Voilà, j’ai raccompagné Henri et Patricia à l’aéroport de
Domodiedovo. Nous sommes partis tôt et nous avons bien fait, il y avait des
bouchons. Au retour, c’était pire, et après les bouchons, j’ai eu un festival
de chauffards. Il y a longtemps que je n’en avais pas vu de si nombreux, de si
grossiers et de si dangereux. En Russie, je n’ai jamais peur, sauf sur la
route, que je sois en voiture ou à pied.
En chemin, Henri m'a demandé: "Comment disent les Russes, déjà, pour souhaiter bonne route?
- Ангела хранителя в пути. Que votre ange gardien vous accompagne."
Je n’ai pu aller à l’office de la Dormition, mais nous
avons assisté hier aux vigiles dans la cathédrale du monastère Goretski. Le
moine du grand schème n’était plus là, m’est avis qu’il avait du venir de la
Trinité saint Serge avec le père Tikhon.
La cathédrale, pourtant « muséifiée », n’est pas
en bon état. Elle ne me plaît absolument pas, on dirait une salle de bal
rococo, avec des stucs et une iconostase boursouflée, grouillante de
personnages joufflus et pâmés. En réalité, entre la fin du XVI° siècle et le
XVIII°, il ne s’est écoulé qu’une centaine d’années, qui ont suffi à faire
passer la Russie des icônes transparentes, ferventes et pleines de sens à des peintures
académiques maniérées qui ne veulent plus rien dire, d’une décoration
débordante de fantaisie et d’originalité à la copie nouille du baroque
européen, aux antiquailleries gréco-latines interprétées qui n’avaient aucun
lien avec le passé russe. Du chant pur et profond, naturel, apparenté au
byzantin, aux fanfreluches musicales italianisantes qu’on entend encore aujourd’hui
dans la plupart des paroisses. Comme on s’est acharné radicalement sur cette
culture unique… Les premiers Romanov, toqués d’occident, ont, après la
réintégration du territoire de ce qu’on appelle aujourd’hui l’Ukraine, importé
un clergé catholicisant, plein de mépris pour la Russie. Le peintre Sacha qui
me l’a expliqué, m’a dit qu’il comprenait les vieux-croyants. Moi aussi, de
plus en plus.
Quand je pense que c'est l'église de Kondologa qu'a brûlée le sataniste... Il ne s'est vraiment pas trompé de cible, ce petit salaud.
Néanmoins, nous en avons discuté ensuite avec Henri,
l’office nous a beaucoup touchés. Parce que tous les gens présents semblaient bons,
fervents et chaleureux. Nous avons
ensuite fait le tour du monastère. Quand j’ai découvert Pereslavl, il y a
presque vingt ans, j’allais souvent dessiner au pied de ses murailles. J’avais
peint tout un ensemble de petites isbas, surmontées par les coupoles bleues de
l’église de la Transfiguration, et celle du monastère saint Daniel. J’avais peint
l’isba bleue, toute bleue, y compris le toit, mais pas de ce bleu plastique qui
défigure tout, d’un bleu tendre et vivant, nuancé. Sur sa palissade à
claire-voie s’appuyait un arbuste qui avait l’air d’un ours fatigué, et une
chèvre se reposait au premier plan. Et dans la même perspective de jolies
maisons traditionnelles, j’avais fait un pastel
hivernal, avec du linge suspendu sur une corde. Puis, entre le monastère
et le lac, j’avais peint aussi une multitude de toits que le soir rendait bleu
foncé. Tout cela a complètement disparu. L’isba d’azur, son arbuste, l’isba rose
et verte et les toits indigos. Maintenant, nous n’avons plus que des toits
hétéroclites et criards, de grosses bâtisses sans style et sans goût, il n’y a
plus que peut être trois maisons traditionnelles dans le périmètre du
monastère, naturellement, plus aucune chèvre, et le seul peintre visible avait
gagné la partie des remparts d’où l’on voit seulement le lac : qui aurait
encore l’idée de peindre ces baraques qui évoquent, comme me le disait un ami
du père Valentin, une accumulation de mausolées ?
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Les mausolées... |
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A la place de la maison bleue, de son arbuste... |
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les toits bleus
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Je mets ici les photos qu'Henri a faites de mon environnement quotidien! J'en ajouterai sans doute d'autres...
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Rom |
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Avec Rosie |
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au jardin |
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Mémé confiture... |
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Rosie |
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Henri et Georgette |
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