dimanche 30 septembre 2018

Rita


Nadia m’a donné des plants, quand je suis allée lui acheter du fromage blanc de chèvre. Beaucoup de plants. Des hémérocalles, des grandes comme j’aime, qui font de gros coussins, cette sorte de muguet géant que je n’ai jamais vu qu’ici, du pyrèthre pour soigner le jardin, des physalis, des lis bouclés, il m’a fallu planter tout cela, toute affaire cessante. En me quittant, elle m’a dit sur le seuil : « Ah, hier, on n’a pas eu le temps de se dire au revoir. Tu as vu ? L’ange que nous regardions a fermé ses ailes, et  hop, la pluie est tombée. Quand je te dis que Dieu m’envoie toujours la merveille qu’il faut ! »
Mes voisins Anna et Kolia, parents du petit Aliocha, sont venus faucher mon terrain, et Kolia va me faire un peu de terrassement. Une autre voisine plus lointaine, qui dégageait une forte odeur d'alcool, est venue m'extorquer100  roubles pour une bâche que Rosie aurait déchirée, en me disant que les gens d'à côté jetaient des pierres à l'emmerdeuse. "Très bien, ai-je dit, faites pareil. Chassez-la, qu'elle vous craigne"; mais Anna m'a dit: "Elle était déjà déchirée, sa bâche, et les gens d'à côté, c'est nous et nous ne jetons pas de pierres à Rosie. Ce sont des personnes infréquentables, je suis contente que vous soyez là, car nous avons un bon petit coin de gens normaux, ici, et c'est bien agréable, mais ceux-là, gardez-les à distance, et même, menacez-les de leur envoyer les flics!"  
Cela fait plus ou moins deux ans que je suis arrivée ici, deux ans d’allées et venues et de péripéties. Celles du déménagement semblent vouloir aller à leur conclusion. Il y a environ deux mois, on m’avait signifié que je devais photographier sous tous les angles et décrire en détail les objets de plus de cent ans. J’avais répondu à AGS :
Je crois que je n'aurai jamais ce déménagement. Il m'est complètement impossible de faire cette description. Je suis en Russie, il faudrait tout sortir, tout rephotographier et mesurer, et quand j'ai voulu récupérer des affaires et éventuellement refaire les listes, on me demandait 400 euros pour ouvrir le conteneur. Ce sont des objets dont je ne connais pas la plupart du temps la provenance, ils avaient été offerts, acquis par ma mère. Je sais qu'ils ne valent pas grand chose, car on ne me donnait presque rien de tout ce que j'ai fini par refiler à des amis Je me fiche de ne pas les remporter en France, car je n'y reviendrai probablement jamais et si cela arrivait, je les distribuerais à des amis russes, car je n'ai pas d'enfants. Mais payer encore en sus des taxes exorbitantes, je trouve que je me suis fait assez racketter. Je pourrais soustraire les "antiquités" du déménagement, mais pour cela, il faudra que je vienne en France, et je n'ai nulle envie de cracher encore 400 euros pour ouvrir la boîte. Alors je ne sais pas. C'est juste de la persécution, et je ne sais pas quoi faire.
Et puis silence radio. Et ô surprise, on m’a annoncé que les Russes renonçaient à me demander tout cela, mais il faut quand même payer 370 € de taxes.
J'ai rencontré hier Irina, l'arrière-petite-nièce du prêtre de l'église du métropolite Pierre, saint Constantin de Pereslavl, martyrisé par les bolcheviks. Elle vit à Moscou mais s'occupe activement d'engager la restauration de l'église. Bien que personne ne s'en occupe, qu'elle pourrisse sur place depuis la mort de son dernier prêtre, et que jusqu'à une date récente, elle ai figuré au cadastre sur le territoire de la chaussée, ce qui permettait de la détruire à tout moment pour l'élargir, elle figure au catalogue des monuments historiques, et on ne peut y toucher sans convoquer une commission spéciale qui va coûter cher et faire faire les travaux par une firme ruineuse, et nous ne savons pas encore comment tout cela serait réalisé!
Elle était avec une amie journaliste, Olga, qui considérait avec pitié mes projets de concerts de musique traditionnelle et de stages. Elle considère que les jeunes deviennent irrémédiablement incultes, stupides, perdent tout lien avec leur histoire et tirez l'échelle. Je considère quand à moi qu'il en reste encore assez, et que chaque personne qui redevient Russe assainit la situation générale et retrouve un sens à sa vie.
Je vais à Moscou récupérer Rita. Après Bouton, que j'avais regretté de ne pas avoir adopté et qui avait trouvé preneur, Liéna, la fille du père Valentin, m'a annoncé qu'une de ses amies donnait sa chienne spitz de cinq ans, car la propriétaire de son futur appartement ne voulait pas l'accepter. A vrai dire, je ne sais pas comment Rosie va réagir, elle n'a jamais agressé aucun chien. Autrement, j'ai pitié de cette petite chienne, que personne ne prendrait à cet âge, et moi-même, je me prépare psychologiquement à ce qu'elle ne partage pas longtemps ma vie, cinq ans, c'est l'âge auquel les spitz miniatures commencent à décliner. Sa patronne dit qu'elle est en excellente santé. Sur la photo, elle semble comprendre qu'on va la donner à quelqu'un d'autre...






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