mardi 3 novembre 2020

Accrochage


Le voisin déambule sous mes fenêtres. Il délimite sa maison. Elle sera énorme. Il me dit qu'il ne peut la construire ailleurs à cause de son bain de vapeur qui ne doit pas être à côté. Mais il en sera à côté, pas en face, mais à côté. Et c'est dangereux, ça peut foutre le feu. D'autre part, proche comme elle sera et haute comme elle sera, elle provoquera obligatoirement le glissement de toute son argile sur mon terrain. Lequel terrain est déjà spongieux, alors qu'il ne pleut pas depuis plusieurs jours. Dès qu'il a vu que je le regardais, il est parti d'un air furtif. Finalement, je me faisais encore des illusions sur la bêtise. Elle est colossale et sans fond. Car à la rigueur, je pourrais essayer de masquer son horrible truc avec des conifères et vivre à l'ombre, mais je crains que toute l'eau ne reflue chez moi et même dans la cave de la maison.

Il me propose de faire un canal le long de la clôture, mais il y aura tout juste deux mètres entre celle-ci et son monstre, enfin j'espère quand même qu'il le fera, sinon, il me faudra acheter des bottes d'égouttier. Il ne comprend absolument pas le problème. Que je préfère mon marécage vivant à une coulée de glaise qui écrasera tout ce que j'ai planté, ou qui poussait tout seul, jusqu'au ras des fondations. Pour lui un jardin, c'est un désert vert avec trois thuyas, quatre massifs bordés de plastique un nain de jardin et une allée de pavés autobloquants. C'est tellement inutile de discuter que les bras m'en tombent. J'ai affaire à un extraterrestre, à un rhinocéros. Il ressemble à son bulldozer.
D'un autre côté vendre et acheter en ce moment n'est pas facile, si ça se trouve nous serons tous spoliés du peu que nous avons dans trois mois. J'ai vu hier une femme qui a acheté un lopin dans un lotissement, bâti une maison, et maintenant, elle doit tout détruire, parce que ce sont des terres agricoles vendues à des particuliers par un faisan.
C'était dans l'atelier d'iconographie où se retrouvent de pieuses femmes pour apprendre cet art. Elles sont toutes extrêmement gentilles, mais j'ai l'impression que je n'ai pas vraiment le style, bien que je sois orthodoxe, et que je fasse des icônes, pas assez souvent, et ce sont toujours des commandes de Français. Une brave dame a lancé un appel au peuple pour faire conduire une grand-mère à Elizarievo, le village où mon héros Fédia trouve une sage-femme un peu sorcière, dans mon livre. L'église a été construite par le père Basmanov. C'était un chef de guerre fort brutal, un opritchnik, mais quand même, il ne devait pas être aussi nul et immonde que le mafieux contemporain, ou son complice le fonctionnaire véreux, car l'église qu'il a laissée à la posterité est fort belle, et simple, elle ne cherche pas à en mettre plein la vue. Or je suis de plus en plus persuadée que si nous produisons tant de laideur, c'est que nous sommes intrinsèquement et profondément laids, mutilés de l'âme, rétrécis du coeur, quand au cerveau, je n'en parle même pas. Notre civilisation est celle du Mordor et tous ceux qui y adhèrent sont plus ou moins des orques ou des nazguls. A choisir entre Alexeï Basmanov et Sobianine, Macron, Gref, Attali ou le docteur Laurent Alexandre, je prends le premier. La grand-mère voyageait avec des tas de sacs, et son chat dans un panier. Elle avait envie d'entendre quelque chose d'agréable sur Alexeï Basmanov, la gloire locale. Je lui ai dit que ce n'était pas un ange, mais qu'il avait fait une belle église et que de l'avoir restaurée permettait de prier à nouveau pour son âme, qui en avait sûrement bien besoin.
Je suis allée accrocher mes tableaux à la galerie de la cathédrale, en réalité, c'est mon coéquipier qui s'en est chargé, et heureusement, car il m'aurait fallu faire de l'acrobatie sur un escabeau à une hauteur stratosphérique. Nous faisons une expo dans une salle privée. A côté, il y a une grande salle où sont exposés en permanence toutes sortes de tableaux, bons et mauvais. Je trouve que les miens sont  honorables, si je compare, bien que je n'ai pas fait d'école ni de carrière retentissante, et surtout ils ne ressemblent à aucun autre. Peut-être comme mes livres d'ailleurs.
Ce qui m'ennuie, c'est que je suis censée chanter, mais je crois bien que la petite-fille du père Valentin m'a une fois de plus filé ses miasmes, et par les temps qui courent, les affections ORL ne sont pas bien vues. D'ailleurs l'abominable Gref a décrété qu'il faudrait garder le masque toute sa vie, c'est tellement plus hygiénique, je me demande parfois si je ne fais pas un cauchemar interminable, un cauchemar sans réveil, où une bande internationale de cinglés richissimes et pervers est en train de briser et d'endoctriner l'humanité entière avec des procédés de secte.


le tableau en haut à droite, c'est justement le terrain du voisin
avant le massacre, une vue qui va disparaître derrière son cube
en plastique.






9 commentaires:

  1. Merci pour cet article et pour la photo de vos oeuvres...
    J'aurais tant aimé les admirer réellement, c'est beau, il se dégage tantôt une douceur semblable à celle de votre visage d'éternelle enfant perdue dans ses songes, mais aussi cette vitalité que l'on vous connaît, qui pousse l'artiste à créer et qui tempête aussi devant le laid, le mauvais, l'injuste,... Et c'est tout ce que j'aime chez vous , que je reconnais aussi en moi. Merci.

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    1. Oui, c'est vrai que je suis assez comme ça et il faudrait passer à autre chose avant de mourir!

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    2. On en est souvent là, à se dire qu'il faudrait passer à autre chose, on essaye, mais y parvient-on ?

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  2. Bonjour ma chère Laurence vos toiles ont l’air si belle dommage que je ne puisse les voir sur place je vous souhaite beaucoup de courage avec votre voisin très belle journée et soignez vous bien amitié 😘

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  3. Bonjour Laurence,

    Qui est ce... "Gref", dont vous parlez à côté du démon Attali ?
    J'ai bien trouvé une certaine Ruxandra Gref, spécialiste en nanoparticules....
    Et je n'ai jamais entendu parler d'elle.
    Si effectivement ici en France elle est mêlée de près ou de loin à la dictature médicale, alors c'est TRÈS mauvais signe 😥

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    1. C'est le patron de la Sberbank qui normalement appartient pour moitié à l'état. Un type arrogant et satanique.

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