Hier soir, tempête de neige, avec des tourbillons fantomatiques. La ville est ensevelie sous des congères étincelantes, et ce soir, j'ai vu le croissant et les étoiles dans le ciel dégagé et glacial. La lumière, dans la journée, me rappelait celle des journées de mistral en hiver. J'ai fréquemment des visions intérieures du midi où j'ai grandi, de la France de mon enfance. Et pourtant, ici, je me sens à ma place, dans ce qui subsiste de ma patrie perdue du moyen âge russe.
Aux dernières nouvelles, mon visa sera prêt beaucoup plus tôt que prévu et une paroissienne de l'église de Kostia viendra garder mes chats.
J'ai fait connaissance avec un gentil petit garçon, qui habite dans l'une des isbas qui font face à ma maison. Il m'a vivement engagée à aller me promener sur l'escarpement qui domine le lac, mais j'ai peur de l'escalader en hiver. Il m'a dit qu'il me montrerait l'accès qu'il emprunte pour aller faire de la luge.
J'ai rencontré aussi deux adorables petites vieilles. L'une d'elles m'a déclaré: "J'ai quatre-vingt six ans, mais qu'est-ce que la vie? A dix ans, j'étais déjà en charge de toute la maisonnée. Seul Dieu nous donne la force de tout supporter, que serions-nous sans Lui?
- Vous allez dans quelle église?
- Je n'y vais plus, car encore faut-il trouver un prêtre en qui on peut avoir confiance. Le père Un Tel court la gueuse alors qu'il a une femme ravissante...
- Qu'est-ce que tu racontes, l'interrompt l'autre vieille, qui te dit que le père Un Tel ne va pas se repentir?
- C'est vrai, dis-je, nous sommes tous pécheurs...
- Sans doute, admets la première vieille, et je suis pécheresse de juger le père Un Tel, mais comment vous dire? Il y a des prêtres qui portent la Vérité et d'autres non..."
A la suite de ma dernière leçon avec Skountsev et d'un certain entraînement, j'arrive à jouer l’accompagnement de mon vers spirituel préféré, "petite route du Seigneur". Je suis très soulagée de n'avoir pas à m'éloigner trop longtemps de la source d'eau vive de mon vieux-croyant et de de ce qu'il m'enseigne.
Par curiosité, je suis allée voir si je trouvais sur youtube les stichères composées par Ivan le Terrible, ou Ivan le Redoutable si l'on veut traduire plus exactement et équitablement son surnom. Le tsar avait une passion pour le chant religieux. Cela paraît difficile à concilier avec son personnage, mais je me rends compte de plus en plus que nos sommes tous pécheurs, tous en clair obscur plus ou moins tranché, plus ou moins clair, plus ou moins obscur, Ivan le Redoutable comme le père Un Tel, les deux vieilles de cet après-midi et moi-même.
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