jeudi 30 décembre 2021

Givre

 


Katia a voulu descendre la rivière Troubej a ski, mais je n'ai pas suivi, j'ai suivi à pied, et plutôt sur la berge, car la glace n'est pas encore assez solide, et par moments, elle prend l'eau. Le spectacle valait le déplacement, les arbres étaient nappés de givre, leurs branches d'un blanc scintillant au milieu du jour, se doraient avec la venue du soir, et la descente rapide d'un soleil oblique. Je pensais à la fascination que j'éprouvais, enfant, pour le nord et ses fééries, pour la Reine des Neiges. Nous sommes allées jusque à l'embouchure et au lac qui était blanc à perte de vue, sous un dôme rose mystérieux, comme si on avait placé la ville sous un globe d'opaline. 

La veille, nous nous étions lancés avec Nil dans le massif forestier destiné au ski de fond, mais je suis la vraie "théière"; comme on dit ici. Et nous avions rencontré Génia, sa mère et Katia, avec qui nous avons ensuite pris le thé. Nil, qui n'a pas tenu le coup à la pâtisserie, va tenter sa chance chez les balalaikers, à Oulianovsk. En principe, il devrait bien s'entendre avec cette équipe jeune et farfelue, il ne sera sûrement pas très bien payé, mais j'ai confiance, cela peut-être le petit coup de pouce qui change un destin et lui ouvre des perspectives. Oulianovsk est une ville agréable, jeune, vivante. 

Bien décidé à partir, il a pourtant des accès de mal du pays. Quel est l'exilé qui n'en a pas? J'adore la Russie, je ne regrette pas d'être partie, mais souvent, dans cet espace nordique et magique, où j'ai la vie plus intense, plus intéressante et plus libre, où je me suis parfaitement intégrée, où j'ai une maison qui me convient, je ressens, malgré l'habitude, une profonde impression d'étrangeté. 

Cette impression avait atteint son point culminant aux Solovki. Récemment, le photographe Valeri Blizniouk, qui fait des clichés magnifiques du nord et des îles Solovki, a associé cet endroit à la musique d'Arvo Part, qui me captive, m'enchante, mais me déconcerte par sa profonde étrangeté, elle m'évoque l'au delà, l'autre monde, dont les Solovki m'avaient paru le seuil, l'embarcadère...

Je discute aussi beaucoup avec Nadia, je revis à travers mes jeunes amies ma triste jeunesse ou, que l'on soit ou non jolie, on reste seule parce qu'on a manqué le moment où les jeunes gens sont disponibles, pour toutes sortes de raisons, souvent sociales et même idéologiques. Pereslavl n'offre pas beaucoup de possibilités de rencontres, mais finalement, les grandes villes non plus. J'aurais leur âge, j'utiliserais les réseaux sociaux, pas les sites de rencontre, mais les pages où les gens se trouvent sur la base d'intérêts communs, de façon naturelle.

 









Le père Nikita Panassiouk, de Donetsk, dont j'avais traduit l'interview et qui était venu me voir, m'a confectionné une sangle pour mes gousli et une ceinture traditionnelle.





 







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