Il faisait si beau,
hier, que je suis allée me promener avec Rosie, malgré mon genou, mais je note
une amélioration, il ne me fait plus mal la nuit. L'espoir me vient que l'acide hyaluronique hors de prix va me donner un sursis. En même temps, même avec ce secours artificiel, il me faut désormais ménager mes articulations, et peut-être m'orienter vers un autre genre de vie, plus immobile et plus recueilli.
Le soleil inondait une
neige encore abondante et propre, qui ne fond pas, car les nuits restent froides.
Le soleil chauffe à travers un vent frais mais radouci qui porte des chants d’oiseaux
et le léger tintement froissé des roseaux. Je ne me lasse pas de ces roseaux,
de leur souplesse échevelée, de leur foule gracile qui danse à petits pas d’ombre
bleue sur tant de radieuse blancheur, de leurs têtes brillantes et soyeuses qui
se bousculent en oscillant. C'est comme une sorte de musique visuelle, de rythme silencieux, une suite symphonique de points vibrants.
Un carillon me
parvenait à travers le souffle retenu du vent : je l’ai su plus tard, c’était
la fête des quarante martyrs de Sébaste et les cloches de l’église qui leur est
consacrée. Dommage que je ne sois pas allée à l’office. Quel profond bonheur d’entendre
ces voix de bronze traverser doucement l’azur…
Rosie courait devant
moi, joyeuse. Elle est drôle, pleine de vie, et même trop pleine pour moi,
libre comme l’air, une tsigane. Une louve domestique.
Je suis chiante, je n'en fais qu'à ma tête, mais je t'aime, mémé. |
J’ai fait une
aquarelle, assise sur la glace du lac, avec mon sac à dos comme coussin.
J’ai besoin de ces
moments dans la nature, dont me privaient l’arthrose et la pâtisserie. La
pâtisserie, il me faut y retourner, mais je n’en ai guère envie, j’aime bien
tout le monde, mais c’est trop contraignant. Je n’arrive même pas à terminer ma
traduction, qui est compliquée, car philosophique et politique, il me faut saisir
la pensée de l’auteur et la restituer sans la trahir. J’en ai même la migraine.
Sur Facebook, je suis
contactée par des orthodoxes africains, et je serais tout à fait bien
disposée, s’ils ne se jetaient à ma tête pour avoir de l’argent, et pas
seulement à la mienne, d’ailleurs. Je n'aime pas trop qu'on se jette à ma tête, car j'ai de nombreux correspondants, si chacun se lance dans une conversation privée, dès que je l'ai accepté sur ma liste, et veut m'appeler au téléphone, je ne suis pas sortie de l'auberge, laissons-nous le temps de faire connaissance. Je n’aime
pas qu’on me harcèle pour obtenir du fric, d’autant plus que les occasions d’en
donner sont innombrables, pourquoi en donnerais-je à ceux qui le demandent avec
le plus d’assurance ? Il y a les populations du Donbass, qui en ont
besoin, et un jour, j’ai envoyé cent euros pour acheter une bicyclette à des
gosses, mais de ma propre initiative. Il y a les prêtres qui restaurent des
églises, et là aussi j’ai banqué. Il y a
les malades qui ont besoin d’une opération ou de soins particuliers. Il y a les
refuges d’animaux, où des bonnes femmes héroïques soignent la misère de nos
victimes à quatre pattes. Il y a le Kossovo, la Syrie, le Yemen. Il y a les
sans abri que secoure le père Théodore aux Trois Gares. On ne sait où donner de l’obole, et certains
viennent l’exiger, pourquoi passeraient-ils premiers ? A donner tant de miettes,
ma galette ne ferait pas long feu et comme me le dit Xioucha, « Lolo,
gardez votre argent pour vous, tous vos amis sont fauchés, et aucun d’eux ne
pourra vous aider financièrement quand vous serez très vieille ».
Toujours sur Facebook, une série de commentaires aigres de descendants de Russes émigrés sur les élections russes, forcément manipulées, "soviétiques", et de considérations honteuses sur la "populace de moujiks" qui ne sait pas se tourner vers le bonheur démocratique occidental. Il est vrai qu'en effet, nous sommes vraiment un exemple à suivre, avec nos élections immaculées, notre justice impartiale et notre presse résolument honnête et pluraliste... Ces bêtises m'ont donné la nausée. Dieu sait que j'ai plaint l'émigration russe mais une partie de ses descendants semble acharnée à faire la démonstration qu'on n'avait pas eu tort de la chasser. Aujourd'hui, plus ou moins mutilée, la Russie se relève et poursuit sa route, et ces descendants, que font-ils dans leur aquarium, à part cracher du fiel comme les poulpes crachent de l'encre?
Bonjour,
RépondreSupprimerVos textes me font l'effet d'un chat qui ronronne : ils me calment, et m'emmènent au delà de cet occident dont je vois, comme vous, la vanité et la course vers son destin fatal.
Ce n'est pas la spiritualité qu'on détruit, par ici, c'est la société même dans ses fondements, ses valeurs, et son ciment. Et ce n'est pas un accident.
Bonne continuation !
Philippe
Merci Philippe, en effet, c'est une destruction fondamentale et planifiée, à laquelle la Russie, malgré tout, échappe encore. Sa résistance est, à mes yeux, notre unique chance de salut.
Supprimer