dimanche 5 mai 2024

soleil de Pâques

 


L’office de la mise au tombeau a duré  quatre heures et demie. J’ai réussi à m’asseoir un peu mais quand même. J’avais préparé sur mon téléphone un site qui donne le texte des lectures et des prières, mais peine perdue. Par moments, j’ai cru que j’avais rattrapé le fil, mais non, cela ne correspondait pas à ce qui se passait dans l’église. Je me souviens combien j’étais transportée par cet office à Solan, par ces stances poétiques, douloureuses et cependant espérantes, et la mélodie byzantine, si sobre et émouvante. Et là, ne comprenant rien, fatiguée de parcourir mon écran des yeux, j’ai fini par laisser tomber. Evidemment, des tas de pensées me couraient dans la tête. Mais que faire ? J’essayais la prière de Jésus. Je n’étais pas dans l’ambiance. Dany l’était jeudi, pendant la lecture des douze Evangiles, elle a ressenti ce que j’avais éprouvé il y a des années, à savoir qu’il ne s’agissait pas d’une commémoration, mais que nous étions transportés deux mille ans en arrière pour vivre tout cela avec le Christ et ses proches. Enfin ça, c’est quand on est en état de grâce et je ne l’étais pas tellement.

Quand quelqu’un entrait dans l’église, une grande lumière frappait le mur et il la reflétait presque comme un miroir, tant elle était vive. Au moment de la procession, quand on a ouvert la porte devant le clergé et les fidèles, je n’ai plus vu, en face de moi, qu’un énorme soleil, un disque chatoyant et rayonnant, et je n’étais pas aveuglée, mais je ne voyais absolument rien d’autre, j’avançais à l’intérieur d’un astre, et peu à peu je distinguai la foule des paroissiens, mais ils semblaient dissous dans cet embrasement, des ombres ou plutôt des silhouettes, de la lumière dans la lumière. Ce soleil de la mise au tombeau m’a rappelé l’arc-en-ciel du matin de la Théophanie, à Cavillargues, se levant à travers une pluie brillante. Je n'étais pas en état de grâce, mais j'avais la certitude d'être guidée, prise en mains, c'était cela que je me disais, tandis que les prières incompréhensibles boudonnaient autour de moi. Accepte les choses telles qu'elles sont. Tu n'es pas en état de grâce, et autrefois tu l'as été, eh bien, est-ce que tu le mérites? Autrefois tu ne le méritais pas non plus. Mais cela t'a été donné. Et maintenant, cela ne l'est pas, il faut l'accepter. Et j'ai rencontré cette source éblouissante qui semblait m'attendre et m'a engloutie.

Ce soleil de Pâques, je l'ai retrouvé dans les textes que j'ai lus chez moi de la mise au tombeau, et du canon pascal lui-même, que j'ai plus ou moins chanté à l'avance. Mais la procession nocturne s'est déroulée sous la pluie. Comme d'habitude, le clergé et le choeur couraient comme des lapins, je n'ai jamais compris pourquoi il fallait défiler à ce rythme, et derrière, on n'entend plus rien que les conversations de ceux qui viennent en touristes, tout en veillant à ne pas trébucher sur les inégalités du terrain. Je suis arrivée bonne dernière du marathon pascal 2024, il y avait bien encore derrière moi deux ou trois jeunes gens, mais je crois qu'ils s'étaient mis à flâner et avaient oublié la Pâque.

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Du père Ioann et de sa Pâque à Glebovskoié m'est parvenue une photo ardente à tous points de vue, par la couleur, et la ferveur. 



Aujourd'hui, j'étais invitée par les parents de la jeune fille francophone rencontrée récemment. Ce sont des paroissiens de la cathédrale, initialement, des peintres de Moscou qui vivent principalement ici, et ont magnifiquement restauré leur vieille maison du XIX° siècle, qui se trouve maintenant flanquée d'une construction neuve mastoque, disproportionnée, qui leur a volé la vue sur les églises. Ils ont acheté cette maison pour la sauver, et autour d'elle, les autres perdent peu à peu tout caractère et toute beauté. La famille entière est très sympathique, chaleureuse et paisible, le père, la mère la grand-mère, le jeune frère de Macha, avec sa physionomie douce et enjouée très russe, un amoureux des plantes... Nous nous sommes très bien entendus. Je crois qu'ils seront pour moi le même genre d'amis qu'Anna Ossipova et sa famille, et cela me fait plaisir car je n'aime pas trop les rapports passionnels et tordus qu'installent avec moi un certain type de personnes. Le père de Macha est très conscient de ce qui est en train de se passer au niveau mondial; on le traite de complotiste, comme quoi le même genre de malfaiteurs inspire la même réthorique, pour tous nous désarmer et nous mettre en cage. Discréditer les gens lucides n'est jamais qu'une technique d'ingéniérie sociale. "Je vois tout cela, mais je ne sais pas que faire", dit cet homme assez découragé. Nous le sommes tous, devant l'ampleur de ce mal, dont Dany me dit avoir pris conscience pendant la Pâques: un mal métaphysique, que plus rien n'arrête, et qui fait presque passer les bouchers des temps anciens pour de gentils boy-scouts. Car ils ont les moyens de s'attaquer au plus profond de notre être, de détruire les âmes, et c'est ce qu'ils veulent, la leur, il y a longtemps qu'ils l'ont perdue. J'ai répondu que je comptais sur Dieu et aussi l'entraide, la résistance passive, et le développement d'anticorps culturels et spirituels, la conservation de ce que nous pouvons encore sauver et transmettre. Dieu merci, ici, on n'en est pas encore au point où l'occident en est arrivé, mais il a ses serviteurs zélés, et depuis longtemps. Raspail croyait en l'émergence d'isolats, et moi d'archipels de lumière.





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