Ce matin, je suis allée à l’église de Glebovskoïé, chez le père Ioann. Le problème, c’est que d’abord, il faut prendre la route jusque là, et selon les jours, cela peut-être compliqué, et d’autre part, ses offices sont interminables, car il est seul à confesser les gens, et il les confesse longuement, et puis comme il n’est pas sur place, il leur prodigue aussi des conseils de vie. C’est ce que je lui ai dit quand il m’a reproché de ne pas venir chez lui plus souvent, je lui ai dit aussi que j’aimais la cathédrale, ses fidèles et son clergé. « Je vous comprends, moi aussi, j’aime la cathédrale... »
J’avais
pensé déménager pour être plus près, mais je m’aperçois que c’est devenu au
dessus de mes forces, il a beau dire que quand on veut on peut, eh bien il y a
un moment où l’on ne peut plus.
Sa mère est
devenue moniale, son fils fait le servant d’autel avec un enthousiasme touchant
et semble plein de vénération pour lui.
Le père Ioann pense que j’ai une mission particulière à remplir et il
est, comme Nadia la chevrière, sous le choc de Yarilo et Parthène, un peu
interloqué qu’une branque comme moi ai pu parler de la sorte du repentir du
tsar Ivan. «Eh bien vous savez, c’est pour moi un mystère, ce truc est
passé à travers moi, et je n’y suis pas pour grand chose, car je suis loin d’être
l’orthodoxe exemplaire ; je suis contente que vous ayez si bien compris le
propos, ce n’est pas le cas de tout le monde...
- Il faut
correspondre à ce que vous avez fait.
- Justement,
ce n’est pas le cas. Les gens m’énervent, ou plutôt les imbéciles m’énervent.
En plus de vouer aux gémonies les démons qui se sont emparés de l’occident, je
peste contre les imbéciles, parce que lorsqu’on est stupide, de cette stupidité
contemporaine particulière, on fait beaucoup de mal autour de soi à toutes
choses, à ce qui reste de beauté, à la nature, aux animaux, aux enfants, à tout.
En plus de me pourrir la vie. Mais j’ai bien conscience qu’il me faudrait
passer par dessus, c’est la démonstration que mon état spirituel n’est pas
glorieux...
- Oui, il
faut passer par dessus, il faut arriver à les plaindre, il faut entrer dans la
dimension de l’amour...
- Pour l’instant,
je leur taperais plutôt dessus à coups de bâton, si c’était possible, et
pourtant, je comprends le processus, ils n’ont rien reçu de ce qui permet de
pousser harmonieusement, et ils sont devenus des espèces de gnomes spirituels,
je vois et j’entends le gnome, j’oublie le processus...
- C’est
cela, et pourtant nous avons trois vertus à développer, la foi, l’espérance, et la
charité... »
La foi et l’espérance,
ça va encore, mais la charité...
La veille, j’étais
invitée à un festival de gousli dans une ravissante datcha du XIX° siècle, où
une famille de marchands hébergeait Lénine. Drapeaux rouges partout, insignes,
décorations. Le président de la section locale du parti communiste. Le bon
vieux temps de l’URSS. Chaque personne appelée au micro était accompagnée d’une
musique triomphale, et on lui remettait des cadeaux et un diplôme de gratitude
encadré. C’étaient les collaborateurs du musée ou autres personnalités du coin,
tous des vieux qui traînaient la patte, comme moi. Il n’y avait pas vraiment
foule et cela avait quelque chose d’un peu surréaliste, et de mélancolique. En
tous cas, j’ai pu constater que le côté emmerdant de certaines vieilles de ma
connaissance venait bien de leur passé de komsomoles, car j’en ai reconnu une ou deux,
armées de bouquets de fleurs, avec cet abord de char d’assaut amical qui les
caractérise! Cependant, tous ces gens étaient extrêmement touchants et gentils,
cramponnés qu’ils étaient à leur Lénine et à tout le cérémonial soviétique. Enchantés de ma prestation, ils m’ont offert le
thé et j’ai même dû remettre ça pour une jeune fille qui avait loupé mon numéro
et apprend le français. Elle a un soupirant corse, un vigneron. J’étais très contente de leur avoir fait plaisir.
J’ai dîné avec Katia, mais nous ne sommes pas allées au restau. Elle est dans une période de repli. Elle ne supporte plus les endroits festifs et les bacchanales estivales, quand les soldats meurent au front, et considère à juste titre que le pays devrait se mobiliser davantage. D’après son Fiodor, les soldats l’ont un peu saumâtre quand ils entendent parler des invasions migratoires islamiques qu’on essaie, puisque cela a si bien marché ailleurs, de lâcher sur la Russie, au moment où eux, se battent pour le monde russe et sa souveraineté. Il est clair que ceux qui poussent à la manoeuvre cherchent à déstabiliser le pays, le prendre à revers, en quelque sorte...
Pour ouvrir
les yeux des bisounours russes, le joyeux gouvernement français vient d’arrêter
Pavel Durov. Que ce garçon ait pu penser un instant trouver à l’ouest plus de
liberté que chez lui prouve à quel point, malgré son excellent réseau Telegram,
il est mal renseigné, mais quand on ne veut pas savoir... Il est temps que les
Russes comprennent que « l’occident
collectif », soit ces satrapies mises en coupe réglée par la mafia
anglosioniste, leur veut la peau et les considère, comme d’ailleurs ses propres
populations et la population ukrainienne, comme des sous-hommes, un réservoir
pour le trafic d’organes, d’enfants et de putes mineures. Et que cela remonte à
loin. Rien ne m’exaspère plus que les imbéciles de Russes, convaincus d’être
très au dessus de la mêlée et du populo, qui profèrent : sans la guerre de
Poutine, rien de tout cela ne serait arrivé. Mais ça fait trente ans que je la
voyais venir, la guerre. On la voulait à tout prix, on a tout fait pour la
déclencher. Ah oui, bien sûr, quand Eltsine jouait à Moscou le rôle de Zelenski
à Kiev, ce n’était pas la peine de la faire, il n’y avait qu’à se servir !
Et le gratin de traîtres potentiels ou avérés pouvait aller se dorer la lune à Nice ou à Dubaï.
J’ai néanmoins de la peine pour Pavel Durov, tombé aux griffes de cette bande de chacals. Ils ne vont pas le lâcher facilement. Quelle naïveté, quand même... contrairement à ce que dit Régis de Castelnau, les Russes ne se marrent pas tellement. J'en vois beaucoup de solidaires, ils vont déposer des avions en papier blanc devant l'ambassade de France pour réclamer la libération de l'imprudent. Ils s'exclament, dans les commentaires des réseaux: "Rendez-nous Pacha, salauds!" Ils ont déjà oublié qu'il était libéral.
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