dimanche 18 décembre 2022

Gouffre blanc

 


Valérie est tombée malade, juste après avoir acquis sa maison. Tout le monde est malade, mais au moins, on ne parle plus de covid et on n’emmerde pas les gens avec des masques, des tests et des vaccins. Nous avons tous la grippe, la bonne vieille grippe. C’est en train de m’arriver aussi, je prends des vitamines, de l’infusion anti grippe du Cubain Ibrahim...

Hier, j’ai vu que le métropolite Onuphre condamnait les prêtres qui commémoraient encore le patriarche Cyrille. J’en ai été très affectée, et j’ai appelé le père Valentin qui s’est écrié rageusement : « Et que voulez-vous qu’il fasse, dans la situation où il est ? Qui pourrait lui jeter la pierre ?

- Je ne veux rien du tout, à part savoir ce que vous en pensez...

- Personne ne juge ni ne commente ce que dit ou fait le métropolite Onuphre en ce moment, et cela, du haut en bas de la hiérarchie !

- D’accord, ce que vous me dites me suffit. »

C'est pourquoi je ne m'occupe plus du groupe de soutien que j'avais créé il y a plusieurs années. 

Les nouvelles d’Ukraine sont effrayantes. Toujours les mêmes démons ont réussi à nous jeter les uns sur les autres, comme en 1789, comme en 14, comme en 17, comme en 40, prêts à tirer les marrons du feu qu’ils nous ont allumé. Je suis en colère contre les duettistes orthodoxes que j’ai virées et tous ceux qui leur ressemblent, éternels dupes enthousiastes de ceux qui nous détruisent. Actuellement, le gouvernement polonais rêvant, dans son infinie stupidité,  de revanche sur les Russes, une partie de sa population, envahie par les réfugiés ukrainiens, fout le camp en Allemagne, car elle n’a pas envie de participer au remake de la guerre de 40 que s’efforce de réaliser l’OTAN en Europe, contre la volonté de la majorité des gens, ou à leur insu. Du coup, on se demande où vont se réfugier les Allemands et Dany affirme qu’il ne restera plus aux Français qu’à se jeter à la mer... Personne ne veut se faire trouer la peau pour la finance mafieuse ni la reconstruction du mythique empire khazar sur les ossements des slaves orientaux. Nulle part. Les Russes qui y vont, et les combattants du Donbass, savent bien qu’ils sont la cible de cette bande de malfaiteurs, et qu’on ne les laissera pas tranquilles jusqu’à la destruction de leur pays façon Lybie, mais les autres, on a beau les affoler de propagande et les confire dans la haine, ils sentent bien qu’on les pousse à l’abattoir, ils renâclent. Ils ne sont pas portés par le genre de motivation qui peut soulever de grands mouvements massifs, à part celle du sauve-qui-peut. Histoire d’utiliser une recette bien éprouvée, on essaie d’officialiser la thèse du « génocide » des Ukrainiens par les Russes, soit l’holodomor, dont ces derniers ont été largement victimes eux-mêmes, car si génocide il y avait, c'était façon Vendée, un génocide de paysans chrétiens et non pas exclusivement "ukrainiens"; mais il vaut mieux ne pas faire remarquer qui étaient les bourreaux des uns et des autres et qui jetait les Russes les uns sur les autres. Tant de perfidie et de vilenie soulève le coeur. Je suis heureuse de me trouver là où les gens qui recourent à de tels procédés ne règnent plus tout à fait, et s’ils parviennent à leurs fins, alors je mourrai avec les Russes, car il n’y aura plus rien d’autre à faire.

En dépit de tout cela, je sors le matin déneiger dans le vent et le silence ouaté, sous des nuages lumineux et irisés, où le soleil transparaît comme un beau secret, ou un souvenir, ou une promesse. 
Ce matin, il était tombé tellement de neige que je ne voyais plus l'escalier. Dégager tout cela m'a pris une heure, et encore n'ai-je pas fignolé. Valérie devait communier, moi aussi, et j'avais proposé d'aller à l'église des quarante Martyrs, mais arriver jusque là par un temps qui frôlait la catastrophe climatique, c'était l'exploit. Je suis restée bloquée deux fois en essayant de me garer, et j'ai été secourue par le gardien géorgien de l'église qui déneigeait, lui aussi. Quand il a su que nous étions françaises, il nous a demandé "un euro en souvenir". Valérie lui en a trouvé un, car moi, je n'en ai plus depuis longtemps. Il s'est enquis de ce qui se passait chez nous, qu'est-ce que c'était que ces hordes qui cassaient tout dans les rues dès que nous avions un match de foot. "Restez ici, nous dit-il, là bas, c'est la pagaille!"
Nous pensions trouver Jason a l'église, mais il avait été moins fou que nous, il n'y était pas. Nous avons vu son père spirituel, le père Jean. Quand il a quitté l'Amérique, son père spirituel de là bas lui a dit de le remplacer par le prêtre le plus gros qu'il pourrait trouver, car il serait sûr qu'il était bon. Et en effet, le père Jean est très réputé avec une communauté soudée, et il est très gros. Sa liturgie est avec office d'intercession intégré, tout le monde chante un psaume avant d'aller baiser la croix. Pour le fervent Jason, c'est parfait, pour moi, c'est un peu trop, j'aime ma cathédrale.
A la sortie, la tempête de neige n'avait pas cessé. Je pensais montrer le lac à mes amies, mais, au son d'un carillon ouaté et intermittent, nous nous sommes retrouvées devant une béante et énorme blancheur, un gouffre sans limites, vaguement phosphorescent, vaguement irisé. 
Je leur ai montré le musée de Pereslavl, et j'ai été une fois de plus ébahie par la beauté et la force spirituelle des icônes qui y sont exposées. Les icônes, dans mon jeune temps, m'ont convertie mieux que n'importe quel texte religieux. Ces icônes du XVI siècle ou plus anciennes, proviennent toutes d'églises de Pereslavl et de la campagne environnante, j'imagine que toute la Russie d'alors était peuplée d'images semblables, et de même que dès l'enfance, les gens étaient imprégnés de musique, de contes, de poésie et d'épopées, ils avaient dès l'enfance, de pareilles visions sous les yeux. On traite Ouspenski d'extrémiste, parfois, mais je voyais la preuve de ses thèses devant moi. Au XVII° siècle, déjà, seulement cent ans plus tard, sous l'influence occidentale introduite par les Ukrainiens, nous n'avons plus que des tableaux religieux anecdotiques et ornementés, au lieu de pures visions pleines de grâce qui nous ouvrent un autre monde, l'au-delà tout à coup très proche, et splendide, captivant. Je regardais une Mère de Dieu à la fois complètement disproportionnée et totalement harmonieuse et je voyais un autre univers où le corps transfiguré n'avait plus de limites et où la couleur devenait profonde, comme le temps qui s'ouvre sous la surface du présent. Le malheur est que même les icônes "canoniques" d'à présent n'ont ni cette force, ni cette transparence, ni cette présence, à part celle de père Grégoire, et de ce même Ouspenski.

2 commentaires:

  1. "la reconstruction du mythique empire khazar"
    Sérieusement qui a dit, écrit, ou laissé entendre, qu'il poursuit un tel projet ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. "Il", je ne sais pas, mais que "on" pense à quelque chose de ce genre, j'inclinerais à y croire pour toutes sortes de raisons.

      Supprimer