attenante. Elle était franchement désagréable et réfrigérante, et je me demande toujours, dans ces cas là, qui ne sont pas rares, ce qui a décidé ces jeunes personnes à prendre le voile, si leur prochain leur paraît si insupportable. 

Le froid est arrivé, des lambeaux d'or tremblent encore dans les forêts brunes, mais cela devient bien austère. Au retour, j'ai chargé la mangeoire des oiseaux en pensant aux tournesols qui viendront danser dans mon jardin à la belle saison...

Les cèdres




L'endroit où est apparue l'icône miraculeuse de la Mère de Dieu de Tolga



Audace

La chaîne SPAS diffuse un extrait d'une homélie du métropolite Arsène, après qu'on a tiré sur la Laure de Sviatogorsk, située sur le territoire contrôlé par l'Ukraine. Le métropolite dit ouvertement que c'est l'Ukraine qui ouvre le feu sur son monastère.

https://vk.com/spastv?z=video-55490878_456495207%2F3a01d52248c2e89c8d%2Fpl_wall_-55490878

 "Dites-moi, quels ennemis visait-on en tirant sur notre saint monastère? Des vieilles de quatre-vingts ans, les enfants qui vivent ici? Les femmes et les paralysés qui se trouvent ici? Ceux qui se tiennent dans l'église et prient la Mère de Dieu? Et on commence à inventer toutes sortes d'histoires, je ne sais pas ce qui a pu se passer dans la tête malade de cet homme, pour qu'il lève la main, et tire sur l'église de la Mère de Dieu. Les tirs proviennent d'une arme, et c'est confirmé par la police et le Ministère des Situations Extrêmes et les enquêteurs venus ici, qui a une portée de 500 à 900 m., sur notre monastère, sur l'Eglise de la Mère de Dieu. Si c'étaient, comme disent certains, des saboteurs, pourquoi ne les a-t-on pas arrêtés?  Pourquoi a-t-on tiré à sept heures du matin, quand le soleil est déjà levé, que tout est visible et audible, qu'on ne peut se cacher nulle part? Et tout cela avec une impunité évidente? Pourquoi fallait-il tirer sur notre saint monastère? C'était juste de la folie? La haine de la Mère de Dieu? La haine de ceux qui vivent ici, dans ce saint monastère, parce qu'en plus d'y vivre, ils y prient? Quel fut le motif de cet homme? A quelle confession il appartenait? S'il est orthodoxe, comment sa mère pourra-t-elle prier devant l'icône de la Mère de Dieu pour son retour sain et sauf? S'il est catholique, les catholiques aussi vénèrent la Mère de Dieu, en Pologne et partout. S'il est protestant, eux aussi vénèrent le Christ et la Mère de Dieu. S'il est musulman, la vénération pour Mariam est inscrite dans leur Coran. Si tu es juste un mécréant, et déteste tout ce qui est religieux et te considère comme athée, ou peut-être païen, alors tu es quand même un être humain, et tu dois comprendre que tu tires sur un monastère où vivent des gens comme toi, des enfants, des femmes, des vieux, qui se sont rassemblés ici depuis leurs maisons détruites, leurs villages brûlés. As-tu un sentiment humain de compassion, ou bien n'es-tu pas un homme mais une bête, capable de tirer sur un saint monastère?"

"Voici des paroles très audacieuses, monseigneur, conclut le journaliste, très audacieuses".

Mon amie Liouba m'avait dit un jour que Dieu aimait les audacieux. Je prie pour ce métropolite tous les jours, ainsi que pour le métropolite Longin et ses orphelins, le métropolite Paul, le métropolite Luc, le métropolite Théodose et le métropolite Bessarion. Et aussi le métropolite Onuphre et son troupeau persécuté. Quand à ceux qui les conspuent: qui veut noyer son chien l'accuse de la rage. 

Que la sainte Mère de Dieu le prenne sous sa Protection, que nous venons de fêter. 



samedi 14 octobre 2023

Beaucoup plus haut

 




Hier matin, je me suis fait une obligation d’aller voir l’expo de peinture « l’Atlantide russe », un mouvement d'artistes qui voyagent à travers la Russie pour peindre ce qu’il en reste. Je trouve l’initiative sympathique et c’était dans notre paroisse. J’y ai vu le père Pantaleimon, on attendait l’évêque. Le chef du mouvement m’a reconnue et m’a rappelé que c’était moi qui l’avais mis en relations avec ce dernier. Il y avait de jolis tableaux qui magnifient un peu la réalité, mais c’est souvent ce que je fais aussi. C’est drôle comme avec le père Pantaleimon, je ne suis pas très à l’aise, j’ai l’impression qu’il me trouve bizarre, mais c'est sans doute me donner trop d'importance, il ne trouve certainement rien du tout; ou bien c'est moi qui ne me trouve pas très bien. En réalité, j’ai toujours été un peu en dehors des clous, et la mère Hypandia estime que j’ai un chemin spirituel particulier, qu’elle respecte.  

L’évêque, je n’ai  fait que l’entrevoir, je suis rentrée chez moi, car je devais prendre un cours avec Skountsev. Il y a un peu de soleil entre les nuages, je voulais en profiter, après nous aurons de la pluie pendant dix jours. Les gens qui ont acheté la moitié d’isba de l’oncle Kolia sont en train de la massacrer, et en plus du préjudice esthétique, ils font du bruit. Le problème est que je ne peux pas cacher entièrement le désastre presque certain. J’ai un prunier qui perd ses feuilles en hiver, on ne peut le remplacer, car il est quasiment impossible à arracher, et derrière, c’est le canal. Rien qu’à leur voix, qui n’a plus rien de russe, on devine la mentalité des acquéreurs, et Ania m’a dit la même chose. Je devrais ressentir plus de compassion que d’agacement pour les produits de la modernité, ils sont comme les enfants-loups, qui n’ont pas fait leurs apprentissages à temps, mais à vrai dire, il me semble qu’il vaut mieux être élevé par des loups, que par la modernité. Avec les loups, on reste attardé, avec la modernité, on devient souvent bête et méchant. 

En fait, les gens conditionnés deviennent enragés dès qu’on touche aux certitudes qu’on leur a enfoncées dans le crâne, je le constate de plus en plus, avec l'Ukraine, ce n'était déjà pas triste, dans le genre, mais avec le Hamas et Israël, on va atteindre des sommets, et pour l'instant, je préfère me taire, et je pense que je suis loin d'être la seule. C’est valable pour les doxas politiques et c’est valable pour la culture, laquelle est d'ailleurs trop souvent victime des doxas. J’en ai parlé ce matin avec Sacha Joukovski, passé me voir, et avec Skountsev ensuite, sur Skype, à propos du folklore. Je disais à Sacha que les gens du Donbass, si attachés à leur langue, à leur appartenance à la Russie, n’avaient souvent plus aucune idée de leur culture, comme le regrette le père Nikita. Ils chantent du rap ou de la variété patriotique, qui sont loin, très loin d’égaler, sans parler du folklore, les chansons soviétiques de la guerre de 40, et ces dernières sont souvent abîmées par des orchestrations et des interprétations vulgaires et hideuses, même à Moscou. Sacha me disait que dans un village près de Belgorod, il avait voulu, avec les siens, enregistrer une nonagénaire, dont toute la famille se liguait pour l’empêcher de chanter, et elle avait dû se cacher dans le potager pour revêtir son costume traditionnel. Ils voulaient l’enregistrer chez elle, dans son humble maison, et les proches exigeaient que cela se passât chez eux, où il y avait des tapis, la télé et des tas de trucs affreux, signes qu’ils n’étaient plus des péquenots, comme elle, mais des beaufs mal urbanisés avec un goût dégueulasse . Les gosses ne voulaient pas apprendre les chansons de la grand-mère, dès la maternelle, ils entendent et voient de la merde partout, et on leur donne en exemple les petits singes des shows télévisés qui se tortillent, maquillés et couverts de paillettes, avec des grimaces et des poses. On leur apprend, depuis des décennies, à avoir honte de leur culture populaire remarquable qui était, avec l’orthodoxie, l’essence même de l’âme russe . Comme quoi, on peut tuer les âmes... quoique pas sûr. Quelque chose reste. Des petites braises au milieu des cendres. C'est ce que disait une cinéaste dont j'ai déjà parlé, qu'après des décennies de rééducation, les gens ne savaient plus rien, mais que par un étrange miracle, ils gardaient le coeur russe. Ce n'est pas toujours vrai. Mais quand même, ce miracle existe.

Ces gens qu’on a dressés dans le reniement de leurs ancêtres sont souvent très agressifs avec ceux d’entre eux qui, par mémoire génétique ou disposition artistique, reviennent à ces sources oubliées et vilipendées. Ils mettent sous les vidéos de festivals folkloriques des commentaires atroces. J'ai vu par exemple ceux d'un imbécile qui disait des paysans qu'ils avaient autant de conscience que des lapins et se reproduisaient comme eux. Sans doute un de ceux qui considèrent que la famine des années trente était justifiée par le fait qu'il fallait nourrir les villes en priorité, on voit là toute l'affection que portait le régime à la Russie paysanne ancestrale, et le résultat est effroyable... 

Parfois, au contraire, pour certains d’entre eux, c’est une révélation. Ils avouent que cela touche en eux quelque chose de très profond et s’accusent d’avoir envoyé promener leur grand-mère quand elle chantait de pareilles choses. Ils peuvent, les malheureux, s'en repentir, il y a de quoi, mais qu'ils s'en repentent, c'est déjà bien. "Ils viendront un jour nous chercher, pour retrouver ce que nous aurons sauvé", me dit Sacha. Mais c'est que nous avons tellement perdu, et si vite. Et d'abord notre mode de vie. J'ai revu un documentaire que j'avais publié il y a quatorze ans, avec des chansons à rire, à danser et à pleurer, des chansons très anciennes qui sont des leçons de vie. Cette berceuse entrecoupée de sanglots. Et puis ce vieux couple, si lumineux. Et cette grand-mère: "Nous étions plus heureux, nous avions la vie plus gaie, nous chantions, nous faisions la fête ensemble". Dans un train des années soixante-dix, j'avais discuté avec une ouvrière à la retraite. Elle m'avait dit: "Je plains votre génération, nous avions la vie plus dure, mais plus joyeuse, et plus chaleureuse." 

Le résultat est que même la langue en souffre, devient moins musicale et moins savoureuse, comme en France, d’ailleurs. Dans les chansons de variété, ou les pubs, je reconnais à peine le russe, il devient précipité, désagréable, vulgaire, comme dans le rap, en fait, toutes les langues, à la surface du globe, prennent quelque chose de martelé, de mécanique et d'affecté. En réalité, cette guerre qu’on fait aux peuples a pour résultat de les casser en deux. La foule de la modernité universelle d’un côté, les Russes, ou bien les Français, ou autre nationalité, de l’autre. Les peuples encore plus ou moins enracinés, et puis les poissons de banc. Quand il ne restera plus que les poissons de banc, les requins s'en donneront à coeur joie. Avant de mourir d'une indigestion de plastique sur une grève empoisonnée. Et puis peut-être demeureront les résistants de tous horizons qui formeront une nouvelle humanité, ou bien se porteront à la rencontre du Christ, venu mettre fin à tout ce délire.

Heureusement que je suis ici, et pas en France, surtout en ce moment, je me répète cela depuis plusieurs années, mais j'ai de plus en plus de raisons de le penser. Et pourtant, la France me manque, celle qui n'existe plus. Est-ce que la Russie existe encore? Oui, quand même. Défigurée, hagarde, mais elle existe, et parfois redevient belle. La température remonte, et dans le vent fort et humide, je regarde les dernières fleurs, les derniers jeux de lumière à travers les feuillages jaunissants, et dire que tout cela sera bientôt sous la neige à tel point que l'été me deviendra irréel, un paradis perdu. Et quand la neige disparaîtra, elle finit quand même toujours par disparaître, j'aurai peine à imaginer que ce terrain marronnasse et boueux sera vite couvert d'une végétation luxuriante et difficile à discipliner. Je guetterai les premières miraculeuses étoiles des crocus, puis les trompettes des narcisses et des jonquilles, puis s'allumeront les lampes baroques des iris, les chapeaux de fée des héllébores et des ancolies, puis les aigrettes des astilbes... tout cela qui fait ma joie au bout du monde, dans l'espace boréal qui m'a aspirée.

A l'issue de ces réflexions, je conseille d'écouter Slobodan, qui marche un peu sur des oeufs, on le comprend. Le Présent éternel... Oui, l'amnésie rend stupide, l'humanité a la maladie d'Alzheimer. On l'a tellement manipulée "pour son bien" qu'elle est devenue complètement neuneu. Elle bave, elle pique des crises de nerfs, elle a des hallucinations. Soi-disant, seul le présent existe, le passé est mort, et le futur n'est pas encore. Bien que j'ai décidé depuis déjà longtemps de vivre selon le principe "à chaque jour suffit sa peine", je ne partage pas cette vision des choses, car j'en ai eu une, de vision, il y a des années, et le temps, ce mystère qui me fascine, m'est apparu d'une autre manière. J'ai vu qu'au contraire, c'était le présent qui n'existait pas. C'est juste l'écume de l'énorme masse du passé, de cet océan des destins, la Mémoire éternelle, celle qu'on ne perd jamais, parce que ce temps élastique comme la mer est sans cesse pénétré et renouvelé par Dieu, et par tous les destins qu'il dévore, les moments qu'il engloutit. Le présent est une transition, l'instant où ce qui a été s'éboule dans ce qui advient. Sans passé, pas de présent, et pas d'avenir. 

https://www.youtube.com/live/NhTvJ-EPnhs?si=38TsaaFFv6Zsq1cF

Ce matin, je suis allée communier pour la fête de la Protection de la Mère de Dieu, fête de la paroisse du père Valentin, de notre monastère de Solan, qui la célèbre selon le calendrier grégorien, protection dont nous avons tous bien besoin, la France et la Russie contre les robots, le monde entier contre les robots. J'ai avoué au père Andreï que j'étais victime d'un soupçon d'acédie. "Ah non, il ne faut pas avoir le cafard, le cafard russe est pire que le spleen anglais!

- Oui, mais voyez, la situation est telle... et puis on m'envoie des articles sur l'installation de la dictature électronique en Russie etc.

- Voyons, voyons, nous, nous savons bien d'où tout cela provient, et vous comprenez, en Russie, il ne faut pas perdre de vue que ce n'est pas au niveau du Kremlin que les choses se passent, mais beaucoup, beaucoup plus haut: priez!"

J'ai communié avec un sentiment de joie profonde, et l'eucharistie me paraît depuis quelques temps  avoir une saveur merveilleuse, réellement vivante, douce et bénéfique. De plus, à la cathédrale, je me sens quasiment en famille. au moment où je suis venue baiser la croix, le père Andreï l'a posée sur ma tête: "Maintenant que vous êtes vraiment russe, Laurence, ne désespérez pas, priez!"

l'Atlantide russe


mercredi 11 octobre 2023

De Kiev à Moscou

Depuis quatre jours, c'est le mois de novembre. Le mauvais temps est venu si brutalement que j'ai du mal à m'y faire. Les fleurs et les oiseaux ne s'y attendaient pas non plus. J'ai dû rouvrir le restaurant pour les mésanges, elles se donnaient beaucoup de mal pour me faire comprendre qu'il était temps, voletant avec insistance devant mes fenêtres ou autour de ma terrasse. J'en serai récompensée par de nombreux tournesols aux beaux jours, qui pousseront à des endroits inattendus, me faisant la surprise de leurs têtes d'or inégales.
Dimanche, monseigneur Théoctyste menait avec le père higoumène Pantaleimon une discussion sur l'Evangile de saint Jean au monastère de la Trinité saint Daniel. J'y suis allée, mais hélas, je comprends beaucoup moins dans une pièce que lorsque j'écoute une vidéo. 
J'avais apporté, pour la lui remettre, l'icône du métropolite Pierre que j'avais commencée pendant le grand Carême. Il m'a paru positivement terrorisé. Je le comprends, dans un sens, on voit vraiment de tout, dans le genre. Il a écarté la serviette qui la recouvrait et exprimé un visible soulagement: c'était une icône normale. J'éprouvais une certaine gêne de lui imposer mon oeuvre, je pensais à toutes les fois où j'ai dû moi-même accepter avec consternation des "souvenirs" que je n'avais pas trop envie de voir chez moi, et là, il s'agit de quelque chose qu'on met dans une église... je lui ai dit que s'il ne la voulait pas, je comprendrais mais que le père Valentin l'avait trouvée décente, et même plus que cela. Le métropolite Pierre, originaire de Kiev, a été le premier métropolite de Moscou, c'est à lui qu'est consacrée la superbe église que nous aimerions tous voir restaurer, et nous n'avions pas d'icône de lui. Il me paraît très symbolique que le premier métropolite de Moscou fût venu de Kiev, autrefois, on ne prêtait pas attention à ce détail, mais aujourd'hui, cela prend un nouveau sens, et je le prie pour la sainte Russie et ses trois composantes. C'est pourquoi j'ai décidé de me lancer. Et j'avais besoin de la faire pendant le carême, c'est ma meilleure façon de prier. J'ai eu beaucoup de problèmes en cours de route, des problèmes techniques, comme d'habitude. 
Dans la foulée, j'ai aussi réussi à expédier à Donetsk, avec les cosaques, celle que j'ai faite pour le père Nikita.



Pour ceux qui l'avaient demandé, voici le lien de l'enregistrement de ma soirée au musée d'Alexandrov, je ne l'ai pas encore regardé, parce qu'à vrai dire, je n'aime pas trop me voir, cela plaît aux autres plus qu'à moi.  

J'ai trouvé cette remarque sur la page d'un prêtre, c'est une citation qui date de 2015, l'après Maïdan: 
"Hier est venu chez nous un frère en Christ d'Ukraine et il nous a dit qu'il ne fallait pas prier pour la paix en Ukraine, mais pour le repentir! Ce qui se produit, Dieu veut l'utiliser pour le repentir! Les gens s'en sont mis jusque là, et l'Ukraine aurait pu devenir comme beaucoup de pays européens où les chrétiens ont disparu! ... L'Ukraine a besoin de repentir! Et les chrétiens russes aussi en ont besoin, sinon Dieu secouera la Russie de son hibernation! Réveillez-vous et appelez-en au Seigneur!"  

Dans le même temps, Sacha Viguilianskaïa publiait une lettre de l'évêque de Zelenograd Savva qui portait la contradiction aux habituelles tentatives de Zakhar Prilepine pour blanchir les rouges. https://vk.com/wall551636728_11416 . Tentatives largement favorisée par les tentatives correspondantes des occidentaux pour blanchir les bruns, exclusivement dans les pays de l'est, et en particulier en Ukraine, où les chasseurs de quenelles et d'identitaires chez nous ne voient pas les croix gammées financées et soutenues par des oligarques juifs et leur président. Que l'on puisse encore s'accrocher avec sincérité à l'une ou l'autre de ces idéologies m'emplit d'une perplexité consternée. Il serait temps, sur tous les fronts, de considérer le conseil du frère en Christ ukrainien cité plus haut.

Mais en Ukraine, la chasse aux orthodoxes continue avec une rage plus trotskiste que nazie qui rappelle les premières décennies de la période communiste et tout ce que dénonce l'évêque de Zelenograd. Il est intéressant que pour justifier ses idoles communistes, Prilepine donne une citation de la lamentable Eglise rénovée, conçue par les bolcheviques avec la bénédiction du patriarche de Constantinople de l'époque, exactement comme récemment l'Eglise "autocéphale "de Bartholomée and CIA inc. associated, avec son métropolite de carnaval, conçue pour nuire à l'Eglise Orthodoxe installée là depuis 1000 ans, au prix de nombreux martyrs et d'infamies toujours plus répugnantes. Pourtant, Prilepine doit aujourd'hui soutenir précisément là bas l'Eglise originelle, qu'il voudrait intégrer dans sa saga communiste. Etonnant ce que la passion idéologique fait faire aux gens. S'ils mettaient la même constance et la même ferveur à prier Dieu et appliquer les conseils dont je viens de parler...
Avec ce qui s'est passé en Russie, il y aura toujours des gens ulcérés par le révisionnisme... La réconciliation nationale passe par la reconnaissance des crimes et le repentir. Et la lucidité.

le métropolite Théodose,
cinq ans de prison
pour avoir aimé la Russie... 
Les autorités ukrainiennes en viennent à faire la chasse aux saints russes, même les plus aimés, comme Matrona de Moscou ou Xénia de Saint-Pétersbourg. Comme dit une correspondante sur VK, bientôt, il ne leur restera plus qu'à canoniser Bandera pour les remplacer et l'Eglise "autocéphale" apparaîtra enfin pour ce qu'elle est, mais je ne suis pas sûre que chez les rhinocéros occidentaux, qu'ils soient ou non orthodoxes, on s'en apercevra.

https://vk.com/wall56269821_8138



Mais dans le même temps, la chaîne SPAS sort un documentaire en deux parties sur un célèbre starets ukrainien, l'archimandrite du grand schème Zossime, extrêmement vénéré et là bas, et ici. Je l'ai déjà plusieurs fois cité dans ces chroniques. Le père Zossime avait prédit, dès les années 90, tout ce qui arrive en ce moment dans son malheureux pays et exhorté les orthodoxes à se cramponner fermement à l'Eglise russe. Son monastère a été partiellement détruit depuis sa mort. Il avait demandé à être enterré très profond, pour que "les banderistes ne puissent pas venir le déterrer". Même sans comprendre les paroles, un oeil spirituel exercé peut voir que les visages de tous ces témoins, moines, moniales, prêtres ou laïcs, dégagent une lumière, une paix et une bienveillance qu'on ne trouve pas du tout en face. Ce sont des visages fermes et purs qui ne mentent pas. Leur foi est un exemple pour tous.






 

mardi 10 octobre 2023

Narratif obligatoire.

 L'irruption de Tsahal dans le secteur de Gaza va se produire dans peu de temps, et je ne vois pas comment le HAMAS pourrait le défendre. Maintenant, déjà, la ville est tout simplement rayée de la face de la terre par l'attaque aérienne, on lui a coupé l'électricité et autres communications; ce qui, pour cette enclave surpeuplée, est catastrophique. Le premier ministre Netanyahu a fièrement déclaré qu'Israël, par sa réponse à l'agression des membres du mouvement HAMAS, changerait le Moyen Orient. Et en effet, sont créées toutes les conditions politiques et médiatiques préliminaires pour qu'il puisse entièrement changer la carte politique et religieuse de la région, jusqu'à la destruction d'Al-Axa et la construction du Troisième temple (j'ai déjà écrit à ce sujet).

https://rossiyaplyus.info/война-в-израиле-начата-для-.. )

On dirait que tout est fait exprès pour que Netanyahu puisse exercer n'importe quelle violence sur les palestiniens, sans se soucier de la réaction de la communauté, ni la sienne, ni l'internationale. De la part du HAMAS, tout à été fait de merveilleuse façon pour que la Palestine paraisse agressive et barbare. Par exemple, les combattants du HAMAS sont tombés en premier sur le festival de rave et musique techno Nature Party Nova Festival, "consacré" en outre, comme le communiquent les médias, "à la paix". De tels concerts, d'habitude, ont lieu dans les grandes villes, pour qu'il soit plus simple de rassembler les spectateurs et les participants, mais celui-ci, on ne sait pourquoi, se déroulait dans un endroit désert, à 5 km de la frontière avec le secteur de Gaza, et en quelque sorte juste au bon moment, comme fait exprès pour la razzia planifiée, et dans un endroit plat où les participants ne pouvaient se cacher.

Le massacre et la persécution d'une jeunesse sans défense qui s'était rassemblée "pour la paix", qu'est-ce qui pouvait mieux discréditer l'opération du HAMAS? Je comprends la prise de bases militaires et d'agglomérations, mais le festival, pourquoi?                                                                                                De plus, c'était en réalité une manifestation gauchiste dégénérée dans le style drogue party et, pour ainsi dire, de l'amitié muticulturelle de 666 peuples. Les juifs orthodoxes ne vont habituellement pas voir ce genre de choses, s'y rendent seulement leurs "idiots utiles". Et l'on n'a pas pitié de tels "idiots", non seulement chez la pègre islamiste, mais aussi chez les "hareddim"...Mais du point de vue de la possible mise-en-scène d'un spectacle grandiose, cette violence sanglante sur le "rameau sec" est très importante: elle met avec éclat Israël en position de victime des barbares. Et l'on oublie tout de suite les fusillades de quartiers d'habitation paisibles de Gaza par les troupes israéliennes, qui durent depuis des décennies, et même celles d'aujourd'hui ne sont pas perçues de façon si aiguë...  

On essaie de nous inculquer que la direction d'Israël n'aurait pas vu venir l'opération du HAMAS. Cependant,  des centaines, si ce n'est des milliers d'arabes étaient au courant du raid en préparation. Est-il pensable que parmi eux, il n'y eut parmi eux pas un seul agent des puissants services secrets israéliens? Que les pourparlers de grandes masses de combattants arabes n'aient pas été surpris par les services secrets au moyen de l'espionnage électronique, qui, à Gaza, scanne tout, depuis la téléphonie mobile jusqu'aux mails? Que les arabes aient franchi si facilement et sans être vus une frontière bine gardée, qu'ils aient réussi presque sans combat à prendre les bases militaires de Tsahal?  

Pour évoquer les associations que suscitent chez moi les événements en question, je peux dire que cela me rappelle beaucoup Pearl Harbor. Il est maintenant prouvé que le gouvernement des USA connaissait parfaitement bien le raid que préparaient les Japonais contre ses bases , mais sacrifia joyeusement les vies d'environ 2000 de ses soldats afin d'avoir le prétexte pour entrer dans la deuxième guerre mondiale, et le partage du monde à venir...  

Détail intéressant: au moment du début de l'opération du HAMAS, c'était samedi en Israël, et les tra,sports en commun n e marchaient pas, à cause de l'interdit religieux, mais même pendant la guerre, Netanyahu ne déclara pas la nécessité de le rétablir pour rassembler les réservistes. Cela témoigne, bine sûr, de l'énorme influence qu'ont dans ce pays les "hareddim", qui ne servent pas non plus dans l'armée, souvent ne travaillent pas, vivant des allocations sociales, ne respectent pas les "quarantaines" et autres vaccinations. Mais cela peut témoigner aussi d'une sorte de merveilleuse certitude, chez Netanyahu, que les opérations militaires n'iront pas trop loin, que tout est sous contrôle et que le chaos approchant est absolument gérable. S'il avait été fortement ébranlé par "l'agression soudaine", alors il aurait vraisemblablement levé l'interdiction de travailler des transports en commun pour rassembler les réservistes plus vite. 

Il est clair qu'en réponse à ce texte, quelques personnalités alternativement douées commenceront à bêler au "complotisme". Je ne prétends pas du tout à la vérité en dernière instance, mais je ne vois pas d'autres explications raisonnables à ce qui se produit. 

Igor Drouz.       

traduit par Laurence Guillon                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     https://vk.com/wall355949337_27888                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            A ces réflexions d'Igor Drouz, j'ajouterai cette vidéo d'Aldo Sterone:


             

Depuis la guerre du Golfe, j'ai cessé de croire à ce qu'on nous proposait partout comme narratif obligatoire. 




vendredi 6 octobre 2023

Perséphone

 


Ca y est, fini l'exceptionnel été indien, bientôt les gelées qui achèveront les dernières fleurs, la grisaille, les ténèbres. Je me donne un répit pour bricoler, terminer ma cuisine, refaire le "beau coin" des icônes, jardiner, et traduire, car joie, bonheur sans mélange, j'ai une commande, intéressante et littéraire. Comme je vieillis, je vais lentement en toutes choses, je fais des pauses. A divers signaux de la Providence, je me rends compte qu'il vaut mieux se résigner à supporter la radio et la terrasse des voisins, car déménager ne serait plus réaliste, surtout dans un de ces beaux coins de campagne dont j'aurais rêvé. J'aménage donc ce que j'ai, le mieux possible, pour m'abriter au maximum la vue de ce qui me fait cuire les yeux...

Je discutais avec Dany de la France, de la nostalgie que nous en avons, des assertions de Natacha sur ma qualité de vraie française et d'occidentale typique, larguée sur "l'autre planète". En fait si je me sens française, c'est jusqu'au XVII siècle, ou allez, pour les survivances que j'en ai connu, jusqu'au XIX°. Je me sens française de façon génétique, clanique, atavique, je vois toujours avec émotion des paysages de l'Ardèche, surtout la haute Ardèche, plus que la Drôme, dont mon père était pourtant originaire. Le midi de Giono, la ferme de mon beau-père. Mais j'ai raté, en quelque sorte, le lien spirituel. Dans mon enfance, le catholicisme progressiste ne me reliait pas à mon histoire, ne m'ouvrait pas la dimension éternelle. 

En réalité, j'ai du mal à m'expliquer moi-même ce qui m'est arrivé avec la Russie, notre Moyen Age me semble plus proche de moi que la même époque en Russie, par son art de vivre, sa poésie, sa fraîcheur, ses beaux sentiments courtois, sa merveilleuse fantaisie, son léger hédonisme transfiguré par la foi chrétienne, son élégance, son sens du panache et de l'honneur, sa relative liberté. Et pourtant, j'ai été aspirée par la Russie avec le sentiment de retrouver quelque chose qui m'était profondément familier, et indispensable, à un niveau inconscient, quelque chose qui échappait à mon contrôle et qui me réclamait. Oui, c'est cela, qui me réclamait... Et ce sentiment d'appartenance atavique, je l'ai à travers le folklore, par exemple, ou l'émotion que me procure tout ce qui touche au passé russe, les paysans, les cosaques, les marchands, toute cette vie colorée et patriarcale, et ces gens d'une grande beauté, d'une grande noblesse, quelle que fut leur origine.

Dany me disait que beaucoup de femmes russes sont des emmerdeuses finies, et qu'il y a chez les Russes un côté despotique. C'est vrai, et ni l'une ni l'autre nous ne sommes despotiques, nous avons horreur qu'on nous casse les pieds. Katia me dit aussi que les Russes "ne connaissent pas les limites". C'est également exact, il arrive souvent qu'ils ne nous laissent pas respirer. Les Français sont beaucoup plus respectueux de l'espace privé de chacun, mais aussi plus indifférents, en fait. Mais qu'ils soient ceci ou cela, nous les avons choisis, dans le contexte de la France contemporaine qui n'est même plus celui de notre enfance des années cinquante et soixante...

C'est sûr que lorsque je faisais les courses avec ma grand-mère à Annonay dans les années cinquante, dans chaque magasin, nous étions accueillies comme des membres de la famille, la ville était en soi une sorte de grosse famille, dont on commentait la vie à table, un tel est mort, un tel est né, un tel s'est marié, un tel est parti à Lyon, ou à Marseille. Cette ville-famille était subdivisée en différentes tribus, les Montgolfier, les Mercier, les Pleynet, les Malburet, les Rousselet, les Manin, les Bechetoille, les Diday, les Didier etc... Ces tribus se mélangeaient ou pas, se fréquentaient ou pas, ou disons qu'on se fréquentait tous par la force des choses, dans différents lieux publics, mais on était ou non invité, on épousait ou non le fils ou la fille, il y avait ce qui se faisait et ce qui ne se faisait pas, jusque dans le cimetière, on sentait les différences. Ce devait être un peu étouffant, mais c'est sans doute ce qui donnait à tous ces gens des vieilles photos une dignité paisible qu'on ne retrouve plus nulle part. Quand ma mère était malade, elle me disait qu'elle voulait rentrer à la maison. La maison, c'était cette époque de son enfance qui fut encore celle de la mienne. Si rassurante... 

Le fait d'être devenue orthodoxe à la fin de mon adolescence a sans doute donné à l'appel du nord-est la puissance d'un maelstrom. Et m'y voici. Malgré les différences d'éducation et de culture, les Russes continuent à me toucher souvent profondément. Hier, je vais acheter de la peinture, dans la quincaillerie du coin, où l'on me connaît bien, et la femme qui me sert me propose une couleur d'émail en me disant, avec un sourire attendri et rêveur: "Cela s'appelle Soir de Paris"; comme si ma seule présence transformait le magasin en parfumerie de la rue de la Paix... Récemment, dans un restaurant, je demande à la jeune serveuse la composition d'un plat du menu, et elle me répond simplement: "Je n'en sais rien, je viens juste de commencer à travailler", ce qu'un employé novice, en France, ne dirait certainement pas. Puis, au moment de mon départ, elle s'approche: "Cela ne vous fait rien que j'arrange votre capuchon? " Il était ratatiné par mon sac à dos, et il lui fallait intervenir, pas question de me laisser partir comme cela! Il y a deux jours, au marché, une femme me reconnaît avec émotion: "C'est vous qui veniez avec votre petit chien, votre voiture et ses numéros rouges, et votre parfum... Vous avez changé, mais pas beaucoup!"   Ce côté familier, spontané, chaleureux, m'a toujours beaucoup plu, et on le trouve dans les romans classiques, et même dans les témoignages d'étrangers au XVI¨siècle ou dans la vie de l'archiprêtre Avvakum, et les lettres d'Ivan le Terrible...

Principalement, c'est dans les folkloristes et les orthodoxes que je retrouve les Russes, ceux que je me représentais d'après leur littérature, leur musique et leur cinéma. J'espère qu'ils ne vont pas disparaître, que me resterait-il? Il est vrai que je disparaîtrai avant eux, ou avec eux... Un article de Karine Bechet Golovko vient réveiller mes inquiétudes: https://russiepolitics.blogspot.com/2023/10/conflit-en-ukraine-le-parti-globaliste.html

Si elle n'est pas excessivement pessimiste, c'est une bien mauvaise nouvelle. J'ai le vertige, quand je pense au mal que nous ont fait, depuis deux siècles, des créatures des ténèbres prédatrices et intrigantes qui trouvent toujours des traîtres pour sacrifier par millions leurs propres populations à leur Moloch. De jeunes hommes meurent pour nous délivrer d'une hydre qui toujours renaît sous une autre forme, de plus en plus hideuse, de plus en plus étouffante, et je songe à la ville invisible de Kitej, où disparaissent les héros d'Epitaphe, et dont je prendrais volontiers définivement le chemin. 

Les derniers reflets du bal de l'automne sont si mélancoliques... Puis il faudra attendre des mois sous la neige avant que la fête ne recommence. Je n'ai jamais autant qu'ici pensé au mythe de Perséphone.