mardi 27 juillet 2021

Bouclier d'or.

 La manifestation à laquelle je me suis rendue, sur la rivière Khapior, s'appelle le Bouclier d'or et rassemble des Cosaques enthousiastes avec de bonnes gueules, de grandes barbes et de grosses moustaches.


Nous avons fait escale dans la ville de Elets, que nous avons visitée à toute vitesse et qui mériterait un séjour prolongé. Elle est très bien conservée, en partie grâce aux efforts d'un ami de Skountsev qui en était l'architecte conseil et qui, contrairement à ceux de Pereslavl, faisait son travail avec zèle, car il adore sa ville. Elle date presque entièrement du XVIII et du XIX siècle, avec des éléments art nouveau, une étrange russification du tout, un charme fantasque, paisible, poétique, et comme pas mal de villes provinciales de marchands, elle laisse une impression de douceur de vivre nonchalante qui ne cadre pas du tout avec tout ce qu'on raconte de la Russie de ces époques. 

 

Skountsev avait décidé de passer en vitesse chez un ami, Aliocha, grand cosaque baraque à moustache de rigueur, pour aller faire pipi, mais il était quand même difficile de repartir sans lui accorder un peu d'attention, surtout qu'il était terriblement sympathique et jouait remarquablement de l'accordéon. Il avait en plus des chaises art nouveau confectionnées par son père, de toute beauté. De vastes connaissances historiques, et aussi artistiques. Il travaille le cuir, fait des bottes cosaques, des carquois, des sacoches, des reconstitutions de costumes historiques. 



Serioja le chauffeur, qui s'occupe de la sécurité au Kremlin, chez "notre petit père le tsar", était très pressé d'arriver, et peu enclin à s'arrêter en route. Or de Elets jusqu'à la stanitsa de Koulmijenskaia, il y a 700 km. Il préfère ouvrir les fenêtres que de mettre la clim. La chienne et moi étions complètement abruties par la chaleur et le bruit. De temps en temps nous avions des chansons cosaques qui montaient au milieu du fracas des camions. Et Skountsev dansant "mon herbe, mon herbe verte" sur la pelouse d'une station service.... 

Je suis dans une sorte de chambre d'hôtes tenue par Kolia, un type de 45 ans au crâne rase qui s'occupe de moi comme si j'étais sa propre mère. Il trouve extraordinaire qu'une femme de mon âge se soit lancée dans une telle expédition, alors que tant de vieux ne font plus rien et se laissent mourir. L'ambiance chez lui et dans la stanitsa me rappelle à la fois Fellini et Kusturica. Les gens sont d'un naturel goguenard absolument sans complexes. Cela sent le sud, un sud particulier. J'ai même vu une bignonne sur une palissade, cela ne m'était pas arrivé depuis deux ans. On vit dehors, sous des terrasses couvertes. Avec moi, ici, il y avait une grosse femme de Moscou qui faisait la coquette en robe de chambre avec un gars du coin, et hier une autre Venus du même genre, et puis un chauffeur de camion Tatar bourré qui m'accablait de compliments et dont Kola m'a avertie que je n'avais rien à craindre de lui car il veillait au grain. Il n'avait d'ailleurs pas l'air méchant et ronflait tellement que je l'entendais à travers la porte fermée.

Le lendemain de mon arrivée, Serioja pietinait d'impatience, et Kolia à proposé de nous guider jusqu'au camp, car la piste qui y mène peut réserver des surprises. Il m'a prévenue que s'il arrivait quoi que ce soit, une grosse pluie, par exemple, il viendrait me chercher avec sa bagnole tout terrain. La piste demande 45 minutes de conduite attentive pour dix kilomètres de creux, de bosses et de sables mouvants, à travers des espaces herbeux, avec des bosquets de pins et de chênes, d'accacias, de saules. Serioja chantait: "Steppe, ma large steppe", au milieu de celle-ci, la steppe, large, odorante et vibrante de grillons, avec les touffes grises de la fameuse "absinthe, herbe amère", et délirait de lyrisme. "Serioja, lui dis-je, pourquoi restez-vous à Moscou ? Revenez donc ici !

- C'était mon intention, mais je viens de prendre une jeune épouse et notre petit père le tsar paie bien."

La jeune épouse, Sacha, est très belle, son père est un Grec pontique, sa mère est russe. Elle ressemble à une statue antique avec un sourire slave." Vous ne voulez pas venir par ici, Sacha ?

- Oh sans doute il le faudra, mais je voudrais faire carrière tant que je suis jeune et belle...

- Sacha, quelle carrière ? Ce sont des mirages tout ça. Vous êtes saine et naturelle, vous avez un mari, vous attendez un enfant, et la vie à Moscou, ce n'est pas la vie.

- Oui, mais de toute façon, il doit encore servir quelques annees, après on verra..."

Apres avoir déposé mes jeunes mariés, j'ai refait le trajet en sens inverse, j'ai fait le plein d'essence, et je n'ai pas eu le temps de finir de boire le café avec Kolia dans le vent tiède que Skountsev me convoquait pour l'emmener dans une stanitsa à 16 km de la, sur la tombe d'un ami à l'initiative du "bouclier d'or". Je ne suis pas entrée dans le cimetière, car je ne voulais pas laisser Rita dans la voiture, il faisait une chaleur terrible. J'ai fait une rapide aquarelle de l'église en voie de restauration, et j'ai rejoint toute une équipe de cosaques qui chantait en cercle en hommage au défunt, en faisant circuler entre eux une coupe commune, c'est-à-dire plutôt une soupière en bois. Rita n'en pouvait déjà plus. Après la photo de groupe devant l'église, j'ai du emmener Skountsev à l'hôpital minuscule du village voisin, où il devait voir sa mère et prendre les clés de sa maison. Puis à la maison elle-même ou il voulait prendre des affaires. Il est très lent, mal organisé, changé d'avis sans arrêt, et j'ai du l'attendre je ne sais combien de temps, moyennant quoi il a oublié de prendre sa tente. Il a fallu s'arrêter pour prendre le pain qu'il trouve le meilleur, et j'ai fait le taxi pour diverses courses, pour lui et pour moi, après quoi il m'a fallu reprendre la piste à travers la steppe, jusqu'au camp, j'ai dépensé en un jour le plein d'essence que j'avais fait le matin, et j'avais l'impression d'être partie depuis une semaine.

Le camp est situé dans un bois, au bord de la rivière, il bruisse de chansons cosaques et de refrains d'accordéon, se baigner en entendant chanter n'est pas du tout la même chose que de le faire au son discordant et braillard d'une radio de merde. La rivière passe au pied d'une colline desséchée où les cosaques tenaient conseil autour de leur ataman. Les participants du rassemblement vont rituellement tous les ans regarder le lever de soleil depuis son sommet. "Vous savez, me dit un participant, il y a ce moment avant l'aube ou tout est très sombre et très silencieux. Les oiseaux de la nuit se taisent et ceux du jour ne chantent pas encore, et tout à coup, l'horizon s'éclaircit, et apparaît quelque chose comme un jaune d'œuf chatoyant, ils commencent tous leur concert, tout s'illumine, le soleil monte, comme un bouclier d'or resplendissant."





2 commentaires:

  1. SALUTATIONS LAURENCE ;ET BONNE FETE DE LA CHRISTIANISATION DE LA "RUS";T'AS FAIS LE BON CHOIX D'ALLER TE PLONGER DANS CETTE ATMOSPHERE,QUI EST DEVENUE TROP RARE,MAIS GLOIRE A DIEU TU AS RECU CETTE CHANCE ET L'A SAISI;FELICITATIONS! Я восхищаюсь твоим успехом и очень рад за тебя!JE ME SERAI BIEN JOINT A VOUS; я завидую тебе белой завистью!PORTES TOI AU MIEUX;ET SALUTAIONS AU MAITRE "Владимир Скунцев" ET BONNE FETE A LUI COMME VLADIMIR!Iakov.

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    1. Oui, Je pense bien aux cosaques de notre oblast et a Veniamin!

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