jeudi 29 juillet 2021

Khapior

 


J'ai recommence à faire le taxi pour Skountsev, mais cette fois, il m'a dit de le laisser dans le village de sa mère et d'aller dessiner l'église du village d'à côté, ce que j'avais déjà fait, le premier jour, pendant qu'il était au cimetière. J'ai trouvé un chêne qui faisait une large flaque d'ombre, et j'ai pique-nique tranquillement avec Rita. Il y avait de l'air, et je me sentais merveilleusement bien, dans le parfum de l'absinthe, dont j'ai cueilli un bouquet, car elle a toutes sortes de vertus et protège même de la covid, d'après madame Skountsev. Le village n'a rien de spectaculaire, il reste quelques jolies maisons traditionnelles, malgré le mauvais goût qui ronge  tout le reste, mais l'église était inspirante. Skountsev à participé à sa restauration. On a activement dynamite les églises dans le cadre de la decosaquisation, bien aussi féroce que la dekoulakisation.... On y voit errer et pâturer le long des rues non des vaches ou des chèvres mais des chevaux. 


Quand je suis allée chercher Skountsev, son frère est venu me saluer. Alcoolique perdu et misérable, il a dû être très beau et cela se voit encore. Il me regardait avec un mélange de détresse et d'émerveillement nostalgique et humble. Skountsev m'a dit qu'il me trouvait belle et jeune, qu'il ne m'aurait jamais donné mon âge, et cela m'a serré le cœur.

Je ne trouvais pas mon chemin et j'ai demandé à une vieille qui m'a soutire de l'argent mais ne m'a pas aidée, car elle ne voyait pas de quelle rue je voulais parler, or quand je l'ai finalement trouvée, je l'ai vue qui l'arpentait et me faisait de joyeux signes de la main. Skountsev me dit qu'elle perd la tête. Mais pas le sens des affaires !

Il m'a expliqué qu'il avait tenté le retour à la terre, avec sa femme, dans cette même stanitsa. Ils avaient de magnifiques légumes, la terre est fertile et le climat clément. Mais il ne savait pas les vendre et dans sa spécialité de musicien ethnographe ne trouvait pas de travail. Le problème quand on quitte la terre, c'est que le retour est très difficile. Les liens sont rompus avec la tradition, avec la communauté villageoise. La vie paysanne est impossible sans la communauté qui va avec, familiale et élargie, cette communauté dont le folklore est le reflet, car il servait à la cimenter, c'était un moyen de communication, et aussi d'affirmation de soi au sein du groupe qui évitait l'ennui et la dévalorisation de ces adolescents qui ne savent pas que faire d'eux-mêmes et sont facilement intoxiqués par la médiocrité clinquante de la télévision. 

Après tout cela, nous avons repris la piste vers le camp cosaque de la rivière Khapior. Je suis allée me baigner. Je ne me lasse pas de cette eau douce et rapide, de ces vagues de sable sous mes pieds, des berges foisonnante qui laissent vite la place, des que l'haleine vivifiante du cours d'eau n'a plus d'influence, à la steppe aride de la colline du conseil. Les cosaques y baignent leurs chevaux, comme dans l'ancien temps. Beaucoup d'entre eux ne vivent plus, comme Skountsev, sur les terres ancestrales, mais le folklore leur rend leurs racines et leur communauté culturelle.



L'autre jour, nous avons vu glisser, sur les eaux crepusculaires, un radeau, avec le drapeau cosaque et celui de la flotte russe, et puis un brasier qui mettait dans la grisaille une éclatante floraison. 

Un ensemble cosaque devait venir se produire mais tout à été annulé, y compris la fête finale au stade de Koumyljenskaia. Pour cause de covid, car l'offensive vaccinale essaie de battre son plein, et si les gens sont moins perméables à la propagande, ils ne voient pas toujours non plus le problème ni la différence avec le vaccin contre le tétanos. 

Du coup, nous avons fait la fête entre nous, mais avec une étoile comme Skountsev et la présence des représentants du folklore local, ce n'était pas plus mal. Ils ont merveilleusement chanté et dansé, entraînant les jeunes du camp, les enfants. 



1 commentaire:

  1. https://www.youtube.com/watch?v=6G1oo6FyHcA Живой звук

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