dimanche 17 août 2025

Des chats, des poires et des Français

 


Je m’active pour nettoyer la maison, ce qui est toujours un exploit, à cause des chats, et puis aussi de la poussière, de la boue, des insectes... Surtout les chats. Félix, l’intrus noir et blanc, est en plus malade, il a un oeil purulent, comme beaucoup de chats dans la débine.  Robert avait le même problème, lui mettre quelque chose dans l’oeil, c’était mission impossible, mais il est si glouton qu’il avalait les antibiotiques avec sa bouffe. Félix est impudent, mais trouillard, je ne sais pas comment le soigner ; et à vrai dire, je donnerais tout pour ne plus le voir. Il me surveille en miaulant à fendre l’âme, avec son air con. Je me suis retenue je ne sais combien de fois d’adopter des chattes en détresse qui étaient  si sympathiques, sur les photos des sites spécialisés...

Alors que les animaux tournoyaient comme des chacals autour de moi, dans la cuisine, j’ai commencé à chanter en slavon : « Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur » et ils ont arrêté de miauler, ils m’ont fichu la paix, c’est étonnant. Quand je prie, le matin, l’affreux Blackos arrive aussitôt ; il se tient devant moi, me regardant avec des yeux de merlan mort d’amour.

On abat délibérément, sous un prétexte fallacieux, les bêtes des éleveurs français, et de voir partir ces vaches confiantes et leurs veaux, vers l’angoisse et la mort, tandis que leurs propriétaires poussent des clameurs révoltées me retourne les tripes. Jamais je n’aurais cru, dans les années soixante, soixante-dix, que je verrais un jour cette horreur. Ce sont les politiciens, leurs préfets et leurs gendarmes, qu'il faudrait euthanasier.

Parallèlement, on déclare que les logements des Français sont trop grands, et ceux qui disposent de plus de vingt mètres carrés devront payer une taxe sur l’excédent. C’est de la spoliation pure et simple. Chaque fois que j’apprends ce genre de choses, que je pense à mon enfance, à ma famille, et à ce qu’il en reste, j’ai la larme à l’oeil, et la colère au coeur. On assassine la France. Que soient maudits les êtres qui ont ourdi tout cela. Ils n’ont plus d’âme depuis longtemps. Ce sont des cellules cancéreuses, le chancre mortel de l’Europe.

En somme, c'est le cocopitalisme, le communisme pour nous, le capitalisme pour eux, et pour les animaux et la nature, l'enfer.

J’ai vu une jeune femme russe qui planifie son retour au pays, depuis la France, à cause de l’atmosphère étouffante, de la russophobie délirante, des réflexions hostiles adressées à son fils aîné à l’école. Juste après notre entrevue, j’ai reçu un couple de Français qui émigre, accompagnés de leur petite-fille, dont les parents songent aussi à suivre leur exemple. Une lointaine origine russe leur a permis de recevoir la nationalité. En revanche moi qui fut une des premières hirondelles, je n’entre dans aucune catégorie administrative, même pas la plus exacte, l’émigration pour des raisons de conviction idéologiques, car l’ukase du président est apparu longtemps après mon arrivée en Russie.

Ces Français modestes ne sont pas d’accord avec les orientations qu’a pris la France dans tous les domaines, et considèrent qu’on leur pique l'essentiel de ce qu’ils gagnent, c’est ce que tout le monde me dit. Je les ai emmenés voir une maison au village de Falieïevo, qui a l'air au bout du monde, mais n'est qu'à 15 mn du centre de Pereslavl. Puis nous avons fait la rituelle visite à l'église des Quarante Martyrs, après une pause au café français. D'impressionnants nuages noirs se crispaient au-dessus des eaux sombres et brillantes où passaient de petits bateaux colorés, et des canards. 



J’ai vu aussi au café un général des forces spéciales d’intervention, avec sa famille. Il voulait me rencontrer, car c’est un ami du père Basile, de Gilles et du père Nikita Panassiouk ! C’est une sorte de grand ogre très cordial, dont le nom de guerre est Khan, ce qui lui va très bien. Il est en ce moment au Donbass. Son fils y a combattu six mois, il est affecté ailleurs, et il vient de se marier. Quand je lui ai raconté mon épopée avec Katia, il m’a pris les mains avec enthousiasme.

A la caisse du supermarché, avec mes Français, je voyais un type qui nous surveillait, dévoré de curiosité. Il nous a poursuivis jusqu’à la voiture : « D’où venez-vous, les gars ?

- De France. »

Il nous a fait un large sourire, les pouces levés.

Nous avons entre deux coups de pluie des journées douces et tièdes, et je passe mon temps à ramasser et conditionner des poires, et aussi des prunes, il y en a moins que d’habitude, mais quand même. Les guêpes me voltigent autour avec reconnaissance, elles ne me piquent jamais.

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