lundi 13 août 2018

L'après Solovki

Les cadeaux du potier

Ma tête et mon cœur sont restés aux Solovki. Il y a quelque chose de profondément envoûtant dans cette île, envoûtant n’est peut-être pas le mot, à cause de sa connotation magique, disons absorbant, captivant. Il me semble que je pourrais errer sans me lasser autour de ce monastère, parmi ces baraques, et le long de cette grève. Et j’ai ressenti une grâce permanente, qui ne me quitte pas vraiment. Elle me quitte quand je vais sur Facebook, et que je vois ce qui se passe partout : la magnifique église en bois de Kondologa réduite en cendres, cette quintessence du style authentiquement russe du nord, dont il reste si peu de témoins architecturaux, entre le communisme d’hier et l’incurie actuelle, de la part de fonctionnaires qui n’ont aucun respect du patrimoine et surtout pas de ce qui est authentiquement russe.  Cette nouvelle m’a profondément affectée. Les envahisseurs africains continuent à déferler sur l’Europe en flot ininterrompu, débarquant avec des grimaces et des doigts d’honneur, tandis que les gouvernements félons et le pape lui-même nous invitent à nous attendrir et à nous croiser gentiment avec leurs taureaux noirs en rut. La loi scélérate de la mère Schiappa va bousiller l’enfance et le psychisme, ou disons franchement le mot, l’âme de la plupart des enfants français, livrés aux élucubrations d’une bande de pervers et de pédophiles internationaux. On viole chez nous, là bas, l’on assassine et l’on brutalise à tous les coins de rue, sans que les autorités réagissent. Mais je suis restée spirituellement, comme Fédia, abritée sous la mante du métropolite Philippe, et quand je me retire dans cette espace, j’y trouve un profond et bienveillant silence, une certitude, une promesse.  Satan est déchaîné, nos plus chers trésors culturels brûlent et sont détruits, ou dénaturés. Des requins sans conscience s’apprêtent à défigurer les environs du lac et du monastère saint Nicétas, à Pereslavl. On détruit à Moscou tout ce qui n’est pas devenu trop connu pour le faire sans scandale international.  L’Europe est en train de disparaître. La vie même de la planète est déjà profondément compromise, souillée, menacée par les activités fébriles et cupides des serviteurs du démon, mais au bout du monde, entre les vestiges du Goulag et ceux du fervent monachisme médiéval russe, entre l’eau grise du ciel et les ténèbres de la mer que les mouettes traversent comme des astres, j’ai ressenti une paix qui n’a pas de nom et pas de limites. C’est elle qu’il faut rechercher, car autour de moi, il y en aura de moins en moins, et j’aurai toujours plus de raison de m’indigner et de souffrir. Comme le dit le père Costa de Beauregard, les temps sont courts, il faut se concentrer sur l’essentiel, et ne pas lâcher prise.
Au cours de mon périple, j’ai trouvé de la documentation intéressante, dont une vie de saint Philippe. Là, j’ai eu la main vraiment heureuse, car il ne s’agit pas d’une hagiographie sans nuances, mais d’un travail historique, qui est suivi de la vie du saint, telle qu’on l’a écrite autrefois. Saint Philippe semble avoir été un homme sensible, non dépourvu de faiblesse, qui avait envie d’avoir la paix, et qui n’était pas porté sur l’ascétisme extrême, malgré la période qu’il a passée dans un ermitage. Il était attiré par le monachisme, et n’était pas encore marié à trente ans, ce qui était exceptionnel à l’époque. Il avait sûrement de la suite dans les idées, car ses débuts n’ont pas été faciles, d’autant plus qu’il avait soigneusement caché sa véritable identité. Il a donc débuté comme simple moine corvéable à merci. Mais son départ au monastère a coïncidé avec des remous politiques dans lesquels sa famille était impliquée, ce qui a pu précipiter sa décision. Elu higoumène des Solovki, pour remplacer l’higoumène précédent, accablé de vieillesse, il avait, au bout de quelques temps, renoncé à sa charge sans qu’on sût pourquoi. Soit il s’est heurté à une coterie hostile à l’intérieur du monastère, coterie qui se manifestera en l’accablant lors du procès inique que le tsar lui fit ensuite, soit il a reculé devant les responsabilités de sa position, dans les deux cas, il s’est débiné, le vieil higoumène a repris du service, des allées et venues, épuisantes à l’époque, ont eu lieu entre le monastère et l’éparchie de Novgorod dont il dépendait. Puis il est revenu sur sa décision et a pris les choses en main. Il s’est montré alors un administrateur, un bâtisseur et même un agronome de grand talent, et un père spirituel attentif.  L’héroïque résistance à la pression d’Ivan le Terrible dont il fit preuve par la suite n’en est que plus touchante et admirable. Cet homme n’était pas une personnalité indomptable et rigide, il n’avait pas le goût du pouvoir, la foi, l’amour et la fidélité à Dieu lui tenaient lieu de volonté, et c’est ce qui me le rend cher. Je pense avoir cela en commun avec lui, une certaine faiblesse, l'horreur des responsabilités et des conflits, mais quand faut y aller, faut y aller...
Mes animaux étaient gardés par une famille russe très sympathique, Varia, Sérioja et leurs enfants qui ont beaucoup apprécié leur séjour ici, et beaucoup joué avec Rosie, qui doit les regretter, car elle m’apporte son ballon, et comme je me lasse vite et elle, jamais… Mes chats en revanche étaient contents de me voir rentrer, Rom et Blackos avaient presque disparu, ils sont nerveux et trouillards, ils ont eu de mauvaises expériences.
Le pot que m’a offert Sergueï le potier est vraiment bien pour faire cuire les flocons d’avoine matinaux avec des fruits variés. Je mets cela au four, cela n’attrape pas, et par-dessus le marché, le résultat est aromatique et presque confit. Cela n’a pas du tout le même goût que lorsque je cuis cela dans une casserole, sur le feu. Plus je me sers de ce pot et plus il se patine.

J’ai appris que les choses se compliquaient pour mon déménagement. Il leur faut une présentation détaillée de chaque objet de plus de cent ans, photo de face et de dos, or je ne peux pas faire cela, car tout est en France et moi ici, et d’ailleurs, les quelques antiquités que j’ai gardées, je ne sais même pas d’où elles viennent, et elles ne valent pas grand-chose. Non content de faire payer une taxe de 4€ par kilo, les Russes m’en feraient encore payer une sur ces objets. Bref c’est du racket et de la torture mentale.
 Il faut savoir que partir en Russie signifie laisser pratiquement tout ce qu'on a derrière soi.

Cette céramique vient de Férapontovo. Il y avait là un magasin où l'on trouvait de l'artisanat de qualité, ce qui est rare.

C'est ma récolte de choux: je crois qu'elle n'ira pas plus loin cette année, et je ne m'en suis pas trop occupée. Mais j'aurai des courges, dont je ne me suis pas occupée non plus.



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