mardi 29 novembre 2016

Petite prière vespérale

Il fait moins treize degrés. La neige crisse sous les pas, elle scintille façon Noël et le ciel est plein de vapeurs errantes et nacrées, le petit chien pique des sprints joyeux, et puis s'effondre, car les pattes lui gèlent, il faut le mettre dans son sac. Aucune envie de partir, juste quand l'hiver s'installe, avec ses féeries et ses lumières.
Entrée dans le magasin de textiles et d'antiquités "le lin russe", je discute avec la vendeuse qui me trouve un drôle d'accent et ne peut en croire ses oreilles quand je lui dis que je suis française: "Et vous venez ici? Que vous êtes courageuse!
- Oh pas tant que ça, tout semble indiquer que bientôt chez nous, ce sera comme chez vous après l'année dix-sept, nous avons eu les émigrés russes, vous aurez les réfugiés français."
Après ce premier instant de surprise, elle est ravie de voir que j'ai choisi Pereslavl.
Seigneur, saint Alexandre Nevski, saint et doux tsar Théodore, fils du Redoutable, né ici, saint métropolite Philippe de Moscou, saint Luc de Crimée, mânes du tsar Ivan, ne me laissez pas tomber et gardez-moi à Pereslavl Zalesski.
C'est vrai, quand je prie, je vois la campagne autour de Cavillargues, où je me promenais avec mon psautier, et les beaux arbres toujours verts du midi, quand je le lisais, étaient souvent parcourus tout à coup de grands souffles de vent, dans le soleil, comme si les psaumes les avaient soudain vivifiés et transportés.
Je priais plus qu'ici, du moins pour l'instant, et pourtant, je sais qu'ici, je suis à ma place.
Comme dit ma soeur, ce que je supporte ici, je ne le supporterais pas en France, je le supporte parce que je suis en Russie. La Russie me rend patiente et inspirée.
Dieu veuille m'y garder.


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