dimanche 16 décembre 2018

Petit matin d'hiver

Depuis hier, c'est la carte postale de Noël, ici. Il fait -17, du soleil, et du givre. Je sors le matin pour les besoins de Rita, le ciel est bleu foncé, il pâlit très légèrement à l'est, au dessous de l'éclatante étoile du matin. Rita n'a pas envie de se geler les pattes, elle fait trois gouttes pour avoir sa "vkousniachka" et dès qu'elle l'a bouffée, pisse à l'intérieur...
Même la nuit, tout scintille. Que la création est donc magnifique... Ces fantômes d'arbres transfigurés par le givre, dans leur gangue bleue, passent au rose, puis se nappent d'or, ils deviennent pareils à une grande iconostase aux icônes d'azur.
Mon beau plombier est venu une fois de plus retoucher son installation, tellement géniale qu'il faut être un prix Nobel de physique pour en avoir la maîtrise. Après son départ, en nettoyant les traces de son intervention, j'ai trouvé la balle de Rosie, qu'elle s'obstinait à me présenter alors que je n'avais aucune envie de jouer et que souvent, elle me faisait mal. Et je me suis mise à pleurer. Depuis qu'elle a disparu, j'ai relativement la paix, je me promène avec Rita sans éveiller rien d'autre que des sourires attendris, au lieu des cris et des engueulades, mais je suis triste, j'ai le coeur fendu, je me demande ce qui a bien pu arriver à cette pauvre nounouche inadaptée à son environnement, à sa maîtresse, cette chienne de trappeur.
Je suis fatiguée, l'hiver est dur pour les méridionaux, surtout vieux. Et puis j'ai pas mal travaillé sur mon livre, je traduis aussi beaucoup, et j'en discutais avec mon amie Dany, le danger et l'infamie des temps nous épuise moralement et émotionnellement. J'interviens sans cesse, pour expliquer aux Russes que non, les gilets jaunes, ce n'est pas une révolution colorée des Américains, après avoir expliqué aux Français que non, les Russes n'avaient pas de troupes en Ukraine, mais oui, on exterminait la population du Donbass, et maintenant, il faut défendre le métropolite Onuphre, traduire, argumenter. Pourquoi est-ce que je fais tout cela?
J'ai un mal inouï à émerger le matin, et aller à l'église relève de l'exploit. En plus de l'église, il y a les démarches diverses, il y en a toujours, j'ai entrepris de transformer le permis de séjour provisoire en permis de séjour permanent, et cela me coûte, même faire mes courses me coûte. J'ai l'impression d'avoir de plus en plus de mal à grimper la falaise. Mais j'arriverai peut-être à écrire d'autres romans, après Yarilo et sa suite. C'est la seule chose que j'arriverai encore à faire.
Il est étonnant, quand on a l'esprit alerte, de constater que se lever de son lit devient problématique. Il fut un temps pas si lointain où, bien que j'ai eu du mal à démarrer depuis l'enfance, me redresser, mettre le pied par terre, et ensuite soulever tout le corps dessus était un processus si naturel et facile que je ne lui prêtais aucune attention.
Les chats et Rita guettent mon réveil pour me sauter littéralement dessus. Il y a ceux qui veulent manger, et il y a ceux qui, plus sentimentaux, veulent débuter la journée par un câlin, en particulier Blackos, qui entre en compétition avec Rita, puis, au moment où, ayant nourri la meute, je retourne m'étendre avec le petit dèje, c'est Georgette qui attaque, c'est son moment sacré, de nouveau en compétition avec Rita. Tous ces parasites n'existent que par moi, je ne peux que souhaiter mourir après eux, et sans les avoir remplacés.




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