vendredi 1 avril 2022

Citoyenneté

J'ai amorcé la procédure pour demander la citoyenneté russe, c'est-à-dire que je suis allée trouver la juriste spécialisée qui au début n'en croyait pas ses oreilles. "Mais c'est le service d'immigration qui me l'a conseillé!
- Mais vous ne l'aurez jamais!
- Ce n'est pas ce qu'on m'a dit là bas, il faut demander le programme d'état pour les "porteurs de la langue".
- Mais vous ne parlez pas assez bien, vous avez un accent, j'ai vu recaler un Arménien et un Tadjik qui parlaient absoluement couremment! C'est pour les ex-républiques!
- Néanmoins le service d'immigration me l'a conseillé, et une autre Française s'est vu conseiller la même chose". 
Dans la suite de notre entretien, elle s'est prise au jeu, apprenant que j'avais une maîtrise de russe, et à l'issue de quelles péripéties j'en étais arrivée à vivre en Russie. Elle en est venue à penser qu'il y avait des chances. Mais c'est encore un parcours du combattant, la seule différence, c'est que je n'aurai pas les visites médicales. Il faut aller plusieurs fois à Iaroslavl, d'abord en consultation, puis remettre des documents, puis passer un examen de langue, de culture, de droit...
En rentrant, je suis allée fouiller dans mes papiers, j'ai retrouvé la traduction assermentée de mon diplôme, plusieurs copies certifiées conformes, mais je ne saurais plus dire quel est l'original au milieu des copies. Or pour bien faire, il faudrait sans doute apostiller le truc, les Russes aiment bien les apostilles. Sauf qu'en France, on m'avait dit qu'on n'apostillait pas les diplômes, parce qu'alors ils n'étaient plus valables. Il me faut aussi un extrait de naissance, je ne sais combien de temps il mettra à me parvenir. 
Je suis passée aussi à la poste, pour envoyer une lettre à ma banque française, qui en voulait une manuscrite signée, et là, on me dit qu'il ne faut pas l'envoyer en recommandé, sinon elle sera interceptée par la douane, because les événements. Donc à la grâce de Dieu, elle est partie comme ça.
Je devais faire ces corvées hier, mais mes amis les Lochakov, Sergueï et Tania, m'ont invitée à les suivre à Godenovo, où ils vont chaque année vénérer la célèbre croix miraculeuse, pendant la semaine de la Croix, qui prépare Pâques au milieu du grand Carême. Ils étaient venus de Moscou à plusieurs voitures et plusieurs personnes, dont une moniale, qui avait été guide à la galerie Tretiakov, et un diacre.
Sérioja pense que l'intervention en Ukraine va dégénerer en guerre mondiale, parce que Poutine a touché au dollar et qu'on n'allait pas le lui pardonner. La moniale a prié pour la Russie à l'emplacement où vivait saint Nicétas le Stylite. Puis nous sommes partis pour Godenovo.
La Croix de Godenovo est d'une part très belle et d'autre part pleine de grâce, mais tout ce qui se passe autour m'afflige: l'énorme copie de sainte Sophie de Constantinople qu'on bâtit en pleine campagne, les grandes photos de la famille impériale qui jalonnent la route, dans le style des portraits de Brejnev au temps de l'Union soviétique, les parkings pour les autobus. "Il faut passer au dessus de cela et se concentrer sur la Croix, me dit Sérioja.
- Je sais, et la Croix est très puissante, mais quand même, quand je viens ici, j'ai toujours un choc". 
Au retour, nous sommes allés dans l'église de la Sainte Rencontre que le diacre, le père Alexeï, avait décorée quand il était tout jeune. J'étais à l'office de Pâques dans cette église il y a deux ans, au moment du confinement, et ces fresques m'avaient paru anciennes, je n'aurais pas soupçonné qu'elles fussent contemporaines. Ce qui m'avait étonnée, c'est justement la présence de fresques traditionnelles anciennes dans une église du XVIII° siècle où elles sont généralement de style académique, et pourtant elles semblaient avoir toujours été là. L'explication était devant moi, en la personne du père Alexeï.
La compagnie a commenté l'iconostase, qui est d'origine mais partiellement peinturlurée en jaune criard, là où devraient se trouver des dorures, où on projette sans doute d'en appliquer, et du reste, un tronc invitait à participer financièrement à l'opération. Le père Alexeï, voyant mon expression éloquente, me dit: "Oui, ce jaune n'est pas des plus heureux... 
- Et l'or ne va pas forcément améliorer les choses,  a ajouté Sérioja.
- Non, ai-je renchéri, je me demande s'il ne serait pas mieux de la décaper et de simplement la cirer, tout dépend de la nature du bois...
- Certes, il faudrait trouver une autre solution, peut-être plus esthétique et moins chère..." 
Au moment de prendre congé, la moniale Varvara m'a dit: "Vous avez une expression de bonté, vos yeux sont très bons, il est plaisant de voir de bons et beaux visages..."
Cela m'est allé droit au coeur, bien que je ne me trouve pas si bonne que ça, disons que j'ai mes têtes...

Notre compagnie, dans l'église

les fresques du père Alexeï

Rita au café...


4 commentaires:

  1. Merci pour ce texte. Félicitations pour la procédure, je vous envie...je voudrais au moins commencer à apprendre le russe.
    Y.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il faut beaucoup de persévérance , pendant de nombreuses années .Si vous êtes un mâle de moins de 50 ans , ça vaut le coup . Plus de 50 ans , hétérosexuel blanc et chrétien , attention , ça craint !! (selon la jurisprudence de dame Delphine Ernotte ...) ...:-))), . Et surtout un bon prof . Courage !

      Supprimer
  2. Bonjour, pour votre extrait de naissance, vous pouvez l'obtenir en ligne :
    https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R1406

    Bien cordialement et merci pour vos si jolis textes qui le temps de la lecture me font ressentir ce que vous décrivez.

    RépondreSupprimer