vendredi 22 novembre 2019

du côté de Carcassonne


Ce séjour en France a été un vrai marathon, je ne comprends pas pourquoi de l’ai prévu si court, enfin si, je sais, les chats que je ne voulais pas laisser seuls...
Je suis allée à Solan, et pendant la liturgie, j’avais la larme à l’œil : tout était si beau, si fervent, et parfaitement compréhensible, étonnement français, bien que byzantin, j'y retrouvais l'esprit roman depuis si longtemps perdu. Après, au café, j’ai parlé un peu à la mère Hypandia, qui m’a dit que j’étais très bien là où j’étais. Et en effet, je crois que je suis là bas à ma place. Un paroissien, en me saluant, m’a soufflé que j’avais fait le bon choix, que j’étais du bon côté de la barrière.  « Il me semble que l’on n’a pas commémoré Bartholomée, lui ai-je répondu.
- Mais si, mais si, et même, on nous a demandé à tous de signer une lettre de félicitations pour les récentes canonisations du patriarche Bartholomée au mont Athos.  Et j’ai refusé, car je ne suis pas contre les canonisations, mais contre le moment choisi pour cela, et la manipulation dans laquelle elles s’inscrivent. »
Ensuite, j’ai dîné chez les Belges que je ne connaissais que par correspondance, avec Annamaria et Giovanni. Nicolas est très documenté sur la Russie, qu’il a visitée pour la première fois. C’est un homme d’une grande ferveur, d’une grande culture. Il aime parler car il est passionné par les sujets qu’il aborde, sa  femme est plus effacée, sans doute justement parce qu’il parle beaucoup ! Il a de belles icônes anciennes, des icônes en bronze de vieux croyants, sur lesquelles il voudrait faire un livre.  Il a essayé d’expliquer aux Italiens pourquoi  les manœuvres de Bartholomée et du métropolite Emmanuel étaient indéfendables, et il l'a fait avec tact, avec respect, avec amour. Nos amis sont tout ce qu’il y a de plus gentils et tolérants mais restent sur la position que l’Athos a toujours raison, donc le père Elisée et Solan qui le suit. Je m’en référais aussi toujours à l’Athos, jusqu’à l’histoire d’Ukraine, et la vilenie totale de ce tomos accordé à des imposteurs sinistres, dans le dos du saint homme qui est le métropolite légitime du pays, en l’exposant ainsi que tout son troupeau à des persécutions brutales…
Qu’aurait dit le père Placide de tout cela ? 
J’ai rencontré une amie très chère, qui, alors qu’elle est revenue s’installer près de Solan, se sent aussi un peu en porte-à-faux. Car le métropolite Onuphre lui paraît d’une grande sainteté, cette sainteté et cette bonté rayonnent de toutes ses photos, et de tous ses discours, la ferveur de ses fidèles, soudés autour de lui, la transportent et ne lui laissent aucun doute. Voilà une femme profonde, lucide et honnête pour qui j’ai une grande estime. Elle me dit aussi que j’ai bien choisi et qu’ici, c’est le désert.  Sa ferveur m’inspire de la honte, car je suis loin d’en avoir une pareille. Sa conversion tardive lui donne un sentiment d’urgence, comment rattraper sa vie perdue jusqu’alors, et se rendre digne de Dieu, de son amour, et de l’immense récompense qu’il nous propose ? Elle discerne en moi, parallèlement à mes aspirations spirituelles, des éléments telluriques, ce qui est très vrai, c'est même ce qui me rapproche de la spiritualité russe. Ernst Jünger disait: "le Christ russe sent la terre..."
Je logeais chez Martin et Cécile, avec qui j’ai passé ma dernière soirée. J’adore Cécile, toujours bienveillante et gaie. Je l'ai emmenée au café du Commerce, où elle aimait aller s'asseoir avec moi, et j'ai retrouvé son ambiance typique. Il a changé de propriétaire et de décoration, mais le comptoir d’origine a été préservé et le café crème est bien meilleur. J’ai appris que mon voisin le décorateur parisien aux tenues colorées qui avait pris sa retraite quand j’étais là bas, et adorait le village était déjà mort d’un cancer. Il a joui  de son bonheur quatre ans…




Ensuite je suis partie à Limoux. J’ai voulu visiter la cité de Carcassonne, car j’étais en avance, et c’était un grandiose spectacle que ces murailles incendiées de soleil sur un fond de gros nuages bleus, avec les douces phosphorescences des arbres d’automne, mais j’ai assez vite ressenti que mes genoux arthrosiques commençaient à souffrir. La descente de la porte de l’Aude a été un moment difficile.
J’ai retrouvé avec bonheur Henri et Patricia. Ma peste de chienne terrorisait leur bon gros chat. Malgré cela nous avons discuté et plaisanté à perte de vue. Il se trouve qu’indépendamment des manoeuvres phanarodoxes qui peuvent entraîner indirectement le passage du monastère de Cantauques, sous la juridiction roumaine, à passer du côté Bartholomée de la barrière, Henri et sa femme, à l’issue de problèmes divers, n’y vont plus, c’est-à-dire qu’ils sont sans paroisse. Henri prie sur le sommet du pic de Bugarach, ce que je comprends, je prie aussi beaucoup mieux en contemplation devant la nature, surtout quand elle est grandiose et intacte.
En somme tous ces Français ou Belges extrêmement fervents et profonds sont isolés chacun dans leur coin, et ne sont plus vraiment en phase avec leur îlot de spiritualité orthodoxe. C’est peut-être déjà la concrétisation de ce qui est prédit par les écritures, au sujet des derniers temps, et comme je suis moins fervente, le Seigneur m’a expédiée dans un pays où les choses restent encore normales, où vivre sa foi est plus facile.
Henri m’a présenté un ermite, son ami Christian qui vit loin de tout dans la montagne.  C’est un basque, peintre abstrait, orthodoxe sans paroisse lui aussi. Il voit la France s’abîmer dans la barbarie, recouverte d’étrangers que l’on dresse contre nous, afin de leur donner toutes les raisons de nous spolier, violer, tabasser comme ils commencent allègrement à le faire. Nous avons analysé toutes les fourbes et perverses manipulations qui nous laissent sans défense devant notre génocide programmé. Sans défense et sans aucune lucidité, soumis à un dressage et un formatage insidieux de tous les instants. On nous prive de tous nos anticorps spirituels et culturels, notre foi, notre héritage, notre mémoire, notre histoire, et même notre langue, simplifiée, déformée, "déconstruite" pour devenir un pauvre sabir à l'usage du consommateur imbécile métissé qui devra peupler le pays d'ici quelques décennies, selon le plan criminel d'une caste retorse et implacable. Ces hommes du terroir disaient leur tristesse devant ce pays qui ne signifie rien pour ses occupants allogènes, et qui a mis des millénaires à se constituer, qui est dans nos gènes, dans notre sang. Henri est pétri de la nature où il est né.  Et même si j'ai choisi l'exil et aime la Russie comme un mari que j'aurais suivi ailleurs, je suis dans le même cas. Mais ceux qu'on nous déverse dessus, qu'on nous impose malgré nous, qu'en ont-ils à faire de notre terre, de nos châteaux, de nos églises, de nos villages, que peuvent-ils y comprendre? Ils ne peuvent que tout haïr en bloc, car ils ne viennent pas par amour, ils viennent en prédateurs, pour prendre, spolier, violer, tuer, pareils à tous les conquérants de toutes les époques, les Huns, les Sarrazins, les Mongols et les Turcs, qui n'ont pas de pays mais errent en quête de rapines et de proies. Christian, en voyant la vidéo de l'anniversaire du fils de Skountsev, où tout le monde chantait si bien, m'a dit: "Ils font plaisir à voir, car ils sont paisiblement fiers d'être ce qu'ils sont, et de leur culture, de leur histoire, de tout ce qui les unit, ce sont des hommes, un peu comme les berbères que j'ai connus en Algérie. Alors que les Français contemporains sont mous et égarés, ils ne savent plus qui ils sont." Malgré ces tristes constatations, nous avons bien rigolé, car l'humour, c'est bien connu, est la politesse du désespoir... 
Pour terminer mon séjour, nous avons déjeuné dans un restaurant local avec un jeune homme qui voulait me rencontrer lui aussi, et me poser des questions sur la Russie. "Vous êtes connue pour votre franc-parler..." m'a-t-il dit. Je n'ai pas toujours conscience de l'énormité de ce que je sors, mais disons que cela me vient naturellement. Genre "le roi est nu"!
Nous avons ensuite fait un pèlerinage au pic de Bugarach, qui est si beau et si impressionnant. La nature, ici, est de type méditerranéen, mais plus sauvage, plus mystérieuse et plus grandiose, en réalité, ce qui reste un peu rabougri en Provence, dans la sécheresse du mistral, prend ici de l’ampleur sous l’influence océanique, les arbres sont plus grands, les sous-bois plus profonds, et bien que l’on truffe de migrants cette terre antique dont ils n’ont rien à faire et qu’ils se hâteront de saccager, elle garde une authenticité, une présence, elle est pleine d’ancêtres et d’anciennes magies. 
Le ciel avait des tons de nacre, et les sonnailles d’un troupeau de vaches déployaient dans le silence les broderies de leurs tintinnabulements frêles.

Le pic de Bugarach

avec Henri

avec Patricia

Ritoulia



5 commentaires:

  1. Bonjour Laurence,
    que vos photos sont belles! On a l'impression qu'une troupe de preux chevaliers pourraient débouler dans ce paysage "médiéval" merveilleux... Etes-vous déjà de retour à Pereslavl ? Et si je peux me permettre, connaissez-vous l'argile pour les douleurs arthrosiques ? Je soulage ainsi les miennes avec efficacité...
    Ritoulia est à craquer sur la dernière photo.
    Bon retour dans votre chère Russie que j'aimais, sans, toujours, la connaître mais que vous rendez plus accessible et présente, merci pour cela.

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  2. Oups ! La belle faute à "pourraient"! "Pourrait",bien entendu, j'avais peur de vous faire mal aux yeux, ceci dit il y en a d'autres qui m'échappent parfois...

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  3. Pour l'argile, j'ai toujours un excellent bouquin, "L"argile qui guérit " de Raymond Dextreit. Il faut faire preuve de patience pour se soigner avec l'argile mais cela vaut la peine, mes amies sont conquises à leur tour. Bon courage et bon retour.

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