lundi 11 mars 2024

Quatrains français

 

 

Et le mistral souffle et fait chanter les arbres

Emaillés de soleil et d’azur qui se cabre,

Entre ses forts genoux et sous sa voix sonore,

Jetant de grands rayons aux oiseaux qui l’adorent.

 

D’où vient à mon coeur lourd le sentiment poignant

De visiter déjà les lieux gris des enfers ?

De venir y chercher tous ces petits enfants

Qui jouaient avec moi dedans ces jardins verts ?

 

De tenter prudemment, les prenant par la main,

Au seuil de nos tombeaux, d’ouvrir les horizons

Vastes, illimités, d’éternels lendemains,

Par delà les détours des paisibles prisons ?

 

Paisibles et figées, étroites et mortelles,

Où tout ce qui chancelle a les orbites creuses

Des cauchemars polis, des anges privés d’ailes,

Des destins fracassés, des défaites spongieuses...

 

...

 

Je me gorge de toi, France triste et bourgeoise,

Qui périt enlisée dans les marais paisibles,

Et me joue la musique étrange et inaudible,

De nos élans trahis, dans nos vies qu’on déboise.

 

Car je ne sais déjà si je te reverrai,

Pauvre petit berceau de mon enfance ardente,

Si vers ceux que j’aimais un jour je reviendrai,

Sous la lisse ténèbre des futures tourmentes.

 

Car tout ce qui m’inquiète est de l’ordre invisible,

Rampe et grouille sans bruit, sous le calme apparent,

Et déploie tout soudain des symptômes risibles

Qui vont glacer mon coeur de noirs pressentiments.

 

Comment te rattraper, dans le gouffre où tu sombres,

Ma soeur pleine d’effroi, trop tôt prête à mourir ?

Si je lâche sur toi, pour t’arracher aux ombres

Le vol d’un ange d’ or, sauras-tu le saisir ?

... 

Croulent les autrefois dans la mémoire du temps,

Où la nôtre se perd, hagarde, épouvantée,

Et nos pas ralentis rôdent au bord des ans

Qui vont détricotant le fil des nuits lâchées.

 

Dans la quiète grisaille et la mort silencieuse,

Brille l’astre discret des prières éclairées

Dans la lampe de pierre où les âmes songeuses

Veillent les braises d’or des promesses données.

 

Des quatre cavaliers le galop se précise,

Aux oreilles fermées des esprits somnambules,

Qui plutôt que d’aller réchauffer les églises

Se referment frileux dans leurs milliers de bulles.

 

Tu jettes sans écho, trompette archangélique,

Le grand éclat cuivré de ta sainte musique

Dedans le tintamarre où les âmes damnées,

Dérivent sans savoir vers leur fin annoncée. 

...

Elle est comme l’envers de mon coeur exalté

Qui jamais ne se lasse de chercher la lumière,

Au gré des tristes flots où nos destins couplés

Glissent vaille que vaille à l’ombre de la guerre.

 

Et par delà l’espace où nos âmes parfois

Se cherchant, se frôlant, se séparent en pleurant,

Nos anges affligés ne se rencontrent pas,

Et le temps vient déjà du grand embarquement.

 

Pourvu qu’en ces jours gris qui passent et s’écroulent,

Pressés et titubants, au bord du gouffre amer,

Elle prenne avec moi le large de la mer,

Sur le blanc bâtiment qui fend la sombre houle.

 

Pourvu que tous les miens, se prenant par la main,

Dérivant sous le vol des gardiens vigilants,

Arrivent au bon port du jour sans lendemain

Qui se lève bientôt dessus les derniers temps.  


 



Cathédrale passagère

 

Les platanes du bord des routes

Avec leurs piliers et leurs voûtes,

Leurs démons et leurs angelots,

Leurs gargouilles et leurs vitraux

 

Sous le vent guident ma voiture

Vers l’horizon de lumière pure

Où le soleil dans ses draps blancs

S’est étendu comme un gisant.

 

Les nuées passent éplorées

En agitant leurs encensoirs

Sur l’autel des forêts couchées

Qui s’assombrissent dans le soir.

 

A travers mes larmes priant

Sur les chemins bleus du midi,

Je pense encore à toi, maman,

A ceux qui sont déjà partis.

 

Partis, je le crois, juste à temps

Avec le pays rayonnant

Où je cueillais des coquelicots

Et qui ne sera plus bientôt

 

Qu’un champ de ruines sous le vent,

Soumis à ces démons errants

Qui nous guettaient depuis longtemps

Et nous ont trouvés consentants.

 


1 commentaire:

  1. Très bien. Bonne idée et bonne réalisation. Ce pays va se damner tout seul même sans l'Amérique.

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