vendredi 7 août 2020

Masques

 Il n'y a pas beaucoup de masques à Moscou, mais Sobianine ayant encore frappé, certains magasins les exigent. Il fait un temps à aller se baigner dans le lac. Je suis contente de voir tout le monde mais j'ai déjà hâte de rentrer.

J'ai appelé mon amie Liouba qui considère tout cela, comme moi, avec méfiance. Une amie de son gendre, mariée à un Français, a perdu son père, victime collatérale du Covid. En proie à une crise cardiaque, il a appelé les urgences qui l'ont emmené au centre des maladies infectieuses, et il est mort dans un couloir, parce que personne ne s'occupait de lui, nulle doute qu'il est allé grossir les statistiques. Églises fermées, flicage, amendes, répressions. Liouba, très pieuse, allait plus que jamais à l'église et communiait tous les dimanches. "Le Seigneur nous envoie le signe qu'il faut se tenir vigilant. Et les vieux qui sont sur la dernière ligne, et ont besoin plus que jamais des secours de la religion, ont disparu de l'église. Et quand ils venaient, la police les refoulait. L'important n'est-il pas, quand on est vieux, de mourir confessé et communie ? "

Elle m'a parlé de gens qui restaient des temps à la morgue, qu'on ne parvenait pas à enterrer décemment.

Recemment, une jeune femme m'a déclaré sur Facebook qu'il fallait s'habituer à vivre avec le masque. C'est-à-dire que sa cervelle a complètement intégré qu'on doit se promener avec un chiffon sur la gueule pour le restant de ses jours et que les gens comme moi sont des dangers publics. On peut donc imposer n'importe quel conditionnement à un certain type de gens. On commence à nous montrer des jolis dessins ou des couples le noir plus la blanche font l'amour comme les chiens pour ne pas mélanger leurs souffles, ou à travers une paroi. C'est l'amour ou plutôt la copulation, strictement au niveau des parties génitales, on se demande même pourquoi un partenaire est encore nécessaire. Et c'est sans doute la qu'on veut nous amener. Je pensais à la Bd satirique de Gotlieb et Alexis sur la Dame aux camélias ou Armand et Marguerite s'embrassaient à travers l'hygiaphone.... 

Quand j'ai découvert les affreux jeunes gens des facs soixante huitardes, je m'étonnais qu'ils ne parlassent que de Trotski et de Mao, qu'ils ne revassent pas de passions éperdues, d'amour éternel, d'exploits, de risque, qu'ils ne prissent pas plaisir au vin et à la musique et qu'ils n'ecrivissent pas de brûlants poèmes. C'étaient de petits crétins hargneux, envieux, qui detestaient tout ce qui dépassait le niveau de la merde et nous préparaient une société sinistre, à laquelle j'étais prête à tout pour me soustraire. Et je pensais avoir vu ce qu'il y avait de pire, mais maintenant, on a le crétin masqué, prêt à accepter n'importe quoi pour sa misérable survie, dans cette société de l'avenir technologique radieux. 

Mon cher filleul à vu naître son premier enfant, je lui souhaite de pouvoir encore trouver une niche écologique ou vivre normalement, c'est-à-dire pleinement, intensément, irrigué par l'air, le soleil, l'eau et la beauté du monde. 


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