samedi 25 mars 2023

Emigration

 


En rentrant des courses, j'ai à nouveau trouvé Alba installé dans la niche que j'avais mise pour Nounours. Alba peut s'y coucher au sec, sur un lit de foin, et il apprécie, tout fond, tout est terriblement humide et boueux, dans la niche, il est à l'abri. Nounours, lui, n'a jamais voulu y aller. Je vois déjà pointer des feuilles de primevères, certaines plantes ne les ont même pas perdues, sous l'épais edredon de la neige. J'éprouve un bonheur particulier à manger les baies que j'avais congelées, et qui me restituent le goût sauvage de l'été dernier, à la veille de l'été suivant...

L'électricien n'en finit pas de refaire mon installation, je refais plus ou moins ce qu'on m'a fait il y a six ans, parce que j'ai la hantise de l'incendie et que dans les maisons en bois, il faut tout mettre sous baguette, pourquoi ne l'ont-ils pas fait alors? Il me parle beaucoup, mais je ne comprends rien, car il avale tous les mots. Il reste convaincu qu'en occident tout est mieux, et qu'ici tout va devenir épouvantable; il a un ami qui est aux Etats-Unis, et lui fait des récits enthousiasmants de sa vie là bas. Cependant, comme il est patriote, il ne s'en ira pas. Il est certain que lorsque je suis partie la première fois, en 94, tout le monde me regardait comme une folle, ici comme en France, et les raisons que j'avais de le faire m'étaient très personnelles. Je me souviens avoir dit à la matouchka communiste du père Valentin, dont la petite-fille, revenue de France avec sa mère, l'avait indignée en déclarant qu'ici tout était moche, que malgré mon choix, je la comprenais! Mais maintenant, les choses ont changé, et les perspectives aussi sont bien différentes. Mon électricien ne voit pas celles de son pays dans le bloc eurasiatique, et ne dépasse pas le mythe occidental dont le monde entier commence à être désabusé, les illusions sont tenaces.

Nous avons souvent des funérailles de soldats, ici, c'est une ville de garnison. Ces disparitions de jeunes gens sont terribles, et j'ai froid dans le dos quand je pense aussi aux conditions de vie des civils du Donbass. Tout ceci aurait déjà pris fin si les malfaiteurs de l'OTAN ne s'en mêlaient pas, mais ce bordel est leur oeuvre depuis le début, qu'ils soient en train de déraper dans leur propre merde ne les rend que plus enragés. J'ai particulièrement apprécié le mandat lancé par le CPI contre Poutine pour "enlèvements d'enfants". Mieux vaudrait en effet les laisser à la merci des bombardements punitifs, comme ils en subissent depuis huit ans, ainsi que des trafiquants d'organes et de chair fraîche pour ogres pervers. Aucun journaliste de service ne s'est jamais préoccupé, par exemple, des orphelins du Donbass emmenés par les Ukrainiens et dont personne n'a plus jamais entendu parler... Que sont-ils devenus? Aucun ne s'est non plus offusqué du discours de Porochenko, au début de cette tragédie, proclamant que "leurs enfants vivraient dans des caves, tandis que les nôtres iraient normalement à l'école". Cela passait crème, aucun CPI ne s'en est mêlé.

Je suis pleine de compassion quand je lis le blog de Panagiotis sur la Grèce, détruite avec la complicité de son gouvernement de larbins plus ou moins mafieux, et que je vois venir le tour de la France, tandis que trop de gens avalent le discours officiel sur l'Ukraine, laboratoire depuis huit ans de ce qui nous attend tous, y compris la Russie, si le cours des événements n'est pas infléchi. Ce qui se passe en ce moment en France paraît surréaliste. Je suis fascinée de voir de braves gens haranguer les "forces de l'ordre", qui sont plutôt les serviteurs du chaos, en espérant éveiller de la solidarité chez des sbires qui n'ont rien de commun avec le peuple qu'ils répriment et qu'on a sélectionné pour leur brutalité obtuse. Une amie me disait au téléphone que la lecture du Maître et Marguerite était l'antidote jubilatoire à la dépression ambiante, parce que Boulgakov s'était évadé dans ce livre des horreurs de la vie soviétique où il baignait, et en effet, je l'ai lu et relu moi-même pour les mêmes raisons; car pour moi, le ver était dans le fruit de la France, dès les années 70 (et même bien avant...). Les bandes dessinées de Lauzier donnaient une très exacte description des milieux pré-bobos, de leur malveillance, de leur vilenie, de leur vanité, de leur mesquinerie rageuse, et ce sont ceux-là qui sont au pouvoir à présent, après avoir opéré, depuis deux générations, la séléction rigoureuse de leurs semblables, ne laissant pas arriver ceux qui pouvaient leur porter la contradiction ou leur faire de l'ombre. La fac de Vincennes dans les années 70 était une enclave totalitaire de stupidité déchaînée et de laideur crasseuse qui me donnait une vision glaçante de la période bolchevique passée et du hideux délire woke à venir. Cinquante ans plus tard, les ravages opérés sur la société française sont encore pires que ce que je pouvais craindre. J'avais bien raison de détester ces créatures des ténèbres, j'avais bien compris à qui nous avions affaire. D'ailleurs, dès que j'ai vu Macron, j'ai su qu'il nous apportait la mort. Je ne comprends même pas comment on peut accorder le moindre crédit à ce traître de mélodrame. Je suis persuadée que les paysans d'autrefois, comme mon beau-père, auraient tout de suite flairé le malfaiteur fini, pour faire confiance à Macron et à ses semblables, il faut être dégénéré, décervelé et n'avoir plus aucun discernement. Il est vrai que c'est ce qui arrive aux pauvres êtres qui n'ont plus ni racines, ni foi, ni culture. Et tout a été organisé en ce sens depuis des décennies... Il paraît que le niveau d'ignorance et celui de l'indigence de la langue sont descendus largement au dessous de la cote d'alerte.

En réalité, une société saine aurait explusé ces agents pathogènes spontanément, ils n'auraient eu sur elle aucune prise. J'ai bien peur que le peuple français ne se soit jamais remis d'abord de la Vendée, ensuite de la guerre de 14, ainsi que de la sécularisation forcenée qu'on lui a fait subir.

Beaucoup de gens me posent des questions sur l'émigration en Russie. Je propose deux sites qui se sont fait de ce thème une spécialité, un site américain, avec le père Gleason, qui a fait venir 40 familles de compatriotes orthodoxes, et celui d'Alexandre Latsa, Français russifié, qui connaît le problème:

 http://expatrussia.org/

https://atsal.com/ruspatriation/   

Il est bien connu que les Français n'émigrent pas facilement, qu'ils en viennent à y penser est significatif. Même moi qui étais tellement fascinée par la Russie, je n'ai envisagé de le faire qu'après la perestroïka, et de façon définitive pour deux raisons, l'orthodoxie et le conflit que je sentais venir, que je voyais ourdir, depuis pratiquement trois décennies. Et puis, même si, comme disait la petite-fille de la matouchka, la Russie était beaucoup plus moche, beaucoup plus détruite, j'avais justement l'impression qu'elle ne me mentait pas, qu'elle me renvoyait sans fioritures la vérité du monde qu'avaient enfanté le progressisme et le matérialisme partis d'occident pour infecter le reste du monde.

Un ami m'écrit qu'il ne pourrait exister sans sa terre, ce que je comprends, le problème est que ce lien est rompu pour beaucoup de nos contemporains. J'ai moi-même le sentiment que si j'avais suivi les conseils de mon beau-père et que j'étais devenue bergère en Haute Ardèche, je ne serais jamais partie. Et même je ne suis pas sûre que j'aurais trouvé les forces de le faire si j'avais, contre l'avis de ma soeur, acheté la petite maison dont le jardin et la terrasse ornée d'une glycine m'avaient tellement séduite, à Saint-Laurent-la-Vernède. Le lien à la terre existe, il est atavique, j'ai des fantasmes de coquelicots sous le mistral, j'ai souvent la larme à l'oeil en voyant les photos de Suze-la-Rousse postées par une Russe venue y rejoindre son mari français. Cependant, quand j'étais en France, j'avais aussi des flashes du jardin de ma datcha, et maintenant, j'aurais le plus grand mal à m'arracher à mon lopin, où j'ai déployé de grands efforts de créativité avec un amour attentif...

Une saine lecture: https://www.profession-gendarme.com/les-facheux-et-leurs-laquais/

7 commentaires:

  1. Mille mercis car ce texte est saisissant de vérité, de réalité. Lau

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  2. Oubli: j'aimerais bien m'installer en Russie mais celà me parait tres difficile, aux vues des tribulations que vous avez subies lors de votre installation là-bas, qu'en pensez-vous? Lau.

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    1. C'est compliqué mais c'est faisable, et apparemment, ils sont disposés à faciliter les choses. Alexandre Latsa propose d'aider les candidats.

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  3. La vraie terre n'est-elle pas celle de l'enfance ? Moi qui suis un immobile au physique (mais un forcené du mouvement dans ma tête), j'ai été surpris, à 42 ans, par la facilité avec laquelle j'ai tout quitté pour m'établir de l'autre côté de l'océan, chose dont je n'avais jamais rêvé (je rêvais parfois d'Italie, de Portugal, à cause du soleil). Je n'y suis resté que 6 ans avant de décider de revenir vivre juste à côté de ma commune de naissance. Je n'ai de nostalgie que de mon enfance, du temps jadis et de personnes mortes. Je suis hermétique à la notion de patrie au sens de la nation, et hostile aux drapeaux. Ma patrie, c'est en réalité le paysage de mon enfance, tel qu'il était, est resté par endroits, et aussi le paysage mental de mon enfance. Bruxelles peut cramer, j'en ai rien à foutre. Plus jeune, je partirai.

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    1. Oui, d'une certaine façon moi aussi, je suis nostalgique de mon passé et des gens que j'ai perdus, quand je vais en France, je ne reconnais pas le pays que j'ai connu. Mon père spitituel me dit que nous sommes des exilés dans le temps.

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  4. Je viens de découvrir votre blog et ce post via le dernier numéro de l'Antipresse. Je ressens aussi ce tiraillement qui me pousserait vers la Russie pour des raisons spirituelles (foi en Christ et execration de ce wokisme/lgbtisme qui envahit tout ici et surtout les boîtes crânienne vides depuis longtemps.) Mais il y a quelques années j'ai fait le choix justement de me reconnecter à la terre en achetant une maison avec jardin au fond de cette si belle Ardèche (à Montpezat si vous connaissez). Cela m'apporte de la sérénité car ici chez la plupart des habitants du terroir on n'entend pas parler de ces déviances et on peut encore vivre au rythme de la terre et des saisons avec assez peu. Du coup, je crois bien que c'est ma terre d'émigration à moi, même si la Russie aurait été beaucoup plus sûre.
    Désormais je vous suivrai, il est bon de lire plus souvent des réflexions émanant d'esprits sains.
    Bien à vous.
    Fabien

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    1. J'en discutais hier avec un émigré et une candidate à l'émigration, votre choix est l'autre option, il est possible que si j'avais acheté la maison qui me plaisait, à Saint-Laurent-la-Vernède, avec tout petit jardin lumineux, terrasse, glycine, je n'aurais pas trouvé la force de partir!

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